Interview : Matthieu Toulza

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Matthieu Toulza en septembre 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Matthieu Toulza : Très bien et toi ?

Les Secrets du Kayak : Moi ça va toujours. Aujourd’hui est un podcast un peu particulier puisqu’on va parler de préférence motrice. Pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Matthieu Toulza : Avec plaisir, je suis podologue du sport sur la région parisienne, j’ai 42 ans, ancien champion sportif dans le karaté il y a une vingtaine d’années.

Je suis formé aux préférences motrices depuis six ans. Ce qui occupe une grande partie de ma pratique tant sur la prophylaxie, sur le traitement des blessures en cabinet, que sur la prévention au travail avec des préparateurs physiques ou des coachs divers et variés avec lesquels je peux travailler.

Les Secrets du Kayak : Comment en es-tu venu à t’intéresser aux préférences motrices ?

Matthieu Toulza : C’est récent, j’ai commencé à me former en 2015 par le biais d’une association de podologues du sport à laquelle j’appartiens.

Un week-end de formation, on a été amené à parler de la chaîne musculaire et on a commencé à me parler des préférences motrices. C’était fascinant, ça a bousculé tout mes acquis trop accès sur la biomécanique pure.

Le coté cognitif, cérébral était très peu envisagé. Il n’y avait pas d’individualisation. Et là je me rend compte que l’humain a chacun une manière préférentielle d’utiliser ses bras et ses jambes.

Dans ma pratique du sport de haut niveau il y a 20-25 ans, on n’en parlait pas. On voyait que même si tu répétais des mouvements, pour être efficace ce n’était pas forcément ces mouvements que tu travailles le plus qui ressortent, mais c’est souvent des mouvements que tu as peu travaillé, ou que tu as travaillé d’une certaine manière et qui en fait sortent d’une manière différente, beaucoup plus fluide et facile.

Donc quand j’ai découvert ce domaine d’expertise ça a fait sens. Ça a répondu à plein de mes questions. Tout comme j’avais acheté les livres de Bruce LEE, qui ne parlaient pas à l’époque de préférence motrice, mais qui quelque part avait compris le concept.

C’est à dire qu’il faut tout essayer, que tu vas voir qu’il y a des choses qui te conviennent, donc tu gardes ce qui te convient et tu rejettes ce qui ne te convient pas. Ne te formate pas à ce qu’on t’enseigne.

Et en fait c’est ça les préférences motrices, il faut tester voir comment tu te sens dans le mouvement, et ensuite tu te rends compte que les choses se mettent en place toutes seules quand tu as trouvé ta manière à toi de bouger.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ça signifie qu’il n’y a pas une seule et unique bonne technique ?

Matthieu Toulza : C’est exactement ça. Tu peux être bon, être sur un continuum des extrêmes, et tu peux être bon quelque soit ta manière de bouger.

La seule différence c’est qu’il faut être capable de tenir compte du contexte, parce que c ‘est dépendant de l’environnement dans lequel tu évolues. Du coup il faut adapter ta manière de bouger à l’environnement qui est le tient si cela est possible.

Parfois ce n’est pas possible donc tu vas devoir performer différemment. Pour te permettre de progresser, il faut amener ta motricité dans cet environnement qui est bien donné.

Il n’y a pas une meilleure motricité plutôt qu’une autre, c’est comme être droitier ou gaucher, ça n’empêche pas d’écrire ou de conduire. On peut être bon peu importe sa préférence, il n’y a pas de limite.

Les Secrets du Kayak : Que signifie la motricité ?

Matthieu Toulza : C’est une manière de bouger, c’est le mouvement par sa biomécanique, c’est l’étude du fonctionnement des structures du vivant. Comment ça bouge.

Donc c’est une manière qu’on a de bouger. On peut bouger de façon complètement différente et opposée.

Dans les préférences motrices on constate qu’il y a deux grands opposés les terriens ou les marches par le bas contre les aériens ou les marches par le haut. Il n’y a pas que deux motricités mais deux extrêmes.

Pour bouger par définition on crée un déséquilibre, le cerveau a une manière préférentielle pour le corriger. Si on est sur l’avant on est aérien, on utilise des chaînes musculaires plutôt postérieures, qui tapissent le dos la partie postérieure du corps pour équilibrer l’espace avant.

