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Interview de Bram Sikkens

Dans cet épisode des Secrets du Kayak, Bram Sikkens nous raconte sa carrière de sportif de haut-niveau. Il nous explique comment se vit le kayak en Belgique.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Bram Sikkens en novembre 2023.

Les Secrets du Kayak : Salut Bram, tu as la forme ? Tu arrives à t'entraîner en kayak en ce moment avec cette météo apocalyptique ?

Bram Sikkens : Oui, en Belgique je peux y aller tous les jours. La météo n'est pas idéale, mais on arrive à y aller chaque jour. On fait également du cyclisme, de la musculation (gym) ou d'autres choses. Mais dans quelques jours on part en stage en Turquie, le temps y sera meilleur.

Les Secrets du Kayak : Effectivement, la Turquie est une destination populaire pour les kayakistes. Tu y es déjà allé ?

Bram Sikkens : Oui, ça fait 3-4 ans qu'on y va. Nous sommes les premiers à y être allé, on a un peu lancé la mode. On s’entraîne sur une petite rivière avec peu de courant. L'hôtel et les infrastructures sportives y sont sympa. Il y a même déjà des bateaux sur place.

Les Secrets du Kayak : Tu pars combien de temps en Turquie ?

Bram Sikkens : Une semaine seulement. On y va avec le comité olympique belge, pour la cohésion des différentes équipes belges.

Les Secrets du Kayak : J'ai vu que tu es déjà qualifié en K2 pour les Jeux de Paris ? Est-ce que pour toi c'est une surprise d'avoir réussi ?

Bram Sikkens : Non, je n'ai pas réussi ! J'étais douzième. Je dois faire les rattrapages. C'est Arthur qui a réussi en K1, il a fini sixième. Les filles elles sont quatrièmes. Je suis le seul à aller aux rattrapages.

Les Secrets du Kayak : Tu es encore jeune, tu as de bonnes chances de te qualifier ?

Bram Sikkens : Je n'en suis pas certain. Arthur ne peux pas faire le K2 avec moi puisqu'il est qualifié en K1, je dois donc trouver un nouvel équipier. Avec Arthur on se connaît depuis toujours, on a toujours navigué ensemble. Donc ça va être un peu difficile d'apprendre en aussi peu de temps à pagayer avec quelqu'un d'autre.

Les Secrets du Kayak : Tu as commencé très jeune le Kayak ?

Bram Sikkens : Oui j'ai commencé à l'âge de 8 ans, à Malines dans mon club. C'est un club de course en ligne et de descente. Ma première course était en course en ligne, je n'y ai pas brillé. Je n'étais pas prédestiné à être un athlète de haut niveau.

L'hiver on faisait beaucoup de courses de descente. En Belgique ce n'est pas comme en France, il nous faut beaucoup d'eau dans les rivières pour pagayer. L'été c'est impossible pour nous, il n'y a pas assez de pluie. Je n'ai en revanche jamais fait de slalom. Il y a très peu d'athlètes qui pratiquent le slalom en Belgique.

Les Secrets du Kayak : Quand tu débutes, malgré les difficultés tu t'es pris au jeu. Comment s'organisait tes entraînements ?

Bram Sikkens : J'ai commencé en été, en Belgique on fait 4 entraînements par semaine. Deux les mardi et mercredi, puis le samedi et le Dimanche. La semaine c'était après l'école. En hivern il n'y avait pas de lumière, il faisait froid. Je ne voulais pas m'entraîner. Je voulais même arrêter, mais ma mère m'a poussé à poursuivre au moins passer l'hiver. A 16 ans, on a ajouté de la musculation.

Les Secrets du Kayak : Avant tes 16 ans, tu faisais d'autres activités que le kayak en complément ?

Bram Sikkens : A l'école, je faisais dix heures de sport par semaine. On faisait de la natation, de la course à pied, du vélo. En club aussi, on faisait de la course à pied, surtout l'hiver.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu te débrouillais mieux dans ces autres sports ?

Bram Sikkens : Oui, j'étais plus doué dans ces autres sports, en natation ou la course à pieds. Mais aussi en gym à l'école. J'avais de la force. En revanche, dans les sports de coordination j'étais mauvais.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'à un moment tu as passé un cap en kayak ? Et si oui grâce à quoi ?

Bram Sikkens : Lors de ma première compétition, en descente, il n'y avait pas de catégories, donc j'ai couru avec des minimes et j'ai perdu. Mais ce n'était pas mal, j'étais obligé de me battre pour y arriver. Pendant 3-4 ans, j'ai du me battre. Ce n'est que vers douze ans que j'ai commencé à gagner mais en descente. Pour la course en ligne c'est différent, on était tous du même niveau, il fallait aussi se battre, et c'est vers mes 16 ans que j'ai pu partir en stage international avec l'équipe Belge senior. C'est là que mon niveau s'est élevé, vers 2010. C'est à ce moment que j'ai voulu devenir champion du Monde.

Les Secrets du Kayak : En France, il y a le pôle espoir pour les jeunes. Est-ce que tu as eu des études aménagées ?

Bram Sikkens : Non, on n'a pas cela. On a un pôle, mais pas avec l'école. Il est géré par l'équipe Belge de kayak. Ce sont eux qui décident qui y accède.

Les Secrets du Kayak : A un moment, tu t'es spécialisé en course en ligne. Pourquoi ne pas être resté en descente ?

Bram Sikkens : Parce que je voulais devenir champion du monde, donc j'ai du me spécialiser. Une année en Belgique, on fait les championnats du monde, puis le championnat d'Europe. Il me fallait mettre toute mon énergie en descente si je voulais y parvenir. Mais à l'école on m'a expliqué que pour y parvenir il m'aurait fallu doubler le travail, et que c'était impossible de vivre du kayak. Il me fallait étudier à fond, ce que je n'ai pas fait.

J'ai été champion d'Europe junior, juste après ça je me suis blessé l'épaule. J'étais persuadé que tout était fini, je me suis fait opéré, et je me suis concentré pour faire un come-back. Le championnat du monde U23 n'était pas loin. Pendant la course, dans les derniers 20m je me suis disloqué mon épaule à nouveau. Pour moi, tout se finissait là. C'est ce qui m'a motivé à être différent. Je me suis rapproché d'Arthur, j'ai contacté ses entraîneurs pour aller m'entraîner avec lui, à mes frais à Séville.

Ça m'a stressé, j'ai eu peur de ne pas être à la hauteur. Notre premier entraînement était en aérobie sur 2000m. Dès ce moment, je n'ai pas été capable de le suivre, même en essayant de rester dans sa vague. Je me suis remis en question. Et Carlos, l'entraîneur, me demande s'il veut que je suive l'équipe junior d'Espagne. J'ai voulu me prouver une dernière fois que j'en étais capable. C'était un stage intense et lourd pour moi. C'est à ce moment là qu'à démarrer ma carrière de course en ligne, en 2017-2018.

J'étais prêt pour la coupe du monde de K1 500m. J'étais heureux de faire cette première course internationale. J'ai fini en finale six ou septième. C'était l’accélération de ma carrière en course en ligne. Ensuite j'ai fait le championnat du monde U23 en K1 200m et 500m, j'étais onzième et cinquième. La fédération Belge m'a fait un contrat jeune, ce qui me permettait de me faire payer mes stages et mes compétitions. Donc l'année d'après, je devais faire du K1 200m pour les championnats d'Europe et du Monde pour me qualifier pour les JO de Tokyo. J'ai perdu le 200m. Je ne me suis pas qualifié pour les championnats du monde.

J'ai passé le K1 500m. J'ai été premier final B. Mais les autres équipiers étaient tous médaillés. Je rêvais d'une médaille. L'autre compétition j'ai été en finale A, avec les meilleurs. Après 250m j'étais bien placé, j'étais confiant, au final j'ai fini quatrième. J'ai fait peur à mes concurrents. Après ces deux coupes du monde l'objectif c'était le K1 en senior, mais l'entraîneur m'a proposé de faire le K2 avec Arthur suite à mes bons résultats. On a fait quelques tests en Belgique, mais ça n'a rien donné, la météo n'était pas terrible.

On m'envoie aux championnats d'Europe U23, et on m'explique que quand j'aurai une médaille je pourrai alors aller aux championnats du monde pour me qualifier pour Tokyo. Mais sur place, j'ai été malade. On a tout de même gagné les qualifications, on a été bien placé. Ensuite on a pu faire le championnat du monde, sur le K2 1000m on était douzième, on a raté les qualifications pour Tokyo mais douzième c'était l'objectif pour avoir le contrat de la fédération Belge. Et juste après ça le COVID arrive.

Les Secrets du Kayak : Tu as un gabarit assez petit, est-ce un handicap pour la pratique du kayak ?

Bram Sikkens : Je ne sais pas. Jeune, on m'avait dit que je n'avais pas de talent à cause de cela. Quand tu vois les kayakistes à l’international, je fais parti des plus petits, mais je pense que mon talent c'est d'être puissant en force. Je pense que ça compense. Et je suis capable d'avoir beaucoup de lactates. Mais quand tu compares ma taille avec celle d'Arthur, lui fait 100 kg tandis que moi 72kg. Mais notre bateau est adapté. Je me place à l'avant du bateau. Je ne pense pas que ce soit un réel handicap.

Les Secrets du Kayak : Quelles sont tes performances en musculation ?

Bram Sikkens : Au couché, ça doit être 110-115 kg. Au tirage pareil. Et je suis aussi capable de faire une série de 60 tractions. J'ai une force relative plus importante.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que, comme en France, il existe des tests de course à pied ?

Bram Sikkens : Jeune, j'en ai fait. J'ai du faire 5km en 20min. Mais je ne me souviens pas de mes tests. Adulte, on n'en fait plus.

Les Secrets du Kayak : Tu continues à faire des tests d'ergomètre en laboratoire ?

Bram Sikkens : Sur mon instagram, c'était pour déterminer les zones aérobies et anaérobies. Aujourd'hui nos tests, on les fait dans l'eau, avec des mesures de lactates. Je ne suis pas certain que mes valeurs augmentent chaque année. Je trouve que c'est imprécis. Parfois on les fait en Belgique, donc dans l'eau froide, d'autre fois à Séville donc en eau plus chaude. Je trouve que le test est difficile pour progresser. Ce que je peux dire c'est que le premier seuil augmente, ça c'est certain. Mais ça reste difficile de quantifier en fonction des paramètres de chaleur, de météo...

Les Secrets du Kayak : Est-ce que lorsque les conditions sont changeantes, tu surveilles la fréquence cardiaque ?

Bram Sikkens : Oui avec la montre, on surveille le cœur pour surveiller nos zones. Auparavant, on faisait en vélo des tests pour déterminer les zones cardiaques afin de déterminer les sensations pour la santé.

Les Secrets du Kayak : Aujourd'hui tu privilégies davantage le vélo ou bien la course à pied en activité annexe au kayak ?

Bram Sikkens : Je préfère la course à pied. En vélo, je me sens moins bien.

Les Secrets du Kayak : Vous déterminez des zones d’entraînement, est-ce que ton entraînement se passe en 80-20% entre basse et haute intensité ? Ou pas ?

Bram Sikkens : L'hiver, on fait beaucoup de basse intensité. Avec des données cardiaques très faibles, avec toutefois quelques séances de sprint. Mais l'hiver on fait davantage de kilomètres. On accentue la technique, et les activités annexes. En janvier, on part faire un stage de 3 semaines de ski en altitude. Puis on fait des entraînements plus lourd, avec des 500m, 1000 m. Les semaines avant courses on fait beaucoup de sessions de lactique sur du court. Les plus grosses semaines, on fait 100-150km.

Les Secrets du Kayak : Les sessions longues sont découpées en intervalles ou en continue ?

Bram Sikkens : On fait des intervalles, sinon c'est difficile pour le mental. On fait des récupérations, on travaille la résistance. On fait des variations de vitesse.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'il y a d'autres lieux de stage que la Turquie ou Séville que tu apprécies ?

Bram Sikkens : Oui il y a aussi le Portugal. J'aime aussi Livigno, c'est aussi en altitude. C'est le plus beau spot que je connaisse. J'aime aussi Temple-sur-Lot. Après la Turquie, et pour la première fois, nous allons en Nouvelle-Zélande essentiellement pour les filles. On y part pour quatre semaines. On sait que le lac y sera petit. On fait beaucoup de stages de trois semaines, et une semaine à la maison Ce n'est pas simple pour la vie de couple. D'autant plus que ça s'enchaîne.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'au court de l'année, vous faites des coupures ?

Bram Sikkens : Non, on ne fait jamais de coupure. Je sais qu'au Danemark et en Finlande ça se fait. Je pense qu'il y fait trop froid l'hiver pour pagayer. Nous, on pagaie toute l'année. Sauf après un championnat du monde.

Les Secrets du Kayak : Qu'est-ce que tu as comme bateau ?

Bram Sikkens : J'ai le Nelo Cinco Full Carbone. Les différences sur ce bateau est un grand sujet de discussion au sein de notre équipe. On pense que c'est surtout psychologique. Mais moi je trouve que le Full carbone est le meilleur bateau que j'ai pu avoir. J'ai le sentiment qu'il réagit mieux et plus fort. C'est difficile à mesurer. Tu dois avoir un bateau que tu sens bien. C'est différent pour chacun. J'ai pourtant pagayé dans le Sete et le Cinco. Mais aujourd'hui je préfère le Cinco. Je reste fidèle à Nelo depuis mes 12 ans.

Les Secrets du Kayak : Qu'est-ce que tu as comme pagaie ?

Bram Sikkens : Une Jantex Beta 805. J'ai commencé avec celle là jeune. Quand j'ai voulu me spécialiser en kayak de rivière de descente, j'ai pris une Gamma. Pour les vagues, je me sentais mieux. L'accroche était meilleure. Mais depuis quatre ans je suis revenu sur la Beta pour le K2. Je me sens plus fort dans l'eau. J'ai une longueur de 2,17m. Je mets grand. Je préfère une pagaie rigide pour la course en ligne.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ça t’arrive de faire de l'ergomètre ?

Bram Sikkens : Parfois, mais je n'aime pas l'ergomètre. C'est surtout en hiver quand il gèle fort. Je préfère être dans l'eau.

Les Secrets du Kayak : Tu es loin du plan d'eau pour pagayer ?

Bram Sikkens : Petit, j'habitais à 5 minutes de mon club. Aujourd'hui je suis plus loin, je mets 20 minutes.

Les Secrets du Kayak : Tu t'entraînes seul quand tu reviens en Belgique ?

Bram Sikkens : J'essaie d'aller m'entraîner pendant les heures de club, pour être à plusieurs. Parfois je m'entraîne seul, mais c'est rare.

Les Secrets du Kayak : Ça t'arrive de refaire de la descente ?

Bram Sikkens : Non. En descente, je trouve qu'il faut sentir la puissance du courant. Je me trouve mieux dans mon bateau de ligne.

Les Secrets du Kayak : Tu es jeune, tu progresses. Mais qu'est-ce qu'il te manque le plus par rapport notamment à Fernando Pimenta ? Et les gars qui sont au top de l'élite mondiale ?

Bram Sikkens : Je me pose souvent la question. Je n'ai pas réussi à me qualifier pour les JO. On ne progresse pas au sentiment. Peut être dois-je arrêter. Je réfléchis beaucoup. Aujourd'hui, j'ai 27 ans. On a changé la technique d'entraînement l'année dernière, ça avait porté ses fruits. Je suis certain de poursuivre l'entraînement de l'année passé. Je pense que Fernando a beaucoup de temps pour s'entraîner.

J'ai par exemple changé le positionnement de mes mains, les baisser pour obtenir davantage de force dans l'eau comme les espagnols ou les allemands. J'ai donc plus de rotation en bas du dos. Ça permet de gagner en force.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'il y a des sujets que tu voulais évoquer que nous n'avons pas abordé ?

Bram Sikkens : Je pense qu'on a parlé de beaucoup de choses.

Je voudrais m'excuser pour mon français. J'ai posé par écrit toute mon histoire depuis mes débuts, que je souhaite t'envoyer pour pallier à mon français oral. Je suis de la Belgique plus au Nord, c'est plus difficile pour moi de trouver mes mots en français. Il me faut toujours un certain temps pour m'adapter, souvent au bout de deux heures de discussion ça va mieux.

On voit que la pratique du kayak en Belgique est différente à la France. Ces dernières années, pas mal d'athlètes français sont venus s'entraîner avec nous.

Quand notre entraîneur compare nos résultats, il est assez content. Je pense qu'en France, le système à l'air d'être « cassé ». J'ai lu la presse à ce sujet, j'en ai discuté avec Guillaume Burger, la situation est dommage. A nous quatre, en Belgique on fait de meilleurs résultats que les Français. Je pense qu'en France il y a des athlètes aussi bon que nous, mais c'est dommage de voir les problèmes comme ceux-là. En France, il n'y a pas autant de stage que chez nous.

En Belgique, le talent dans le sport ne fait pas tout. Je vois beaucoup de gens qui gagnent tout au talent, mais on a des coachs belges qui les élèvent. Il y a des personnes qui ont moins de talents mais qui travaillent beaucoup plus, se battent. Mais en senior c'est davantage les personnes qui se sont battues qui vont plus loin. Moi, j'ai toujours du me battre pour avoir ma place. C'est ce qui est le plus important pour moi. Petit, à chaque course perdue, je pleurais mais on m'a appris à devenir patient et à travailler. Pour réussir, il faut avoir des moments difficiles.

Il faut savoir gérer son stress, en Belgique en K2 au repêchage, seul le premier bateau est pris. C'est à toi de tout faire pour être au top niveau pour réussir. Certes, je n'ai pas réussi les qualifications pour le championnat du monde, mais il va me falloir un autre équipier pour performer mais aussi me qualifier. C'est compliqué, mais d'autres pays y parviennent. Le niveau sera haut. J'essaie donc de me mettre un objectif plus loin à horizon 5 ans pour les Jeux de Los Angeles. Je continue d'observer la France, les athlètes par leurs âges me laissent de l'espoir.

Vous pouvez retrouver Bram Sikkens sur son compte Instagram.

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Le Kayak en Afrique du Sud avec Jeremy Candy

Dans cet épisode hors-série des Secrets du Kayak. Jérémy Candy nous raconte son stage d’un mois en Afrique du Sud. Comment s’est-il entrainé et comment ?

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Jérémy Candy en mars 2023.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Jérémy Candy : Ça va super, merci bien.

Les Secrets du Kayak : Il y a eu les pré-piges, tu t’en es bien sorti ?

Jérémy Candy : Oui, je les ai faites pour faire le 2000m juste pour voir ce qu’a donné mon entraînement en Afrique du Sud. Je ne m’en sors pas trop mal. Je voulais faire sous les 8 min, c’est semi-rempli je n’ai pas gagné. Le 2000m se faisait avec un virage.

Les Secrets du Kayak : Comment étaient les conditions ?

Jérémy Candy : On a eu un bon vent de travers, c’était compliqué. Il fallait être costaud sur les abdos.

Les Secrets du Kayak : On fait ce podcast « hors série », c’est notre deuxième rencontre sur ce podcast, car tu reviens d’Afrique du Sud. Qu’est-ce que tu as fait là bas ?

Jérémy Candy : J’ai fait un mois de canoë-kayak avec des sud-africains, avec des U23 champion du monde en marathon notamment. Il y avait aussi des anglais, dont le champion du monde du 5000m. On était une dizaine d’athlètes, un bon groupe et des grands noms. Belle découverte de leur pays et de leur façon de s’entraîner.

Les Secrets du Kayak : Comment ça s’est organisé ?

Jérémy Candy : Aux championnats du monde j’ai rencontré les parents d’Hamish, on a passé plusieurs jours avec Quentin et Hamish. On discutait et il nous a proposé de venir nous entraîner là-bas. J’étais libéré dans mon travail dès le mois de février. Donc au moment de trouver un stage, j’ai pensé à lui. Entre temps les anglais se sont greffés au projet.

Les Secrets du Kayak : Si on écrit, nous aussi on peut louer l’hébergement ?

Jérémy Candy : Ils ont plusieurs endroits d’hébergement à louer oui. On était dans une maison pas encore disponible à la location.

Les Secrets du Kayak : Combien t’a coûté le voyage ?

Jérémy Candy : J’ai du payer 950€, vu la distance à parcourir ce n’est pas si cher. Ça m’a paru raisonnable, j’ai eu le vol de nuit, parfait.

Les Secrets du Kayak : Tu avais planifié tes entraînements pour ce mois là-bas ? Ou tu as décidé de suivre le groupe ?

Jérémy Candy : Je me suis laissé guidé. J’aime bien m’imprégner et m’entraîner de la même façon que les locaux quand je me déplace. Hamish nous avait au préalable envoyé la trame que j’avais envoyé à Nico, ça lui paraissait faisable. On a fait la première semaine telle quelle, la deuxième quasiment identique, et la troisième on a fait des ajustements. J’ai proposé des petites choses qu’on faisait sur Vaires.

Les Secrets du Kayak : L’entraînement sud-africain apparemment, c’est toujours à fond. Tu confirmes ?

Jérémy Candy : J’ai eu la chance d’être avec d’autres européens et à un moment donné il a fallu calmer un peu les ardeurs de nos amis africains, ça partait fort. Ce qui m’a le plus choqué c’est qu’on ne fait pas d’arrêt. Le rythme est clairement différent qu’à Vaires. Mais ça fait du bien, le corps est capable de suivre.

Sur la première semaine on sentait que c’était à qui se ferait le plus mal pendant son relais. C’était rigolo, mais le matin au réveil c’était compliqué. Mais on était là pour ça, donc on y allait. On a joué à fond le jeu.

Les Secrets du Kayak : Le volume d’entraînement était beaucoup plus important que d’habitude ?

Jérémy Candy : La première semaine j’en suis à 24h d’entraînement pour 230km de kayak. Sur la deuxième 21h pour 210km, la troisième on a fait 19h pour 195km. C’était ce pour quoi j’y allais.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a eu des séances un peu cool ?

Jérémy Candy : Il y en a eu. On a fait environ 10 jours sans repos. Il y a eu des séances sur des 20km où on est allé tranquille. Parfois ça pouvait finir fort quand même. Mon cœur au début était haut mais il se régulait, je pense que le corps était un peu fatigué à force. Le fait de prendre des vagues en groupe même si tu n’as pas l’impression de kayaker, ton cœur travaille. Quand tu es tout seul pour faire ton 20km, le ressenti est bien différent.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’en Afrique du Sud il y a du travail technique, ou est-ce que tu vas faire des éducatifs à basse vitesse ?

Jérémy Candy : En tous les cas avec les gars avec qui j’étais, non. Genre pour faire un 15km je voulais décomposer la séance avec des récup, et eux me disaient que si on va doucement il n’y a pas besoin de récupérer. Donc non, la technique ils n’y attachent pas une importance particulière. Si bien qu’ensuite tu ressembles à un zombi dans ton canapé.

Les Secrets du Kayak : Tu as fait de l’océan aussi ?

Jérémy Candy : Oui, j’ai eu l’occasion d’en faire. C’était sympa, ils ont des spots géniaux. Les conditions de glisse étaient au top. Quand tu fais du 17 km/h de moyenne, 25km ça passe vite.

Les Secrets du Kayak : Durant ce stage tu as pu constater les différences de pagaies ? Elles sont réellement plus petites ?

Jérémy Candy : En majorité oui, ils sont sur des petites pagaies. C’était marrant de voir les anglais arriver avec leur grosses pagaies. Ils mettent des tours, ils aiment la cadence. Moi, je suis autour de 95 rpm.

Là bas j’ai gardé ma pagaie, même si je me suis posé la question de la rétrécir, mais je ne l’ai fait que pour aller en mer. La seule chose que j’ai changé c’est mon siège qui n’était pas adapté. J’ai quand même gardé des restes de mon stage puisque aujourd’hui même si ma pagaie est plus grosse que celle d’un marathonien, elle reste une petite pagaie pour ma pratique.

Les Secrets du Kayak : Tu expliques que vous avez fait d’autres activités que le kayak à côté ?

Jérémy Candy : La course à pieds c’était pour se tester dans un premier temps. Par la suite, on faisait juste des petits 5km tranquillement pour soigner les corps et laver un peu le sang. Sinon on faisait trois musculation par semaine, et là c’est moi qui prenait les rennes. A la fin c’était juste pour garder de la technique. Mais rien qu’avec le bateau, j’avais mon du. Et pour eux la musculation, ce n’est pas leur truc. Pour eux, 35min c’est suffisant.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ça ne te fait pas relativiser sur l’importance de la musculation pour la performance en kayak ?

Jérémy Candy : Je ne saurais pas te dire. Ça me confirme que moi j’en ai besoin. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Moi, je crois que la musculation a un intérêt dans tout ce qui est traumatisme de ton sport, pour moi c’est de la prévention des blessures. Ça reste important. D’autres se développent autrement. On en revient à la morphologie.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait l’hygiène de vie autour de toute cette charge d’entraînement, et l’alimentation ?

Jérémy Candy : Moi ça a été compliqué. J’ai 32 ans, j’étais avec des jeunes de 24 ans, c’était la catastrophe. Des dames venaient nous faire à manger pour le soir, beaucoup de riz et pâtes. Sinon on s’entraînait tôt le matin, certains partaient à jeun. Donc eux mangeaient en rentrant. Sauf que moi à midi, je mange mais eux non ! Ils attendaient 14h-15h. Mais à 17h on allait sur l’eau, on grignotait encore, et le soir il y avait le repas.

Moi j’étais carré sur petit-déjeuner et repas, et il y a des jours où on se faisait un vrai déjeuner et d’autres pas. L’alimentation, c’est une réelle piste de progression pour eux, il y a de quoi faire.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’autour de cela il y avait des séances de récupération, de relaxation, de kiné… ?

Jérémy Candy : Certains allaient au kiné, moi j’avais mon pistolet d’auto-massage. Mais pour les étirements, on remettait toujours au lendemain. On ne les a jamais fait, alors qu’on en avait tous besoin. Il faut aussi savoir que souvent, là-bas on te coupe le courant entre 19-20h pour économiser l’énergie. Donc tu manges à la lumière du téléphone et tu vas te coucher. On avait pas mal de temps pour dormir. C’était l’été, il faisait chaud, c’est aussi pour cela qu’on s’entraînait tôt. Mais là où j’étais les hivers sont doux. J’étais côté Océan Indien.

Les Secrets du Kayak : Tu naviguais sur un lac assez plat ?

Jérémy Candy : J’ai navigué sur un lac à une heure de la ville, c’était en fait un petit fleuve qui se jette dans la mer. Parfois on avait l’impact des marées. C’était un endroit calme et sympa. La grande boucle faisait 25km.

Les Secrets du Kayak : Au niveau logistique, comment ça s’est passé pour aller là-bas ?

Jérémy Candy : J’ai eu de la chance. Hamish a réussit à nous trouver des bateaux pour tout le monde, il a même demandé à se faire prêter des K2. Il a fait jouer ses contacts pour nous. Là-bas, les kayaks sont équipés de pédales. Alors qu’en France, les gars n’ont pas de pédales. Les gens font beaucoup de kayaks là-bas pour pécher, du coup ils ont tous des bateaux de mer, ils sont équipés de pédales donc je pense que c’est pour cela que les pédales sont la norme.

J’ai eu l’occasion de faire du K2 avec des pédales, je m’en suis bien sorti. Ce n’est pas hyper intuitif, mais je comprends leur besoin d’en avoir. Eux ils poussent avec leurs talons. Il y en a qui ont des T dans leurs bateaux en France pour pousser avec leurs talons, tout dépend du besoin de chacun.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que les courses mythiques d’Afrique du Sud t’ont donné envie de les faire ?

Jérémy Candy : Oui, quand tu les regardes ça a l’air génial. Mais quand tu en discutes avec les gars, on te prévient qu’il faut être prêt à être malade pendant une semaine après parce que l’eau est clairement catastrophique, c’est un cocktail de germes assez efficace pour perdre du poids. Donc ça me refroidit. Mais effectivement ça peut donner envie.

Mais la meilleure course à faire, c’est la Fish River qui se coure en octobre. En Afrique du sud, si tu le veux vraiment tu as une course par semaine, et parfois même en semaine. Pareil pour la course à pieds, tu te donnes rdv à 5h du matin et tu cours à plus de 200 personnes sans classement, juste comme ça.

Les Secrets du Kayak : Comment c’est niveau sécurité en Afrique du Sud ?

Jérémy Candy : C’est sûrement beaucoup moins sur qu’en France, mais ça m’a fait penser à la France. De toi même tu évites certains endroits. Là où on était on n’était pas du tout en insécurité. C’est comme partout.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu vas y retourner ?

Jérémy Candy : Il y a énormément de conditions à remplir de mon côté, mais oui j’aimerais bien en faire un passage obligé pour commencer la saison. C’était une belle expérience, les conditions font que c’était exceptionnel. Le ressenti est top. C’est un stage qui en appellera d’autres je l’espère. Ça me donne envie d’y retourner l’année prochaine.

Il faut s’organiser en amont. Les hongrois ont acheté de l’immobilier là-bas, ils ont leur centre d’entraînement sur place. Ils achètent des bateaux tous les ans. Mais il faut un contact sur place.

Les Secrets du Kayak : Si des gens sont intéressés pour faire un stage en Afrique du Sud, est-ce que tu peux les mettre en contact avec des gens sur place ?

Jérémy Candy : Oui, il faut que mon contact soit sur place à la période demandée, mais oui. Il ne sera pas contre avoir de la viande fraîche. Là-bas, toi, tu te ferais vraiment plaisir !

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais les piges ?

Jérémy Candy : Non, je préfère aller à Amsterdam. Il y a une course à ne pas manquer. C’est une course où il faut aller. Elle est super. Ça permettra à des pré-piges d’être sélectionnés.

Les Secrets du Kayak : En tous les cas, je souhaitais te dire que tes posts Instagram étaient cool à suivre.

Vous pouvez retrouver Jeremy Candy sur son compte Instagram.

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Interview : Gilles Zok

Retrouvez tout sur Gilles Zok dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous son parcours de céiste. Canoë de slalom et de descente, jusqu’au titre de champion du monde !

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Gilles Zok en février 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Gilles Zok : Salut Rudy, ça va bien il y a du soleil. Les plans d’eau sont calmes au Grau du Roi. Il y a des jours où ça peut souffler, mais là c’est calme.

Les Secrets du Kayak : J’ai lu “Danger Zone”, puis ton livre, tu es un pionnier de la démocratisation des hauts volumes dans l’entraînement. Tu t’es beaucoup entraîné ?

Gilles Zok : Oui avec Claude Benezit on a révolutionné l’entraînement en descente par la quantité de l’entraînement. On voulait être libéré dans nos emplois du temps, on s’entraînait deux à trois fois par jour. On avait demandé à être ensemble à l’INSEP, on s’est fait de sacrés entraînements.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu découvert le canoë de descente ?

Gilles Zok : J’ai découvert le canoë-kayak à 14 ans au club de Vienne près de Lyon, mais on ne faisait que du C2 slalom. J’ai fait ça jusqu’à la première année de senior. Puis j’ai fait le bataillon de Joinville. Mon équipier après ça voulait arrêter le canoë, mon entraîneur m’a prêté son C1 de descente, et c’est comme cela que j’ai basculé dans la descente en C1.

Je faisais du slalom trois fois par semaine. J’avais des ambitions. J’ai ensuite été réformé mais on m’a invité au bataillon de Joinville en tant que civil. On faisait beaucoup d’entraînements là-bas, j’ai voulu poursuivre dans cette voie, dans mon club. Mais je travaillais donc j’ai demandé au DTN de meilleures conditions de travail ce qui m’a permis d’augmenter encore le volume. Ça m’a réussi.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais d’autres activités sportives en même temps ?

Gilles Zok : Non, pas du tout. C’est au bataillon de Joinville que j’ai découvert la musculation, le footing, et le ski de fond. Que des sports d’endurance, et dans lesquels je me suis révélé. J’étais prédisposé à l’endurance.

Les Secrets du Kayak : Tu as été réformé de l’armée ?

Gilles Zok : Oui. On devait faire les classes près de Bordeaux. J’ai joué un peu à celui qui avait mal aux bras. On m’a envoyé faire des radios, et ils m’ont trouvé une déformation dans le bras. J’ai pleuré, je voulais faire le bataillon de Joinville. Je savais que ça paierait pour les années suivantes. Je suis rentré chez moi. Je faisais du C2, mon équipier était là-bas et il n’y arrivait pas tout seul pour naviguer. Donc il m’ont proposé de revenir en tant que civil. On s’est entraîné en C2 et ensuite ça s’est dégradé. Au bout de 4-5 mois, j’ai basculé en C1 de descente.

Les Secrets du Kayak : Tu avais des ambitions, lesquelles ?

Gilles Zok : Être champion du monde en canoë de slalom. Mais au final, je suis parti en descente, c’était encore mieux. En slalom, je n’aurais jamais fait les mêmes résultats qu’en C1.

Les Secrets du Kayak : Tu travaillais en même temps que tu t’entraînais ?

Gilles Zok : J’étais peintre dans le bâtiment. C’était dur. J’étais crevé des épaules tout le temps. On travaillais 8-9h par jour. Je m’entraînais deux fois par jour. J’ai intégré l’INSEP en 1977, le DTN a bien compris et je le remercie. Je m’entraînais à temps-plein et je passais le brevet d’état. On avait tout nos après-midi pour s’entraîner.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que c’est cette grosse quantité d’entraînement qui te fait progresser ?

Gilles Zok : Sans travail à côté, j’avais encore plus de volume d’entraînement. Et ensuite, on a travaillé sur la qualité des entraînements. On a appris à l’INSEP d’autres techniques d’entraînement. Ça a payé. On était à dominante aérobie et à l’approche des compétitions, on était à dominante du fractionné.

Les Secrets du Kayak : C’était quoi le rythme des entraînements, deux à trois fois par jour tous les jours ?

Gilles Zok : Repos le dimanche, le lundi j’étais à l’INSEP donc entraînement, du mardi au jeudi on s’entraînait deux fois par jour. Le vendredi c’était le matin, ensuite je rentrais à Vienne le samedi. Le dimanche, c’était repos ou compétition.

Les Secrets du Kayak : Le footing et la musculation étaient aussi pratiqués intensivement en entraînement ?

Gilles Zok : On avait des séries longues et de temps en temps des maxi en musculation. Pour le footing en général, c’était au train. Il n’y avait pas de course en footing, c’était la base. L’hiver on se faisait des compétitions en ski de fond. J’ai fait des marathons en Auvergne. Je n’étais pas mauvais. Quand tu as une bonne base aérobie ça vient vite, ce n’est que de la technique à travailler.

Les Secrets du Kayak : Tu avais fait des tests d’effort ?

Gilles Zok : Oui à Paris, à l’INSEP, on y allait tous les mois et quelques. Je devais avoir entre 70-80 de VO2. J’étais prédisposé pour des sports d’endurance.

Les Secrets du Kayak : Tu avais un entraînement particulier pour avoir une telle VO2max ?

Gilles Zok : Non, pas du tout.

Les Secrets du Kayak : Tu accomplis ton ambition de devenir champion du monde, et tu continues tout de même la compétition ?

Gilles Zok : Oui c’était en 1981, j’avais tout fait pour devenir champion du monde. J’ai construit une forme de bateau spécifique, et j’ai fait une sèche sévère. Le poids du bateau mais aussi de l’athlète compte.

Les Secrets du Kayak : En 1981 cette victoire, c’est la consécration ?

Gilles Zok : Oui, champion du monde individuel. Je ne voulais pas être deuxième. J’ai mis tous les moyens de mon côté pour gagner. J’ai jusqu’à demandé au constructeur de bateau de ne pas vendre le moule du bateau aux étrangers. Mais ça a été une erreur parce que mon adversaire était français. L’entraînement était aussi de qualité.

Les Secrets du Kayak : Quand tu es plus léger, tu vas plus vite sur l’eau ?

Gilles Zok : Non, c’est psychologique je pense.

Les Secrets du Kayak : Les formes de bateaux changeaient souvent, tu construisais tes propres bateaux ?

Gilles Zok : Au début oui, avant d’être en équipe de France, mais ensuite j’ai pris le même bateau que tout le monde. Et quand j’ai été battu à deux centièmes, j’ai cherché à améliorer le bateau. Je les faisais modifier en fonction de la rivière.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui t’a motivé à continuer après le titre de champion du monde ?

Gilles Zok : Le plaisir de faire de la compétition et de gagner. Je voulais finir en 1987 en France, ça me mettait une pression supplémentaire. J’avais annoncé que j’arrêtais, je ne pouvais pas échouer, et encore moins à la maison. Ça a été un peu difficile. Sur des rivières à gros volumes, tu ne peux pas creuser d’écart. Physiquement, j’étais au dessus du lot. Mais sur des rivières techniques,c’était difficile. C’était limite.

Les Secrets du Kayak : On travaille aussi sur la taille et la forme des pagaies en plus de celle des bateaux ?

Gilles Zok : On peut mais je ne l’ai pas fait. Les pagaies carbones sont arrivées à la toute fin de ma carrière. Je naviguais avec des pagaies en bois. Je partais avec deux ou trois pagaies de longueurs différentes, mais pas de formes différentes. Il y avait peut être quelque chose à faire de ce côté là.

Les Secrets du Kayak : Comment ça s’est passé l’après l'INSEP ?

Gilles Zok : Après l'INSEP, le DTN m’a eu un poste de cadre technique en Auvergne. En accord avec le président de comité régional de l’Auvergne et la direction technique, j’avais un emploi du temps bien aménagé. Je m’occupais des athlètes du club et de la région, j’avais toujours un pied dans la compétition. Ensuite j’avais du temps aménagé. J’étais dans le meilleur club de l’époque.

C’était un super lieu pour s’entraîner en descente, se challenger. On était 5-6 gars à être en équipe de France. En championnat de France, on se retrouvait à 25-30 personnes. Il y avait toujours du monde pour s’entraîner. De plus, j’entraînais les athlètes en même temps. J’étais écouté par les jeunes. Les plus âgés venaient demander des conseils. Les cadets et juniors, je les emmenais en stage.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as une course que tu gardes plus en mémoire que les autres ?

Gilles Zok : Celle où j’ai gagné en 1981 mon premier titre. Je me suis défoncé, j’étais rincé. J’avais vraiment tout donné. Et celle que j’ai gagné en France. Ensuite il y en a une où j’ai battu le champion du monde sortant, en 1977, je le bats juste avant les championnats. Je m’étais entraîné comme une bête en hiver.

Les Secrets du Kayak : Dès le début, tu voulais devenir champion du monde ?

Gilles Zok : Non au début, en slalom, je n’étais pas fort. Avec du recul j’avais l’ambition de le devenir, mais on n’y serait jamais arrivé. C’est en C1 que j’ai réalisé que c’était possible.

Les Secrets du Kayak : A l'INSEP, tu as côtoyé des sportifs d’autres sports ? Est-ce qu’ils t’ont apporté des ouvertures sur des choses auxquelles tu ne pensais pas ?

Gilles Zok : Oui, j’ai côtoyé les athlètes de la course en ligne, qui eux étaient dans la qualité de l’entraînement à un niveau au dessus de l’eau-vive et du slalom. J’ai côtoyé tous les anciens qui faisaient les Jeux. Ça m’a apporté la régularité dans l’entraînement, la quantité, la musculation. Moi j’étais loin de ça. Ensuite lors de rencontres j’ai côtoyé d’autres personnes qui faisaient d’autres disciplines comme des judoka. A la cafétéria on discutait, on se racontait nos histoires. C’était motivant.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu prends ta retraite après les championnats du monde en France ?

Gilles Zok : J’avais deux enfants en bas âge, j’avais besoin de m’occuper d'eux. Je me suis occupé de ma famille, j’ai fait une maison. La famille avait besoin de moi. Ensuite, je suis devenu entraîneur national, et j’ai été beaucoup en déplacement, je ne l’ai pas fait longtemps. Ça me plaisait mais c’était incompatible avec la vie de famille.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as navigué malgré ta retraite sportive ?

Gilles Zok : Oui, un peu en C1, et avec mes enfants qui ont fait du canoë de descente et de slalom. Ils étaient meilleurs en descente, ils ont été tous les deux champions de France. L’un a été champion du monde par équipe en junior. Ils ont arrêté à 18 ans.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais après avoir été entraîneur national ?

Gilles Zok : J’ai eu un coup de déprime. Le manque d’objectif, le fait de tomber dans l’anonymat, j’ai même voulu arrêter mon travail de cadre technique. Je suis parti dans une formation de transport. Mais le plein air et le canoë m’ont manqué, je suis vite revenu en CTR.

Je suis reparti dans d’autres disciplines comme dans les raids aventure. C’était multi activité sur huit à dix jours. Il fallait pratiquer le canoë d’expédition, le kayak de mer sur 80-100 km, du VTT, de l’orientation, parfois de l’équitation, de la haute montagne. C’était jour et nuit. J’ai appris la résistance de l’être humain. Le plus dur pour moi était la résistance au sommeil. C’était extrême, par équipe. J’ai ensuite monté mon équipe.

Je me suis autant éclaté dans cette discipline que dans le canoë. Ça m’a permis de pratiquer d’autres disciplines. Je faisais un raid par an. J’ai fait ça pendant dix ans. On faisait des entraînements sur deux trois jours. C’était un entraînement tout aussi intense que pour le canoë.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu travaillais à côté ?

Gilles Zok : Oui c’était dur de concilier mon travail de cadre technique, et ma pratique. Je n’étais plus détaché car plus compétiteur en canoë-kayak. Le travail, l’entraînement et la vie de famille c’était difficile à gérer.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’on peut vivre des raids ?

Gilles Zok : Il y avait des primes. Moi j’avais des partenaires financiers, ça me prenait en charge les inscriptions, le matériel. Ça revient cher, il faut voyager. On était une équipe de huit personnes. Mes titres de champion du monde m’ont ouvert quelques portes. J’avais un bon copain qui avait son entreprise qui m’a beaucoup aidé. Grâce à son aide, j’ai aussi trouvé des financements ou du matériel. La prime était importante, on se la partageait pour la vie familiale.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi arrêter les raids ?

Gilles Zok : L’âge. J’étais trop compétiteur. Le raid gaulois s’est arrêté, c’est parti sur des raids plus court qui ne me convenaient pas. J’ai arrêté. Je sentais que ça devenait compliqué j’avais 50 ans. J’ai eu ma dose de sport. Je me suis ensuite concentré sur mon travail. Puis sur ma retraite, aujourd’hui je suis sur un bateau à Aigues-Mortes, et c’est génial.

Je peux aussi naviguer sur des pirogues. La pirogue c’est différent du canoë. Tu es assis, non pas à genoux. C’est confortable, au niveau du geste c’est de la pagaie simple et ça me convient bien.

Les Secrets du Kayak : Quel était ton rôle au jour le jour quand tu étais CTR à temps plein ?

Gilles Zok : On était plusieurs, je suis resté sur la partie compétition, dans la détection de minimes dans les stages. Ensuite en cadet et junior, je devais les former pour qu’ils rentrent en équipe de France junior. Sur les compétitions j’avais la région Auvergne Rhône Alpes et il y avait souvent des compétitions à Bourg St Maurice. J’étais le directeur de course en championnat de France, en coupe d’Europe, ou championnat du monde. Il faut toujours chercher à améliorer les courses, pour moi c’était un challenge.

Les Secrets du Kayak : De ne jamais avoir fait de course en ligne, c’est un regret pour toi ?

Gilles Zok : Je ne sais pas si j’aurai réussi. Mon regret c’est de ne pas avoir fait les JO. On ne pouvait les faire qu’en course en ligne à mon époque. Le DTN m’avait poussé à en faire. J’en faisais un peu à l'INSEP. Il aurait fallu que j’abandonne la descente quelque temps pour cela. J’aurais pu faire quelque chose sur le 10km. Mais pour le 500m et le 1000m, je pense que je n’étais pas assez bon pour réussir.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as déjà essayé le kayak ?

Gilles Zok : J’en ai fait un peu, une ou deux compétitions mais je n’ai pas accroché. Je reste en pagaie simple.

Les Secrets du Kayak : On voit de moins en moins de céistes en course en ligne tout comme en descente. Tu l’a constaté aussi ?

Gilles Zok : C’est vrai, ces dernières années de plus en plus. Les jeunes tendent plus vers le kayak. Dans mon club on ne faisait que du canoë, donc pagaie simple. Les jeunes ne partaient pas ensuite vers le kayak. Mais oui il y a moins de pratiquants, et même en compétitions internationales.

Les Secrets du Kayak : Tu vas toujours voir les grandes compétitions ?

Gilles Zok : J’ai décroché mais ça m’arrive d’aller voir les résultats sur internet. Je vois certains de mes jeunes parfois dans les résultats. Ma dernière course pour les encourager, c’était il y a deux ans. S’il y avait une course sur l’Isère, je pourrais y aller.

Les Secrets du Kayak : Tu as beaucoup entraîné, est-ce que faire un gros volume d’entraînement tu le referais avec le recul ?

Gilles Zok : Si on sent de la fatigue, il faut savoir diminuer. Je ne pense pas en avoir trop fait. Peut être aurais-je du réduire un peu à l’approche des compétitions. Faire plus de fractionné et être plus pointu sur des courtes distances.

Les Secrets du Kayak : Comment tu suivais les métriques de l’entraînement à l’époque ?

Gilles Zok : Il y avait les ceintures cardiaques, mais je ne me calais pas sur cela. J’allais à la vitesse que je pouvais tenir, c’était empirique. J’avais beaucoup de repères sur mes distances et mes lieux d’entraînement. J’avais tous mes temps sur un carnet.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu es venu à Aigues-Mortes ?

Gilles Zok : Moi je suis de Vienne, j’ai toujours une maison là-bas, mais je voulais vivre sur l’eau. Je suis parti vivre sur un bateau. Les formes de bateaux me plaisant toujours, je suis allé aux Pays-Bas pour trouver mon bateau, le ramener ici. Donc de temps en temps je vais à Aigues-Mortes

avec mon bateau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des choses que tu ferais différemment dans ta carrière si c’était à refaire ?

Gilles Zok : Oui, tenter de faire de la course en ligne. Quitte à sacrifier un championnat de descente. Au niveau professionnel partir dans le transport était une erreur. Le canoë m’a beaucoup apporté à tous les niveaux.

Les Secrets du Kayak : Tu as un surnom : « Le Rambo des solides » ?

Gilles Zok : Le Rambo des Rivières. En Auvergne, un journaliste m’a appelé comme cela et c’est resté un temps. Le surnom qui est resté c’est « The Kid »

Les Secrets du Kayak : Tu organises des raids ?

Gilles Zok : Oui avec des anciens des raids gauloises. On organise le même concept, multi activité avec de la montagne, du vélo, du kayak, du canoë. Ça s’appelle le Raid in France, et ça fait dix ans. Le dernier c’était cet été en partant de Bourg-Saint-Maurice pour arriver à Aix-Les-Bains en passant par les montagnes. Moi je m’occupe de toute la partie nautique. Là on en prépare un dans le Puy-de-Dôme. De temps en temps, il a le titre de championnat du monde. C’est un circuit mondial. Ce qui est bien, c’est de faire les reconnaissances pour créer les parcours.

Les Secrets du Kayak : Tu vis toujours avec une date clé dans l’année ?

Gilles Zok : Oui, il y a toujours un événement à ne pas louper.

Il faut une date dans l’année et tout donner.

Les Secrets du Kayak : Pour moi tu es une légende du milieu, je ne pouvais pas ne pas t’avoir sur le podcast. Tu as démocratisé l’entraînement de la pratique qui était très archaïque avant. C’est un héritage.

Gilles Zok : C’est vrai qu’avec Claude on a démocratisé la quantité, on a su se rendre disponible pour performer. Maintenant pour réussir, un athlète doit être libéré à temps complet pour réussir en haut niveau. Les entraîneurs cherchent des solutions pour les aider. L’hiver une semaine de ski de fond pouvait remplacer le bateau. Je pouvais couper le bateau quinze jours maximum pour du ski de fond. Aujourd’hui les compétiteurs se retrouvent aussi à devoir gérer des courses sur plusieurs jours d’affilés. Il faut pouvoir et savoir le gérer.

Quoiqu’il arrive on apprend de ses échecs et de ses expériences, il n’y a pas que le fait de pagayer qui crée la performance, il y a aussi d’autres paramètres à côté qui sont à travailler.

Vous pouvez retrouver Gilles Zok sur son compte Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Valentin Henot

Retrouvez tout sur Valentin Henot dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous son parcours depuis ses débuts en France, puis sa pratique en Afrique du Sud, pour enfin atterrir en Australie où il pratique le surfski et l’enseigne avec passion.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Valentin Henot en février 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Valentin Henot : Ça va super, merci.

Les Secrets du Kayak : Tu es en Australie, n’est-ce pas ?

Valentin Henot : Oui, on a neuf heures de décalage horaire. Ma journée est finie, il me reste à faire un peu de sport.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais en Australie ?

Valentin Henot : A la base, j’étais venu pour faire du kayak et de la compétition. J'étais en camp d’entraînement pour quatre à cinq mois fin 2019. Et au final, je suis resté plus longtemps. Je travaille depuis deux ans en tant que coach de course en ligne.

Les Secrets du Kayak : En Australie les courses auxquelles tu participes sont des courses de surfski, de sauvetage ?

Valentin Henot : Non, de surf-ski de l'Ocean-Racing. C’est super développé. Il y a des clubs de partout. Il y a entre 300-600 participants par course. Ça ramène beaucoup de monde. C’est rare de se balader en ville et de ne pas voir des surfskis sur les toits de partout. C’est un sport très pratiqué.

Il n’y a pas vraiment de structure club. Il y en a, mais pour des gens qui viennent du sauvetage côtiers et qui à un moment se mettent au surf-ski. Sinon il y a une pratique fitness développée et ça passe par du coaching privé.

En terme de prix, il n’y a rien de réglementé. Tu peux payer entre 60 et 120€ en cours individuel pour une heure et demie. Et si tu veux faire des séances de groupe, ça va être entre 10 et 30€ pour le même temps. Les gens viennent entre 1 à 4 fois par semaine.

Les Secrets du Kayak : Les cours de surfski sont plus primés que les courses de sauvetage ? J’aurais pensé le contraire.

Valentin Henot : Ça a changé dans les derniers mois. Le sauvetage ne ramenait plus grand-chose. Il y a eu un nouveau sponsor qui est apparu et qui a mis de l’argent sur la table pour le sauvetage. Mais avant ça, c’était le surfski qui rapportait.

Les Secrets du Kayak : J’ai cru voir que les championnats du monde de surfski, cette année seraient en Australie ?

Valentin Henot : Oui, sur la côte Ouest. C’est là que se fait la course la plus réputée d’Australie. Il y a des vents à 70km/h. Ça souffle, c’est du gros vent. Les vagues sont super faciles et fun à surfer, ça va vite. Il n’y a pas de houle, que des vagues de vent. C’est rapide, mais dès que le vent se casse la figure les vagues aussi. C’est comparable aux conditions en Méditerranée.

Les Secrets du Kayak : Comment tu en es venu à faire du surfski ?

Valentin Henot : J’ai commencé le kayak à 11 ans en club. On faisait un peu de toutes les pratiques en kayak. Mais ce qui me plaisait c’était la descente, j’en ai fait jusqu’à mes 18 ans. Je faisais des championnats de France de fond, de marathon, de slalom. J’ai été en pôle espoir à Rennes en descente pour la dernière année de junior. J’ai du commencer le surfski vers 16-17 ans, mais j’en faisais rarement, que quand j’avais le temps. Championnat de France junior 2, j’en avais marre de traverser la France toutes les semaines pour faire des courses sur du plat. Donc je me suis consacré au surfski.

Les Secrets du Kayak : Tu estimes que la descente, c’est du plat ?

Valentin Henot : A l’époque où j’en faisais, peu de courses se faisaient sur des bassins intéressants. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté. Je n’ai jamais franchement percé en descente, j’étais aux portes de l’équipe de France, mais je n’ai rien fait pour l’intégrer et percer en descente. C’était super frustrant. Mais avec le recul aujourd’hui, je sais exactement pourquoi ça n’a pas marché. Je ne me suis jamais vraiment assez entraîné. Je ne m’entraînais qu’une ou deux fois par semaine avant d’intégrer le pôle. Et au sein du pôle, les entraînements ne m’ont pas convenu. J’étais à un moment de ma vie où je voulais me la coller à l’entraînement. Donc ça n’a pas marché pour moi. Ça a été une année où j’ai beaucoup appris, mais où je n’ai pas eu les résultats espérés.

Les Secrets du Kayak : Comment tu découvres le surfski ? Comment tu t’y mets vraiment ?

Valentin Henot : Je suis Breton, du Finistère. Mon club avait acheté un surfski. J’ai été invité à un stage de surfski avec Stéphane Roulotte, un grand nom de l’époque. A la fin du stage, j’ai été pris de passion pour ce sport, et de m’y consacrer.

C’était à la fin du Lycée, je me suis fait virer du pôle parce que je n’avais pas intégré l’équipe de France. Je suis allé à Brest pour faire du surfski. J’ai fait mon premier semestre de Fac à Brest, et j’avais un bon copain avec qui je m’entraînais tous les jours en surfski.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as progressé en surfski ?

Valentin Henot : J’ai commencé à aller de plus en plus vite sur l’eau, à être de plus en plus à l’aise dans les vagues. Je progressais parce que j’allais plus vite tout simplement. A la fin de mon premier semestre, j’ai compris que pour être compétitif à l’international il fallait je fasse cinq ans de plus, donc je suis parti vivre trois ans en Afrique du Sud.

Tout s’est fait en trois semaines. J’ai trouvé un appart, un groupe d’entraînement. J’avais déjà rencontré un Sud-Africain en Bretagne, je l’ai contacté savoir si je pouvais m’entraîner avec eux. Je savais que les conditions seraient super. J’ai vécu sur mes économies et mes parents qui m’ont aidé. Par la suite j’ai monté un petit business pour faire des crêpes, succès assurés pour un breton.

Je me suis entraîné avec des grands noms Sud-Africains. C’était un groupe de 60 personnes. Le premier mois, je me prenais des branlées sur branlées. Il m’a fallu trois mois pour arriver au niveau. J’ai eu une progression exponentielle.

Les Secrets du Kayak : Comment vous vous entraîniez là-bas ?

Valentin Henot : Les Sud-Africains s’entraînent en course en ligne le matin à 5h30. Aucun retard toléré. On faisait entre 12-17 km. L’après-midi, en mer on faisait plus de la technique. Ils s’entraînent tout le temps au dessus du seuil. Toujours à fond le matin. L’objectif c’était de gagner la séance. On s’entraînait vraiment tous les jours, plusieurs fois par jour pendant cinq jours.

Les Secrets du Kayak : Faire ce rythme là pendant trois ans, tu as du fortement progresser ?

Valentin Henot : C’était particulier, je ne pouvais pas faire des séjours de plus de cinq mois avec le visa. Je passais entre trois et cinq mois en Afrique du Sud, et je revenais pour quelques mois en France. Je marche vraiment à la confrontation. J’avais un environnement et un entourage super en Afrique du Sud, et chaque fois que je revenais en France j’arrêtais de ramer et mon niveau régressait. Je n’étais motivé que là-bas. Je n’ai jamais performé que là-bas.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais des compétitions en Afrique du Sud ?

Valentin Henot : Il y avait des compétitions tous les vendredi et tous les samedi de chaque semaine et une parfois le mardi avec chacune leur spécificité. Ils font la course tout le temps.

Les Secrets du Kayak : Les gars de ton groupe travaillaient à côté ?

Valentin Henot : Il y avait pas mal d’étudiants qui s’entraînaient le matin et le soir, pas mal d’athlètes pro aussi. Ensuite des travailleurs normaux qui s’entraînaient le matin, qui travaillaient et qui revenaient s’entraîner le soir après le travail.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que ton aventure en Afrique du Sud s’arrête ?

Valentin Henot : Un jour en France, j’ai retrouvé mon grand frère Alexandre, on a acheté un voilier et on a décidé de faire le tour de l’Atlantique en bateau, sur un coup de tête on a voyagé ensemble pendant deux ans. On a juste fait un break pour me permettre de faire les championnats du monde à Tahiti. Je n’étais pas au niveau, j’ai fini sixième.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi le tour en voilier s’arrête ? Qu’est-ce que tu fais ensuite ?

Valentin Henot : On avait décidé un parcours, on s’est tenu au programme. C’était une aventure de ouf. Mon frère avait des engagements. Moi j’ai refait du kayak on a refait notre petite vie en France. En revenant du voilier, j’avais cinq mois pour préparer les championnats du monde à Hongkong. J’ai suivi mon plan d’entraînement sérieusement, je me suis entraîné avec mon frangin Hector, j’allais de temps en temps à Rennes au pôle. Je finis troisième, objectif atteint.

Ensuite je suis allé à Bali pour surfer, et je me suis cassé le dos. J’ai eu une fissure sur une vertèbre et un tassement vertébral. Donc pas de sport pendant huit mois. J’ai trouvé une copine pendant ce temps. J’ai beaucoup coaché pendant cette période, et j’ai voyagé pour ça. Je me suis mis à faire de la permaculture, je trouvais des trucs pour m’occuper.

Les Secrets du Kayak : Tu pars quand en Australie ?

Valentin Henot : J’ai passé deux ans en France où j’ai voyagé pour faire des courses et m’entraîner. J’ai surtout ramé avec Nelo, je bénéficiais de leur soutien pour faire des compétitions. Ça m’a permis de pousser un peu plus les différents horizons. Je me suis mis au stand-up paddle, avec quelques courses professionnelles. C’est fin 2018, début 2019 que je suis parti en Australie.

Les Secrets du Kayak : En dehors des stages tu t’entraînais tout seul ? Tu as réussi en France à construire un noyau dur de partenaires d’entraînement ?

Valentin Henot : Non pas du tout. Je n’ai jamais trouvé de groupe d’entraînement, donc ramer en France ça a toujours été frustrant pour moi. Je me suis entraîné tout seul et je déteste ça. Il n’existe pas de spot pour du surfski en France donc il n’y a pas de groupe d’entraînement avec une densité de rameur. C’est compliqué en France, tout le monde est éparpillé. Cet isolement ne permet pas de performer. Ceux qui y parviennent ont beaucoup de mérite.

Les Secrets du Kayak : Quand tu décides de partir en Australie, c’était plus pour rejoindre un groupe d’entraînement ?

Valentin Henot : C’était plus par envie de voyage et de changement. Je voulais de la plage, de l’eau chaude et un bon groupe d’entraînement. Pour moi c’était l’endroit idéal. Je pars pour cinq mois en camps d’entraînement. J’étais lassé de la France. Je voulais me donner les moyens de m’entraîner sur le moyen-long terme.

Je voulais rejoindre des grands noms, mais ça a été la désillusion parce qu’en arrivant là-bas ; je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait pas du tout comme en Afrique du Sud. Tout le monde faisait sa vie de son côté. Je n’arrivais pas à m’entraîner avec les locaux. J’ai eu de la chance, un gars m’a pris sous son aile pour rejoindre son groupe d’entraînement. Un gars qui faisait des Ironman qui s’est converti au surfski. Le pire qu’il ait fait dans sa carrière c’est la troisième place à l’international.

Les Secrets du Kayak : Ça a été payant de rejoindre son groupe ?

Valentin Henot : Non, les groupes payant en Australie c’est dans le fitness. Avec Jérémie, c’était un groupe de potes. On s’entraînait tous les matins, un coup kayak, un coup course à pied, kayak... Les aprèms je m’entraînais tout seul, c’était moins intensif que l’Afrique du Sud. J’ai eu du mal à m’adapter au changement de rythme.

Par contre les séances, c’était aussi à la mort au bout de 20 minutes. Tu vas aussi vite que tu peux pendant aussi longtemps que tu peux. Les gars étaient forts, c’était des gars qui savaient vraiment ramer en mer.

Les Secrets du Kayak : Tu travailles à cette période ou tu fais des petits boulots ?

Valentin Henot : Je faisais que des petits boulots, un peu de charpente, de carrelage... je n’étais pas stressé d’un point de vue financier. J’ai vécu dans mon Van pas mal de temps. Il me fallait juste de l’essence et de quoi manger. Si je travaillais, c’est parce que j’en avais le temps et non pas par pression financière.

Les Secrets du Kayak : Tu n’avais pas de visa permanent ? Tu faisais des aller-retour vacances ?

Valentin Henot : Non, j’avais un visa vacance-travail de un an. Je pouvais donc travailler et rester autant de temps que je voulais pendant un an. Dix jours avant que mon visa expire, la fédération de course en ligne australienne m’a proposé un job. Ils se sont occupé de mon visa, j’ai eu un visa de travail. Ils cherchaient un assistant.

Je me suis retrouvé coach du jour au lendemain. Je m’occupais des athlètes en transition de surf-club pour la course en ligne. J’allais dans les collèges et lycées pour faire chasseur de tête. Je faisais une sélection à la fin pour détecter les athlètes que ce soit pour du sauvetage, de la piscine... il fallait qu’en six mois ils intègrent le groupe monté par la fédération.

On leur faisait passer des tractions, des tractions inclinées, des bips tests, des abdos-planche, et on les mettait sur un kayak voir à quoi ils ressemblaient. On regarde la longueur des bras, du buste, des jambes… En ce moment, on regarde par scanner le type de fibres pour voir si les athlètes sont performants pour le kayak. On va loin dans la détection, mais on travaille avec deux universités qui nous aident pour ça.

Les Secrets du Kayak : En ce moment, tu peux aussi faire analyser ton ADN pour connaître tes prédispositions, les maladies que tu pourrais développer… ça a l’air poussé. Mais après tu es répertorié. Ça peut aussi être une piste. Aujourd’hui tu es toujours détecteur de champions ?

Valentin Henot : Non, aujourd’hui je suis head-coach, je m’occupe de tous les athlètes catégorisés, dans un état qui fait quatre fois la taille de la France. Je suis aussi entraîneur de l’équipe nationale féminine junior. Je les suis sur l’international. Mes athlètes font tous types d’activité. Moi je ne gère que la partie course en ligne. Ce sont des athlètes complets, performants dans beaucoup de disciplines. Pas qu’en kayak.

Les Secrets du Kayak : Tu leur fais le planning entraînement, il y a des rassemblements nationaux réguliers ? Tu les vois à quelle fréquence ?

Valentin Henot : Moi je fais la planification globale. Je les ai 75% du temps. Le kayak est leur sport principal. Elles font entre 13-16 séances par semaine. J’essaye de les avoir 10 fois par semaine. Je suis sur un pôle et je le gère. Je les ai toute l’année. Je peux les préparer tout au fil de la saison.

Les Secrets du Kayak : Quelle est ta philosophie d’entraînement ? Est-elle Sud-Africaine ?

Valentin Henot : Non pas du tout, elle marche très bien pour les sports à dominante aérobie. Mais pour du kayak de course en ligne, pour du 500m, ça ne permet pas de performer internationalement. Je suis sur un système d’entraînement polarisé. Beaucoup de séances basse intensité pour travailler la technique, et quelques-unes ou on va monter. Soit on travaille en pourcentage de VO2max, soit on travaille en zone, ou en terme physiologique, ça dépend des coachs. Moi j’aime les zones physiologiques.

Les Secrets du Kayak : C’est quoi la bonne technique, comment je fais pour avoir la technique du champion olympique ?

Valentin Henot : La technique se travaille à une vitesse super faible, moi j’aime beaucoup les éducatifs. Il faut des muscles puissants, avec une ceinture abdominale super tonique. Donc il y a des séances en dehors du bateau pour travailler le gainage, et trois séances de musculation, on part sur des séries de 10 reps, pour aller sur des séries de 3 reps. Ça ne dépasse pas une heure de séance en musculation.