Alors qu’un terrien c’est quelqu’un qui va plutôt s’équilibrer sur l’espace arrière qui va produire davantage de flexion, en utilisant ses chaînes musculaires antérieures.

L’aérien bouge plutôt les épaules, le terrien bouge plutôt le bassin et les jambes. Après il y a une pluralité de profils qui vont nourrir ces deux pôles de terrien ou d’aérien.

Les Secrets du Kayak : Donc si on est terrien, on est très mauvais au saut en hauteur ?

Matthieu Toulza : En fait être bon soit en terrien ou en aérien vient de la manière dont tu vas impulser ton mouvement.

Si on prend l’exemple du saut en longueur, Jonathan Edwards le recordman du monde, sa manière d’impulser son saut, il le fait comme un aérien.

Si tu prends Zango, recordman indoor du triple saut, c’est un terrien, il va exercer une force vers l’avant donc plus horizontale que verticale.

Les deux vont très loin, sauf que la manière d’enclencher, le mouvement de l’impulsion est différent. Donc il y a des prérequis structurels et biomécaniques, musculaires à respecter pour pouvoir exprimer ta motricité.

Les Secrets du Kayak : Ce sont des choses naturelles, ou bien faut-il les forcer ? Toi qui avait fait mon analyse à l’époque, si je suis aérien ai-je intérêt à essayer de travailler uniquement sous un angle aérien en délaissant mon côté terrien peu exprimé ?

Matthieu Toulza : Il faut toujours connaître le contexte, l’environnement. Est-ce que dans la discipline que tu veux exercer cela nécessite de maîtriser ton opposé ? As-tu besoin d’être terrien à un moment donné ou à un autre dans la pratique de ton sport ?

Si on reprend l’exemple du saut en longueur, la réponse est non. Rien ne t’y contraint. Tu peux travailler que de l’aérien. Certes il faut en faire un peu de temps en temps pour reposer ta force.

Du coup la vraie question c’est « est-ce que mon contexte m’oblige à être pluriel dans ma manière de bouger, ou bien puis-je exprimer que ma préférence ? »

Si tu prends un sport de combat il faudra être beaucoup plus adaptatif. L’environnement c’est l’adversaire qui va t’emmener dans des zones dans lesquelles tu ne seras pas forcément à l’aise, mais tu n’as pas le choix. Il te faut t’adapter.

Il faut essayer donc de travailler la pluralité de ta motricité de manière à fournir une réponse plus adaptée à la contrainte qui t’est soumise.

Les Secrets du Kayak : Dans mon domaine de la musculation j’ai tendance à penser que on a plus intérêt à mettre l’emphase sur ses points forts que sur ses points faibles, parce qu’on a beaucoup plus de potentiel et qu’on prend beaucoup plus de plaisir à travailler ses points forts. Dans ce que tu dis, en fonction du contexte, on peut avoir un intérêt de travailler la partie terrienne qu’on a moins, pour être certainement plus complet, mais est-ce qu’on a autant de marge de progression dans cette partie terrienne , n’y a-t-il pas un sentiment de malaise quand on se retrouve en terrien ?

Matthieu Toulza : La réponse est totalement individuelle. On peut avoir des profils extrêmement marqués, et souvent ce sont des gens qui ont du mal à aller chercher leur opposé. Donc il faut les emmener petit à petit à le travailler.

Certains vont être très malléables, super performant quelque soit sa manière d’enclencher le mouvement. A l’inverse tu vas avoir des profils très marqués, ce qu’on appelle des profils adaptés, mais qui sont très peu adaptables.

Et là tu as d’autres paramètres qui interviennent avec les préférences motrices, ton vécu, ton histoire, tes blessures, ta morpho-anatomie, ce qui fait ton entité, ta personne.

Et tu as enfin tes préférences cognitives qui vont aussi impacter ta façon de bouger.

On n'a pas de réponse préconçue, cela dépend des personnes. A force de travail spécifique, il est possible d’aller chercher ton opposé, tu vas l’améliorer. Mais je te rejoins, la différence se fera avec tes points forts, pas avec tes points faibles.