Les Secrets du Kayak : Vous faites de l’iso-inertiel ? Plus tu tires, plus il y a de la résistance sur la phase négative. Et au démarrage du mouvement ça devient super dur. Est-ce qu’ils font des choses comme cela pour travailler leur montée en force ? Ça se fait beaucoup en Espagne.

Valentin Henot : Non pas à aujourd’hui. Ça peut être intéressant.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu continues à t’entraîner à fond ?

Valentin Henot : Question piège, c’est compliqué depuis que je suis passé sur mon nouveau poste. Maintenant quand j’arrive à me libérer du temps, je m’entraîne tout seul. Pour préparer les mondiaux j’étais tout seul, deux fois par semaine j’arrivais à avoir un groupe. Il m’a fallu du mental pour continuer. Je ne recommanderais à personne d’être coach si on veut rester dans la course.

Les Secrets du Kayak : Nelo a commencé à te sponsoriser pour les bateaux ? Comment ils en sont venus à te sponsoriser ?

Valentin Henot : Ça a commencé en 2017, en me proposant de m’intégrer dans la team après ma troisième place aux championnats du monde à Hongkong. Avant, j’étais sur un bateau français Ocréa. C’est un bateau clairement différent avec ses avantages et ses inconvénients. Ça reste un bateau course. Il est vraiment performant, j’en suis content. J’ai la version de 2018. Perdre deux kilos sur un bateau, tu sens vraiment la différence en mer. Sur le plat c’est plus confortable mais tu ne vois pas vraiment de différence.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que si des gens sont intéressés de venir s’entraîner en Australie, c’est possible en te contactant ? Ou bien le pôle est réglementé et il n’y a pas d’accès ?

Valentin Henot : C’est moi le boss, donc je décide de qui peut s’entraîner avec moi ou pas. J’ai des athlètes qui m’ont contacté et que j’ai accueillis, de tous pays. Ils n’ont pas accès à tout ce qui est structure. Mais les séances sur l’eau pas de soucis. Plus on a de gens différents, plus on progresse. Le kayak est un sport social, le groupe ça aide.

Vous pouvez retrouver Valentin Henot sur son compte Instagram.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Thierry Mouraud

Retrouvez tout sur Thierry Mouraud dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous l’arrivée du Wave-Ski en France à la fin des années 80, jusqu’aux compétitions et l’affiliation fédérale de nos jours.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Thierry Mouraud en février 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Thierry Mouraud : Ça va très bien. Une belle journée qui commence.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu t’entraînes en wave-ski surfing par ces températures ?

Thierry Mouraud : Si les conditions sont bonnes, tu peux aller à l’eau. Mais j’ai levé le pied quand il fait vraiment froid. J’ai déjà attrapé une paralysie faciale à cause du froid. Maintenant quand il y a de la glace sur la plage, je fais attention. C’est en fait un virus. Ça peut arriver aussi à moto.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu découvert le kayak ?

Thierry Mouraud : Ça a commencé à l’âge de 16 ans avec de l’aviron. Et à côté de ce club il y avait un club de kayak, j’ai essayé avec ma sœur. Et moi ça m’a plu j’ai continué. C’était à Bordeaux-lac. Il y avait peu de personnes, c’était orienté loisir, découverte, sortie sur le lac et en rivière. On allait sur les rivières aux alentours, et au fur et à mesure on s’éloignait. J’ai commencé sur du plat puis je suis allé à la recherche de l’eau-vive.

Les Secrets du Kayak : C’est l’eau-vive qui te plaisait ?

Thierry Mouraud : Oui parce que le moniteur nous orientait vers ça. On a touché à tout, mais avec ça on partait tous les week-ends. C’était génial. Après la première année, j’ai pratiqué sur le lac pour performer et arriver sur une rivière en forme. Moi c’était les années 80, le matériel se développait bien. C’est l’armée qui m’a freiné. J’ai du m’arrêter de naviguer pendant un an.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu t’es illustré pendant tes jeunes années en tant que compétiteur ?

Thierry Mouraud : Non, je n’ai pas fait de compétitions. Je voulais être à l’aise en rivière. J’avais fait de la compétition du temps où je faisais de la natation. C’était des entraînements costaud, je ne voulais plus de ça. Je voulais m’amuser. Je ne voulais plus de compétitions, j’en avait fait de trop.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais comme études à côté ?

Thierry Mouraud : J’ai fait un apprentissage électricien. Je n’ai pas eu de parcours de sport-études. En fait, je vivais au club. On avait les clés, on y allait après les cours. Le club s’est développé avec l’arrivé du CTR Pascal Bonnetain. Ils ont introduit toutes les nouvelles activités kayak émergentes. On se retrouvait au carrefour de toutes ces évolutions.

J’ai essayé toutes les pratiques de kayak, on construisait nos bateaux, je me formais pour passer le BE. Les cadres poussaient au développement avec un objectif fédéral et ministériel. On organisait des compétitions. On a lancé la première traversée de Bordeaux. On a essayé de mettre en place des slaloms autour de Bordeaux. Ça se structure dès l’arrivée du CTR.

Les Secrets du Kayak : Tu as fini par passer ton BE ?

Thierry Mouraud : J’ai eu le décès de mon père à l’âge de 22 ans ce qui m’a fait perdre pied. Je me suis réfugié dans la pratique du kayak. Et l’année d’après c’était ma mère que je perdais. Ma famille, c’était donc le kayak. Je me suis reconstruit avec le kayak. J’ai laissé tomber le BE. Ensuite je suis rentré dans la mairie de Bordeaux, un métier alimentaire.

J’ai commencé à m’entraîner sérieusement à cette période-là grâce à cet emploi et le CTR. Ça coïncidait avec l’arrivée de Christophe Rouffet. Les entraînements étaient à fond, à se tirer la bourre entre nous. Je faisais du slalom, puis de la ligne dans les CAPS puis les orions. Les pagaies étaient en bois, très lourdes. Moi j’aimais être polyvalent. Je ne cherchais pas plus que cela la performance. On a commencé la musculation, la sophrologie, les étirements avec Pascal.

Les Secrets du Kayak : Comment tu en arrives au wave-ski ?

Thierry Mouraud : Parce que le comité départemental avait acheté des wave-ski. Un wave-ski, c’est une planche de surf avec plus de volume, pour tenir assis dessus. Ça fait 2,20m sur 60cm de large. On est attaché avec des sangles réglables au niveau des pieds. Et une ceinture pour être fixée sur la planche, autour du bassin. Cette posture est très proche de la pratique de la course en ligne.

Ça vient d’Australie, de la pratique des sauveteurs côtiers. Ils avaient trouvé qu’avec une pagaie, ils pouvaient aller plus vite. Au fur et à mesure la planche a réduit et c’est devenu le wave-ski. Les pagaies sont à peine plus grandes que ta taille. On cherche surtout à avoir des accélérations, il ne faut pas de grandes pagaies, il faut envoyer de la cadence. On est parti sur des pales de descente, qui ont été affinées par la suite.

Le wave-ski est arrivé en 1990 à la fédération, c’est un sport très confidentiel. C’est Jean-Louis Leroux qui l’a ramené en France et l’a fait développer. Ça arrivait un peu vers 1985. Au départ on avait tous les mêmes, on avait tous le même moule. C’est par la suite que Jean-Louis a voulu revoir la forme. Depuis ça n’a pas trop changé sur la forme.

Les Secrets du Kayak : En quoi ça consiste cette pratique en compétition ?

Thierry Mouraud : C’est un chrono sur des séries de 20 minutes. Il faut passer les vagues au large. Il y a plusieurs séries à enquiller sur la journée. C’est assez esthétique. On doit prendre dix vagues maximum, et on te note sur les deux meilleures. C’est comme du patinage artistique. Les codes sont différents. Il a fallu tout mettre en place pour organiser les jugements, les organisations, les structures sont différentes. Les figures sont celles du surf. Mais c’est plus difficile puisque le placement sur la planche est réduit. Ce n’est pas inné. Ça s’apprend, c’est un tout.

Les Secrets du Kayak : Comment ça s’est codifié ?

Thierry Mouraud : Ça s’est mis en place en 1990 avec la mise en place d’une commission. J’étais avec des potes de Bordeaux, d’autres étaient situés en Bretagne. On a commencé par se retrouver, par faire des compétitions entre nous et on a eu les premiers championnats du monde en 1989. On a structuré une équipe, d’où la demande de Jean-Louis pour demander un budget à la Fédération.

J’ai été sélectionné dans la première équipe. Ces championnats du monde étaient gérés par la World Wave Ski Association. Une association qui regroupe tous les pratiquants du monde. C'est ouvert à tous les adhérents. C’était hémisphère sud à fond, quelques européens dont les Anglais et les Irlandais. On a rassemblé les deux régions pour se lancer avec une commission qui tienne la route à la Fédération avec des compétitions à organiser, du développement d’activité. La fédération n’y croyait pas, elle avait le couteau sous la gorge. La machine s’est lancée, on m’a payé pour m’entraîner.

J’ai croisé les grands noms de la course en ligne. On pratiquait le slalom, mais il n’était pas reconnu olympique. On était une fédération de kayak, mais pour l’olympisme c’est la course en ligne qui l’emportait. Il y avait des aides, le robinet était ouvert pour développer les activités kayak. Le wave-ski on est arrivé avec le couteau sous la gorge, on savait qu’on ne se ferait connaître que par les compétitions.

Donc on a pris une raclée phénoménale, j’avais honte d’aller à l’eau. J’ai passé mon temps à regarder les autres, à poser des questions. Je regardais des vidéos pour m’inspirer, apprendre. Ce qui m’a permis de décoller par la suite. Mais ils avaient un niveau supérieur. Ce sont les Bretons qui étaient classés dans les 20 premiers. On a pris les infos et on s’est lancé à fond, pour montrer à la fédération ce que c’était, on a organisé une coupe du monde sur la Bretagne pour montrer ce que c’était que ces activités possibles en mer. Ça a créé une autre dynamique.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des clubs de Wave-Ski spécifiquement ?

Thierry Mouraud : Oui, mais des clubs où tu pratiques de tout. Des clubs spécifiques, il n’y en a pas beaucoup sur la côte. Je suis président du club de Lacanau. Je cherchais les vagues. J’avais toutes mes matinées quand je travaillais à la mairie. Au début pour moi, les conditions n’étaient jamais adaptées. Mais on ne savait pas quel type de vagues il fallait. C’était des entraînements pour se faire plaisir à aller chercher les vagues. On pouvait galérer 20min avant de trouver une vague. C’est un sport comme les autres, il faut faire attention au risque de surentraînement et aux blessures.

Les Secrets du Kayak : Il y a quelques bases techniques à avoir pour en faire, comme savoir esquimauter. Est-ce qu’il y a d’autres prérequis à avoir pour pratiquer en limitant les risques ?

Thierry Mouraud : Non, c’est comme le kayak. Il faut faire attention aux épaules qui peuvent se déboîter régulièrement avec des appuis violents. On esquimaute beaucoup en wave-ski. Il faut une aisance et de l’apnée costaud. Tout cela se travaille en piscine. On fait des séances d’apnée, de natation pour être tranquille sous l’eau quand ça brasse. Je pratiquais de tout pour être polyvalent, je passais parfois huit heures à l’eau.

Les Secrets du Kayak : Comment se codifie l’entraînement, tant qu’il y a des vagues, tu continues ? Tu arrêtes quand ?

Thierry Mouraud : Quand tu es en forme, tu t’arrêtes quand tu es épuisé. Il y a aussi beaucoup d’attente entre les séries donc tu récupères. Tu peux rester très longtemps à l’eau ou tu peux passer beaucoup de temps à passer la barre pour prendre peu de vagues. On a des sièges en mousse sur la planche. C’est la position qui est peu confortable. Il faut un gainage terrible pour tenir. C’est pour cela que nos entraînements de course en ligne étaient bénéfiques car transposables sur le wave-ski. Tu travailles en isométrie. C’est technique au niveau de la posture, du physique.

Les Secrets du Kayak : Tu as eu l’occasion de faire des stages en Australie ?

Thierry Mouraud : Quand on partait faire les championnats du monde, moi j’y restais un mois. On allait surfer avec les étrangers. J’ai des anecdotes plutôt sympas. Notre premier séjour en Australie on est resté coincé aux services de l’immigration. La compétition a du être annulée, les Sud-Africain sont arrivés avec des visas non autorisés. On s'est tous retrouvé au poste. Au final, on a pris la décision de rentrer de ne pas faire la compétition en soutien aux sud-africain. Ils nous ont apporté beaucoup avec eux. Ce n’était pas une compétition au final mais un stage. On a progressé mentalement et techniquement.

Les Secrets du Kayak : Ça ne t’a pas donné envie de rester en Australie, là où le wave ski est vraiment développé ?

Thierry Mouraud : Non à Bordeaux j’avais la belle vie. J’avais un faible pour l’Afrique du Sud. Il y a des wave-ski dans tous les sens. Mais moi, j’avais la chance de surfer quand je le voulais. Ils nous enviaient aussi quand ils venaient en France. J’aime bien mon pays, on a une belle région, j’aime voyager mais je ne me voyais pas y vivre.

Les Secrets du Kayak : Il y a une tenue officielle pour faire du wave-ski ?

Thierry Mouraud : On est assis sur l’eau, on a pris les tenues de surfeurs, les combinaisons de néoprène. Suivant la température de l’eau, l’épaisseur est différente. On a commencé avec des combinaisons de plongée. Maintenant, ce sont des pyjamas. Les combinaisons sont souples et bien adaptées. Sinon tu fais ça en short quand il fait chaud.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe si quelqu’un veut se mettre au wave-ski ?

Thierry Mouraud : Il y a une liste de clubs, sans doute pas à jour, sur le site de la Fédération. Il y a des clubs référents comme Anglet. Il y a aussi des jeunes qui ont monté leurs structures, sans pour autant être passés club. Tout comme en canoë-kayak au début. C’est comme cela que se créent les clubs. Les petits clubs disparaissent, ce sont les structures privées qui prennent le dessus. Nos jeunes ont monté des structures privées rattachées à la fédération. C’est comme un cours, ce n’est plus associatif. Certains font du surf, du wave-ski, de la pirogue… ils font de tout.

Des clubs, il y en a pas mal en Bretagne, mais c’est à peu près tout. Ça reste local. Le frein au développement ça reste le matériel, l’encadrement, et les clubs aux pieds dans l’eau il faut aller gratter ça ne se trouve pas comme cela.

L’hiver de toute façon, c’est le No Man’s Land. Ça commence toujours fin mars. Sinon les écoles de pagaie c’est le mercredi et le samedi. Ça se fait directement sur l’océan ou le lac pour les débutants.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que la France est une bonne nation aujourd’hui en wave-ski ?

Thierry Mouraud : C’est la meilleure nation mondiale. On a créé une dynamique et un contenu au haut niveau. Tous nos jeunes formés performent, et ça continue. On est devenu référent dans le développement de la pratique pour les Australiens et les Sud-Africains. On n’est pas nombreux, mais on est des passionnés. On a excellé en 1995 dans l’organisation des championnats du monde, à Lacanau , c'était du jamais-vu.

Et le plus beau, c’était en 2003 en Guadeloupe. Il y a eu des moyens incroyables de débloqué. Un retour du public, c’était formidable. On est devenu des leaders. On va le rester encore un moment quand on voit nos jeunes. Seul le contexte financier peu impacter le développement.

Les Secrets du Kayak : Combien ça coûte une planche ?

Thierry Mouraud : D’occasion 500€. Sinon entre 1000 et 1800€. Maintenant, on voit des vidéos de wave-ski ça se popularise, avant jamais tu aurais trouvé du matériel d’occasion. Ce n’est pas un développement comme le surf, à outrance, et tant mieux. Moi je reste kayakiste, je ne suis pas surfeur, ce n’est pas le même état d’esprit. Les surfeurs font un peu tout et n’importe quoi, il y a des risque de collisions terribles.

Les Secrets du Kayak : On voit l’arrivée du kayak cross en sport olympique, est-ce qu’on peut imaginer un jour que le wave ski passe olympique ?

Thierry Mouraud : Nos clubs sont orientés et codifiés vers l’olympisme, c’est le Graal. Les surfeurs sont contents de passer aux JO, et ça leur rapporte.

Nous le wave-ski n’est pas reconnu olympique. Il est reconnu fédéralement, et parce que le nouveau président vient de Bretagne. Mais on ne compte pas sur ça pour faire développer la pratique. Tous les jeunes qui s’essayent au wave-ski continuent la pratique, mais comme ça ne tend pas vers l’olympisme, les clubs ne les poussent pas vers ça.

Il y a eu une époque où il y avait les moyens, mais c’était trop tôt. On est resté petite niche, mais ce n’est pas plus mal. Mais on aurait pu être reconnu et c’est dommage. Notre force, ce sont les clubs, les subventions, les aides des municipalités. On est privilégié par rapport à d’autres pays.

Le club est ouvert à tous les pratiquants de canoë-kayak qui le veulent. Ils sont les bienvenus s’ils ont le bon état d’esprit. Si tu passes nous voir, tu seras accueilli avec du matériel adapté. La priorité reste de se faire plaisir, c’est le point de départ de la performance. C’est un plaisir de partager.

Vous pouvez retrouver Thierry Mouraud sur son compte Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Philippe Renaud

Retrouvez tout sur Philippe Renaud dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous ses débuts en canoë et en kayak, suivis d’une carrière de sportif de haut niveau pour enfin devenir entraineur national.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Philippe Renaud en janvier 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Philippe Renaud : Ça va bien, je termine une journée de travail. Je travaille pour le sport de haut niveau dans la région des Pays de la Loire à la maison régionale de la performance au CREPS des Pays de la Loire. Je suis les sportifs de la région dans leurs double carrières, sportive et socioprofessionnelle et de formation.

Je suis spécialisé sur le suivi socio-pro autrement dit, l'aménagement des horaires de cours pour qu'ils puissent s’entraîner le mieux possible et le plus possible, du collège jusqu'au post-bac avec les universités.

Ça veut dire que je suis en relation avec le rectorat, les universités, les responsables de filières, pour aménager les parcours des uns et des autres. J'accompagne aussi les sportifs qui sont dans la vie active qui ont un emploi, pour leur permettre d'avoir des mises à disposition pour s'entraîner. Je cherche les financements pour qu'ils puissent partir en compétition ou à l'entraînement.

Grosso modo, je suis un peu le filtre des sportifs à potentiel de la région. Je suis les sportifs, je les rencontre, j’analyse leurs besoins, que ce soit dans le suivi socio-professionnel ou beaucoup plus large par rapport à l'entraînement.

Les Secrets du Kayak : Ça ne se cantonne pas qu'au canoë-kayak en fait ? C'est des athlètes de toutes les disciplines?

Philippe Renaud : Il y a toutes les disciplines, ça va du parachutisme en passant par la gymnastique, la natation, il y a du canoë-kayak aussi, c'est très large.

Les Secrets du Kayak : Comment on fait pour trouver des financements ? Sujet un peu sensible, notamment dans le canoë-kayak ! Est-ce que tu as des conseils à donner sur le sujet ?

Philippe Renaud : Ce sont des financements institutionnels pour la plupart avec le Conseil Régional des pays de la Loire, mais aussi avec les fédérations et l'Agence Nationale du Sport. J'ai un quatrième financement qui est possible grâce au mécénat de compétences. Ce mécénat intervient avec les entreprises qui participent.

Les Secrets du Kayak : Qu'est-ce que c'est le mécénat de compétences ?

Philippe Renaud : En fait, l'entreprise déclare mettre à disposition un athlète pour X heures, pour une valeur de temps, et l'entreprise bénéficie d’une réduction fiscale si elle peut le faire au regard de son chiffre d'affaires et des impôts qu'elle paie. Elle peut avoir une réduction fiscale de 60%, et puis nous, on finance la différence quand on a des mises à disposition de sportifs.

Les Secrets du Kayak : Alors comme tu sais, mon podcast est axé sur le canoë-kayak, et toi j'ai cru comprendre que c’est une histoire de famille ? J'ai pu voir que ton père avait été médaillé olympique en 1958, puis ton frère en 1984, puis toi en 1988. Est-ce que c'était naturel de faire du Canoë en suivant l'exemple de ton père ou pas du tout ?

Philippe Renaud : Alors il y avait effectivement mon père qui a fait les jeux de 1952 en kayak et qui a fait les jeux de 1956 en canoë, où il fait troisième et quatrième. Ma mère qui a fait les championnats en 1954, et puis mon frère qui a fait les jeux de 1984. Moi j'ai fait les JO de 1984 où j'ai fait quatrième.

Et puis il y a eu un prédécesseur plus loin qui a fait les jeux de 1924 en cyclisme, qui était mon grand oncle, qui a fait quatrième à Paris en 1924 en poursuite en cyclisme. Voilà donc là on est bientôt à 100 ans d'Olympisme dans la famille, c'est un beau chiffre. Donc de Paris en 1924, à Paris en 2024 en fait.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu es obligé de faire du canoë-kayak avec ce parti ?

Philippe Renaud : Sincèrement, je ne me suis pas senti obligé. Je n'ai pas souvenir d'avoir été contraint par l'histoire ou par mes parents. Ceci dit ils ont tout fait pour qu'on fasse ce qu'on avait envie de faire.

On a toujours habité sur le bord de l'eau donc moi j'ai navigué, j'ai des photos où je suis dans un gros canoë type Leclerc attaché à une corde qui doit faire une dizaine de mètres. Je passe mes après-midi à jouer avec le canoë à mes débuts. On allait avec mon frère naviguer quand on en avait envie. On prenait un des bateaux qu'on avait à la maison et puis on allait se faire un tour, on allait à la pêche, on allait bivouaquer. Pour nous c’était ça le canoë.

On a eu la chance de faire beaucoup d'activités. On a même fait du slalom, nous n'étions pas très bons. J'ai fait de la descente, j’ai été champion de France en descente en canoë junior, en kayak aussi en cadet, et puis après il a fallu forcément choisir la discipline. On avait aussi fait du kayak surf, du kayak de mer également. On a fait des activités comme ça qui étaient vraiment très différentes, donc avec un vécu kayak qui était vraiment très fort et une connaissance d'un peu tous les milieux.

Les Secrets du Kayak : Comment se sont passés ces débuts ? Est-ce que c'est ton père qui t'apprenait à toi et ton frère la technique de comment faire, ou c'était vraiment au hasard ?

Philippe Renaud : C'est un point que je voulais aborder parce qu'effectivement aujourd'hui l'entraînement est très encadré, très codifié. Avec de la technique, des choses qui sont connues, même si en France ce n'est pas toujours très écrit. Mais à l'époque sincèrement on y allait, on naviguait sans consigne, sans savoir faire. Chacun essayait de découvrir comment ça fonctionnait.

Mes parents étaient commerçants et du coup ils nous emmenaient le week-end sur des compétitions ou des déplacements d'eau vive ou autre ou de descente de rivière, sans compétence. Le restant du temps, on allait naviguer tout simplement.

Les Secrets du Kayak : Donc tu apprenais à faire de la descente, du slalom, de la course en ligne, tout seul, au début en tout cas ?

Philippe Renaud : Plus ou moins. On participait avec des groupes, j'ai eu la chance de naviguer avec des personnes qui sont devenues des champions olympiques en 1952 en canoë biplace. Dont une personne qui travaillait à la ville de Thonon-les-Bains. Il avait été champion du monde aussi en descente de rivière.

Avec mon frère en vacances, on avait fait un stage là-bas Ce n'était pas qu’un stage, on était aussi avec ses deux fils, du côté de Briançon. On s'est fait toutes les rivières possibles du coin, dans tous les sens. On a fait la même chose avec d’autres. Des personnes que mon père connaissait. En descente, on a fait l'Isère par 50m³, moi j'étais minime tout seul dans mon petit bateau, c'était une semaine qui nous a vraiment apporté beaucoup.

Les Secrets du Kayak : Ça fait plaisir à entendre, c'était l'aventure !

Philippe Renaud : Pour nous jusqu'au moment où on a vraiment commencé la compétition, le canoë-kayak c'était un outil d'aventure et de découverte. On avait la chance à l'époque, j'étais au club de Cosne sur Loire avant d'être à l’ACBB à Paris. Au club de Cosne, tous les ans, le club faisait une randonnée l'été, on remontait soit sur l'Allier, soit sur la Loire, à environ 200km de Cosne, et puis on descendait pendant 4 ou 5 jours en bivouaquant et en pêchant, en vivant sur les îles de Loire, et ça c'était génial.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi tu choisis le canoë et à quel moment ?

Philippe Renaud : Je ne sais pas, j'ai toujours été attiré par le canoë. En étant minime j'avais envie de faire du canoë, sauf qu'il n'y avait personne pour courir contre moi, j’étais tout seul... donc je continue à faire du kayak, en cadet c'était pareil. J’allais sur les compétitions on emmenait mon canoë et mon kayak. La plupart du temps il n'y avait personne pour courir en canoë. Puis en cadet, deuxième année il y a eu de la concurrence, et là, j'ai commencé à courir en canoë.

Les Secrets du Kayak : Et tu as fait le choix de la course en ligne parce que c'était olympique ?

Philippe Renaud : Pas du tout, parce que c'était plaisant ! Ce sont des bateaux qui vont vites tout simplement. Jusqu’en junior j'ai continué de faire de l'eau-vive, pas beaucoup mais une bonne dose quand même.

Les Secrets du Kayak : Tu as combien d'années d'écart avec ton frère en fait ? Tu t'es souvent retrouvé confronté à lui en compétition ?

Philippe Renaud : On a 18 mois d'écart. On a navigué et couru ensemble, mais aussi l'un contre l'autre. Et puis on s'est suivi jusqu'après les JO de Los Angeles, jusqu'en 1986 où Eric a arrêté.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y avait une saine rivalité entre vous ? Vous avez tous les deux performés au plus haut niveau, comment ça se passait quand il y en a un qui était devant l'autre, ça se gérait ?

Philippe Renaud : On était ensemble en confrontation jusqu'à fin de junior. On courait l'un contre l'autre une année sur deux, et puis en équipage une année sur deux ensemble. Donc ça se passait bien.

Par la suite quand on a été en senior, on s'est retrouvé et on a continué de s'entraîner et de courir l'un contre l'autre sur des sélections... Mais comme à l'époque, on était un tout petit noyau de canoës à prétendre courir en équipe de France. Du coup mon frère était plutôt spécialisé en biplace avec Didier Hoyer, et moi je faisais le monoplace.

Les Secrets du Kayak : Qu'est-ce qui fait que tu es passé au biplace, alors que tu étais plus monoplace à la base ?

Philippe Renaud : L’avantage d'avoir plusieurs supports c'est que ce sont des courses différentes, les gestions de courses sont différentes, forcément. En biplace on n'est plus tout seul, il faut composer avec les autres dans le bateau, en bien ou en mal. Un équipage, ce sont de belles histoires et des mauvaises. C'est comme les couples, il y a des bon moments et des moins bons. De plus, j'avais déjà fait pas mal d’années en monoplace et j'avais un peu l'impression de m'ennuyer et de stagner en monoplace.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait les entraînements quand tu es passé en course en ligne ? J’ai l'impression que ta génération s'est beaucoup entraînée avec un fort volume d'entraînement. Est-ce que c'est comme ça que toi tu l'as vécu ?

Philippe Renaud : En fait, c'est vrai qu'on a navigué et fait un gros volume. On a fait beaucoup de bornes. Moi je suis parti en sport étude à Besançon, je n'avais pas 14 ans. J'ai commencé on s'entraînait quasiment tous les jours avec un volume d'entraînement qui nous changeait beaucoup. Alors que moi je m'entraînais deux-trois fois par semaine grand maximum avant ça. Quand je suis arrivé en junior il y avait une grosse concurrence. Le deuxième junior français était là. C’était aussi un fou d'entraînement. Donc l'un et l'autre, on s'est sacrément frité.

On se faisait des grosses séances et des gros volumes en course à pieds, en ski de fond, en bateau aussi parce qu'en bateau on en était capable. On faisait des 80 bornes le week-end, un samedi dimanche, 20 bornes par demi-journée. Quand il y en a un qui rentrait le week-end chez lui, l'autre en profitait pour faire un maximum de kilomètres pour creuser l’écart.

Les Secrets du Kayak : Donc avec ce fort volume d'entraînement tu es arrivé en équipe de France de course en ligne ?

Philippe Renaud : Je suis entré en étant cadet première année en équipe de France junior. J'ai fait les championnats du monde junior et puis rapidement je me suis retrouvé dans les tous meilleurs Français puisque j'étais dans les deux premiers Français sur 500m.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais des études à côté ?

Philippe Renaud : J'ai passé mon bac. A l’époque, on ne parle pas de Pôle France, il y avait trois sports-études en France. Un qui était plutôt spécialisé course en ligne, un qui était spécialisé à course en ligne avec un niveau un petit peu moindre. Un autre spécialisé en eau-vive. La grosse structure c'était à l'INSEP à Paris où il y avait les meilleurs Français. Donc moi je suis parti passer mon bac à l'INSEP et puis j'y suis resté 11 ans.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait l'encadrement là-bas ? Au début tu disais que c'était plus un jeu, tu apprenais tout seul. A l'INSEP j'imagine que ce n'est plus du tout ça ?

Philippe Renaud : C'était une autre étape, on côtoyait plein d'autres sports, d'autres sportifs, d'autres manières de s'entraîner. On avait un entraîneur dédié qu’on ne voyait pas tous les jours. On s'est beaucoup entraînés tout seul aussi, et puis c'est vrai qu'on commençait à parler de technique. On a commencé vraiment à parler de manière de faire, de tactique de course Et puis on est allé beaucoup à l'étranger, notamment dans les pays de l’Est qui étaient les leaders en canoë.

Pour autant, on n'avait pas d'école de pagaie, on n'avait que des théories qui n’étaient pas forcément les bonnes. Par exemple, en kayak on pouvait entendre des choses comme : il faut pousser très fort, alors qu’aujourd’hui et depuis un moment, on sait que pousser très fort est une aberration.

Moi je me suis retrouvé avec Gérald Delacroix, qui nous a accompagné jusqu'à 1984, sur le groupe de canoë. Puis rapidement c'est Alain Lebas qui nous a accompagné. Alain était un kayakiste qui a pris le groupe de canoë en étant complètement novice sur la technique. On a co-construit la manière dont on allait s'entraîner, comment on allait pagayer, et on a réfléchi ensemble. On s'est vraiment construit cette manière de faire et cette efficacité. On a monté un groupe à partir de fin 1986, jusque 1993. Moi j'ai quitté l'équipe. C’est grâce à Alain que le canoë est vraiment ressorti avec cette grosse équipe. Il y avait moi, Didier, et bien d’autres, sans oublier Olivier Boivin…

Les Secrets du Kayak : Comment tu m'expliquerais la technique en canoë alors ?

Philippe Renaud : La technique en canoë c'est avoir un bon rendement, c'est la position de la pagaie dans l'eau, c'est la position du corps, l'utilisation de tous les muscles les plus importants, et surtout un bon transfert des forces. Donc après il y a plein de points de vigilance technique à surveiller. En canoë il y a un élément qui diffère du kayak, c'est qu'on n'a pas de gouvernail. Donc il faut tracter le bateau, le faire avancer, mais il faut le diriger en même temps. Donc ça c'est un élément qui est assez complexe.

Les Secrets du Kayak : J'ai pu lire sur le net que tu fabriquais tes pagaies de course, est-ce que c'est vrai ?

Philippe Renaud : C’est vrai, en fait j'ai toujours bricolé quand j'étais gamin, j'ai construit un paquet de bateaux. En France, on n'avait qu'un constructeur de pagaie et je n'aimais pas. Lors d’une compétition, mes premiers championnats du monde junior, j'avais acheté une pagaie en bois à un russe, elle était géniale. J’avais vraiment une super accroche, mais c'était impossible de trouver ce type de pagaie en France. Alors je me suis quand même fait faire deux pagaies de ce type là par Joe Suranyi, le père de Patrick, Joe était un ébéniste à la base.