Si tu reprends l’exemple de l’UTMB la course du Mont Blanc, tu as de la montée et de la descente. Si tu es aérien, tu es plus à l’aise en penchant ton corps vers l’avant. Mais quand tu montes une montagne, il faut la redescendre et donc là tout le monde est terrien, tu te mets sur l’arrière pour ne pas tomber vers l’avant.

L’environnement t’y contraint. Ça va demander une dépense énergétique, neuromusculaire accrue, versus un individu qui lui serait terrien et qui a plus de faciliter pour descendre. Alors que l’aérien est plus à l’aise pour monter.

Cet exemple est une caricature pour montrer la différence selon le contexte.

-8fe2-4a2b-9891-94ded9b196ca.jpg

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’on peut définir de manière non-exhaustive les différentes préférences ?

Matthieu Toulza : En gros, le cerveau doit gérer le mouvement. Si tu veux interagir avec ton environnement, tu vas avoir besoin de bouger. Bouger suppose de créer un déséquilibre.

Soit le cerveau préfère le faire dans l’espace avant, en avant de lui et utiliser sa chaîne musculaire postérieure pour s’équilibrer dans cet espace avant.

Il est aérien parce qu’il déclenche le mouvement en se laissant tomber vers l’avant et présente donc une certaine rigidité par rapport à un individu de type terrien.

Alors que le terrien c’est quelqu’un qui va s’équilibrer sur son espace arrière. Il va laisser tomber ses masses sur l’arrière et c’est le bassin et les jambes qui vont avancer en premier. Il va utiliser ses chaînes musculaires antérieure. Et il y a plus de composantes de flexion au niveau de la cheville, le genou ou la hanche.

Le terrien est plutôt en rase-mottes, qu’un aérien qui exprime une force plus verticale que le terrien qui exprime une force plus orientée vers l’avant donc horizontale.

Être droitier ou gaucher est quelque part une préférence motrice. Si on regarde l’histoire du vivant, la main aujourd’hui pour nous individus bipèdes alors qu’à l’origine nous étions quadrupèdes, le côté droit ou gauche permettait de lutter avant tout contre la gravité. Maintenant que nous sommes bipèdes, la main est libérée pour s’en servir debout, donc elle permet d’interagir avec notre environnement.

La main a souvent un lien avec la zone du cerveau du langage cérébral. C’est aussi ce qui permet à l’individu dans sa période préhistorique d’indiquer la direction dans laquelle il voulait aller, vers l’avant, le futur, le passé.

C’était aussi un moyen avant l’apparition du langage, de retranscrire des informations via les dessins dans les parois, on constate qu’il y avait déjà des droitiers ou des gauchers. La main est devenue une préférence motrice d’expression.

L’œil moteur, on part du principe qu’il existe des cellules baronnets qui tapissent ton œil, qui permettent de capter le mouvement. Ça ne permet pas d’avoir une netteté visuelle.

Donc on a un œil qui capte le mouvement mais plus rapidement. Plus vite on le capte, plus vite on s’adapte pour réagir en conséquence. Un œil moteur est annexé à un profil moteur. C’est à dire que si on masque ton œil moteur tu vas devoir regarder ton environnement avec ton autre œil. Sauf que quand tu changes l’œil moteur, tu inverses tout ton profil. C’est un hémisphère cérébral qui travaille, grâce à des schémas nerveux qui s’entrecroisent, ça abouti à des hémisphères cérébraux opposés.

Il y a d’autres préférences.

Il y a des individus verticaux et d’autres qui sont horizontaux. Les verticaux sont des gens qui aiment se positionner dans l’axe de leur corps par rapport à ceux avec quoi ils interagissent.

Les horizontaux au contraire vont avoir tendance à agir et à se décaler par rapport à ce avec quoi ils interagissent. Par exemple avec le kayak, quand tu tiens ta pagaie, un horizontal aura d'avantage d’équilibre pour mieux coordonner le geste, on regardera la largeur de ses bras pour mieux tenir sa pagaie.

En revanche un vertical, pour un individu de la même longueur de bras, on va certainement lui demander de rapprocher un peu plus ses bras l’un de l’autre pour qu’il se rapproche de l’axe de son corps, pour qu’il se coordonne mieux.