Ensuite je voulais une pagaie en carbone, j’avais tenté de la faire moi même pour les JO de Los Angeles. Par la suite je me suis fait un moule pour me les construire. J’en ai fait pour moi et pour d’autres, pour me financer ma carrière. Je les ai faites parce que j’avais rencontré Gilles Romigou, directeur technique de Sycomma Composite. Il m’a guidé pour ma première pagaie, puis il est devenu mon sponsor et ensemble on a co-construit les premiers canoës en carbone.

Les Secrets du Kayak : Comment tu faisais pour choisir le moule que tu voulais en canoë de course en ligne ?

Philippe Renaud : On a utilisé la copie d’un bateau bois Struer. C’était la forme qui me convenait. On a fait deux bateaux. Ils étaient très nerveux, agréables, mais compliqués à naviguer, ils ne pardonnaient aucune erreur. Les bateaux bois qu’on avait étaient plus souples. On s’éclatait mais mon équipier ne l’aimait pas.

Les Secrets du Kayak : Tu as fait deux fois les Jeux, est-ce qu’à partir du moment où tu étais dans cette démarche de sport-études à l’INSEP, c'était un objectif de faire les JO pour toi ?

Philippe Renaud : Oui bien sur. En étant à l’INSEP j’ai passé le concours de professeur à l'éducation physique, je suis devenu enseignant et je me suis rendu vite compte que ce n'était pas pour moi. Pour moi faire du sport c’est un plaisir, mais se battre avec les élèves pour qu’ils fassent du sport, ça ne me convenait pas. Donc je suis parti sur un BE pour le professorat pour devenir entraîneur. Et en parallèle, j’ai préparé les JO.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que c'est un objectif de faire une médaille aux Jeux Olympiques ? Est-ce que c'était possible ? C'était quelque chose d'envisageable cette médaille ?

Philippe Renaud : C’était très compliqué. Il y avait moins de pays puisque l’URSS n’avait pas encore éclaté. Les pays satellites qu’on connaît aujourd’hui étaient rassemblés sur un K4 dans l'équipe nationale de l'URSS. On était à une époque où le dopage était bien présent. On se battait contre des machines. Donc faire une médaille contre eux c’était hypothétique. Mais la manière dont on s’est entraîné, la stabilité qu’on avait sur nos performances, nous a permis de faire la médaille.

Les Secrets du Kayak : Pour les JO de 1984, qu'est-ce qui fait que tu passes en biplace ?

Philippe Renaud : Je suis très près de la médaille de bronze pour les Jeux de 1984, donc grosse déception. L’année d’après je passe mon concours de professorat de sport adjoint EPS, je m’entraîne un peu moins, je fais les championnats du monde en monoplace. Je ne fais que des demie-finales. Il me fallait changer des choses.

Dans ces changements, je suis passé en biplace. Ça m’a remotivé, je commençais à m’ennuyer tout seul au bout de six ans. La fédération m’a proposé Joël Bettin, tout jeune équiper qui avait une approche technique proche de la mienne. En cinq mois de pratique ensemble, aux championnats du monde on fait cinquième alors qu’on avait foiré notre départ. On avait chacun un niveau intéressant au départ chacun de notre côté.

Les Secrets du Kayak : Comment tu quantifiais l'entraînement à ton époque ?

Philippe Renaud : On n’avait pas de GPS, on avait des montres, on quantifiait ça en temps. On contrôlait assez peu nos FC. Je comptais mes coups de pagaie pour contrôler ma cadence. Je savais à combien je devais tourner en fonction des objectifs de la séance.

Les Secrets du Kayak : En canoë, on est à quelle cadence sur un 500 mètres ?

Philippe Renaud : Sur un 500 on tournait entre 85-87 à 70-72 sur les différents moments de course. Sur l'EB1 je devais tourner à 42-43, donc hyper bas mais avec un gros appui pour le transfert. Tu privilégies l’appui d’autant plus qu’il est plus dur qu’en kayak.

Les Secrets du Kayak : Avec Joël pour les JO, vos résultats sont une consécration ? Ou peut-être que tu imaginais finir deuxième ou premier ? Et non pas troisième ?

Philippe Renaud : Tout le monde a envie de gagner. On connaissait la vitesse à laquelle on pouvait aller, et celle des autres. A chacune de nos courses, on le faisait par rapport à nous même et non pas par rapport aux autres. On savait estimer notre temps et le nombre de nos coups de pagaie. C’était les autres qu’on ne maîtrisait pas. Chaque nation avait sa particularité si on devait les comparer à nous.

Les Secrets du Kayak : En dehors du dopage tu penses que les gars étaient beaucoup plus forts que vous en musculation par exemple ?

Philippe Renaud : Les Russes étaient un petit peu plus forts que nous mais pas beaucoup plus je pense. Ils avaient une très très bonne technique, un bon rendement. Les Allemands de l’Est étaient énormes en musculation. On n’avait pas du tout la même puissance.

Les Secrets du Kayak : Quand tu voyais ça, tu ne disais pas finalement le secret c'est qu'il faut plus de muscu ?

Philippe Renaud : J’en faisais énormément, entre 3 et 5-6 séances, et aussi beaucoup d’aérobie à côté. La musculation et l’aérobie, c’est antagoniste. On était fort mais sans carrure.

Aux JO, le bassin était lisse. On s’est retrouvé complètement à l’extérieur du bassin. On est parti bien, on s’est battu pour la place finale. On n’a fait aucun podium, mais on a fait la perf au bon moment.

Les Secrets du Kayak : Après 1988, ça te motive pour aller chercher d’autres médailles ?

Philippe Renaud : Oui complètement ! Les championnats du monde suivants, on refait des médailles. On était motivés. En 1990 on a foiré les championnats du monde. Le bateau allait de moins en moins bien, mon équipier appréhendait de plus en plus les courses, on était moins à l’aise à deux. On s’est séparé en 1991 pour partir chacun de notre côté.

Les Secrets du Kayak : Vous aviez progressé individuellement, vous faisiez des tests VO2 max à l’époque ?

Philippe Renaud : Je ne me souviens pas des chiffres, on les faisait en labo. Sur les vitesses de déplacement et les chronos, on allait plus vite.

Les Secrets du Kayak : En 1991 tu reformes un C2 avec un autre équipier ?

Philippe Renaud : Non j’ai essayé, mais je me suis surtout relancé sur le monoplace. Le C2 fonctionnait sans plus. Je suis parti en C1, je me suis préparé tout seul pour préparer les JO, j’ai été mis de côté par la fédération. Je suis allé m’entraîner en Polynésie pour borner et avec des kayakistes.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi avoir arrêter ta carrière ? Tu bossais à côté comme prof de sport ?

Philippe Renaud : J’ai été détaché jusque fin 1992. 1992-1993 je voulais m’arrêter mais j’ai fait un mi-temps professionnel. J’ai été CTR dans le canoë-kayak dans les Pays de la Loire pendant quatre ans. Je m’occupais du développement de la course en ligne, et je m’occupais d’un centre d’entraînement. Ça me plaisait beaucoup. Je travaillais, je m’entraînais moins.

En 1993 je ne me suis pas sélectionné, j’ai décidé de partir en quatre places. On a failli faire un podium. Dans l’année suivante j’ai arrêté, trop pris par le boulot pour m’entraîner. Ensuite pendant quatre ans, j’ai été entraîneur national.

Les Secrets du Kayak : Tu as entraîné les canoës mais aussi les kayaks dame ?

Philippe Renaud : Oui. J’ai aussi entraîné le collectif junior et les moins de 23 ans. Quand j’ai postulé, c’était pour être entraîneur de canoë. Kersten a été recruté en même temps que moi. Il a remis la valeur travail-entraînement pour faire remonter le niveau du canoë-kayak. Mais il avait le principe que l’entraîneur qui avait le meilleur sportif de haut niveau, devenait l’entraîneur national.

J’ai été sur un pôle France tout neuf qui démarré, donc pas encore de sportifs à potentiel. Il m’a d’abord laissé sur les canoës, on a fait de très bons résultats. L’année suivante, je reste pourtant chez moi. J’avais les boules. Je n’avais pas la responsabilité d’une équipe. L’année d’après il m’a mis entraîneur des filles en kayak. Le kayak ne demande pas la même technique mais j’en avais fait beaucoup. En tant que CTR j’en avais entraîné pas mal. Je me suis bien éclaté avec elles.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi cette mission d’entraîneur national prend fin ?

Philippe Renaud : Parce que 1999-2000, cela faisait 22 ans que j’étais dans le haut niveau. Pour moi, c’était devenu trop. Besoin de faire et de voir autre chose. J’étais personnel du ministère jeunesse et sport, j’ai postulé dans une direction régionale pour faire un autre métier.

Les Secrets du Kayak : Quand tu es entraîneur national, de quoi tu es chargé ?

Philippe Renaud : A l’époque je m’occupais des plannings, des réservations, faire les déplacements, gérer le matériel... Quand Kersten est arrivé, il a mis en place le cadre d’entraînement.

Le but était de suivre le plan cadre pour avoir un certain volume, tout en nous laissant une certaine liberté d’interprétation de ce plan. Je les ai pas mal adapté. En moyenne à l’année, je dirais que les kayaks devaient tourner à 4000km/an. Au delà de ça il y a aussi toute la PPG qui est importante. Ski, natation, vélo, musculation…

Les Secrets du Kayak : A ton époque c’était beaucoup course à pieds, musculation, ski de fond. Il n’y avait pas trop de vélo ? Toi, tu étais plus vélo ou course à pieds ?

Philippe Renaud : Ça dépendait des uns et des autres, c’est venu plus tard. Il ne faut pas oublier qu’en terme de volume il faut faire pratiquement deux fois le temps de vélo pour avoir le temps de course à pieds. On a davantage de temps de pause en vélo. Ce qui est intéressant c’est de pouvoir faire les deux.

Les Secrets du Kayak : A un moment, tu es parti entraîner à Tahiti ?

Philippe Renaud : Oui en 1992, lorsque je suis parti en Polynésie pour borner. J’ai écrit à des clubs pour postuler. Je suis parti avec ma femme et ma fille et en échange ils m’ont demandé d’entraîner les rameurs. Mais la pirogue je ne connaissais pas. J’y suis allé, je les ai entraîné, la pirogue c’est la tradition là-bas, il ne fallait pas se louper, sans oublier qu’ils n’aimaient pas les blancs.

Je suis entré en contact en naviguant avec eux en pirogue. Mon niveau physique était meilleur qu’eux, je jouais avec eux. Progressivement ils m’ont respecté et fait confiance. Certains lagons sont assez plats. Là où j’étais ça bougeait un peu. Ça m’a permis de faire un gros volume d’entraînement. Je naviguais deux fois par jour, je courais tous les jours, je faisais de la musculation tous les jours. Ça a été un gros stage de volume.

La vraie pirogue il n’y a pas de gouvernail, c’est tahitien. Avec un gouvernail, c’est Hawaïen. Les deux n’ont pas la même vitesse de déplacement et ce n’est pas la même façon de naviguer. Tu es un peu plus haut que dans un surfski. C’est un bateau très étroit mais très stable grâce au balancier.

Les Secrets du Kayak : Fort de cette expérience, tu t’es mis à construire des pirogues ?

Philippe Renaud : Oui mais pas de suite. Ma première fois là bas, c’était en 1992. J’y suis retourné en 2005 où j’avais l’idée du projet. Les tahitiens sont attachés à leurs bateaux, il ne voulaient pas m’en vendre. En 2008, j’ai créé ma société et cinq mois après c’est la crise des USA. Je partais sur la pirogue de loisir.

Quelqu’un qui ne sait pas naviguer se débrouille facilement dans une pirogue. Je voulais développer le tourisme grâce à ça. Au bout de six mois, ça tournait bien. La crise a tout ralenti et fait éteindre le développement. Il a fallu réajuster l’activité. J’ai du passer par un sous-traitant, au final j’ai du arrêter l’entreprise.

Ça fonctionne pas mal en métropole, il existe des courses de vitesse, de mer. Il y a du monde et un gros volume de tahitiens et de polynésiens en métropole, ce qui leur permet de pratiquer leur sport en métropole.

Les Secrets du Kayak : Tu n’as jamais eu envie d’y revenir à cette entreprise ?

Philippe Renaud : Ça a été une étape, je me suis fait plaisir. Ça a laissé des traces d’un point de vue financier. Je suis parti sur d’autres projets, sans regret.

J’avais mis entre parenthèse ma carrière pour cette entreprise, donc j’y suis revenu juste après. Je suis revenu dans les Pays de la Loire pour développer le sport santé. Le but c’était de remettre les gens à l’activité sportive pour éviter, ralentir le surpoids, lutter contre les maladies chroniques. Les études médicales démontrent les bienfaits du sport sur la santé. A certains endroits, aujourd’hui le sport est prescrit par certains médecins.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi avoir arrêté cette mission pour te consacrer au haut niveau ?

Philippe Renaud : Je travaillais à la Direction Régionale de la Jeunesse et Sport. La collègue de l’époque partait, j’ai postulé sur le poste. Je m’y suis fait plaisir. Je connaissais le haut niveau par le canoë-kayak, mais pas par les autres sports. Je me suis retrouvé à gérer tous les autres sports qui se faisaient sur la région, sur des pôles espoirs, pôles France. Je m’occupais aussi des agréments de centres de formations professionnels. C’était des cultures différentes qu’il m’a fallu apprendre.

J’étais un contrôleur du respect des sportifs dans ces structures. J’étais sur l’organisation générale. J’ai fait des rencontres intéressantes. Le fonctionnement est assez transversal entre tous les sports malgré les spécificités de chaque sport.

Les Secrets du Kayak : Tes enfants n’ont pas fait de canoë ?

Philippe Renaud : Certes c’est une histoire de famille, mais il ne faut pas que ça devienne une tare. J’ai eu la chance que mes parents ne me poussent pas au sport de haut niveau, je leur en suis reconnaissant. Mais dans ma carrière j’ai vu beaucoup de parents, anciens sportifs, qui n’ont pas percé pour lesquels leurs enfants étaient leur faire-valoir de ce qu’ils n’avaient pas fait, et qui les poussaient. Je ne le voulait pas de ça pour mes enfants. Ils ont suivi leurs envies. Ils ont fait de la compétition comme ils l’ont souhaité dans le sport qui leur convenait.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des questions qu’on n'a pas abordé que tu voulais évoquer ?

Philippe Renaud : Oui. Le prolongement d’une discussion que l’on a eu l’autre jour. Tu expliquais t’être mis tout récemment au canoë-kayak et que tu ne trouvais pas trop d’informations, d’où la création du podcast. Il n’y a pas grand-chose sur le kayak, mais encore moins pour le canoë. Aujourd’hui on n’a pratiquement plus de canoës. Je me suis rendu compte de cela sur un championnat de France il y a quelques années lors d’une discussion avec un ancien collègue.

En fait je pense que ça vient en partie de la politique de Kersten évoqué précédemment, mais parce qu’en Allemagne les jeunes quand ils arrivaient en haut niveau, ils savaient pagayer que ce soit en canoë ou en kayak. Nous on n’avait pas cette culture. Des entraîneurs de kayak ont entraîné des équipes de canoës et vice-versa, sans être suffisamment formés. Du coup je pense qu’on a loupé des choses et certains sportifs n’ont pas fait de médailles olympiques, mais à mon sens, n’y étaient vraiment pas très loin. Je pense que ça fait partie des explications possibles. Le kayak et le canoë ne se pratiquent pas de la même façon.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu aurais une idée de comment remédier à ce problème ?

Philippe Renaud : Il faudrait reformer les entraîneurs de club. J’ai participé fin octobre à une formation sur les Pays de la Loire, organisée par la Fédération Française des entraîneurs de l’Ouest sur les canoës, je suis intervenu sur la technique canoë avec Benoît Bernard. Ils sont repartis remotivés, et je pense qu’il faut développer cette idée. Mais ça demande des finances, un bénévole qui sait de quoi il parle. Il existe des outils pédagogiques comme le paddle qui peuvent aussi aider.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Stéphane Janssoone

Retrouvez tout sur Stéphane Janssoone dans cet épisode des Secrets du Kayak. Ancien sportif de haut niveau, il devenu le spécialiste français de la respiration. Il nous en dit plus sur ce sujet passionnant.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Stéphane Janssoone en janvier 2023.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Stéphane Janssoone : Ça va super merci.

Les Secrets du Kayak : Tu ne fais pas de kayak, ça va être un podcast sur la respiration. Ma question c’est comment en es-tu arrivé à te spécialiser dans la respiration ? Tu as été sportif de haut niveau, peux-tu récapituler ton parcours ?

Stéphane Janssoone : Il n’y a pas de lien entre mon parcours sportif et la respiration. Si j’avais eu les clés que j’ai aujourd’hui dans la respiration, peut-être aurais-je fait une carrière différente. J’ai fait du triathlon, j’ai été nageur tout petit. J’ai démarré le triathlon au début des années 1990. J’en ai fait à haut niveau, équipe de France militaire, équipe de France universitaire.

J’ai fait mon armée au bataillon de Joinville. J’avais la chance de vivre à Salon-de-Provence dans le sud de la France et d’avoir dans ma rue le champion de la discipline. On s’entraînait tous les jours ensemble. On avait beaucoup d’athlètes étrangers qui venaient s’entraîner avec nous l’été.

Les Secrets du Kayak : Tu as arrêté ta carrière sportive parce que tu as atteint l’âge où tu ne progressais plus ?

Stéphane Janssoone : Oui. L’avantage à s’entraîner avec les meilleurs du monde c’est que tu sais où tu en es dans ta pratique. Il me distançait facilement évidemment. Entre lui et moi, il y avait de la place pour d’autres personnes. J’étais bon, mais pas le meilleur. C’était une expérience enrichissante de vivre de son sport quelques années.

Je me suis reconverti dans une entreprise suisse dans la stimulation musculaire, Compex. J’avais réalisé mon mémoire d’entraîneur sur cette technologie. Je m’étais intéressé au transfert de l’électrostimulation dans la spécificité de chaque sport. Je faisais quelques contractions isométriques et de suite j’allais courir ou rouler. Ça mettait de suite le muscle dans la bonne posture.

Les Secrets du Kayak : Quand tu faisais du triathlon, tu avais un fort volume d’entraînement, est-ce que tu faisais attention à tout ce qui était autour de l’entraînement ?

Stéphane Janssoone : Non, on commençait à peine à intégrer la musculation dans l’entraînement du triathlète, la nutrition je n’étais pas au rendez-vous. Le sommeil non plus. J’étais investi dans la rédaction de mes articles. Je ne mettais pas tout en œuvre. En respiration, on commençait à intégrer un peu l’hypoxie en course à pieds et dans le vélo pour les échauffements, c’était expérimental. Pour moi, la respiration était au service du mouvement et pas l’inverse. La respiration se régulait en automatique, je ne cadençais pas ma respiration avec le mouvement de manière consciente.

C’était mieux travaillé en natation. L’apnée en natation a été amenée par un américain. On savait que ça produisait des adaptations, mais on ne savait pas lesquelles. On sentait qu’on progressait. On pouvait aller jusqu’à 11 temps au lieu de 5 en début de saison. Notre discipline est particulière, en natation tu es à bloc pendant 200m pour ensuite gérer 1300m, alors que ça faisait déjà un moment que tu étais échauffé… on ne savait pas gérer cette dette d’oxygène qu’on créait par ce sprint à froid.

Les Secrets du Kayak : Comment en es-tu arrivé à t’intéresser à la respiration ?

Stéphane Janssoone : Par la suite, j’ai fait des Arts Martiaux pendant 15 ans. Tu cries en fonction de ton centre énergétique, mais on ne t’explique pas comment on le mobilise. Pourtant, c’est la résultante de la force du diaphragme. Par sa courbure le mouvement du diaphragme se projette au niveau du nombril au niveau du centre énergétique, le haras. Avoir une respiration abdominale contrôlée crée une mise sous pression, pour mobiliser cette sphère énergétique. Mais on ne savait pas te l’expliquer, même les plus grands maîtres.

Je fais du yoga, dans le yoga on commence à parler respiration, on commence à te l’expliquer de façon technique. L’élément déclencheur, c’est Wim Hof qu’on a fait ensemble. Cette respiration a un effet Waouh. Le protocole c’est 30-40 grandes ventilations avec de très grandes respirations naturelles relâchées. Ça va déclencher des sensations. On va laisser l’expiration se dérouler d’elle même, pour ensuite partir en apnée après l’expiration, et y rester le plus longtemps possible. Tout ce protocole on le fait 3-4 fois. La sur-ventilation va produire un effet un peu euphorisant dans le corps, on va se rendre compte que la respiration c’est engageant physiquement.

Quand on est sportif, la respiration ça s’entraîne. Puis on va jouer entre l’équilibre de l’O2 et du CO2 dans le corps. On va charger notre corps en O2 et on va échapper le plus possible de CO2 pendant l’expiration. On va ressentir des picotements, des vibrations, du froid, du chaud. On va modifier la biochimie du corps et agir sur le système nerveux.

Pendant l’expiration on laisse l’air s’échapper des poumons naturellement, les poumons vont reprendre leur place naturellement, et vont s’arrêter d’eux mêmes pour partir en apnée parfois jusque 4 minutes. Vivre ce moment de relâchement total passe comme un claquement de doigts. On est un peu déconnecté du temps. Quand tu répètes, il y a une forme d’adaptation, le système s’organise pour mieux utiliser l’oxygène et produire moins de CO2.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui s’adapte exactement ?

Stéphane Janssoone : Toute la sphère ventilatoire. Si je fais ce protocole tous les jours, je vais travailler l’amplitude et l’efficacité du geste. Les muscles ventilatoires s’entraînent. On parle du diaphragme, des muscles intercostaux, du grand pectoral, du grand dentelé. Et de la mobilité de la cage thoracique. Les côtes sont déformables et mobiles. Ça s’entraîne afin de développer le plus grand volume possible.

Dans certaines disciplines, tu ventiles à 200L/min c’est extrêmement important. En gros, il faut 50 ventilations par minute. Ce que j’utilise pour m’apporter de l’oxygène me coûte déjà 15% de ce pourquoi je le met en œuvre. Il faut optimiser le geste pour un meilleur rendement de cette respiration.

Au départ, j’expérimente tout seul. Je vais voir Wim Hof. On va nous expliquer tout le mécanisme et nous apporter des éléments de compréhension de la portée de la respiration. Je repars avec des bagages, et je m’intéresse de plus près au sujet que ce soit d’un point de vue santé ou pour la pratique sportive.

Les Secrets du Kayak : Tu parles du CO2, tu peux entraîner ton organisme à fonctionner avec plus de CO2 ?

Stéphane Janssoone : Oui, l’idée c’est de comprendre que la respiration est une fonction automatique mais aussi on peut décider d’en prendre le contrôle. Je peux décider de quelle zone de mon corps va respirer. Dans sa version autonome, c’est le taux de CO2 dans le corps qui va réguler la fréquence respiratoire. L’acidité, le Ph , le niveau d’oxygène sont d’autres paramètres qui jouent.

La problématique c’est que notre niveau de tolérance au CO2 s'est abaissé avec le temps. Réguler ma respiration, c’est avoir un levier sur ma capacité à revenir sur des niveaux de CO2 efficaces pour ma fréquence respiratoire et pour mon amplitude respiratoire. On travaille sur ça avec des gens qu’on accompagne pour leur permettre de produire des petites apnées, avant de les allonger pour réapprendre à notre système nerveux à accepter davantage de CO2. Il faut être très progressif pour ne pas braquer le cerveau.

Les Secrets du Kayak : C’est quoi une fréquence respiratoire normale ?

Stéphane Janssoone : Ce qui serait bien, c’est 6-10 fois par minutes. C’est assez bas. Entre 4-6 par minutes, c’est optimal.

Les Secrets du Kayak : Dans l’optique d’une performance sportive ai-je intérêt à entraîner ma capacité à tolérer le CO2 ou plutôt à emmagasiner plus d’oxygène ?

Stéphane Janssoone : Les deux. On a besoin des deux capacités. Il y a aussi l’élément d’économie de la respiration, ne pas être en sur-ventilation. Ça engage, ça influence la posture. Et aussi ce qui se passe sous le diaphragme n’est pas négligeable, il y a toute la partie hydrique liée à la sphère digestive. Il faut tout regarder dans sa globalité puisque ça va avoir des conséquence sur sa posture.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que aujourd’hui tu contrôlerais ta respiration à l’effort ?

Stéphane Janssoone : Oui.

Les Secrets du Kayak : Tu arriverais à savoir à quelle intensité respirer ?

Stéphane Janssoone : Oui, aujourd’hui je suis plus en capacité d’avoir une respiration juste. Rester dans des zones pour rester dans un fonctionnement aérobie le plus longtemps possible. Maîtriser cette cadence, coordonner cette respiration avec le mouvement pour m’assurer que je respecte l’équilibre oxygène/CO2.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’on a des outils permettant de savoir si on améliore cette tolérance ?

Stéphane Janssoone : Oui, la meilleure des mesures c’est par la non-respiration, avec une mini apnée facile. Il faut la faire en générale après expiration. C’est le meilleur moyen d’être toujours au même volume pulmonaire, tout en pinçant son nez. Je tente d’observer le premier signe d’envie de respirer, le premier signal. On va pouvoir l’observer à différemment endroit. Cette mesure en temps c’est un élément contrôlable pour évaluer mon niveau de tolérance.

La zone de santé serait de 60 secondes. La zone de travail absolu serait de 5 à 25 secondes. Quand on arrive autour de 40-45 secondes, c’est acceptable. Au delà de 80 secondes, on est dans la performance. Mais ce n’est pas moi qui le dit.

Il existe d’autres paramètres et applications qui existent et qui sont pas mal. Au départ, on est sur un travail des muscles respiratoires et expiratoires, pour les renforcer (les muscles inter-costaux, mon diaphragme, la mécanique et la structure des côtes pour réduire le volume pulmonaire). Si je favorise mon expiration, j’ai une bonne régulation du CO2 pour remplir mes poumons avec de l’air neuf. Ce travail des muscles respiratoires n’est pas le seul à faire. Il faut aussi une mobilité de la cage respiratoire et des muscles. Il faut assouplir la structure.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a une limite à l’adaptation de la structure ?

Stéphane Janssoone : On a de la marge d’autant plus qu’il existe le volume résiduel. C’est le volume pulmonaire minimal après expiration forcée. Chez nous c’est environ 1,5 litres. Chez un apnéiste, l’intérêt c’est d’aller chercher un volume encore plus petit, pour descendre en profondeur, puisque le volume des poumons sera sous pression. Ça leur permet de résister à la pression plus longtemps.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’on est de base aussi fort en inspiration qu’en expiration ?

Stéphane Janssoone : Ça dépend. Il n’y a pas de norme. Chez les sédentaires il y a un déficit d’expiration. Ça s’observe sur la cage thoracique qui est modifiée.

Les Secrets du Kayak :Est-ce qu’on peut entraîner sa captation d’oxygène sans accessoire ?

Stéphane Janssoone : Oui, il suffit de travailler avec une toute petite bouche pour créer un frein qui va permettre de mieux sentir le mouvement et lutter contre ce frein grâce à ses muscles. Je peux créer plusieurs freins par des petites astuces ( la langue, la gorge,…)

Les Secrets du Kayak : J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses à travailler. Avec le recul est-ce que tu penses que ça va améliorer drastiquement les performances ?

Stéphane Janssoone : Il y a une notion de performance, mais aussi de confort dans la performance. Il faut aussi y trouver du plaisir. Il y a tout les à-cotés. Ça aura un impact sur ma posture, sur la souplesse du corps dans son ensemble. Ça tend vers moins de blessures, une meilleure gestuelle, un meilleur rendement. En régulant ma respiration, j’agis sur mon système nerveux donc mon mental, mes émotions, mon système immunitaire, ma connexion à moi, aux autres, mon lien social…

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que la cohérence cardiaque ?

Stéphane Janssoone : C’est une respiration créée et reprise dans les années 90. C’est une mise en équilibre de notre système nerveux grâce à la respiration. On va équilibrer la phase d’inspiration et la phase d’expiration. Le résumé c’est 3-6-5 : trois fois par jour, respirer six fois par minute, 5 minutes à chaque fois. Ce n’est pas immédiatement pour tout le monde. Tout dépend de sa tolérance de CO2. C’est un exercice simple en apparence, mais si je veux le pratiquer correctement, c’est engageant.

Les Secrets du Kayak : Je trouve que ça s’apparente à de la méditation dans le relâchement, même s’il n’y a pas de tempo indiqué. Quand tu fais de la relaxation comme cela est-ce que tu as tout de même des effets positifs en dehors des effets indirects sur la performance ?

Stéphane Janssoone : Observer sa respiration c’est déjà faire de la respiration. Si je suis en conscience de ma respiration, je fais déjà une séance de respiration.

Tu peux facilement le mettre en place plusieurs fois dans la journée. Agir sur la respiration pour me réguler, c’est déjà me faire du bien.

Souvent la méditation c’est juste cela, poser sa concentration sur son mouvement respiration, ce qui suffit à canaliser mes pensées et me relâcher. C’est aussi quelque chose que je peux faire pendant un effort physique. Quand l’effort devient trop intense, je peux me réfugier dans ma respiration pour m’apaiser et être conscient de ce que je fais, et garder une forme d’élégance dans le mouvement. Je reste disponible sous la pression.

Les Secrets du Kayak : Souvent en musculation, tu es en apnée et tu crispes tout. J’ai l’impression depuis un moment, que tes efforts quand tu te crispes sont beaucoup moins transférables dans d’autres activités. C’est comme si le fait d’être crispé te déconnecte de l’effort. Et du coup, tu te penses à fond alors que ce n’est pas le cas. Idéalement quelqu’un qui veut travailler sa respiration pour gagner en performance, combien de fois par semaine doit-il s’entraîner ?

Stéphane Janssoone : Il ne faut pas réfléchir en nombre de séances. La respiration est présente partout, tout le temps. Si je fais deux entraînements par jour, il faut s’interroger sur ce que je peux mettre en place pendant mon échauffement. Ça devient un travail dans la séance. Je peux peut être changer mon temps de respiration dans mon activité sportive. Si je ne peux pas m’entraîner tous les jours, ça devient intéressant de compléter mon entraînement par un entraînement respiratoire qui devient un vrai déclencheur de l’adaptation physiologique, et pour autant je reste au bureau.

Les Secrets du Kayak : Tu parles de la respiration nasale. Pourquoi doit-on respirer par le nez ?

Stéphane Janssoone : On peut respirer par la bouche, il le faut quand les volumes respiratoires sont important. Il y a déjà pas mal d’effet positif par la respiration nasale par la filtration de l’air pour le système immunitaire, ça réchauffe l’air, ça garde de l'humidité pour les poumons, ça régule mon débit respiratoire, mieux sentir mon geste respiratoire, et de favoriser l’équilibre oxygène/CO2.

Ça permet de s’habituer à fonctionner avec un peu plus de CO2. Pour autant, c’est intéressant de voir à quel point ça permet d’être plus efficace, de récupérer plus vite, et de mieux sentir mon geste, tout en restant ouvert à une forte ventilation par la bouche. Mais il ne faut pas se bloquer là-dessus. Ça permet de travailler la zone parasympathique située sous le diaphragme. Ça va agir sur l’élément nutritionnel de notre performance.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que si je respire davantage par une narine plutôt que l’autre ça change aussi un peu l’activation du système nerveux ?

Stéphane Janssoone : Oui, on retrouve des écrits sur le sujet. Ça vient du yoga à la base. Ça vient des canaux énergétiques. Il y a un canal activateur et un autre davantage relaxant. Dans une même journée, on n’a pas la même ventilation d’une narine à l’autre. Ça change régulièrement.

Les Secrets du Kayak : Tu parles de ton école de respiration, qu’est-ce que c’est exactement ?

Stéphane Janssoone : C’est une école qu’on a créé en 2021. L’idée, c’était de favoriser la compréhension de la respiration. On ne se revendique pas d’une méthode de respiration. On a élaboré une méthode de compréhension de la respiration.

On cible les professionnels de l’accompagnement, les professionnels de santé, thérapeutes, coachs sportifs... La respiration peut être un élément qui va potentialiser votre pratique. Permettre aux clients/patients d’atteindre des améliorations. Donc c’est intéressant de comprendre comment fonctionne et dysfonctionne la respiration et comment l’améliorer. Ensuite tu as des formations plus courtes sur 'respiration et sport', 'respiration-yoga', 'respiration et stress' bientôt…

Toutes ces formations se font sur Annecy, l’idée c’est de chercher des éléments de pratique. On pense que dès l’instant où on comprend, on devient responsable. Une fois qu’on est responsable on a le choix d’utiliser ou pas. Il y a plein de techniques respiratoires, ce qui nous intéresse c’est de les comprendre, comment les adapter dans une progression pour une personne donnée.

Les Secrets du Kayak : Toutes les informations vont être disponibles sur le site qui va être refait ?

Stéphane Janssoone : Oui, dès le 5 janvier on présente l’équipe pédagogique, l’école, les différentes formations. On y présente plein de choses comme des ateliers, du coaching. La respiration est soumise à notre système nerveux, notre système nerveux autonome est soumis à ce qu’on est en train de vivre, à notre environnement interne et externe. Tout se retrouve dans la respiration, à force ça dénature le geste respiratoire et donc l’efficacité de la respiration. Donc il y a besoin de reprogrammer sa respiration. Et ça peut régler beaucoup de dysfonctionnements dans notre corps.

Les Secrets du Kayak : Tu as écrit aussi un livre sur la respiration. La respiration bien plus qu’une pratique essentielle. Est-ce que dedans on retrouve ce dont on vient de parler et plus encore ?

Stéphane Janssoone : Oui, il est long. Il est structuré comme l’approche pédagogique de l’école. Sur ce qu’on a identifié comme les trois piliers.

Le premier, le sujet de la ventilation avec tout ce qu’on a évoqué.

Le deuxième c’est ce qu’on a mentionné avec de la biochimie, l’oxygène, le CO2, l’oxymétrie, un autre gaz important.

Le troisième pilier c’est cette connexion avec mon système nerveux autonome pour savoir se mettre dans une zone de mobilisation.

La mission qui me passionne c’est que la respiration est un sujet si simple, mais tellement oublié de notre physiologie. On ne le maîtrise vraiment pas. Il y a rayonnement important dans notre corps.

Aujourd’hui dans mon métier, j’ai une nouvelle cartographie de l’humain grâce à la respiration et au système nerveux autonome. On est au tout début du sujet, on découvre en parallèle un potentiel incroyable de la non-respiration. Rien que de prendre conscience de l’importance de la respiration dans l’effort, dans l’entraînement pour servir dans la performance, ce sont de gros axes de travail.

Vous pouvez retrouver Stéphane Janssoone sur le site de la Breathing Academy.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Florent Nowakowski

Retrouvez tout sur Florent Nowakowski dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière d’athlète de haut niveau, alternant descente et course en ligne.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Florent Nowakowski en décembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Florent Nowakowski : Ça va très bien, on est en famille pour les fêtes de fin d’année. On revient d’une semaine de sport d’hiver. Je pratique pas mal le ski de fond, le skating, j’aime ça de plus en plus. Je fait aussi du ski alpin avec les enfants en famille.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu navigues encore en décembre ?

Florent Nowakowski : J’essaie de naviguer régulièrement, donc oui même si en période hivernale on monte très peu sur l’eau.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu commencé le kayak ?

Florent Nowakowski : J’ai commencé le kayak vers 10-11 ans dans le cadre d’une école multi-sport. A la rentrée scolaire suivante, j’ai demandé à être inscrit en club. J’ai commencé par l’eau vive, et des petits stages en rivière. Au début, c’était plutôt de l’apprentissage. On naviguait sur la Marne. J’ai commencé par le slalom et la descente.

Les Secrets du Kayak : Ça t’a de suite plu le kayak ? Ou bien c’était davantage l’ambiance et les copains qui te plaisait ?

Florent Nowakowski : J’ai participé à une compétition jeune en régional. Donc c’était les premiers podiums, les premiers stages départementaux en Ardèche, puis régionaux. Ça donne envie et de suite je voulais progresser, j’étais de suite dans une dynamique d’entraînement. J’ai rapidement eu des résultats.

Les Secrets du Kayak : Avant ça, est-ce que tu avais fait d’autres activités sportives qui ont fait que tu as pu bien t’exprimer dans le bateau ?

Florent Nowakowski : J’avais goûté à plusieurs sports mais je n’avais pas de licence. On m’avait inscrit à une école multi-sports qui proposait plusieurs activités avec des sports-co, de l’athlétisme. On goûtait à tout, ça me plaisait bien.

Les Secrets du Kayak : Quand tu as commencé, l’activité était concentrée sur la pratique du kayak ou bien aussi sur des activités annexes comme le ski de fond, la course à pieds... ?

Florent Nowakowski : C’était très kayak. C’était un petit club, on n’avait pas d’entraîneur. C’était des moniteurs et des bénévoles. Tout ce qui était PPG, je l’ai fait par la suite tout seul. Il y avait une dynamique régionale, mais ce n’était pas structuré. On y allait pour faire du bateau.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe les stages régionaux et départementaux ?

Florent Nowakowski : C’est surtout pendant les vacances scolaires, le comité régional propose des stages. A l’époque le CTR regroupait les meilleurs jeunes, on partait en stage sur les rivières. Il y avait un accompagnement jusqu’en cadet. On se préparait pour les championnats de France. Le mercredi après-midi, il y avait à côté un bassin, donc tous les mercredi il y avait un entraînement slalom d’organisé. C’était sympa, on s’entraînait entre jeunes de différents clubs.

Les Secrets du Kayak : Durant les stages comment s’organisaient les journées ?

Florent Nowakowski : On apprenait à s’entraîner, on faisait des footings, on travaillait la technique en eau-vive, c’était bien encadré. C’était souvent le temps d’une semaine, on naviguait le matin et l’après-midi. On faisait beaucoup d’eau-vive pour préparer la saison en slalom et en descente pour se sélectionner dans les deux disciplines.

Les Secrets du Kayak : Malgré avoir fait beaucoup d’eau-vive à tes débuts, tu as quand même fait les régates en course en ligne en minime ?

Florent Nowakowski : En minime, j’ai fait la régate de l’avenir. J’en ai que de vagues souvenirs, c’était une sélection régionale. C’était en course en ligne, je n’avais même pas de bateau de course en ligne. J’avais dû en emprunter un à un autre club.

Mes débuts en course en ligne étaient compliqués, ça changeait de la descente. Je n’avais pas la bonne pagaie, en stabilité je ne m’en sortais que difficilement. J’arrivais quand même à faire glisser mon bateau, mais je ne m’exprimais pas autant qu’en descente.

Les Secrets du Kayak : Comment ce sont passés les championnats cadet en eau-vive ?

Florent Nowakowski : En cadet 1, j’ai du être dans les dix premiers en descente, en slalom j’étais déçu je suis passé à côté de la course. En cadet 2, j’ai fini quatrième en descente et quatrième au combiné. C’était plutôt pas mal, et le niveau était assez bon. J’étais de la même époque que Boris Saunier.

Les Secrets du Kayak : A la suite de ces résultats, est-ce que tu as pu avoir des études aménagées ?

Florent Nowakowski : Non, je n’ai pas intégré de session sport-études en junior. C’était à partir de senior que tu intégrais un centre d’étude aménagée. J’ai fait une scolarité normale. Je m’entraînais dès junior une fois par jour après l’école, le week-end et pendant les vacances.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu avais fait un choix entre le slalom et la descente ?

Florent Nowakowski : Oui, en junior je choisis la descente. Pour des raisons professionnelles mes parents ont déménagé dans le sud, donc dès junior j’ai choisi de faire de la descente en rapport au club que j’avais choisi.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu t’es illustré en descente par ce choix ?

Florent Nowakowski : En junior 1, j’ai fait les championnats d’Europe. On a fini premier en équipe et j’ai fait cinquième en individuel en classique. On s’entraînait régulièrement, mais on n’était pas spécialement en section sport-études.

Les Secrets du Kayak : Aux Europe ensuite, est-ce que tu envisages un jour de devenir champion du monde ?

Florent Nowakowski : Champion du monde non, mais j’avais l’envie d’intégrer l’équipe de France senior par la suite. J’avais cette volonté de performer, et j’avais intégré la dynamique pour progresser. L’équipe de France était mon but.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as ressenti une grosse marche entre la période junior et senior comme d’autres ?

Florent Nowakowski : Quand je suis arrivé en première année senior, j’ai performé assez vite, j’ai fini dans les dix premiers aux championnats de France. J’ai rapidement fait des stages équipe de France avec les seniors dès le départ.

Les Secrets du Kayak : Comment tu l’expliques ?

Florent Nowakowski : En senior, je voulais intégrer un centre d’entraînement pour être davantage encadré, m’entraîner aux côtés d’autres athlètes. J’avais fait le choix d’aller au centre d’entraînement de Lyon. L’entraîneur c’était Yves Masson. La première année, le volume d’entraînement a doublé pour moi. J’ai essayé de suivre le rythme, j’ai senti une marche de progression. Les séances étaient plus volumineuses, on préparait des classiques, donc on faisait beaucoup de kilomètres à la séance. En Ardèche, on pouvait faire en une journée deux fois la descente des gorges. On se tirait un peu la bourre. J’étais joueur. Le rythme était soutenu.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu es pris assez tôt pour faire les compétitions internationales, les coupes du monde ?

Florent Nowakowski : En senior 2 oui, je fais la coupe du monde en senior. J’en ai fait plusieurs. J’ai du faire dans les dix premiers. Je n’ai jamais accroché les podiums. J’avais toujours le sentiment de ne pas être prêt le jour J de la course pour performer. Je me sentais bien avant et après, pas le jour J.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que sur les compétitions tu t’es mis trop de stress ?

Florent Nowakowski : Oui il y avait de l’appréhension, du stress par l’enjeu. Les préparateurs mentaux n’existaient pas encore. Peut être que j’avais le sentiment de tout jouer sur cette course et ça me stressait de trop. Avec le recul il faut que ce soit un jeu un plaisir. C’est difficile de trouver le bon état mental pour performer.

Les Secrets du Kayak : Par la suite, tu as réussi à performer au niveau mondial ?

Florent Nowakowski : Non, j’ai toujours était dans les premiers pas pris aux sélections françaises. C’était comme cela. J’avais toujours envie de m’entraîner, de me sélectionner. Entre temps ,en 2002 j’ai stoppé l’entraînement pour passer mon concours de prof de sport. J’avais besoin de me stabiliser. J’étais en STAPS à Lyon. Je vivais avec le soutien de mes parents, et j’étais boursier.

Les Secrets du Kayak : Tu as repris l’entraînement directement après avoir eu ton concours ?

Florent Nowakowski : Oui, j’ai été affecté en Seine-et-Marne à la suite de mes résultats. J’avais l’envie de reprendre la compétition. J’ai repris tout seul de mon côté hors structure. Je me suis entraîné avec mes connaissances, mon expérience. Et deux ans après, je suis champion de France senior en descente. C’était sur une rivière engagée, c’était sympa.

Je m’entraînais dans un club d’aviron. De temps en temps j’essayais d’aller à Vaires sur Marne avec les ligneux. C’est comme ça que j’ai découvert la course en ligne. J’ai été bien accueillis. Je m’intégrais aux séances du pôle sur les séances longues. C’était une autre manière de s’entraîner.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui change ?

Florent Nowakowski : L’existence de séances à thème. Ça permettait de structurer la gestuelle. En descente, c’était difficile à structurer la glisse. Tu devais cadencer. En course en ligne, c’est différent tu travailles l’appui, le relâchement, la rotation…

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ça a été un tournant pour te mettre à la course en ligne ?

Florent Nowakowski : Oui. En descente, j’avais fait un peu le tour. J’avais des collègues descendeurs qui s’étaient mis à la course en ligne. J’avais envie de m’y mettre. On s’est licencié au club de Boulogne-Billancourt, 100% course en ligne. J’ai fait le choix de changer de discipline avec un club structuré, capable de se déplacer sur les compétitions.

Les Secrets du Kayak : En senior, tu es arrivé à quel niveau en course en ligne ?

Florent Nowakowski : Le changement a été difficile. Les premières fois n’étaient pas évidentes. C’était très spécifique. Il y a du stress a gérer, des techniques de course et des stratégies différentes. Moi j’étais habitué à faire du contre la montre. Et cette confrontation directe m’allait bien. En vitesse, j’ai du faire dans les premiers de la finale B sur 500m, ce qui n’était pas si mal. Le niveau était hyper relevé. Il y avait une marche pour atteindre la finale A. J’ai donc fait le choix de la longue distance en marathon. J’ai fait une saison de marathon, j’ai fait une coupe du monde en K2.

Les Secrets du Kayak : Le marathon correspondait plus aux efforts auxquels tu étais habitué ?

Florent Nowakowski : Oui la distance me plaisait bien. J’avais la culture de l’effort nécessaire. C’était encore une fois spécifique. Les portages et les tactiques de course n’étaient pas évidents.

Les Secrets du Kayak : Tu t’es ré-entraîné après ça sur du plus long ? Tu en as fait en quelle année ?

Florent Nowakowski : C’était en 2007 quand je m’y suis mis, j’ai fait un entraînement pour le marathon, être capable de tenir sur les longues distances. Je me suis entouré de marathoniens pour y parvenir.

Les Secrets du Kayak : Au fil des interviews, j’ai l’impression d’avoir compris que quand on passe de la descente à la course en ligne on a du mal à s’exprimer vraiment fort sur un départ ? Est-ce que ça t’a fait ça aussi au début ?

Florent Nowakowski : Oui parce que la stabilité est difficile. J’avais toujours le sentiment de laisser partir un peu pour pouvoir ensuite m’exprimer. Mes départs n’étaient pas évidents, mais c’était du 500m donc il y avait la possibilité de se rattraper, de revenir. J’étais mal placé au départ.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as réussi à t’améliorer au point de démarrer à fond aujourd’hui ?

Florent Nowakowski : Oui avec les années, on s’améliore par sa position d’équilibre de départ. C’est toujours un axe de travail au quotidien, ça se nourrit par la pratique et un engagement complet dans la discipline. Il faut naviguer pour y parvenir.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu es reparti vers la descente après cette expérience marathon ?

Florent Nowakowski : Non. J’ai continué vers l’Ocean Racing. J’aimais mes courses de longues distances. Le marathon avait une culture de discipline difficile. J’avais envie de changer de milieu. Je connaissais Benoît Leroux, un descendeur qui s’était lui aussi mis à l’Ocean Racing. Donc j’ai commencé en 2009. Mon premier surfski, je l’ai commandé à Benoît.

Les Secrets du Kayak : Comment fait on du surfski quand on est en région parisienne ?

Florent Nowakowski : Je m’entraîne sur la Seine, elle bouge pas trop mal avec le trafic fluvial. La première année, j’ai fait des stages en Bretagne, j’ai connu Benoît, puis d’autres athlètes avec qui j’ai sympathisé. On s’entraînait un peu de notre côté donc on s’organisait des week-end ou des vacances pour naviguer ensemble en Bretagne ou Normandie. Je suis aussi parti en Guadeloupe pour me perfectionner.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que la différence d’inertie, de glisse entre la descente et le surfski n’est pas frustrante ?

Florent Nowakowski : Le surfski, ça glisse pas trop mal, je n’avais pas le sentiment de me traîner avec le bateau. Dès que tu es en mer, tu peux avoir des pointes de vitesse assez intéressantes. C’est la sensation de surf et de vitesse qui m’ont plu en surfski, il y avait de l’adrénaline, un sentiment de liberté.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as performé dans les compétitions que tu as faites ?

Florent Nowakowski : J’ai fait champion de France en 2012, puis huitième à un championnat d’Europe au Portugal, et un en Sardaigne où j’ai fait douzième. Je m’entraînais essentiellement en surfski, mais aussi en course en ligne. J’étais licencié à Fontainebleau, avec ma femme qui est également kayakiste on a créé un petit club.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as fait pour créer ce club ?

Florent Nowakowski : C’est né d’un projet avec l’aviron. On a récupéré l’ancienne base du bataillon de Joinville, laissée à l’abandon, qui avait été remise en état par le comité de l’agglomération. Le club d’aviron s’y est implanté et nous c’était l’occasion de créer l’activité kayak avec le club. On connaissait l’aviron, la cohabitation se passait bien, on a intégré les locaux.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu développé le club ?

Florent Nowakowski : Au début, on a toujours des petits moyens, de toutes petites subventions. On a récupéré des bateaux d’occasion qu’on a réparé. On a eu quelques adhérents, le club s’est structuré au fil des ans.

Au début on acheté des bateaux slaloms, stables, le but était de faire découvrir l’activité. Ensuite ça a été des bateaux récupérés d’autres clubs qu’on a réparé. Ensuite, on a voulu acheter des petits kayaks de course en ligne pour des jeunes. Je leur donnais des cours bénévolement, pour former quelques jeunes en compétition.

Aujourd’hui, on est un vingtaine d’adhérents avec des adultes qui pratiquent le kayak de mer en loisir. On n’a pas de permanents, moi j’ai mes enfants qui font un peu de kayak, je les encadre tout naturellement. Ma fille est sélectionnée pour les tests de cette année. Elle est au pôle espoir de Vaires-sur- Marne. Elle s’entraîne bien, ça lui plaît.

Les Secrets du Kayak : Tu avais rencontré ta femme sur un bassin ?

Florent Nowakowski : Je l’ai rencontré lors de championnats de France en eau-vive en amont. Je l’ai converti en course en ligne quelque part. Maintenant, on pratique tous en famille. Elle a découvert la course en ligne tardivement. C’est devenu son sport de prédilection.

Les Secrets du Kayak : L’aventure surfski dure encore aujourd’hui ?

Florent Nowakowski : Elle a duré bien dix ans cette aventure. Le but c’était de naviguer avec les copains sur des sites sympa.

Les Secrets du Kayak : Tu avais testé d’autres bateaux que celui de Benoît ?

Florent Nowakowski : J’ai testé plusieurs formes. Aujourd’hui j’ai trouvé mon bateau, un Fenn Elite S. Il me correspond bien, je suis à l’aise en stabilité. On est assez bas mais c’est le principe du surfski pour mieux surfer sur la vague. On a tendance à chercher à se rehausser au niveau de l’assise. J’en avais testé pas mal avant de m’arrêter sur celui-ci. J’en avais essayé un où, certes l’assise était un peu plus haute, mais je l’ai trouvé plus instable en mer.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu es retourné à la course en ligne ?

Florent Nowakowski : Les enfants. Ma fille s’est mise à la compétition, je l’ai accompagné, c’était l’occasion de les suivre.

Les Secrets du Kayak : Tu es l’un des meilleurs vétérans, notamment sur le 5000m. Ça doit faire trente ans que tu fais du kayak. Beaucoup d’athlètes une fois leur carrière terminée ne pratiquent plus. Qu’est-ce qui fait que tu continues et que tu performes encore ? Comment tu fais ?

Florent Nowakowski : Moi j’ai toujours plaisir à naviguer, je fais du bateau parce que ça me fait plaisir. Le fait d’avoir changé de pratique, de m’être ouvert à d’autres horizons, ne pas m’enfermer dans une discipline avec des objectifs, j’ai un sentiment de liberté, de pouvoir changer à tout moment. Le fait de suivre ses enfants, ça entretient. Maintenant je m’entraîne assez régulièrement. Il y a une bonne densité en vétéran. J’essaie d’y aller cinq fois dans la semaine lorsqu’il fait beau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as encore des entraînements structurés ?

Florent Nowakowski : Oui, c’est moins intensifs et rigoureux mais je calibre mes séances, je fais attention aux points techniques.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as également continué les entraînements annexes ? Musculation, course à pieds…?

Florent Nowakowski : Je continue de courir, je ne fais pas trop de musculation. Je dois en faire une fois par semaine l’hiver. Dès qu’il fait beau, je suis sur le bateau, et je cours.

Les Secrets du Kayak : Avec le temps, est-ce que est-ce que tu sens que tu as perdu de la force en ne faisant pas de musculation ?

Florent Nowakowski : Je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu en puissance. De temps en temps je mets un petit frein sur le bateau, ça fait un peu de musculation spécifique. Tu perds un peu c’est certain, mais quelque part ce n’est pas un manque, je compense autrement, je garde de la fluidité dans le geste. La course en ligne, ça entretien musculairement et naturellement. Je suis sur un Nelo Sete actuellement. Mon poids de forme est toujours resté le même, je suis stable, je ne cherche pas à prendre de la masse.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu t’entraînes seul ?

Florent Nowakowski : On s’entraîne beaucoup en famille, mais régulièrement je suis tout seul. C’est plus facile pour gérer les horaires entre le travail et la famille. Aujourd’hui, je suis prof de sport à la jeunesse et sport, au service départemental de Seine-et-marne à Vaires.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu peux rappeler les places que tu as fait ?

Florent Nowakowski : En vitesse, je fais premier en 500m ; deuxième en 200m et deuxième au 5000m.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il existe des championnats master pour les kayakistes ?

Florent Nowakowski : Oui, il y a des championnats du monde master. En marathon il y a des épreuves avant les épreuves de senior qui sont officielles. Je n’ai pas l’envie d’y participer, et de faire plus. Au niveau national, il y a une bonne densité et une bonne dynamique, j’en ai pour mon compte.

Les Secrets du Kayak : Tu t’es explosé une épaule durant ta carrière ?

Florent Nowakowski : Je me suis luxé l’épaule lors d’un stage équipe de France à l’étranger. La rivière était en crue, une erreur de trajectoire qui m’a fait tombé. Ça a été une année un peu difficile, il a fallu m’opérer. Pendant une saison, j’ai fait de la rééducation, de l’opération, de la rééducation pour essayer de revenir. C’était en 1999. J’étais au top de ma forme, je me plaçais bien dans la saison. Mais j’ai été bien accompagné, j’ai pu rencontrer d’autres sportifs en rééducation.

J’ai repris l’entraînement de mon côté, à mon rythme, mais je suis rapidement revenu au niveau. Aujourd’hui je n’ai pas de séquelles. Je suis très content d’avoir fait le choix de l’opération et d’avoir pris le temps de faire la rééducation derrière. Psychologiquement, je n’avais pas la crainte d’une nouvelle blessure. Je n’ai aucune gêne aujourd’hui.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as eu d’autres blessures ?

Florent Nowakowski : Non.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’avec le recul, il y aurait des choses dans ta carrière que tu aurais fait différemment ?

Florent Nowakowski : Non pas spécialement. C’est difficile comme question. Ce sont les choses de la vie. C’est formateur un parcours. Avoir eu quelques échecs où je n’ai pas atteint mes objectifs mais c’est formateur, et c’est ce qui m’a poussé vers d’autres horizons, je ne regrette rien. Je retiens que j’ai toujours plaisir à faire ce sport et rencontrer des gens dans ce milieu.

Je me suis entraîné seul pas seulement parce que peu de sportifs s’entraînaient comme moi, mais quelque part pour essayer aussi d’aller à la rencontre d’autres sportifs. J’ai rencontré pas mal de monde avec le kayak et qui sont devenus des amis. Et j’en admire plus d’un, ce n’est pas évident de s’abandonner totalement à un sport pour performer.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que de ne pas avoir eu l’émulation du groupe, ça n’a pas été limitant pour toi ?

Florent Nowakowski : Oui mais je trouve que quand tu te connais bien, ce n’est pas gênant de s’entraîner tout seul. Ça permet aussi de bien caler l’entraînement en fonction de toi. La confrontation en course en ligne est nécessaire. Mais je pense que c’est important de prendre du recul et de se recentrer sur ses besoins personnels. Ce qui peut être un danger quand tu es un gros collectif. Je me suis toujours inspiré d’athlètes qui sont des références dans le kayak.

Les Secrets du Kayak : A s’entraîner seul, tu devais avoir peu de retour sur la technique. Comment tu t’organises techniquement dans le bateau ?

Florent Nowakowski : Moi, je pense surtout au relâchement. Essayer d’être fluide dans la gestuelle pour ressentir la glisse du bateau. J’ai beaucoup utilisé des outils comme le gps, le cardio fréquencemètre. Mais, c’est le danger de regarder un peu trop la montre. Au bout d’un moment à force de la regarder tu finis en EB2 ou lieu de faire de l’EB1. Mais ces outils sont intéressants. Ce qui est important, c’est aussi d’être sur le ressenti. J’essaie de sentir le relâchement, l’attaque, rester bien fluide dans l’eau, et fluide dans la coordination avec les jambes.

Les Secrets du Kayak : Pour accélérer, tu relâches plus pour mettre plus de fréquence ?

Florent Nowakowski : Je pense que le relâchement joue pas mal pour ça. Ça entretien la vitesse de pointe. Il faut être capable de rester dans la gestuelle, dans son projet sans se détériorer. Le risque c’est de toujours être dans le dur, et juste taper l’eau. Le relâchement est nécessaire pour aller vite.

Vous pouvez retrouver Florent Nowakowski sur son compte Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Ronan Tastard

Retrouvez tout sur Ronan Tastard dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière d’athlète de haut niveau, suivis d’une carrière de dirigeant et entraineur au club de Libourne.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Ronan Tastard en décembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Ronan Tastard : Très bien, merci.

Les Secrets du Kayak : Tu as fait une plus grosse séance que d’habitude aujourd’hui ?

Ronan Tastard : Effectivement, je profite de ta présence pour faire des séances un peu plus longues qu’à l’accoutumée. Habituellement, je m’entraîne le lundi midi en course à pieds avec les copains. On navigue le mardi, jeudi et vendredi. On fait 10-12 km maxi. Et j'ajoute une course à pieds le jeudi matin, à titre personnel.

Les Secrets du Kayak : Quand tu cours tout seul, tu fais un footing ?

Ronan Tastard : Oui, moi c’est rarement du fractionné. On n’est pas forcément sur des séances construites. On court sur un terrain vallonné, ça fait un fractionné naturel. Le jeudi j’accompagne mon fils à l’école, pendant qu’il est à vélo je cours et je poursuis un peu derrière.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu commencé le kayak ?

Ronan Tastard : Je devais avoir 14 ans, avant ça je faisais du football dans une commune en Bretagne. Mes parents ont déménagé, on habitait près d’une rivière, je voyais passer des kayaks, j’étais intrigué, ma mère m’y a emmené et voilà. J’ai commencé par des bateaux stables. De mémoire bateaux de descente, et un peu de CAPS et Orion pour la course en ligne.

Les Secrets du Kayak : Au début, c’était un rythme de deux séances par semaine ?

Ronan Tastard : Oui, le samedi et le mercredi.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que les premières compétitions sont arrivées vites ?

Ronan Tastard : Oui et non, dans mon idée au début il n’y avait pas la connaissance de compétitions. Je ne sais pas combien de temps ça a pris mais ma première course c’était celle organisée par mon club, une course de fond, et je sais que j’ai nagé ! Je ne sais plus quelle distance faisait la course. Il y avait un peu de courant sur le canal, mais c’était minime. C’était entre deux écluses.

Les Secrets du Kayak : Comment est né cette passion pour le kayak ?

Ronan Tastard : Il y a eu la passion pour le kayak et ensuite pour la compétition. C’est l’ambiance du club qui y a contribué énormément. On n’était pas trop nombreux mais ça m’allait. Les copains étaient plus âgés mais bienveillants. Les cadres étaient bénévoles, bienveillants et source de motivation. Je leurs dois beaucoup. Dans les compétiteurs, pour moi ils étaient tous forts. A l’époque, ça m’inspirait.

Une course importante en Bretagne en descente, c’est le Critérium du Scorff. Une course mythique. Un parcours super sympa. Ça m’a marqué. Un des points de départ de mon envie de compétition, c’était une course de descente en Côtes-d'Armor. Ça a été le déclic, je me suis mis à m’entraîner. J’avais la volonté de progresser, d’aller courir, faire du bateau à chaque opportunité.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu faisais déjà un peu de musculation à cette époque ?

Ronan Tastard : Non, peut être juste des pompes mais ce n’était pas intense. C’est dès junior que j’ai augmenté le rythme d’entraînement pour m’entraîner le soir après le lycée. Les copains étaient déjà à l’Université.

Les Secrets du Kayak : Il n’y avait pas d’entraîneur au club ?

Ronan Tastard : Non, mais des bénévoles. Des personnes qui ont été importantes et qui ont su me donner les bases de l’entraînement. Avec de quoi avoir une petite programmation pour varier les séances sur plusieurs semaines.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’en augmentant ton rythme d’entraînement, tu as eu de meilleurs résultats en compétition ?

Ronan Tastard : Oui. Mon sentiment, c’est qu’à l’époque les choses sont allées assez vite. Mon premier championnat de France, je suis junior 1. C’était dans les Pyrénées, en descente. On faisait que de la classique. Les quinze premiers du jour étaient retenus pour une finale le lendemain. C’était le classement de la finale qui comptait pour le résultat. De mémoire je vais en finale, je devais être aux alentours de la quinzième place. Ça m’avait boosté pour junior 2.

Je passais davantage mon temps à m’entraîner au détriment des résultats scolaires. J’ai passé les sélections pour les championnats du monde junior, on y avait été en stage avant. Ils en prenaient quatre et moi j’ai fait cinquième. Dans les quatre premiers, il y avait Benoît Peschier, qui avait du faire le choix entre descente et slalom, du coup j’ai été repêché et j’ai pu y aller. Mon objectif était déjà atteint. Pour moi, il était difficile d’espérer mieux que la sélection. J’ai fini 33ième. Je suis le seul français sans médaille.

Les Secrets du Kayak : Tu fais quand même des études à côté ?

Ronan Tastard : Oui, j’ai fait mon Bac S. Mes parents m’ont soutenu. Ensuite j’ai fait Staps, je suis rentré en pôle France suite aux championnats du monde. Je pars à Rennes au pôle espoir descente, basé au club de St Grégoire. Assez rapidement, je m’entraîne davantage. Je ne sais pas si j’étais tous les jours à deux fois par jour, mais j’étais très assidu chaque jour. La Fac se déroulait bien, sans accrocs. J’étais dans le flou de ce que je voulais faire. A Rennes, il y avait un entraîneur partiel qui nous faisait des programmes. Pour moi ça a été la rencontre d’Arnaud qui a été déterminante dans mon parcours, encore aujourd’hui.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qu’il t’a apporté ?

Ronan Tastard : Au début, on s’est engueulé, il m’avait recadré. C’était quelqu’un de respecté notamment par ses performances. Ça lui donnait encore plus de crédit. Il m’a appris le dépassement de soi, la capacité d’aller hyper loin dans l’effort. Il me donnait énormément confiance. Il ne naviguait plus, mais de l’avoir vu courir ça me donnait confiance et l’envie d’aller loin dans l’effort.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que grâce à tout ça tu rentres rapidement en équipe de France senior ?

Ronan Tastard : Non pas rapidement. Juste avant les championnats de France donc vraiment au dernier moment je fais une chute à vélo qui avorte ma fin de saison. Donc je ne fais pas les France. Pour moi, c’était la course pour me sélectionner chez les senior. Mais j’ai fait une super récupération en six semaines.

La deuxième année, toujours à Rennes, les sélections sont à Bourg-St-Maurice et je fais quinzième environ. Je progresse mais je ne me sélectionne pas. J’avais fait une lettre de motivation pour intégrer le pôle France de Poitiers. La réponse c’est que mes résultats ne le permettaient pas mais ils m’ont inscrit au pôle espoir de Poitiers mais tout en m’entraînant avec le pôle France. Du coup là-bas j’y suis resté quatre ans, avec deux entraînements par jour. Avec un groupe fort et du haut niveau.