Il existe aussi les chaînes d’inspire et les chaînes d’expire. Quand on a besoin d’être coordonné sur sa pleine puissance, certains vont être meilleurs en chaîne d’inspiration et d’autre seront meilleurs en chaîne d’expiration.

Au niveau visuel c’est indexé à des gens qui préfèrent parfois voir l’environnement de façon globale ou périphérique, c’est à dire qu’ils ne fixent rien et qu’ils balayent sur la largeur leur environnement.

D’autres ont une vision focale, ils aiment fixer un point fixe pour pouvoir percevoir l’information.

Les deux sont efficaces, il faut savoir ce qu’il convient le mieux pour toi.

Il n’y a que la verticalité et l’horizontalité et ce qu’on appelle les individus associés et dissociés qui eux ne sont pas impactés par les versants moteurs.

Associés dissociés quand on a besoin de bouger, dans le kayak ça peut faire sens ! Tu vas avoir besoin de pagayer donc de pousser avec tes bras. Certains vont le faire plus facilement en dissociant la ligne d’épaule par rapport au bassin, ce sont des chaînes musculaires qui se croisent.

Ils sont dissociés parce que ça se joue au niveau de l’articulaire de la huitième dorsale. Ils dissocient les épaules du bassin sans problème. Ça leur donne de la puissance. A l’inverse, tu as des individus dit associés qui bougent un peu la ligne d’épaule par rapport au bassin.

En revanche l’amplitude est moindre à la fois parce que, structurellement parlant, ils ne sont pas fait pour fonctionner comme ça, et aussi parce que les chaînes musculaires qui s’expriment le mieux ne leur permettent pas de se dissocier facilement. Du coup leur point mobile se fait au niveau de la cinquième lombaire. Ceux là seront beaucoup plus frontaux ou associés dans le plan frontal, que les dissociés.

Les Secrets du Kayak : En fonction d’être associé ou dissocié, ne sommes nous pas prédisposé à un risque différent de blessure en kayak ?

Matthieu Toulza : L’associé par son profil musculaire, a besoin que sa vertèbre L5 soit mobile.

Donc s’il veut bouger que le haut de son corps, il bouge sa L5 qui est rattaché à son bassin, et tout le reste de son rachis, sauf que les chaînes musculaires avec lesquelles il fonctionne ne sont pas celles-ci, donc il va forcer sur sa cinquième lombaire avec un risque potentiel de blessure.

Tout comme en PPG avec le twist abdominal par exemple. Il y a un risque lésionnel.

Donc les préférence motrices c’est une manière qu’on a de bouger au moment de se mettre en action. Ce mouvement est couplé à plein de paramètres.

Il y a ce qu’on appelle les réflexes primitifs, ce sont des petits réflexes qui se mettent en place à la naissance pour le nouveau né, qui se situent au plus profond de notre système cérébral, qui lui permettent d’interagir immédiatement avec son environnement, pour subvenir à ses besoins primaires.

Si ce n’est pas le cas, qu’ils ne s’expriment pas, ils vont perturber le fonctionnement des motricités.

C’est ce qui fait que parfois tu ne pourras pas exprimer ta préférence motrice parce que ton réflexe de survie t’y oppose. On appelle ça le réflexe archaïque.

Tu as également les motivations profondes, c’est une manière qu’on a préférentiellement de se mettre en action. C’est un peu comme un starter, une bougie d’allumage, tu es plus ou moins motivé à l’idée de bouger d’une certaine manière.

Ces motivations profondes ont un réel impact sur l’expression de ton tonus postural, qui va dynamiser ou éteindre ton profil. C’est complexe à expliquer en quelques minutes.

Une motivation profonde pour simplifier, c’est quelqu’un lorsqu’il se met en action peu importe la raison, c’est quelque chose qui va te dynamiser par la manière dont tu vas percevoir ton environnement.

On dit qu’il y a cinq grandes motivations profondes. Tu as des gens qui ont besoin de comprendre leur environnement avant de se mettre en action, d’autres de le ressentir. On dit qu’ils sont dans l’ancrage.