Le suivi avec Jean-Pascal était régulier. Et il y avait de la concurrence. Au début je restais dans les vagues, je me suis mis des défis de suite. J’ai progressé. J’ai avancé avec Olivier Boukpeti. Mon objectif c’était les championnats de France pour pouvoir rentrer en équipe jeune. Et là je fais troisième sur la course, et en finale. J’étais sur le podium avec Boris Saunier et Maxime Clérin. C’est Olivier qui m’avait mis en confiance, et j’avais cette impression de facilité.

Je rentre en équipe jeune, ça m’ouvre des stages. Aux piges, je décroche une place pour la coupe du Monde à 22 ans en 2002. En descente ça va vite, tu rames, ça passe trop vite. L’année d’après, je casse mon cale-pieds pour la course je finis septième. En 2004 c’était en Allemagne, je me sélectionne pour les championnats du monde. Là, je n’y vais pas en touriste. Je fais huitième en classique, on fait une médaille en équipe.

Les Secrets du Kayak : Tu continues tes études en parallèle ?

Ronan Tastard : Oui, j’ai fait ma licence, je m’inscris en Master sans conviction. Je travaille à mi-temps comme surveillant au CREPS de Poitiers.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu continues à progresser après ?

Ronan Tastard : Après en 2004, les grands étaient partis de Poitiers, JP aussi. Moi j’avais passé le concours de police. J’avais demandé à entrer à l’école de police de Vincennes. Et là, je monte à Paris pour faire de la course en ligne.

Avec le recul, maintenant je te dirais que je ferais différemment, mais à l’époque de perdre mes potes et JP, j’ai suivi. Je ne pars pas avec beaucoup de conviction, d’autant plus que le sprint ce n’est pas mon truc.

Ça aurait été possible de performer en équipe de France, mais il aurait vraiment fallu qu’il y ait de ma part une vigilance sur tout et beaucoup de travail et d’implication. J’étais trop arrogant, de venir de la descente et le transposer sur la course en ligne. Je me débrouillais bien, mais pas au point d’aller super vite. J’ai eu plein de difficulté sur la stabilité, être capable de sprinter en exprimant son potentiel, je n’étais pas capable de le faire bien d’un point de vue mental. Ce n’est venu qu’après beaucoup de travail, et que le jour où c’est arrivé j’ai quasiment arrêté. Je me suis enfermé dans les solutions que je connaissais de la descente. Je ne suis pas allé cherché l’expertise des gars de la course en ligne. Ça ne pouvait pas marcher pour le sprint. Je naviguais assez mal.

Les Secrets du Kayak : Il y avait du monde en course en ligne en région parisienne lorsque tu y es allé ?

Ronan Tastard : Oui, j’arrive à Paris, je m’entraîne pendant un an avant d’entrer à l’école de police en 2005. Boris et Olivier avaient déjà fait leurs transferts. J’avais la chance de naviguer avec des grands noms et de m’imprégner d’eux. Mais j’en ai conscience qu’avec le recul aujourd’hui. Je n’étais pas assez ouvert pour avoir l’espoir que ça puisse marcher. Je n’ai pas su me donner toutes les chances pour performer alors que tous les ingrédients étaient disponibles.

Les Secrets du Kayak : Lorsque tu rentres à l’école de police en 2005, tu continues à t’entraîner sur ce rythme ?

Ronan Tastard : Beaucoup moins. J’étais toujours sur les listes, mais l’année de l’école j’étais pris toute la journée, donc les entraînements c’était à 6h le matin ou le soir à 18h. C’est de suite moins efficace. Une année, j’ai aussi fait du ski et du marathon.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu étais plus à l’aise avec ton profil au marathon ?

Ronan Tastard : Oui, même si le volume d’entraînement n’était pas toujours au rendez-vous. Et ça n’a rien a voir avec ce que font les gars aujourd’hui. Ma chance, c’était le K2 avec Vincent. En 2006, on fait sixième en K2 aux championnats du monde de marathon en France. On était content. On a fait dernier du groupe, mais j’étais satisfait, épuisé de concentration parce que ça attaquait de partout, il fallait être vigilant en permanence. Peut être qu’aujourd’hui en voyant la course, on trouverait ça naze.

Les Secrets du Kayak : Après ton concours, tu reprends à fond ?

Ronan Tastard : Je sors en septembre 2006 du concours, je dois travailler pendant 3 mois en police. Je choisis un commissariat à Neuilly sur Marne à côté de Vaires. L’école de police ça fait un choc. Avec les listes, ensuite je suis détaché à plein temps dès janvier 2007. Je pars à Toulouse.

A Toulouse, je suis payé pour m’entraîner. Je n’ai fait que deux ans. Je ne trouvais pas de sens à ce que je faisais. Fin 2007, je repars en descente. Je me remets à faire les choses bien. J’étais investi à mes yeux. En terme de confiance, j’étais moins dans le doute. J’ai fait les championnats de France de descente en tant qu’ouvreur pour me tester. Ça l’a fait en 2008, je repars à fond sur la descente.

A Toulouse, c’est l’année où je fais le plus de volume. J’y allais quatre matin par semaine pour une séance d’une heure, fin de matinée j’allais faire de la musculation et je m’entraînais l’après-midi. Je ne faisais rien ni le vendredi ni le dimanche. A Toulouse c’est génial, tu as tout à proximité, les gars étaient top que ce soit en descente, en ligne ou en slalom. La dynamique était top.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu performes en compétition internationale à ce moment là ?

Ronan Tastard : Oui 2008, je fais les championnats du monde de descente en Italie, les piges c’était top, facile. Et les mondiaux, la classique c’est l’énigme. La course se passait sur un canal et le sprint se faisait dans le bassin de slalom. On s’échauffait sur un lac, j’avais de super sensation. J’ai couru tout seul, et au moment de passer, j’étais tout éteint. Je n’étais même plus dans le truc. C’était devenu le pire moment de ma vie. Une absence totale, je finis dernier. Pendant quatre jours j’ai enchaîné, j’étais au plus mal. C’était une épreuve difficile.

2009, je repars à Paris, mes mises en listes avaient évolué, et les critères en police se resserraient. Je repartais travailler avec un tiers de mon temps libre pour l’entraînement. Les conditions restaient top, j’étais prioritaire sur les congés, je pouvais m’organiser. Je me pose rapidement sur Champigny. Le club était top, le niveau était bon. J’étais suivi par Michaël Fargier. Peu de temps avant les piges, j’ai déclenché une appendicite. Je vais aux piges mais le mental était entamé, je ne me sélectionne pas. Donc je sors des listes.

Au commissariat, ils m’ont quand même maintenu mon tiers temps en off. 2010 je m’entraînais moins, mais j’étais en train d’optimiser le volume des années précédentes. J’ai fait les mondiaux en Espagne. J’ai gagné les deux classiques, et aux piges j’étais cinquième. C’était mes meilleurs résultats. En équipe, on fait une médaille en classique. Je me suis retrouvé même à faire du C2 alors que je n’en n’avais jamais fait. J’ai fait ce que j’ai pu et on a fait une médaille. 2011, c’était moyen et après c’était fini.

Les Secrets du Kayak : Tu n’avais plus envie ?

Ronan Tastard : 2011, je ne m’en souviens pas. Je ne sais plus où étaient les piges. Et 2012, j’étais déjà dans un autre projet. J’avais l’esprit tourné vers le club de Libourne.

Les Secrets du Kayak : Avant, il n’y avait pas de club à Libourne ?

Ronan Tastard : Non, il est apparu en 2009-2010. Moi je ne connaissais pas Libourne, j’étais très attaché au club de St-Grégoire. L’ambiance y était incroyable. Mais avec Olivier, on a eu cette idée de s’investir soit dans un club existant soit dans un nouveau club. On est parti sur un nouveau club. On a choisi ce site.

Les Secrets du Kayak : Tu ne te voyais pas faire carrière dans la police ?

Ronan Tastard : Non c’était une expérience intéressante, mais ce n’était pas mon feeling. C’est un métier difficile, je tire mon chapeau aux gars.

Les Secrets du Kayak : Mais à un moment il faut bien bosser quelque part ? Qu’est-ce que tu fais ?

Ronan Tastard : Administrativement, le club de Libourne est déjà créé, il y a une dynamique de lancée. Il fallait être tous les deux sur site pour s’engager. Il y a eu un gros appui du comité régional. La qualité du bassin, les appuis locaux ont fait que ça s’est vite développé. Je ne prenais pas beaucoup de risque, je n’avais pas d’attache. J’ai vite trouvé du travail en intérim, j’ai travaillé pour la ville et j’ai évolué ensuite au sein de la ville.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as continué à t’entraîner un peu ?

Ronan Tastard : Oui jusqu’aux piges de 2012. Mais dès que je suis arrivé ici, je ne m’entraînais plus beaucoup. Je ne considère pas que je m’entraîne, je fais juste du sport. Si je n’avais pas les copains, je ne ferais pas tout cela.

Les Secrets du Kayak : Malgré tout tu fais toujours des compétitions ?

Ronan Tastard : Oui, c’est toujours marrant d’en faire, sur le fond je suis dans les meilleurs français. Tu retrouves les gars que tu connais. Je m’y amuse beaucoup. Je préfère tout de même les équipages.

Les Secrets du Kayak : Comment fonctionne le club ?

Ronan Tastard : Depuis un an et demi, je suis salarié du club de Libourne après avoir longtemps était président du club. J’ai la caquette d’agent de développement et une deuxième d’entraîneur, c’est à dire école de pagaie jusque première étape pour progresser. J’initie à la pratique en réalité. On organise des événements comme les courses de fond 2022-2023-2024-2025. La qualité du bassin est reconnue.

Les Secrets du Kayak : Tu parlais de tes doutes et difficultés mentales, tu as essayé la préparation mentale ?

Ronan Tastard : Oui. Je doutais essentiellement sur le sprint en descente de rivière. A Poitiers, on avait un suivi hebdomadaire. C’était un suivi apprécié par de nombreux athlètes. On a travaillé la visualisation, beaucoup d’échanges. C’est comme pour aller au kiné. C’était pas mal.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu avais une préparation footing comme certains l’ont aujourd’hui ? Et ou musculation ?

Ronan Tastard : C’était intégré très simplement en complément d’entraînement ou de récupération. Il n’y avait pas une volonté de progression en course à pieds. La musculation, ce n’est pas beaucoup mon truc, on faisait des séances de 2h. Je n’étais pas très fort mais je me sentais fort sur du gainage. Je ne le faisais que parce que c’était utile. Ça m’est arrivé de me prendre au jeu pour faire des séances de max. Avec le recul, je ne sais pas si c’était autant profitable que si j’avais fait ces heures davantage sur le bateau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as eu des blessures ?

Ronan Tastard : Non, j’ai été épargné. J’ai toujours travaillé mes épaules. Mon premier soucis est arrivé il y a un an, en tombant en K2. Je l’ai senti commencer à sortir et revenir, et sans doute que sans musculation ça aurait été pire. Autrement je ne me suis jamais blessé musculairement. Je me suis juste galéré avec mes jambes à cause de varices. J’aurai du me faire opérer plus jeune. Maintenant depuis ma récente opération, ça va un peu mieux, mais c’est héréditaire. Je dois régulièrement les faire scléroser.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait d’un point de vu de l’alimentation ?

Ronan Tastard : Je n’ai jamais vraiment fait attention à l’alimentation, je n’ai jamais eu trop de galère de ce côté là. Je me sentais bien à 75kg. Aujourd’hui, je fais 79kg. Si je me mets des défis avec les copains, pour les tenir je redescends à 75kg. C’est sans fondement mais ça me semble être mon poids de forme. J’ai une addiction au sucre. J’en comprends les drogués.

Les Secrets du Kayak : Tu parlais du relâchement. Quelle en est ta définition ?

Ronan Tastard : Pour moi, c’est d’aller rechercher l’économie maximum en terme d’énergie pour produire l’effort. Ça passe d’abord par le visage, si j’arrive à m’exprimer à fond avec un visage relâché, tout le reste suit. Il faut que les gens pensent de moi que c’est facile. Ainsi, j’ai le sentiment de tenir plus longtemps. Je ne pourrais pas aller plus vite, mais ce n’est pas la déchire débile. Il faut que ça paraisse facile, et ça me paraissait facile.

Après je sais vers quoi je veux tendre en technique dans mon esprit, mais le résultat n’est pas forcément celui-là. C’est un bout de chemin, c’est un début.

Les Secrets du Kayak : Dans ton esprit, c’est quoi la technique idéale ?

Ronan Tastard : Pour moi ça passe par les jambes, le timing entre le moment où la pagaie est dans l’eau et le moment où je vais mettre une pression sur le cale-pieds.

Les Secrets du Kayak : Tu fais une différence entre pousser sur le cale-pieds et pousser le cale-pieds ?

Ronan Tastard : Oui, ça m’a parlé à moi, si je pousse sur le cale-pieds, moi je pars derrière, si je pousse le cale-pieds, je vais à l’avant. D’avoir ça à l’esprit, ce travail et ce timing, c’est un élément important en plus du relâchement. A Poitiers, on faisait des heures et des heures de visionnage de vidéos techniques. Maintenant j’y ai réfléchi beaucoup, mais je n’y pense plus aujourd’hui, c’est ancré…

Les Secrets du Kayak : Avec quoi, tu navigues aujourd’hui ?

Ronan Tastard : Avec un bateau du club, un Infusion. Il est léger. A la fin de ma carrière de descente, j’avais une pagaie que j’aimais et je l’ai gardé. J’ai juste changé la taille. Avec le temps je la baisse.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui, quel est ton objectif ?

Ronan Tastard : Mon travail c’est de développer le club. Il y a un attachement. A la base le projet, c’était accueillir des compétitions, des stages, former des jeunes. C’est toujours le cas, mais j’évolue aussi sur mon approche pour les jeunes. En écoutant tes podcasts, je me suis aperçu que le plaisir est ultra important. Donc je veux faire en sorte que les jeunes aient un max de plaisir et soient heureux dans le sport, et se sentir bien dans leur corps. Il n’y a pas de limite.

On est ouvert à l’accueil des clubs ou des individuels comme toi qui veulent ramer. A chaque fois, on met tout ce qu’on est capable d’apporter pour que ça se passe bien. Les clubs viennent, ils ne payent pas. L’accès au plan d’eau est gratuit. On ne fait payer que le matériel pour 5€ la journée. Tu peux naviguer facilement sur le plan d’eau. Il n’y a jamais beaucoup de vent.

Stratégiquement, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus d’actions à Libourne. On a juste l’équipe paralympique qui est venue, mais jamais les équipes de France. Je trouve que politiquement c’est dommage. La ville de Libourne met tout ce qu’il faut pour que ça marche. Le seul point noir c’est l’hébergement, donc trois semaines de stage ça peut être compliqué, mais autrement c’est jouable. Pour moi, seul l’aviron l’a compris, ils viennent faire leurs piges ici.

En tous les cas je voulais te dire que je prends beaucoup de plaisir à écouter tes podcasts. Certains sont exceptionnels. Découvrir différemment les gens, ça donne une autre vision d’eux. Ils faut que les jeunes t’écoutent.

La folie de chacun peut apporter beaucoup aux autres.

Vous pouvez retrouver Ronan sur son compte Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Bruno Dazeur

Retrouvez tout sur Bruno Dazeur dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous ses débuts en canoë et en kayak, suivis d’une carrière de sportif de haut niveau pour enfin devenir entraineur à Strasbourg.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Bruno Dazeur en décembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Bruno Dazeur : Ça va bien merci.

Les Secrets du Kayak : Tu es retraité depuis peu, comment occupes-tu tes journées maintenant ?

Bruno Dazeur : Ça fait deux ans que je suis à la retraite, je bricole dans ma maison. L’année dernière je suivais encore Quentin, mon fils, qui faisait du C2 mais comme il vient d’arrêter le haut niveau j’entame ma deuxième retraite.

Les Secrets du Kayak : Comment as tu découvert le kayak ?

Bruno Dazeur : A Cambrai dans le Nord de la France. On aimait bien l’eau, on nous a mis au kayak et ça nous a plu. J’avais 9-10 ans. Avant ça, j’avais fait de la natation et un peu de gym. Pas de sport en club mais avec mon père on bougeait énormément, nous n’étions pas sédentaires.

Initialement Cambrai, c’était un club de descendeurs. Je suis resté jusqu’en 1975 où j’ai fait les championnats de France de Bourg-Saint-Maurice. En biplace descente et slalom. On a dé-salé, on les a vécu en baignade. On était tout de même reconnu, on était à la base parti gagner les championnats de France.

Les Secrets du Kayak : Tu as aussi bien appris en descente le kayak que le canoë ?

Bruno Dazeur : Comme on a que 13 mois d’écart avec mon frère, on nous a de suite mis dans un canoë biplace. Pendant des dizaines d’années, je n’ai appris à pagayer que d’un côté. Ce n’est qu’en arrivant à Strasbourg que j’ai commencé à changer de côté. Et je ne faisais pas de kayak. Il a fallu que j’apprenne à faire du kayak pour devenir moniteur.

Les Secrets du Kayak : Est-ce ce que tu as aussi fait du C1 en compétition ?

Bruno Dazeur : Jusqu’à cadet, je n’ai fait que du biplace, ensuite je suis parti cinq ans dans l’armée de terre. Quand j’ai arrêté l’armée, je me suis retrouvé à Strasbourg en 1981, et j’ai commencé à faire du K1.

Les Secrets du Kayak : De ce que j’ai cru comprendre tu as été une force pour le club de Strasbourg. C’est un peu toi qui l’a créé ?

Bruno Dazeur : Au début, je prenais des RTT les mercredi après-midi pour encadrer sur le club, j’ai commencé à dynamiser le club. Les gars s’entraînaient chacun de leur côté.

Ensuite, je faisais du C1 puis du C2. J’étais un fou de l’entraînement, mes partenaires ont eu du mal à me suivre. Je voulais faire un équipage mixte. On a fait du slalom, de la descente, et on a arrêté dans les années 1987 quand le club Strasbourg eau-vive s’est créé.

J’ai passé un Brevet d’état, je l’ai fait en deux ans. Ensuite le club a été rasé mais transféré sur un autre secteur, on y a créé un grand club. Le projet était de prendre un permanent à temps complet. J’avais trente ans, j’ai dit oui. C’était en auto financement. Il m’a fallu prospecter dans les écoles.

J’étais en concurrence avec le département jeunesse et sport, car eux c’était gratuit. Moi je leur demandais 10 fr la séance. Par mon sérieux et la mise en place de séances plus ludiques que les leurs, j’ai commencé à attirer beaucoup de secondaires. Le primaire c’était surtout sur le mois de juin, progressivement on ne s’est orienté que sur le primaire, financièrement c’était plus rentable.

Les écoles venaient faire des stages d’une semaine. Aujourd’hui, il y a quatre BE sur la base. On refuse un quart des demandes en animation scolaire. Sachant qu’à Strasbourg, il y a deux clubs qui font du scolaire.

Les Secrets du Kayak : Tu te voyais devenir entraîneur au début ou pas du tout ?

Bruno Dazeur : Au début, quand je suis sorti de l’armée je me suis débrouillé. J’avais tous les permis, j’ai fait un boulot de poids lourds pour livrer. Ça me permettait d’avoir pas mal de temps. Je gérais mon temps pour pouvoir m’entraîner.

Quand je suis revenu de l’armée, j’ai repris doucement la compétition. Mais ce que je faisais à l’époque en comparaison à ce que je demande aux jeunes de faire, il y a un monde. A cette époque, on se débrouillait tout seul pour apprendre. J’ai repris d’abord en C1 puis C2 et C2 mixte. Quand j’ai eu mon poste sur Strasbourg, je tractais surtout les gamins. Je cherchais la performance pour les autres.

Les Secrets du Kayak : Au début, quand le club de Strasbourg s’est créé, c’était uniquement de la descente et du slalom ?

Bruno Dazeur : Oui, pas de course en ligne. Le premier que j’ai amené en course en ligne, c’était Babâk. Lui tout petit, il faisait surtout de la course en ligne. Il en faisait parce qu’à l’époque il y avait du CAPS. Et une base départementale avec des bateaux de course en ligne, qu’il fallait remettre en état. On a vu rapidement qu’il performait en course en ligne tout comme en descente. A la suite de son titre de champion du monde junior en descente, il a décidé de faire de la course en ligne, et d’aller à l’INSEP.

Moi, je n’était pas du tout course en ligne.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as fait pour faire performer Bâbak en course en ligne si tu n’en faisais pas ?

Bruno Dazeur : Moi personnellement je n’aimais pas la pratique, ni l’ambiance. En revanche, je suis un fervent défenseur de la polyvalence. Mes gamins ils savaient faire du slalom, de la descente et de la course en ligne. Cette polyvalence est une obligation pour savoir performer. Faire de l’eau-vive, ce n’était pas facile d’apprendre la pratique en hiver aux enfants. On se heurtait à des problèmes financiers également.

Bâbak était donc parti sur Paris en senior pour apprendre la course en ligne. Il ne l’a pas eu facile. On lui reprochait de mal pagayer. La course en ligne et l’eau-vive, ce n’est pas la même technique. Mais la force du descendeur, c’est savoir s’adapter à n’importe quelle situation.

Les Secrets du Kayak : Les descendeurs, je trouve, ont un certain mental pour l’entraînement. Ils sont capable de se mettre des cartouches à chaque fois. Ils ont vraiment l’envie de s’entraîner fortement. Parfois ils en faisaient de trop. Est-ce que tu as aussi remarqué ce genre d’attitude de leur part ?

Bruno Dazeur : J’ai toujours essayé de former des athlètes pour qu’ils soient autonomes. Pas toujours à attendre les instructions ou les conseils de l’entraîneur. Je voulais qu’ils soient auto-critique d’eux-même. Je ne les voyais pas forcément au quotidien. Certains, je ne les voyais que lors des courses, dont Quentin.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a une technique à avoir, ou bien est-ce individuel selon toi ?

Bruno Dazeur : Il faut une base, après chaque athlète a son coup de pagaie. Tout dépend de quelle façon ils vont transmettre la puissance du coup de pagaie dans l’avancement du bateau. Certains pagaient verticalement, d’autres sont un peu plus à l’oblique. Par rapport à la morphologie de la personne, on adapte le coup de pagaie à lui.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as aussi entraîné en kayak de descente ?

Bruno Dazeur : Oui. Quand les pagaies creuses sont sorties, j’en ai acheté une pour comprendre le coup de pagaie et pouvoir l’enseigner. J’ai vite trouvé l’équilibre. Je ne faisais pas de course, je cherchais juste à comprendre le mouvement. A force d’aller chercher les infos auprès des entraîneurs et des différents athlètes de haut niveau, tu arrives à comprendre.

C’est ce que j’ai essayé d’enseigner à mes athlètes. Discuter, se renseigner, le discours, le fond sera toujours le même, mais parfois la solution peut être expliquée différemment, et donc sera mieux comprise.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu sais me définir ce qu’est « naviguer » ?

Bruno Dazeur : C’est comprendre la rivière, c’est naviguer avec la rivière. Pas pagayer tout le temps à la même allure. C’est se caler sur le tempo de la rivière. C’est développer des aptitudes par rapport au type de rivière, par rapport à la force de l’eau, s’il y a beaucoup de cailloux... C’est savoir s’adapter rapidement aux différents reliefs de la rivière.

Les Secrets du Kayak : Le développement du club de Strasbourg s’est fait progressivement, ou bien il a explosé d’un coup ?

Bruno Dazeur : Au début j’étais jeune, j’avais trois-quatre classes. Puis j’ai travaillé avec des instituteurs qui sont ensuite devenus des employés de l’inspection académique. Donc ça m’a beaucoup aidé. Ils ont aussi fait un peu de pub pour notre club. Ça a amené pas mal de monde. Par rapport à la demande et le travail fourni, il a vite fallu avoir un deuxième cadre.

La course en ligne est ensuite arrivée au club il a donc fallu un cadre supplémentaire. On est monté progressivement à quatre-cinq cadres à une période. Plus de 50% des salaires était financé par les animations scolaires. On est passé de 80 à 120 adhérents. Aujourd’hui, on est à 200 adhérents qui pratiquent. Chaque semaine, tu as 80-100 gamins dès le mois d’avril et cela toutes les semaines.

Les Secrets du Kayak : De ce que je comprends l’entraînement en descente se fait beaucoup sur le plat ? Comment ça s’organise ?

Bruno Dazeur : La base de l’entraînement reste la même. Ce qui est important, c’est de développer les différentes aptitudes. Je veux qu’ils soient capable de faire une accélération entre cinq et dix secondes très rapide sur un bloc de cinq minutes par exemple. Et ensuite revenir sur leur cadence tout en restant un peu puissant pour garder la survitesse générée. Il existe aussi des séries sur des appuis longs des appuis courts.

Des parcours avec des bouées pour leur demander un exercice spécifique comme déplacer la bouée avec l’avant du bateau, ce qui demandait de l’adresse sur la technique. En eau-vive sur le travail des vagues, il y a des aptitudes qui ont été développées. A Strasbourg, quand les bateaux mouches circulaient, ça créait certaines ondes de vagues à maîtriser. Sur ma dernière expérience, j’avais trois filles cadettes, elles commençaient de zéro et on a adapté les aptitudes du descendeur sur du plat et ça s’est très vite retransmis quand elles sont arrivées en rivière. C’étaient des guerrières qui cherchaient à comprendre pourquoi elles avaient pris des gamelles.

Les Secrets du Kayak : J’ai l’impression qu’à chaque séance ou presque, tu as mêlé la technique à la physiologie ? Mais à toujours les mélanger, les qualités physio ne s’en retrouvent-elles pas moins développées ?

Bruno Dazeur : Quand tu fais une course, tu es bien obligé de savoir mêler les deux. Non, ce n’est pas certain. Si les gamins sont habitués à cela, non. A une époque, les gars s’entraînaient avec des cardio qu’ils venaient vider sur un pc. Avec le logiciel Polar, je pouvais suivre ce qu’ils faisaient, savoir s’ils respectaient les consignes de seuil et de repos. S’ils n’y arrivaient pas, on descendait un peu le seuil théorique et ainsi de suite. La récupération de la puissance aérobie, c’était la valeur sur une capacité aérobie.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des séances dites plus cool ?

Bruno Dazeur : Oui, il y en avait. Il faut au moins 48h de récupération pour une puissance aérobie. Quand tu vois que les gars sont fatigués, avec aussi les paramètres de leur vie extérieure, tu modifies pour permettre des regénérations. Ce n’est pas la quantité de ton entraînement qui va faire que tu vas être fort, c’est sa qualité.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as été entraîneur national à un moment en descente ?

Bruno Dazeur : Non. J'ai amené deux fois les juniors, sur les mondiaux et les Europe. Et ensuite, je faisais partie de l’équipe de soutien en descente pour les seniors. Je l’ai fait une dizaine d’années. Ça m’a permis de progresser techniquement, pour amener les gens en rivière en haut niveau.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as fait pour progresser ?

Bruno Dazeur : Tu observes, tu discutes avec les entraîneurs, tu apprends. J’ai aussi été arbitre international, ça m’a permis d’avoir une autre vision sur l’athlète et le management de l’équipe. Moi j’aimais bien d’avoir des gamins poussins, benjamins et de les amener au haut niveau. J’ai une méthode d’entraînement empirique, être entraîneur national ça n’aurait pas fonctionné.

Les Secrets du Kayak : L’empirisme marche souvent mieux que le science, non ?

Bruno Dazeur : Tout à fait, mais il faut savoir l’amener. Ce n’est pas être un dictateur, mais les gamins quand tu les avais eu jeunes, derrière ça ne discute pas. Ils savent que c’est comme cela. Tu crées un certain charisme autour de toi qui fait que ça marche. Il y a des athlètes pour lesquels je suis leur deuxième père. Le club était comme un cocon familial sain. Et le gros avantage, c’est que j’habitais sur la base.

Les Secrets du Kayak : En hiver, lorsqu’il fait nuit, on navigue aussi à Strasbourg ?

Bruno Dazeur : A l’époque oui, maintenant non il y a des interdictions. Mais on naviguait sur d’autres secteurs de nuit. On y allait avec une frontale, mais tu avais aussi l’éclairage de la ville. Tout ce que je leur demandais c’était de pagayer au moins une fois dans la semaine pour ne pas perdre le contact de l’eau. Les machines à pagayer n’existaient pas. Souvent au mois de mars après l’hiver, ils avaient un peu de mal. Et le fait de naviguer de temps en temps, le corps est habitué, tu souffres moins lors de la reprise des courses, et donc tu es plus performant. Le froid te fait perdre des pourcentages d’efficacité.

Les Secrets du Kayak : Tu es donc contre les coupures de l’hiver ? Certains coupent pour le ski de fond par exemple.

Bruno Dazeur : On en fait du ski de fond, mais il faut une séance de bateau minimum. C’est sur que par -10° C ou -15 °C les plans d’eau sont gelés, tu ne peux pas te déplacer en bateau. Mais dès que tu le peux, tu montes en bateau. Mais moi par rapport à d’autres, je fais très peu de musculation.

Les Secrets du Kayak : Pour les activités annexes, est-ce que le ski de fond aide pour la pratique du kayak ? Quid de la musculation et du footing ?

Bruno Dazeur : Pour moi, le ski est le meilleur sport aérobie. La plupart des gamins qu’on forme on leur apprend. Les meilleurs athlètes qu’on a eu en kayak étaient des avions en ski de fond.

Les Secrets du Kayak : Pendant une époque c’était surtout la course à pieds qui était à la mode ? Je vois qu’en ce moment c’est beaucoup le vélo, et le ski de fond. Est-ce que tu utilises quand même la course à pieds ?

Bruno Dazeur : Bien sur, il faut du footing, un peu de musculation aussi. Il ne vont pas en faire beaucoup, ils vont faire beaucoup de gainage mais pas beaucoup de musculation. Ça dépend aussi de la morphologie du gamin. Certains gamins ont été cassé à trop faire du musculation et de course en ligne pour performer, alors que l’année d’avant, avec moi, en descente c’était des bêtes.

Les Secrets du Kayak : La recherche de la performance en musculation à tout prix, avec des techniques qui laissent des fois à désirer, je pense que ça n’a aucun sens et c’est souvent de l’énergie gâchée. Avec Quentin Bonnetain, on se posait la question à savoir est-ce qu’il y a besoin de faire 140 kg au développer couché pour performer ?

Bruno Dazeur : Ça ne sert à rien puisqu’en kayak, tu propulses ton poids. C’est plus utile de faire de la force endurance, pour la résistance. Quentin, mon fils, faisait très peu de musculation, mais du gainage. Et ça ne l’a pas empêché de performer, mais c’est sa morphologie. Il était déjà bien charpenté. Il n’avait pas besoin d’en développer plus. Si tu fais trop de musculation, ça peut influencer sur ta gestuelle.

Les Secrets du Kayak : Au niveau des blessures. Est-ce qu’il y a des blessures récurrentes ?

Bruno Dazeur : Je n’ai pas eu beaucoup de blessures. Sur la fin, j’ai eu une fille qui s’est fait une luxation de l’épaule sur un esquimautage à l’entraînement. Mais il n’y a jamais eu beaucoup d’accidents. On a eu une fille qui s’est empalée sur un pieu en course, elle a été héliportée, une autre a suivi et a eu de grosses contusions. Sur 33 ans de métier, je n’ai pas eu de blessures de type musculaire.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu penses de la place de tout ce qui est l’alimentation, kiné, ostéopathie…? Est-ce que tu as un retour d’expérience là-dessus ?

Bruno Dazeur : A une époque, j’ai fait un peu de sophrologie. C’était pas mal. Avec les stages équipe, faire de la relaxation ça aide sur la récupération, sur la visualisation de la performance. C’est dommage que je ne l’ai pas plus approfondie. Mais ça coûte beaucoup d’argent.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu sensibilisais tes athlètes sur l’alimentation pour performer ?

Bruno Dazeur : Oui. Lors des stages, on cuisinait nous même. Il y avait de tout. On a même suivi les conseil du livre Manger pour Gagner. Les petits déjeuner fonctionnaient bien. On ne suivait pas à la lettre tout le régime, mais les athlètes avaient la pêche. Mais tu passais un temps fou à cuisiner, donc à force j’ai du arrêter. C’est moi qui faisait tout. Ils étaient bichonnés. Ensuite, j’ai eu de l’aide. On a toujours gardé une alimentation saine pour les gars. C’était beaucoup de frais.

Les Secrets du Kayak : En 2005, tu as sorti un livre coécrit, le canoë-kayak : Découverte, apprentissage et perfectionnement. Qu’est-ce qu’on retrouve dans ce livre ?

Bruno Dazeur : Le livre, c’était un prof STAPS à Strasbourg qui l’a écrit. Moi j’ai fait des corrections et j’ai donné des orientations. Je n’ai pas écrit le livre. En gros c’est un assemblage d’informations, de choses déjà écrites.

Les Secrets du Kayak : Il y a très peu de ressources sur le kayak, d’où la création de mon podcast. Maintenant que tu es à la retraite, est-ce un projet pour toi que d’écrire un livre sur le sujet ?

Bruno Dazeur : Ah non. Je ne suis pas écrivain. Rien que de rédiger sur les réseaux sociaux des articles, c’est une corvée pour moi. Je parle beaucoup, mais écrire ce n’est pas mon truc.

Les Secrets du Kayak : Tu as encore l’air en forme, pourquoi avoir pris ta retraite ?

Bruno Dazeur : Moi, c’était un métier passion. J’ai eu une femme très compréhensive. Je n’étais jamais à la maison, c’est elle qui s’est occupé des enfants. J’étais toujours sur l’eau ou sur les courses. Ça nous a amené une belle récompense avec Quentin.

J’ai pris ma retraite à 62 ans. J’ai eu un cancer des poumons à 60 ans, du foie et dans les os. Maintenant je suis toujours en traitement pour les poumons essentiellement. Je n’ai que très très peu fumé. Je ne bois pas mais c’est issu de la pollution. J’aurais pu partir à 60 ans, mais les médecins m’ont dit que c’était important de continuer de travailler. J’ai eu un mi-temps thérapeutique pour ne pas m’épuiser. Ce qui m’a permis de décrocher, c’est le Covid. C’était une aubaine pour ne pas culpabiliser de prendre ma retraite.

Je me déplace toujours sur les championnats de France, et des gamins me demandent des retours techniques. Ce que je leur fais.

Les Secrets du Kayak : En gros, tu es encore là !

Bruno Dazeur : Oui parce que j’ai toujours cette passion que de transmettre mon savoir. Tant que je peux leur amener quelque chose, je suis content. Mes dernières filles, je savais que je ne les emmènerais pas en haut niveau, parce que c’était des têtes et elles le prouvent aujourd’hui. J’ai beaucoup discuté avec les parents, et en réalité grâce à la discipline du kayak elles arrivent à se concentrer, mieux se préparer et mieux appréhender leurs échéances. Ça me fait vibrer de savoir ça.

Par le kayak, on a réussi à créer autre chose.

Vous pouvez retrouver Bruno Dazeur sur sa page Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Hervé Duhamel

Retrouvez tout sur Hervé Duhamel dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous ses débuts en kayak suivis d’une carrière de sportif de haut niveau pour enfin devenir entraineur.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Hervé Duhamel en novembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Hervé Duhamel : Super bien, merci.

Les Secrets du Kayak : Peux-tu te présenter ? Comment as-tu découvert le kayak ?

Hervé Duhamel : Alors j’ai 50 ans, j’ai commencé à l’âge de 12 ans au club de Louviers. A la base, je m’étais mis à la pêche avec une bande de copains. Au bord de la rivière je voyais les kayakistes, ça m’a interpellé. Et j’ai fini par choisir cette activité.

J’avais essayé le football avec les copains mais je n’y avais pas de talent. J’avais fait du judo également.

Au départ, c’était pour m’amuser mais ce club était historiquement un grand club de canoë-kayak notamment en course en ligne. La culture de ce club faisait qu’on pagayait quand même pour être performant, même si c’était pour s’amuser. Le dimanche, on faisait des compétitions de slalom-descente et course en ligne. J’aimais beaucoup la descente. Mes potes faisaient de l’eau-vive. J’ai eu de la chance parce que j’ai pu naviguer sur plein de milieux, avec beaucoup de polyvalence.

Les Secrets du Kayak : Cette polyvalence est indispensable à tes yeux pour performer ?

Hervé Duhamel : Pour performer, j’en ai aucune idée. Moi dans mon imaginaire, quelqu’un qui pratique en compétition notamment en course en ligne mais qui n’est pas capable de se déplacer sur les Gorges de L’Ardèche pendant ses vacances, je trouve cela un peu dommage. Mais ce n’est pas rédhibitoire pour la compétition de haut niveau.

Les Secrets du Kayak : Ton entraînement était essentiellement axé sur la descente à un moment ?

Hervé Duhamel : Quand tu es minime, il y a les Régates de l’espoir. En Normandie, il y avait un super bon niveau en course en ligne. J’ai vite fait des podiums. Ça m’a boosté en course en ligne. En cadet, je faisais les championnats de France de course en ligne et de d’eau-vive. Ce n’est qu’en junior en sport étude que je me suis concentré sur la course en ligne. En eau-vive, je n’étais pas bon en slalom mais j’aimais bien.

Les Secrets du Kayak : Quand tu intègres sport étude, cela devient beaucoup plus qu’un amusement ?

Hervé Duhamel : On s’entraînait sur la base du plaisir, pas de la contrainte. J’ai toujours aimé m’entraîner. On était un bon groupe, on faisait du kayak, de la course à pieds, du VTT, de la musculation… on a eu la chance d’être bien éduqué pour cela. Ça prend tout de même une autre dimension, il te faut être performant sur les compétitions. J’ai eu de la chance, j’ai eu de bonnes participations, j’ai eu de bonnes saisons et de bonnes sélections.

Les Secrets du Kayak : Avant le sport étude, quel était ton rythme d’entraînement ?

Hervé Duhamel : Nous, on était au club tous les jours. On y a passé des heures et des heures. On y passait toutes nos journées pendant les vacances. Il n’y avait pas toujours les entraîneurs. A l’époque, la Normandie était composée de cinq départements. Il y avait donc cinq cadres d’État, deux CTR. J’ai connu le kayak gavé de subventions publiques. On faisait de supers stages dans les Alpes, dans le Morvan.

Les Secrets du Kayak : Jusqu’à quand vous vous êtes suivis avec la bande de copains ?

Hervé Duhamel : Dans la bande de copains du club, je n’ai pas été le seul a devenir un bon athlète. On est parti à deux en sport étude à Boulogne-sur-Mer. Les autres sont restés sur l’eau-vive.

Les Secrets du Kayak : Quand tu rentres en sport étude, est-ce qu’il y a de grosses différences en terme d’entraînement par rapport à ce que tu faisais ?

Hervé Duhamel : Oui, les partenaires d’entraînement ne sont plus les mêmes, tu t’entraînes dans un groupe où pour toutes les activités tout le monde a un bon niveau. Après les entraînements et le volume ressemblaient à ce qu’on faisait. Sauf que la marche est un peu plus haute, les intensités sont plus longues, les enchaînements sont différents.

Les Secrets du Kayak : Quand tu rentres en équipe de France junior c’est une surprise pour toi ?

Hervé Duhamel : Ça parait être une suite logique des podiums fait en cadet et junior 1. J’arrivais à accrocher la catégorie qui, en international, avait un niveau correct. Oui, tu t’y attends quand même. Tu fais la saison avec le collectif France. Ça représente des stages, deux régates internationales et les championnats d’Europe et du Monde.

En K4 junior, on fait un podium sinon rien de transcendant. Rapidement, je me rends compte que je ne suis pas un super bon compétiteur. Moi ce que j’aimais, c’était l’entraînement. Je n’avais pas de plaisir en compétition. Mon état psychologique n’était pas le même. J’ai continué tout de même longtemps. Par la force des choses, je me suis rendu compte que je voulais devenir entraîneur.

Les Secrets du Kayak : Comment tu découvres cette envie de devenir entraîneur ?

Hervé Duhamel : Ça commence à m’intéresser à force de rencontres avec des entraîneurs. L’articulation des entraînements m’intéressait. Je prenais du plaisir dans le fait de partager une progression dans l’activité.

Les Secrets du Kayak : A ce moment là, tu fais quelles études ?

Hervé Duhamel : Je suis au lycée et pour devenir entraîneur il faut un Brevet d’État. Dès que je l’ai pu, à mes 18 ans, j’ai tout fait pour le passer. Le lycée ne m’intéressait pas. Il y avait le tronc commun et la partie spécifique.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait pour passer un BE kayak, il y avait des prérequis pour chaque activité de kayak ?

Hervé Duhamel : Oui, à l’époque en slalom il fallait avoir une performance dans l’activité qu’on voulait. En eau-vive, il fallait valider un niveau en classement de course. Tu tirais au sort ta démonstration. Il fallait apprendre ce qu’était la fédération, le milieu du kayak...

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ça t’a permis d’apprendre ce que tu recherchais sur l’entraînement ?

Hervé Duhamel : Pour ce qui est du BE1 non, en BE2 j’ai eu l’occasion de rencontrer de bons entraîneurs, là oui. J’ai aussi fait un BE sport pour tous. J’ai été amené à rencontrer un excellent basketteur, un bon footballeur aussi, un golfeur professionnel… j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens d’autres pratiques ce qui a été intéressant.

Après le club de Louviers je suis allé au club de Vernon qui commençait à avoir une bonne dynamique, de bons pagayeurs, et une équipe dirigeante qui voulait faire des compétitions. J’ai été embauché et ça m’a permis de me payer mes BE. Ils m’ont forcé à me former. J’encadrais le mercredi et samedi. A cette époque, on maniait la pagaie. Il y avait de grosses vagues, on apprenait à faire glisser le bateau dans toutes les conditions. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de pagayer quand les conditions sont très mauvaises pour les athlètes de haut niveau ? On peut se poser la question. Mais parfois il faut savoir pagayer sur autre chose qu’un lac flat.

Les Secrets du Kayak : Comment on fait pour pagayer quand les conditions sont désastreuses ?

Hervé Duhamel : On s’adapte, on essaye de trouver la meilleure solution en fonction de sa technique et de son physique. Dans certaines conditions, cette adaptation vaut le coup jusqu’à un certain point. Ça permet d’apprendre à tenir son bateau. Parfois les ondes de vague sont trop rapprochées, on ne peut plus percer dedans, on prend le risque de faire couler le bateau… il faut s’adapter, en règle générale en course en ligne la plupart du temps tu sers les abdos et tu traverses, mais ce n’est pas toujours le cas.

Les Secrets du Kayak : A tes débuts tu entraînes les jeunes, mais qu’est-ce que tu leurs apprend ?

Hervé Duhamel : A l’école de pagaie, tu es plus éducateur que entraîneur. Apprendre la culture sportive, aller courir, tu leurs apprends la culture sportive dans sa globalité, la vie de groupe, l’entraide. Pendant mes années de senior, c’était devenu une évidence pour moi que d’entraîner.

Les Secrets du Kayak : Tu continues la compétition en même temps que la validation de tes BE ?

Hervé Duhamel : Oui, j’ai fait tous les championnats de France. Je faisais toutes les piges. J’ai réussi à faire de bonnes courses. A Vernon, on avait une bonne culture de l’équipage, on avait de bons K2 et K4. J’ai été dans la course jusqu’à mes 21 ans. Moi c’était encore l’époque de l’équipe A et l’équipe B. A l’époque je ne saurais pas te dire pourquoi il sont revenus sur ce fonctionnement pour créer les U23.

Les Secrets du Kayak : Quand tu passes tes BE, tu te fais tes entraînements ou quelqu’un les fait pour toi ?

Hervé Duhamel : On les fait en collectif. Il y avait encore des cadres compétents en entraînement en Normandie à l’époque.

Les Secrets du Kayak : A 21 ans tu arrêtes la compétition, est-ce un tournant professionnel pour prendre en charge des athlètes plus âgés ?

Hervé Duhamel : J’arrête la compétition mais je continue à faire des courses en espérant me sélectionner en monoplace. Je continue à faire toutes les mêmes courses, pour rencontrer des gens, retrouver des copains. Ensuite en équipage, c’est autre chose. En K1, je n’avais plus de motivation profonde pour me sélectionner. Je m’entraînais toujours autant. Certaines fois, je remplaçais plus facilement les séances par autre chose. J’ai toujours aimé faire du sport.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu entraînes des personnes plus âgées ?

Hervé Duhamel : Au club de Vernon, j’y suis resté quatre ans. Pour le BE 2, je suis allé à Rouen. Je me suis inscrit dans un autre club qui m’a financé mon BE2, et là j’arrête la compétition. J’ai davantage encadré de l’eau-vive. Je faisais du vélo, de la course à pieds, j’ai refait du slalom, et j’ai entraîné surtout des jeunes de 14-17 ans. Il n’y avait pas une grosse culture sportive. C’est l’année d’après où j’ai changé pour le club de Condé-sur-Vire et que ça s’est intensifié. J’avais fini mon diplôme, mon service militaire au Bataillon de Joinville. C’est en arrivant à Condé que je suis vraiment devenu entraîneur.

Les Secrets du Kayak : On navigue sur quel type de plan d’eau à Condé ?

Hervé Duhamel : Sur une petite rivière, la plus grande ligne droite fait 300m. L’aller retour fait 4km, c’est protégé du vent. Ça a un côté carte postale. C’est un club qui a un peu plus de 50 ans. Ça fait 40 ans que le club rapporte des médailles aux championnats de France, aux JO.

Les Secrets du Kayak : Ça te met la pression en tant qu’entraîneur ?

Hervé Duhamel : Non, c’est valorisant de côtoyer des gens qui ont de bons résultats.

Les Secrets du Kayak : De toute cette expérience en tant qu’athlète et entraîneur, qu’est-ce que tu mets en place ? Tu as une vision particulière sur l’entraînement pour performer en course en ligne ?

Hervé Duhamel : Oui évidemment. J’ai une vision bien précise de ce qu’il faut faire. Mais il n’y a pas de secret. Chaque individu doit trouver la meilleure façon pour exprimer son potentiel physique, psychologique, technique. Pour ce qui est de la technique il y a des façons d’aborder certains thèmes qui sont plus pertinents que d’autres.

Il y a pagayer joli et pagayer efficace. Trop de fois, les analyses techniques sont conditionnées par des choses non objectives telle que la beauté pour l’œil. Ce qui est limitant. D’un point de vue technique, je considère que le coup de pagaie ne commence pas tel qu’on le pense. Pour moi, on ne passe pas assez de temps sur la phase aérienne du coup de pagaie. A mes yeux, ça ramène à des critères de création d’appuis, travailler avec des pagaies différentes, à différentes cadences. La phase aérienne pour trouver du relâchement est négligée, on passe trop vite dessus. On met trop d’importance sur l’attaque de la pagaie et le tractage du bateau.

Les Secrets du Kayak : Si je comprends bien, cela ramène à des notions de gainage du bas du corps ?

Hervé Duhamel : C’est faire en sorte que le bateau soit le plus haut possible sur l’eau par l’action de la pagaie.

Les Secrets du Kayak : En terme d’entraînement, ta génération faisait énormément de volume d’entraînement. Aujourd’hui ce n’est plus le même volume, est-ce que tu as un avis sur le sujet ?

Hervé Duhamel : Ce qui est sur c’est que ces dernières années, avec l’ultra spécialisation du 200m, on s’est trompé. Les volumes d’entraînement sont devenus trop faibles. Il y a des volumes minimums à réaliser, élevés, et qui sont à réaliser pour gagner. On ne peut pas prétendre être performant à haut niveau en faisant de petits volumes d’entraînement. J’ai l’impression que le volume aérobie et le travail de puissance aérobie a été écourté.

Les Secrets du Kayak : Je remarque que certains athlètes ont peu de séances d’aérobie à basse intensité, pensant que ça peut les faire perdre en explosivité. Qu’en penses-tu ?

Hervé Duhamel : Pour moi c’est plus une histoire de la culture de l’effort, ou l’éducation à certains efforts à certains âges. Je pense qu’il y a plein de gens qui pensent cela parce qu’ils n’ont jamais fait d’efforts longs et qui ne savent pas les apprécier.

Les Secrets du Kayak : Moi j’ai la sensation que lorsque tu manques de condition aérobie, dès que tu fais un effort aérobie un peu long ça te fatigue tellement que ça impacte effectivement tes performances en force et en explosivité.

Hervé Duhamel : Oui pour certains individus. Mais on s’entraîne à tout. A augmenter ses points faibles. Je reste persuadé que pour avoir une bonne solidité pour le jour J, il faut avoir un minimum d’endurance.

Les Secrets du Kayak : Cette endurance ne pourrait pas être développée en dehors du bateau ?

Hervé Duhamel : D’un point de vue technique, il faut passer du temps dans le bateau pour naviguer dans toutes les conditions climatiques. Si tu passes 20h dans une salle, il reste peu de temps pour faire du bateau.

Les Secrets du Kayak : Pour parler planification avec toi, dans la majorité des sports on voit une période foncière, puis une période spécifique, et compétitive. On différencie en hiver un travail d’aérobie, de plus gros volume… parfois tu peux avoir du polarisé à l’extrême, ou un peu de tout avec des valences dans la semaine pour garder plus ou moins les mêmes volumes d’entraînement toute l’année. Quel est ton retour sur le sujet ?

Hervé Duhamel : En terme de planification l’hiver je fais de l’aérobie, au printemps de la puissance aérobie, et avant les championnats je fais du lactique. Ce qui est certain c’est que toutes les filières sont travaillées au cours de l’année. Il y a des blocs notamment lors de la force où tu fais un peu moins d’aérobie. Le travail de la VMA doit se faire toute l’année.

Ce que j’ai remarqué c’est que tout fonctionne, peu importe que ce soit du volume vers la puissance ou inversement. Si tu descends un peu le niveau pour espérer un petit gain quand tu vas remonter. Tout s’articule ensemble. Tu vas changer la balance, le temps de l’intensité pour que le jour J toutes les pièces du puzzle soient réunies.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu utilises des calculateurs de charges d’entraînement ?

Hervé Duhamel : Oui mais il faut savoir que depuis 2012, je ne suis plus entraîneur. J’accompagne l’équipe de France de marathon. Je n’ai plus un travail de recherche permanente pour ces choses là. En revanche oui c’est comme tout, ce sont de très bons outils à tester mais ça ne reste qu’un outil. Il faut savoir le prendre au bon moment. C’est là qu’intervient la complexité du sport du haut niveau. On peut avoir un appareil sur le manche de pagaie pour avoir quelques données. Pour avoir travaillé au début du minimax, j’ai trouvé que c’était un bon outil, mais il faut éviter de lui donner trop d’importance pour ne pas se perdre dans des zones techniques qu’on ne maîtrise pas.

Hervé Duhamel avec Jérémy Candy et Quentin Urban

Les Secrets du Kayak : Est-ce un moyen de déterminer chez un athlète des différences entre la puissance développée et la façon de pagayer ?

Hervé Duhamel : Oui dans les grands traits, non dans le sens où les données ne se recueillent pas en instantané mais suite à un débriefing. On est dans des gestuelles où la reproduction exactes de ton geste est complexe.

Les Secrets du Kayak : Chacun a un peu sa propre technique. Moi je reste perplexe sur la hauteur de la main supérieure. Est-ce que tu as un conseil à ce sujet ?

Hervé Duhamel : Chacun a sa bonne hauteur de main. Il faut que sa hauteur de main au dégagé soit en cohérence avec la hauteur du départ. Quand la pagaie va rentrer dans l’eau, moi je regarde la hauteur de la main supérieure à la fin du coup de pagaie. C’est une hauteur qui indique la limite du pagayeur. C’est la bonne hauteur du moment à cet instant pour le pagayeur.

Pour moi une main n’est ni trop basse ni trop haute, mais on avait repéré qu’au dégagé, la pointe arrière du bateau s’enfonçait, le bateau devenait lourd. On recherchait à alléger le bateau au moment du dégagé. Tu l’obtiens dans ton gainage, la position dans ton siège, et grâce au mouvement de fin de pagaie. Sinon chacun pagaie comme il le veut. Sur du sprint, peu de gars sont performants en ayant la main basse.

Les Secrets du Kayak : Tu es resté combien de temps à Condé sur Vire ?

Hervé Duhamel : Trois ans, et ensuite je suis allé sur le pôle de Caen, un pôle espoir course en ligne descente, et slalom pendant trois ans. J’ai été entraîneur de la structure du pôle. J’entraînais toute la journée les jeunes. Ensuite, j’ai eu des athlètes étudiants qui ont voulu rester. D’autres voulaient venir s’entraîner là-bas. Il y a eu du monde.

Les Secrets du Kayak : Tu es resté longtemps au pôle espoir de Caen ?

Hervé Duhamel : Douze ans, trois olympiades. Entraîner les jeunes, c’est super important. Je me suis rendu compte que le versant éducateur est bien plus important que le versant entraîneur. En toute honnêteté, j’ai eu la chance de croiser la route de sportifs de très bon niveau. C’était assez facile. Ils ont juste besoin de bonnes bases d’éducation sur les efforts à mettre en place pour avoir de bons résultats.

Les Secrets du Kayak : Pour reprendre les propos de Xavier, moi qui suis novice, je pense que la technique tu peux toujours l’améliorer, quel est ton retour d’expérience sur les jeunes ?

Hervé Duhamel : Xavier a connu le tout début de Kersten, et moi je suis arrivé une fois que « la révolution de Kersten » était passée. Dans un premier temps, les athlètes n’étaient que très peu habitués à pagayer hormis quelques uns. C’était des tout petits volumes pour faire ce qu’on aime comme on aime. Tu avais des exceptions comme Pascal ou Philippe, mais sinon on n’était pas bon parce qu’on ne s’entraînait pas assez, et sans rigueur.

Moi je n’ai jamais eu ce problème avec les athlètes, ils étaient conscients du volume à effectuer pour progresser à l’entraînement. En terme de technique, je ne me suis jamais pris la tête. J’ai toujours fait attention au pagayer beau.

Les Secrets du Kayak : Pourtant Sébastien Jouve, alerte au moindre détail pour performer, était à fond dans la prise de tête de détails, votre mariage devait être assez intéressant à suivre ?

Hervé Duhamel : Pour ce qu’il me demandait, je lui disais ce que j’en pensais. On passait à autre chose pour parler de choses plus importantes, on s’éclairait ensemble, c’est une relation, des échanges, les deux sont compatibles.

Les Secrets du Kayak : Sébastien est partisan de se donner à fond à chaque séance. Est-ce que pour toi les séances tranquilles doivent exister, est-ce qu’il doit avoir un management de l’intensité ?

Hervé Duhamel : Quand tu es un jeune athlète en début de carrière, il faut que ton cœur soit dans certaines zones, et qu’il cravache un peu. A un certain âge et avec plein d’expérience, alors que tu dois gérer la saison et les olympiades, tu imposes davantage un curseur un peu plus bas. Quand tu es jeune, il faut y aller !

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu arrêtes au bout de douze ans à Caen ?

Hervé Duhamel : Entraîneur c’est les heures décalées, travailler les vacances scolaires, les week-end. A 40 ans changement de vie, envie de voir autre chose.

Les Secrets du Kayak : Tu ne voulais pas être entraîneur de l’équipe de France ?

Hervé Duhamel : Entraîneur des équipes de France, j’ai eu l’occasion de faire pleins de saisons, et aussi avec les senior en international, je connaissais. J’aurai aimé être à l’INSEP. Il aurait fallu que je vive autrement, déménager, et il fallait absolument être prof de sport pour cela.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais maintenant que tu n’entraînes plus officiellement dans le kayak ?

Hervé Duhamel : Je viens juste de finir de restaurer un bâtiment. Je m’occupe de ma famille. Je travaille sur mon autonomie alimentaire.

Officieusement, je travaille avec les athlètes de marathon. Leur budget est limité. Leur manager c’est Nicolas Parguel, certains sont de mes anciens athlètes. Donc quand ils m’ont demandé de l’aide ça m’a bien fait plaisir. C’est Quentin Urban avec qui je suis resté en contact qui m’a sollicité entre autre. Donc je les accompagne en compétitions, et au moins un stage par an. Là c’est réalisable, il y a de la pertinence et du sens. C’est plus de la préparation mentale de dernière minute.

Les Secrets du Kayak : Tu penses qu’à ton époque la préparation mentale t’aurais aidé ?

Hervé Duhamel : Oui bien sur. Mais quand tu pars avec un niveau faible, c’est rare de finir par être un champion. Peut être que comme j’ai connu ce genre de problème, j’ai pas mal de fois le sentiment que les athlètes apprécient certaines discussions avec moi.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu navigues de temps en temps ?

Hervé Duhamel : Quand j’étais entraîneur je faisais zéro compétition. Quand j’étais en compétition, j’observais ce que j’avais besoin d’observer. Depuis que j’ai arrêté oui j’en refais pas mal de course en ligne. Je ne fais plus de championnats depuis trois ans. Ces dernières années, je me suis mis au vélo de route. Je roule pour le plaisir, et j’aimerais bien faire l’épreuve du Tour de France cette année.

Les Secrets du Kayak : Voulais-tu aborder d’autres sujets ?

Hervé Duhamel : Il faut travailler la culture du sport pour ne pas la perdre, il faut se faire plaisir pour progresser.

Les Secrets du Kayak : Merci de ton temps.

Hervé Duhamel : Et toi Rudy, ça va l’entraînement kayak ?

Les Secrets du Kayak : Oui ça va je m’entraîne entre 10-12 séances par semaine entre le kayak, la course à pieds et autre. Je travaille en ce moment avec une grosse pagaie, il va falloir que je varie les pagaies, travailler le gainage et la technique.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Vonx

Retrouvez tout sur Vonx dans cet épisode des Secrets du Kayak. Cette légende du kayak retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau mais surtout ces années d’entraineur.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Vonx en novembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Vonx : Ça va pas mal, merci.

Les Secrets du Kayak : Tu as quel âge, et pourquoi te lever si tôt ?

Vonx : J’ai 72 ans. Il me fallait nourrir les poules.

Les Secrets du Kayak : Je suis un peu nouveau dans le milieu du kayak, d’où vient ton surnom ?

Vonx : C’est un problème qui date de ma naissance, ma mère était polonaise, il y avait beaucoup de mots qu'elle avait du mal à prononcer en français. Entre le prénom à déclarer à la mairie et la prononciation, elle m’appelait Vonvon, ce n’était pas pareil. Petit à huit ans à l’école on me surnommait l’américain, donc on a résolu le problème en me surnommant Vonx.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as découvert le kayak ?

Vonx : J’ai commencé vers 15 ans. C’est lié d’une histoire d’amitié avec l’instituteur. On avait beaucoup de liberté, beaucoup d’écriture, de dessin, beaucoup de tout. Besoin d’argent, on se donnait les moyens de faire des cagnottes. L’instituteur a lancé la création d’un club de canoë puisqu’on avait une rivière juste à côté.

Comment le faire ? On ramasse des tonnes de papiers qu’on revend. Avec l’argent, on achète de la résine et on construit nos canoës. On a été aidé par des gens de jeunesse et sport à l’époque. On a pris des cours de fabrication. En 1966, on crée le club pour descendre la Loire. Plus tard, il deviendra le club nautique de Bouchemaine.

On partait avec nos canoës, on descendait la Loire, on l’a faite en 15 jours, on avait fait un plan de route. C’était en juillet. Ensuite on a décidé de créer le club en 1967. On n’arrêtait plus de construire des bateaux. Après des canoës, c’était des kayaks.

On a d’abord fait la première année le championnat du monde en Anjou, « le championnat du monde » pour tous les gens du pays de la Loire. Les canoës n’allant pas vite, on a construit des kayaks. Ils n’allaient pas très vite mais on restait au contact. On a fait de plus en plus de résine, on a construit des kayaks de rivière.

Donc en 1967, on a décidé de faire la course du Scorff qui se passe tous les ans en janvier. On s’est aperçu qu’on n’était pas bon du tout. On s’est rapproché de clubs qui savaient naviguer, on a appris à naviguer en rivière jusque 1981. On avait commencé aussi à faire de la course en ligne en plus de la course de rivière.

C’est comme cela que j’ai ensuite rejoint la fédération pour d’autres missions bien plus tard. A Bouchemaine, il n’existait qu’un club de foot. On a donc créé une association affiliée à la fédération.

Les Secrets du Kayak : Au début, comment tu as appris le kayak ?

Vonx : Au début, le premier canoë était redoutable. On s’engueulait parce que ça tournait en rond. On se rejetait la faute les uns sur les autres. Ça a été un peu long. Avec le kayak, c’était plus facile pour aller droit. On a mis les pieds dans les kayaks, avec un gouvernail c’était simple. Au début, ça a été un peu dur.

Les Secrets du Kayak : Vous vous êtes rapprochés de certains clubs pour apprendre ?

Vonx : Pour la descente de rivière, c’était le club de Saint-Nazaire. Ils avaient beaucoup d’avance sur nous. Et puis, le club de Nantes qui fournissait la fédération de plusieurs athlètes pour gagner des titres de champion du monde. C’est avec eux qu’on a réellement appris à pagayer. Ils ne nous ont pas fait de cadeaux.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que pour toi ça devient une passion ? Tu te vois travailler dans le milieu du kayak à ce moment là ?

Vonx : Pas du tout. On parle des années 1967-1968-1969. Je commençais à aller un peu vite. Je devais faire 7km de trajet. J’allais à l’école en bateau, le matin, je laissais mon kayak de rivière au club d’Angers. Je prenais un vélo pour foncer au Lycée. Le midi, je retournais à la base nautique d’Angers monter dans un kayak de course en ligne CAPS. Je retournais au Lycée ensuite. Je faisais le retour à Bouchemaine en bateau de descente. Donc je devais faire 22 à 23 kilomètres par jour.

En junior, je n’aimais pas l’école. Je préférais naviguer. Je me suis fait repérer. On m’a demandé de courir le championnat de France CAPS. C’était à Vichy, en 1968 j’avais 18 ans. J’ai couru et j’ai gagné le titre de champion de France CAPS. L’année suivante en junior 2 j’ai abandonné le CAPS, j’ai navigué avec de vrais kayaks de course en ligne. Ça devait être sur un Lancer.

Les Secrets du Kayak : C’était codifié avec des championnats du monde, des championnats d’Europe comme maintenant ?

Vonx : Pas du tout. C’est la fédération qui a voulu donner une certaine vigueur suite aux victoires aux JO, et certainement la volonté du fric, ils ont voulu équiper les centres de CAPS. C’est une quinzaine de centres qui ont été équipés, dont celui d’Angers. Le but était d’apprendre à naviguer dans des couloirs avec des C1 et des K1. Des bateaux très stables et utiles rapidement, et pratiques pour n’importe quel débutant.

Les Secrets du Kayak : Mais as-tu ensuite des ambitions sportives avec l’acquisition de ce nouveau bateau ?

Vonx : Suite aux championnat de France de Vichy, j’étais encore junior. Je refais le championnat de France, je n’ai pas été brillant en K1 mais c’était suffisant pour que le responsable me sélectionne pour un soi-disant championnat d’Europe en Espagne. Il n’y avait aucun pays de l’Est à cette époque. J’ai couru en K4 car pas pris en K1. On a ramené une médaille il me semble. Ça m’a donné envie de continuer à m’entraîner. Ensuite j’ai intégré l’équipe senior pendant deux ans. On était ridicule par rapport aux allemands et autres.

Les Secrets du Kayak : Cette différence de gabarit et ce manque de performance à l’époque, tu l’expliques comment avec le recul ?