Si tu ne nourris pas ta motivation profonde, tu seras éteint au moment d’exprimer le mouvement. Si tu ne le fait pas tu ressens une frustration qui génère un surplus d’énergie alors que si tu le fais en adéquation avec ta motivation c’est plus efficient.

Donc nous on appelle ça le ressenti au niveau des tripes. Ces personnes ne peuvent pas exprimer le pourquoi du comment, mais elles ressentent cette chose avec appétence. Et lorsqu’elles vont se mettre en action pour réaliser la consigne demandée, ça sera en harmonie pour elle puisque ce pourquoi elles bougent aura nourri leur motivation. Ça les dynamise dans leur performance.

Les autres motivations profondes sont :

- comment j’aime percevoir le monde, le comprendre ou le ressentir.

- comment je vais dispenser mon action. Est-ce que je la projette vers de la compétition ? Est-ce que je vais dispenser et diffuser mon action dans un projet sur du long terme.

- j’aime me mettre en mouvement mais avec de l’échange avec des partenaires ou autres.

Donc tu en as une pour percevoir le monde, une autre qui va s’y associer pour dispenser ton action.

Après ça tu as les préférences motrices qui entrent en ligne de compte. Ça s’associera sur la morpho-anatomie, avec des réflexes archaïques, et l’histoire de la personne.

Et on a encore plein d’autres choses à découvrir.

Les Secrets du Kayak : En tant qu’inspirateur, j’active tout ce qu’il faut d’un point de vue physique. Est-ce que si je nourris ma motivation profonde qui est le besoin de comprendre, est-ce que ça active aussi toutes ces préférences motrices physiques ? Ou est-ce dissocié et finalement je dois travailler les deux ?

Matthieu Toulza : Ça dépend comment c’est entremêlé. Aujourd’hui il n’y a pas d’études scientifiques validées sur le lien entre les motivations profondes et les préférences motrices.

On passe plutôt sur de l’empirisme. On voit qu’il y a des choses qui fonctionnent mais on ne peut pas faire de généralités.

Si ta motivation profonde et tes préférences motrices sont en adéquation tu vas naturellement aller vers ce qui est bon pour toi. En revanche, si ta motivation profonde est nourrie mais que ton système nerveux est fatigué, tu vas peut être devoir aller chercher ton opposé, ce qu’on appelle la petite boucle, mais ça restera moins performant.

Les motivations profondes sont stables dans le temps, c’est un constat fait par Ralph Hippolyte. En revanche les préférences motrices peuvent être changeantes car elles dépendent de la personne, de son état de fatigue etc.

Donc naturellement j’ai tendance à te dire oui, mais je n’ai pas de réponse scientifique à t’apporter.

Les Secrets du Kayak : Dans les préférences motrices, on voit des lettres pour déterminer des profils. A quoi ça correspond ?

Matthieu Toulza : Les préférences motrices ont été initiées en Europe avec Ralph Hippolyte, Bertrand Téraulaz entraîneurs de volley des années 90. Ils sont les créateurs d’une approche Action Types.

Ils ont fait des parallèles en regroupant des études basées sur les neurosciences pour déterminer un lien entre notre manière de bouger et la manière qu’on a de percevoir le monde. Ce qu’on appelle les préférences cognitives.

Ils ont basé ça sur un système le MBTI, lui même issue d’études sur les types psychologiques déterminés par Carl Gustav Jung. Dans les années 1950-1960 le système MBTI vient de deux femmes qui ont travaillées sur la base de Carl Gustav Jung., et qui ont développées un système de casting psychologique regroupant quatre lettres pour détacher 16 profils cognitifs de base.

La première lettre te donne l’indication de ta manière de prendre l’énergie lors de l’action, introverti/extraverti.

La deuxième lettre traduit la manière que tu as de percevoir le monde, si tu es plutôt un sensing donc plutôt terrien, versus N pour intuition donc plutôt aérien.

La troisième lettre traduit la manière dont tu as pour te décider avec un T pour thinking ou avec un F pour feeling via l’affect et l’émotion.

La dernière lettre c’est soit P ou J pour déterminer lequel des deux hémisphères de ton cerveau va traiter l’information, est-ce plutôt le rationnel soit l'hémisphère gauche avec un œil moteur droit ou bien est-ce un irrationnel soit l’hémisphère droit avec un œil moteur gauche.

Ça permet de délivrer tout un profil. Ces seize profils de bases s’associent aux motivations profondes qui impactent l’expression des profils cognitifs, pour donner 192 profils cognitifs différents.

Si tu vas dans le physique c’est infini. L’intérêt c’est de comprendre comment fonctionnent tes partenaires pour communiquer et donc s’entendre. L’humain lorsqu’il est confronter à un avis divergent rejettent la chose, on va moins naturellement vers la personne qui ne nous ressemble pas.

Le fait de savoir comment fonctionne la personne, quant tu vas lui parler tu as tout intérêt à essayer de lui diffuser l’information telle qu’elle la perçoit, pour qu’elle puisse mieux te comprendre.

Si je ne fait pas ça, pour cette personne et pour son cerveau, mon discours ou mon information ne lui ai pas évidente à comprendre parce que son fonctionnement cognitif préférentiel n’est pas enclenché.

Donc au kayak en K4 si tu n’as pas envie de te disputer avec tes partenaires, tu as tout intérêt à connaître leur profil cognitif, afin d’être performant au moment de pagayer, ou de vous entraîner.

Les Secrets du Kayak : Je me rends compte que c’est un sujet super vaste, que c’est hyper compliqué de tout débroussailler. Est-ce que tout cela ne se fait pas naturellement ? On dit souvent que qui se ressemble s’assemble.

Matthieu Toulza : Dans l’idée d’être plutôt vertical qu’horizontal , il faut tester. Deux cas de figure, tu as soit un coach qui a eu l’habitude de faire du kayak d’une certaine manière, ça a marché pour lui, soit il n’a pas fait beaucoup de kayak mais on lui a enseigné comme ça.

Du coup il va te demander de faire comme on lui a appris parce que la théorie fait que les meilleurs mondiaux font comme ça. Si tu as de la chance et que ta manière de bouger est proche de ce qu’il te propose de faire, tu as de fortes chances pour que ça marche.

En revanche si le coach te dit fais comme si et que ta motricité n’est pas celle-ci, tu vas quand même réussir à faire ce qu’il de demande de faire, mais c’est moins naturel pour toi, et tu n’auras pas une motivation au top parce que c’est une vraie contrainte, tu ressens une fatigue neuromusculaire et cognitive.

Tu vas avoir tendance à t’essouffler, à te blesser. Et surtout tu ne vas pas performer comme tu le devrais. Donc si tu n’as pas le coach tu vas regarder ce que font les meilleurs et tu essaies de t’en inspirer.

Pour l’idée de se rassembler naturellement vers des personnes qui nous ressemblent ou pas, ça dépend des individus. Naturellement quand tu arrives dans une salle où tu ne connais personne, à moins d’être super extraverti tu vas peut être parler un peu avec tout le monde.

Mais c’est vrai qu’en général tu te rapproches de gens avec qui tu as l’impression que ça matche bien. Ça peut faire sens pour rentrer dans un groupe. Maintenant pour vivre dans un groupe pluriel où il y a plein de profils, il va falloir apprendre à comprendre comment les autres fonctionnent pour t’intégrer.

Sinon le risque c’est que tu risques d’être rejeté. Il va te falloir modifier un peu ta façon de faire pour comprendre comment ils fonctionnent.

Si tu montes une entreprise, la question c’est est-ce que tu recrutes que des gens comme toi ? Donc tu vas avoir une armée de NPP, c’est ni bien ni mal. Ou bien est-ce que tu veux recruter de temps en temps des gens qui ont un profil opposé au tien ? Ce qui va apporter une nuance à ce que tu fais toi, et proposer d’autres choses dans la construction de l’entreprise.

Tu peux réussir dans les deux choix. Maintenant dans le sport de haut niveau, ne prendre que des terriens ou que des aériens, je pense que ça peut être dangereux. Comme tu as besoin d’être adaptable dans certains sports, certaines actions demandées ne seront pas naturelles ce qui impactera la performance.

Les Secrets du Kayak : Quelle est la part des préférences motrices et la part de l’habitude dans un mouvement ? Est-ce que les habitudes ne biaisent pas les préférences motrices, mais est-ce que les habitudes ne sont pas nos préférences naturelles ?

Matthieu Toulza : Je n’ai pas la réponse absolue mais j’aurais tendance à dire que ce qu’on va appeler être une habitude résulte d’une part de ton éducation, par de la rigueur par exemple dans l’apprentissage.

Donc moi je ne pourrais pas faire la différence de la part quant à ton caractère naturel ou une habitude enseignée par tes parents.

Les préférences motrices se testent, il existe entre 200-300 tests qui permettent d’identifier cela. Le testing moteur me donnera la vérité parce que c’est ancré en toi.

Des fois une habitude peut être une préférence et des fois non.

Le deuxième élément sera l’observable. Chez quelqu’un de très structuré, je vais regarder comment c’est chez toi, je vais chercher à comprendre ton environnement de vie, discuter avec toi, ça va me donner des informations pour distinguer ce qui est une habitude et ce qui est plus naturel pour toi.

Et il y a la part de ton histoire de vie, avec le temps je pense que les gens ont tendance à devenir moins adaptables et par la force des choses deviennent plus organisationnel. Donc c‘est un mélange entre ce que tu es, ce que tu as vécu et ce que l’environnement te demande de faire.

Les Secrets du Kayak : Moi j’ai connu les préférences motrices avec Volodalen, puis j’ai lu “A chacun son cerveau”, chacun sa réussite, puis Action Types, avec la partie plus psychologique. Toi qui a fait les deux formations, existe-t-il des similitudes entre les deux, des choses qui sont opposées ou ça se complète parfaitement ?

Matthieu Toulza : Il y a des similitudes. Pour faire simple ce n’est pas strictement identique. Toutes les grandes composantes citées précédemment sont assez proches.

Cependant il y a des nuances dans la manière d’appliquer les consignes, dans la manière de percevoir l’équilibre. Il y a des divergences sur certains points tout de même. Ils ne développent pas forcément dans le détails les mêmes aspects.

Ce n’est ni bien ni mal, je ne les opposeraient pas parce que pour ma pratique personnelle les deux m’ont énormément apportés. Il y a des nuances. Ça se teste. Au cabinet, ça m’arrive de faire un coup un testing Volo, puis pour un autre patient un testing Action Types. Parfois j’adapte un testing parce que ça ne marche pas pour moi. A 80 % ils se ressemblent. De mon point de vue il faut les additionner et c’est ce qui fait sens.

Les Secrets du Kayak : Quelle est selon toi la meilleure porte d’entrée pour une personne novice voulant faire son apprentissage sur les préférences motrices ?

Matthieu Toulza : On a différentes façons de percevoir le monde. J’ai essayé dans mes réponses de te donner un peu de côté terrien et d’aérien, pour que ça parle au plus grand nombre.

Il y a des personnes qui vont avoir besoin de tester. Ces personnes pourraient être intéressées d’aller en cabinet pour voir concrètement ce que ça donne.

D’autres avant de tester vont avoir besoin de prendre des informations, ils vont lire. Donc je conseillerais soit de tester en cabinet, soit de regarder des conférences. Il y a tout de même beaucoup de précautions à prendre dans le testing, et essayer de trouver l’information seul risque de devenir contradictoire.

Tu peux lire les ouvrages déjà cités, mais aussi celui de Frederic Marquet, premier formateur Action Types, il s’attarde énormément sur le côté cognitif et un peu moins sur le moteur parce que ce n’est pas son métier.

Tu peux regarder les conférences de Cyril Gindre.

Pour ma part moi je suis sur Paris, pour tout ce qui est personne formée ActionTypes, formée Volodalen tu peux aller directement sur le site et trouver la base des praticiens. Il en existe dans beaucoup de corps de métiers, ça se développe de plus en plus.

On a bien creusé le sujet mais ça reste qu’une introduction en la matière et j’invite les gens à creuser si ça les intéresse.

Vous pouvez retrouver Matthieu Toulza sur son compte Linkedin.

Précédent
Précédent

Interview : Olivier Boivin

Suivant
Suivant

Interview : Eddie Potdevin