Vonx : Par la suite on a fait des stages en 1972. Je me suis expatrié pendant six mois avec un copain pour gagner de l’argent et m’offrir un bateau plus performant. Mon père m’a emmené faire le stage en Bretagne, stage franco-allemand. Les allemands étaient plus baraqués que nous, mais je pense que c’est un peu naturel qu’ils le soient plus que les français. Ça doit venir de la sélection à la base. Ils sont restés loin devant nous longtemps.

Les Secrets du Kayak : Tu as découvert des choses sur l’entraînement durant ce stage ?

Vonx : A l’époque, c’était faire beaucoup de kilomètres. Il existait une programmation conseillée pour tous les athlètes qui souhaitaient prétendre à rentrer dans l’équipe de France. On n’était pas très surpris de ce qu’on nous demandait.

Les Secrets du Kayak : Par la suite, tu fais une carrière en équipe de France senior ?

Vonx : Pas du tout, parce qu’à la suite de ce stage je rentre d’Allemagne en 1971, je prépare les championnats de France, j’étais finaliste en monoplace mais loin du podium. Seuls deux bateaux sont retenus pour aller courir à Munich. Tout ceux qui prétendaient vouloir aller aux JO ont été remerciés, on leur disait qu’ils n'avaient pas le niveau. Ce n’était qu’une question de moyens.

On regardait les JO à la télévision. Les athlètes de petits clubs n’avaient aucune chance d’intégrer l’équipe de France. Pour Munich, il n’y a eu qu’un K2, un C2 et pas de médaille. Dès 1975, la fédération trouve de l’argent pour emmener davantage d’athlètes en compétition. Le ministère des sports avait décrété que tous les sports olympiques devaient pouvoir vivre correctement. Les fédérations olympiques ont été ensuite subventionnées.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as continué à t’entraîner à fond et à être pris en équipe de France ?

Vonx : La vérité c’est que ça m’a gonflé, j’ai refait les championnats de France en 1973 en K2. Je ne voyais pas où ça me menait. Jusqu’en 1976, je me suis dédié à la planche à voile. J’en faisais jusqu’à 6 heures par jour. En 1976, j’ai repris le bateau, en rivière. En 1977, le CTR de l’époque avait besoin d’un coup de main pour encadrer les équipes cadettes, j’y suis allé.

Avant ça, je travaillais au club de Bouchemaine, le mercredi on organisait l’activité sur deux séances tellement les gamins étaient nombreux. On n’avait pas assez de bateaux. Le contact avec les enfants me plaisait. J’avais les cadets en rivière et en slalom. Ils avaient un bon potentiel. On a eu des champions de France de patrouille.

En 1981, ça a été la rupture avec leur entraînement, je suis parti sur de la course en ligne. Les jeunes cadets y ont participé. Les résultats n’étaient pas à la hauteur de ce que j’espérais, mais en 1982 lors du championnat de France des ligues on emmenait des slalomeurs, et des ligneux. La patrouille était une épreuve de 3000 ou 5000m, je ne me souviens plus. C’est là que j’ai emmené un certain Pascal Boucherit qui avait commencé la course en ligne.

C’est là que la roue a tourné pour Pascal, j’en ai profité pour interpeller Jean-Claude Le Bihan et Jean-François Millot, responsables du bataillon de Joinville. Il avait le potentiel pour devenir champion de tout. Son gabarit dénotait pour l’époque. La suite s’est avérée être payante. Ils ont fait un K4 d’enfer. Ils ne se sont jamais ménagé. Il habitait à la maison, au grenier.

Les Secrets du Kayak : Tu arrivais à remarquer les athlètes qui avaient du potentiel de ceux qui en avaient moins, d’un point de vue du physique en tous les cas ?

Vonx : La volonté sur l’eau des gamins qui vont vite, ce n’est pas par hasard. Ça se sent rapidement le gamin qui en veut. Tu le prends rapidement sous ton aile.

Les Secrets du Kayak : Toi par la suite tu arrêtes de naviguer de faire des compétitions, et tu te consacres à l’entraînement des autres ?

Vonx : Oui.

Les Secrets du Kayak : Comment se passe la suite pour toi en tant qu’entraîneur ? Tu restes toute ta carrière à Bouchemaine ? Tu as fait sortir pas mal de champions en fin de compte.

Vonx : A l’époque des juniors en 1996, un allemand de l’Est est nommé d’office à la Fédération de canoë-kayak, Kersten Neumann. Il est venu avec ses plans d’entraînement, des tests,... il avait décidé que suite aux piges le meilleur des juniors serait entraîné par son entraîneur de club ou de région, et cet entraîneur devenait l’entraîneur de l’équipe de France junior.

Quelques années ont suffi pour qu’une certaine pige ait lieu à Vaires-Sur-Marne. J’avais pris un peu d’avance sur le sujet en lui écrivant en allemand. Je connaissais son mode de fonctionnement, je pensais qu’à moi tout seul, j’avais le potentiel de faire une équipe de France. Tous les gamins qui allaient aux piges je les connaissais, il avait à y gagner que de me nommer directement et de suite entraîneur des juniors. Ce qui fut dit fut fait.

On se retrouve dans les années 2000, premier championnat de France pour certains jeunes à Boulogne-sur-Mer. J’étais l’entraîneur du meilleur jeune français. Donc, j’étais entraîneur de l’équipe de France. Des médailles, il n’y en a pas eu beaucoup mais il y a eu des nombreuses finales. L’ambiance était bonne, j’ai continué l’année suivante. On est allé au Brésil, pas beaucoup de médailles. Pour faire une bonne course, il faut être léger et en bonne santé. On est arrivé là-bas, on a été gavé comme des oies. On avait des repas avec des quantités invraisemblables. Aucun des entraîneurs n’ont eu l’idée de sensibiliser les gamins sur le fait de manger gentiment, qu’on était là pour la course. Je vois encore les plats arriver sur la table. Pour moi, c’est ce qui a plombé l’équipe.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu aimes dans le fait d’entraîner les jeunes ?

Vonx : Les jeunes sont le devenir des équipes futurs. Un jeune qui prend goût à la compétition va devenir un très bon senior. C’était ma certitude qui s’est avérée être la bonne.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ton approche d’entraînement, la méthode Vonx est différente, est-ce que c’est dans la psychologie, comment tu définirais ta méthode ?

Vonx : L’entraînement reste le même pour tout le monde. Il y a un moment où il faut savoir faire confiance à l’athlète. C’est ce qui prime à mes yeux. J’aimais entraîner les K4, à un moment il faut un capitaine. Un mono se gère tout seul, un K2 ils s’en occupent à deux pour emmener la barque. Je pense que cette confiance qui s’instaure entre l’entraîneur et les athlètes est nécessaire. Le jour de la course, ils sont tout seuls. D’où l’importance d’avoir un capitaine à bord. Ça se faisait plutôt naturellement. Prends par exemple Maxime Beaumont, c’est un très bon exemple de réussite par la confiance.

Les Secrets du Kayak : En tant qu’entraîneur équipe de France junior, comment ça se passait l’organisation des stages ? Il y en avait beaucoup ?

Vonx : Il y en avait beaucoup dans les régions, c’était des week-end de rassemblement, et quatre-cinq jours pendant les vacances scolaires. J’étais en charge de les organiser.

Les Secrets du Kayak : C’est toi qui sélectionnais les juniors dans l’équipe ?

Vonx : Je n’étais pas sélectionneur. La sélection se faisait au niveau national, suite aux piges. C’est Kersten qui les désignait. Moi je voulais partir avec 6-8 athlètes. J’avais mon mot à dire, j’ai été écouté, mais c’est lui et la commission qui décidaient. Il fallait une équipe de jeunes qui voulaient revenir avec des médailles.

Les Secrets du Kayak : Tu as été recruté sans avoir le professorat de sport, est-ce que par la suite tu as du le passer ?

Vonx : Suite au Brésil, il y a eu une vague de recrutement d’entraîneurs nationaux. Il y avait un pôle France à Angers. J’ai postulé juste avec mon expérience passée et mes connaissances. J’ai été présenté à un jury avec le DTN, son adjoint et le responsable des équipes de France. Ça devait être en 2002.

J’ai quand même beaucoup d’expérience mais pas le diplôme. J’ai la connaissance du milieu, des gens, ça ne m’a pas posé de problème pour être pris comme entraîneur. Je me suis retrouvé avec un équipier. Je me suis établi à Angers. J’ai fait huit ans officiellement entraîneur là-bas jusqu’en 2010.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu arrêtes ?

Vonx : Il fallait un CTR. Je suis devenu CTR, toujours sans diplôme. On m’a proposé de passer le professorat de sport plus tard. Mais je ne l’ai jamais passé, je l’ai eu par ancienneté.

Les Secrets du Kayak : En tant que CTR, quel était ton rôle ?

Vonx : J’ai continué à entraîner quand même les échéances terminales des équipes jeunes de moins de 23 ans. L’entraînement des jeunes était confié aux entraîneurs des clubs. Mais j’entraînais sur le pôle les gamins du lycée, on se partageait leur entraînement sur l’eau avec l’entraîneur du pôle. Pour la paperasse j’avais une secrétaire, elle était la cinquième roue de la charrette, les papiers n’étaient pas mon fort. J’ai eu une vie facile grâce à tout cet entourage.

Les Secrets du Kayak : Pour moi tu as une capacité à donner confiance, tu donnes un truc en plus de la volonté de l’athlète, je ne pense pas que ça tombe du ciel. Tu es allé chercher les choses, tu avais cette envie de bien faire et de faire. Pour moi c’est ce que les gens ont apprécié de toi. Qu’en penses-tu ?

Vonx : C’est certain. Je ne me suis jamais posé cette question. Je reste naturel, il y a du vrai dans ce que tu me dis.

Les Secrets du Kayak : A quel moment as-tu pris ta retraite ? Etait-ce par choix, ou bien juste parce que tu le pouvais après avoir autant travaillé.

Vonx : Je ne sais pas répondre à cette question. J’aurais pu continuer longtemps. Ce n’est pas fatiguant que de suivre les athlètes sur un bateau à moteur. Mais il faut aussi savoir passer le relai. C’est nécessaire.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as formé d’autres entraîneurs pour en faire ta relève ?

Vonx : Je pense que les entraîneurs du club actuels sont des gens que j’ai eu tout petit. Il y a d’autres entraîneurs des clubs alentours, que j’ai eu aussi tout petit. Ce n’était pas un passage obligatoire d’être à Bouchemaine, mais il y a eu beaucoup de monde, ça portait ses fruits. Beaucoup y sont passés.

Les Secrets du Kayak : Quand tu as pris ta retraite ou même aujourd’hui, est-ce que tu as encore un pied dans le milieu du kayak ?

Vonx : De temps en temps je vais dire bonjour au club, je n’interviens plus, il faut laisser les jeunes gérer. On m’invite de temps en temps à donner les départs de courses. J’ai une grosse voix qui porte loin, sans mégaphone.

Je pense avoir bien passé les relais, j’ai des souvenirs ad-vitam æternam du kayak, bons comme mauvais. Je n’ai aucun regret d’avoir vécu tout cela. J’ai même joué la marseillaise à trompette à Athènes. C’est un tout. J’ai des anecdotes formidables.

En 1988, j’ai vraiment eu les boules, pour moi il y a eu un peu trop de « touristes » sur place aux JO. S’il y avait eu un coach avec eux, le départ aurait été pris comme il se doit. Pour moi, il y en a eu des gens pour qui cet incident leur a fait plaisir. Je suis peut être méchant en disant cela, mais pour moi quelqu’un n’a pas joué son rôle ce jour là.

Les Secrets du Kayak : J’arrive au bout de mes questions, est-ce qu’il y a des sujets que tu voulais aborder ?

Vonx : Au niveau de l’entraînement, on a fait le tour. On n’a pas parlé des grandes campagnes marocaines dans les années 2004. Le problème en 2004, c’est qu’il n’y avait aucun bateau sélectionné pour les JO d’Athènes. Antoine Goetschy a trouvé des moyens pour envoyer des commandos d’athlètes pour faire de l’entraînement à outrance, pour préparer les rattrapages, pour sélectionner des bateaux.

Sur le principe je partais au Maroc, il y faisait beau en février. Les conditions étaient idéales. J’ai fait un repérage de bassin là-bas. On a fait les stages à la dure pendant deux mois au total. Ils étaient 40 athlètes. Le K4 n’a quand même pas réussi à se sélectionner, le K2 non plus, les filles et les canoës pareils.

Ça n’a pas empêché d’avoir des athlètes aux JO puisqu’Antoine est un fin limier, il a fait les comptes de toutes les nations fortes qui avaient des athlètes en trop, il a pu faire libérer des places. Il les a emmené, il n’a pas manqué de toupet ! La presse espagnole s’est défoulée sur lui. Par la suite, on a pris le pli de retourner au Maroc les années suivantes l’hiver, mais qu’avec des athlètes sélectionnés. Ce qui a porté ses fruits par la suite.

Les Secrets du Kayak : Ça fait des années qu’il n’y a plus de stages au Maroc, quelle était la logistique pour organiser cela là-bas ?

Vonx : Pour le déplacement, on a rempli deux remorques énormes accrochées aux camions. On est descendu à trois se relayer sur la conduite. On devait prendre le bateau aux alentours de Marseille, mais il y a eu la grève des transports maritimes. On a donc tout fait par la route. En arrivant dans la nuit à Marrakech, on était attendu par un berbère pour allumer le groupe électrogène.

On a fait deux mois en tentes et en dur. Avec des conflits entre les athlètes. En février au retour des athlètes, les canoës ne voulaient pas laisser leur place dans le dur pour prendre les tentes à la place des kayaks. C’était tendu...

On avait la chance d’avoir dans nos collègues quelqu’un qui connaissait très bien le Maroc et qui a pu nous aider à organiser tout cela. On s’est déplacé qu’avec les bateaux à moteurs et les kayaks. Les chameaux passaient tout juste à côté des kayaks, il y a eu de la casse. Ça a été moyennement apprécié.

Les Secrets du Kayak : Tu avais un autre sujet à aborder ?

Vonx : J’ai d’autres anecdotes au sujet de la fédération. J’ai bien connu certains membres fondateurs de la fédération et les grands moments incontournables de l’histoire du kayak, notamment dans les Asturies. Des grands moments de tranche de vie de 1982.

J’ai aussi une autre anecdotes dont une de 1988 avec la naissance d’une star française que personne ne connaissait, Christophe Rouffet. Il a pris toute sorte de nom sur la course en Espagne pour concourir. On a eu droit à un appel au jury sur la fin, on l’a fait passé pour un vétéran alors qu’il avait 19 ans.

J’en ai plein d’autres comme cela.

Les Secrets du Kayak : Merci pour ton temps, je comprends mieux la légende Vonx. Je ne doute pas qu’on puisse se croiser à l’occasion, c’est un réel plaisir, j’ai hâte d’en savoir plus en passant à Angers.

Vonx : Je tiens à te dire Rudy, que ce que tu fais c’est du bon boulot, à bientôt.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Benoit Bayeux

Retrouvez tout sur Benoit Bayeux dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de kayakiste mais surtout ces trente années d’entraineur.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Benoit Bayeux en novembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Benoît Bayeux : Pas trop mal, je suis en convalescence. Je viens de me faire opérer d’une épaule, l’usure du kayakiste. Ce sont les ligaments de la coiffe des rotateurs qui étaient quelque peu perforés. J’en ai pour un mois sans bouger et deux mois de rééducation derrière. Mais le kayak est ma passion. En attendant je fais du vélo d’appartement, je promène mon chien, je vais me promener au club, je ne peux pas m’empêcher d’observer ce qu’ils font.

Les Secrets du Kayak : Tu ne peux pas entraîner, aller sur un bateau moteur ?

Benoît Bayeux : Je pense que ça va me démanger. Mais il faudra qu’on me démarre le moteur, qu’on m’y conduise.

Les Secrets du Kayak : Pour quelles raisons te faire opérer, tu ne pouvais plus pratiquer la kayak ou lever le bras ?

Benoît Bayeux : Si, j’ai réussi à faire les championnats de France de marathon mais c’est douloureux, et en vieillissant ça n’allait pas s’arranger.

Les Secrets du Kayak : J’espère pour toi que ça va s’arranger. Aujourd’hui on fait ce podcast parce qu’on s’est vu aux Championnats de France à Vichy. J’ai senti la passion du kayak en toi. Ça fait trente ans que tu entraînes en kayak ?

Benoît Bayeux : C’est ça. Tout d’abord je suis un passionné de kayak, et je dois dire que j’apprécie beaucoup tes podcasts. Je voulais te remercier pour ton travail parce qu’on les écoute avec les copains. Le travail que tu fais est hyper intéressant. C’est génial, merci pour ce que tu fais.

Les Secrets du Kayak : Merci à toi ! Mais toi Benoît, comment as-tu commencé le kayak ?

Benoît Bayeux : J’ai commencé en 1977, j’avais la chance d’avoir une école primaire qui proposait cette activité. Ça commençait en CE2. Mais j’ai pu en faire un peu avant. Mon père avait était initié au kayak, il m’en a donné l’envie.

Le club de Bouchemaine était en face de l’école. Avant c’était dans un vieux hangar près de la Maine proche du camping. Les bateaux étaient rangés au bord de la Maine, accessibles à tous. C’était une autre époque. De fil en aiguille, j’ai pris ma licence au club. J’ai commencé à 7 ans. J’y allais le mercredi et le samedi.

Les Secrets du Kayak : Tu as commencé par de la course en ligne directement ?

Benoît Bayeux : Non. Le club de Bouchemaine jusque dans les années 1980 faisait de la descente. On faisait beaucoup de courses critérium. Ça nous apportait les bases, on faisait des courses en bateaux de descente. Au début, on prenait des bouchons. On faisait un petit circuit. Notre entraîneur, c’était Yves Chauveau. On s’est vraiment mis à la course en ligne en 1983 avec l’éclosion de Pascal Boucherit. Après les JO de Los Angeles, une grosse équipe de course en ligne s’est mise en place. Les bateaux de descente ont petit à petit pris la poussière, même si parfois en cadet je faisais les championnats de France en descente.

Les Secrets du Kayak : Tu te souviens de la première fois que tu es monté dans un bateau de course en ligne ?

Benoît Bayeux : Je suis passé comme tout le monde en CAPS. L’idée, c’était d’aller se sélectionner dans l’équipe régionale. À l’époque, on courait sur 300m. Il n’y avait pas de finale B. J’ai aussi fait du 3000m, c’était un peu rude. Il n’y avait pas d’équipage à cette époque. Si tu n’étais pas dans les trois premiers, tu rangeais ton bateau, et tu passais ton championnat de France à regarder les autres courir.

Les Secrets du Kayak : Comment tu t’en sortais en comparaison aux autres minimes ?

Benoît Bayeux : Moi, j’ai fait les séries-remorques. Je suis revenu plus fort pour les championnats de France des clubs en cadet. On était dans de vrais bateaux. On commençait les équipages, ça donnait plus de possibilités. Mais je n’ai jamais eu de bons résultats.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui t’a motivé à persévérer dans le kayak ? Tu es plutôt petit !

Benoît Bayeux : Je fais 1,63m pour 83 kg. J’aime bien l’idée de se dire que tout le monde à sa chance. J’ai vu des petits, des champions, monter sur des podiums. On compense autrement, on a un rapport poids puissance intéressant. Il y en a qui s’en sorte. En tant qu’entraîneur, c’est important de laisser sa chance à tout le monde. Il y a le caractère, le toucher d’eau et pleins d’autres facteurs qui font qu’aujourd’hui l’activité kayak n’appartient pas que aux grands et aux costauds.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’à un moment en cadet, tu vas avoir l’ambition du haut niveau ?

Benoît Bayeux : J’ai toujours pagayé dans le sillage de champions. C’était formidable de naviguer avec Pascal Boucherit et de faire de l’équipage avec lui. Et bien d’autres. J’ai eu la chance de naviguer avec de grands noms du kayak. Ils me faisaient rêver. Moi je savais que je n’y arriverais pas, mais que je pouvais accompagner les sportifs vers ce rêve là.

C’est ce qui me passionne : accompagner les sportifs. J’aime naviguer dans leurs vagues. Même avec mes athlètes actuels. Je n’ai jamais eu le potentiel pour espérer plus, et je le vivais très bien.

Les Secrets du Kayak : Donc toi tout de suite, tu te dis je vais devenir entraîneur de kayak ?

Benoît Bayeux : Non. Dans les années 1980, le professionnalisme dans le monde du kayak ce n’était pas l’idée. Mes parents m’ont toujours dit que le kayak ne me ferait pas manger. Le premier levier quand l’école ne marche pas, c’était le kayak. Si je n’avais pas mon brevet des collèges, je n’allais pas aux championnats de France. C’est motivant. Je ne me suis jamais entraîné énormément à cette époque là. Il n’y à qu’à partir de junior 2 où j’ai eu des résultats. Je m’entraînais 4-5 fois par semaine, mais il fallait que les résultats scolaires soient là.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais comme étude dans ce cas ?

Benoît Bayeux : J’ai fait un BAC technologique. Puis un BTS bureau d’étude. Rien à voir avec le kayak. C’est après le BTS que je voulais faire mon service militaire en coopération. Ça n’a pas été accepté. Tous mes copains partaient au bataillon de Joinville, sauf moi. Ils étaient plus fort que moi, j’étais vexé.

J’ai fait mon service civil dans un club. Ça m’a permis de continuer à m’entraîner avec les copains et à me former. Ça m’a plu, j’ai été pris dans un centre de haut niveau à Angers, un CPEF pas encore classé pôle France. J’ai travaillé avec les grands kayakistes du moment, j’ai passé mon service civil, et j’ai passé mon brevet d’état d’éducateur sportif.

Ensuite le club voisin m’a embauché à la sortie de mon service. J’ai commencé en juillet 1994 à travailler au club de canoë-kayak de l’ESACK et j’y suis toujours. Donc au total, ça fait plus de 28 ans que je suis au club d’Angers et sur le lac de Maine.

Les Secrets du Kayak : Si tu devais résumer toute cette expérience qui est la tienne, tout ces échanges avec tout ces entraîneurs et les athlètes de haut niveau, comment le ferais-tu ?

Benoît Bayeux : Quelqu’un comme Pascal Boucherit m’a énormément appris. Il m’a suivi aussi dans ma formation, il a été mon maître de stage, on a fait de la bio-mécanique ensemble. Ensuite j’ai rencontré Philippe Renaud champion olympique en 1988 à Séoul, avec qui j’ai commencé mon métier d’entraîneur. Il était fabuleux. J’ai rencontré beaucoup d’autres personnes comme Jean-François Millot, et tant d’autres. Des gens qui m’ont marqué et envers qui je suis reconnaissant.

Les Secrets du Kayak : Quel était le sujet de ton mémoire de BE2 ?

Benoît Bayeux : C’était sur de la bio-mécanique et notamment l’étude des leviers de la pagaie. Je voulais essayer d’isoler la pagaie pour voir les actions de levier entre la main supérieure et inférieure, par rapport à l’ondulation de l’entrée de la pagaie.

Les conclusions sont que la main supérieure agit comme un levier. Elle est un point de rotation qui bouge. C’est vraiment la main inférieure qui va tirer l’eau en tournant l’épaule. Auparavant, lorsqu’on nous entraînait, on nous demandait pour rentrer la pagaie dans l’eau d’imaginer que nous donnions un coup de poing à quelqu’un. C’était un autre temps. Les évolutions techniques des pagaies ont permis une approche clairement différente.

Les Secrets du Kayak : A quelle hauteur faut-il mettre cette main supérieure ?

Benoît Bayeux : Moi je ne pagaie pas très bien, et ma main supérieure descend presqu’au niveau des genoux. Moi j’aime les gestes assez aériens. Je pense que les yeux sont un bon repère. Chaque pagayeur a sa position idéale. Il ne faut pas que ça tombe. C’est l’articulation par le bas qui reste importante. La main supérieure ne doit ni monter ni descendre.

Les Secrets du Kayak : Quand tu deviens entraîneur, tu es en charge de quoi, de qui ?

Benoît Bayeux : Dans les clubs on s’occupe de tout le monde y compris des scolaires, des centres aérés, des colonies de vacances. Moi à 95% du temps, j’entraîne les athlètes du club. Aujourd’hui après 28 ans de carrière les athlètes qui sont entrés en équipe nationale se comptent sur les doigts d’une main et demie. Ce qui est intéressant, c’est d’amener les jeunes vers de l’épanouissement. Le haut niveau, c’est bien mais ce n’est pas un but en soit.

Les Secrets du Kayak : Ça ressemble à quoi une journée d’un entraîneur de club ?

Benoît Bayeux : Ça dépend. En 1994, quand j’ai commencé c’était différent. Le métier a bien changé. La moitié du temps, on construisait les bateaux. On n’achetait pas les bateaux. On avait les moules de nos kayaks. Seuls les très grands champions avaient des bateaux fabriqués en usine. On construisait tout le matériel nécessaire, que ce soit les canoës de location, de loisirs. On résinait dans des conditions pas super. On n’avait pas de masque, les locaux n’étaient pas aérés. Mais on le faisait.

Et le reste du temps j’encadre les scolaires, les lycées, les STAPS. C’est un gros boulot que de les évaluer aussi. Je les mets dans des kayaks de mer, kayaks manœuvriers, en plastique. C’est un super public.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui le métier d’entraîneur consiste en quoi ?

Benoît Bayeux : Aujourd’hui, je suis davantage sur une tâche administrative, je suis un peu trop souvent derrière un ordinateur à faire de la compta, préparer des bilans, des dossiers de subvention. L’autre partie du temps, je suis en bateau à moteur ou en kayak.

Les Secrets du Kayak : Un club, c’est une association. Il n’y a pas un secrétaire, trésorier, président qui s’occupent de faire cela ?

Benoît Bayeux : Aujourd’hui, le problème dans les clubs c’est qu’il y a de moins en moins d’élus qui veulent s’investir. Trouver un trésorier pour une grosse association, il faut quelqu’un qui a ces compétences. C’est compliqué à trouver. Il y a un trésorier mais je fais le boulot de comptabilité.

Les Secrets du Kayak : Je te pose ces questions puisque moi de mon côté, je forme des jeunes qui veulent devenir entraîneur en musculation. Et bien souvent l’idée qu’ils se font du métier ne colle pas avec la réalité. Ils ne pensent pas à l’aspect administratif du métier, la comptabilité. Ils pensent entraîner les meilleurs athlètes dans leur domaine, alors que bien souvent ce sont des gens comme Monsieur ou Madame tout le monde qui se fixent des objectifs à atteindre et qui vont avoir besoin d’eux pour cela. Ici dans le kayak c’est pareil, on pourrait penser que l’entraîneur passe ses journées à entraîner d’abord les écoles, puis le club, puis s’entraîne lui…

Benoît Bayeux : C’est un peu de cela, l’été on a les colo, les centres aérés, et le soir les entraînements club. Ce qui est riche, c’est qu’on change de public. J’aime encadrer un peu tout le monde. J’adore entraîner les athlètes du club, les jeunes, les plus vieux. Suivre les champions. J’essaie d’accompagner ces gens aussi par des subventions, des partenariats. C’est une grosse partie de mon travail.

Les Secrets du Kayak : Le club d’Angers est un groupement de clubs c’est bien cela ?

Benoît Bayeux : Oui. En 2015 et même avant on a créé l’ESACK c’est l’Entente Sportive Anjoux Canoë Kayak. On est une région avec beaucoup d’eau sur un rayon de 10km. Il y a donc 5-6 petits clubs. On se piquait les jeunes. Avec la générations 2000, on a eu un peu plus de jeunes. On a donc décidé de s’entendre pour ne pas se les piquer. C’est toujours difficile à vivre. Donc on a créé une entente.

On nous a mis des bâtons dans les roues. On a créé une association où on licencie nos sportifs. On n'a pas de moyens, on n'a que des adhérents qui veulent faire de la compétition. On a des clubs ressources qui alimentent et payent les déplacements. Comme cela, les jeunes courent tous sous le même maillot. On est devenu un club qui s’est tout de suite placé dans le top 10 français. Il y a une émulation formidable, les jeunes s’entraînent un coup dans un club et d’autres dans les autres clubs de l’entente, et ils adorent cela.

C’est compliqué à gérer. L’argent est le nerf de la guerre. Mais c’est une super aventure. On en est fier. On a fait venir des athlètes comme Vanina qu’on a pu suivre aux JO de Tokyo , et qui portait nos couleurs, on l’a adoptée.

Les Secrets du Kayak : Donc les trois clubs ont fusionné, mais il y a toujours les trois points d’accès à l’eau avec un entraîneur sur chaque entrée à l’eau.

Benoît Bayeux : Oui c’est ça. Souvent on monte le samedi et on se retrouve sur l’eau. Parfois il n’y a que 5 km qui séparent les clubs. Parfois on peut se retrouver à 15 sur l’eau. On a mutualisé les moyens, les déplacements en compétition sont plus simples. Les camions et les entraîneurs s’organisent mieux, des vacances sont possibles pour nous.

Les Secrets du Kayak : Tu parlais des sponsors. Comment ça fonctionne, il y a une personne dédiée à ça ? Pour que les athlètes se dégagent un maximum de temps pour s’entraîner ?

Benoît Bayeux : Non. Je m’en occupe un peu avec des bénévoles. C’est nouveau pour nous cela. On a une grosse mairie qui nous aide, et même pour le haut niveau. Vanina et Titouan sont aidés par la mairie. On fait partie des clubs élites. Pour avoir des partenaire à côté, c’est des relations. On a un grand restaurateur dans nos contacts, il connaît tout le monde sur Angers, il a réussi à trouver les partenaires de Vanina. On a aussi des anciens qui ont des relations qui nous permettent d’y parvenir. Et la lumière des JO nous a beaucoup aidé. Avant, c’était compliqué. Dès qu’on est arrivé au JO, ça nous a ouvert davantage de portes. On a toujours des parents qui viennent aider, des relations se nouent. Ça crée des liens, c’est passionnant.

Les Secrets du Kayak : Comment ça marche pour organiser des stages quand tu es entraîneur de club ? C’est de plus en plus dur avec les normes de sécurité ?

Benoît Bayeux : Normalement pour faire un stage, tu fais une déclaration à la DDJS. Mais quand tu fais un stage avec des adultes, souvent on oublie de la faire cette déclaration. Ce n’est pas le plus dur. Le plus dur, c’est la concordance de tous les emplois du temps. Si tu veux un super lieu, c’est à Mervent, la base est magique. En Vendée, Charente, en plein cœur d’une grande forêt. Le seul petit hic, c’est qu’on n’a pas le droit au bateau à moteur. Ça permet de naviguer un peu aussi. Tu as les petits avec les grands, c’est génial.

Tu as pleins d’endroits partout en France sympa pour faire des stages. J’essaie de faire attention au temps de trajet pour que ça ne grignote pas trop sur la semaine de stage. Apparemment en Espagne, les gens font du kayak comme ici les gens font du footing. Il faudrait que je passe voir mes athlètes qui vont bouger à Séville voir comment c’est.

Les Secrets du Kayak : Je suis souvent surpris dans les podcasts par le fait qu’après leur carrière, les athlètes arrêtent totalement la pratique du kayak. Toi qui est dans le milieu depuis longtemps, tu ne t’es jamais arrêté de pagayer ?

Benoît Bayeux : J’arrive à rester constant dans ma pratique. J’ai du participer environ à 80 championnats de France tout confondu. Ce qui est intéressant, je n’ai jamais performé certes mais en vétéran je me suis toujours entraîné, j’ai réussi à performer un peu. J’ai quelques médailles. Je me suis retrouvé avec Philippe Aubertin et Sébastien Maiyer sur le 200m dans le même dixième. J’aurai pu rêver de cela 20 ans avant.

Aujourd’hui, je navigue avec ces anciennes stars et c’est sympa. Certes, certains arrêtent mais pas tous. J’ai eu la chance après ton podcast d’avoir Philippe Boccara qui est venu sur Angers pour naviguer avec Pauline, il nous a fait un cours de kayak c’était un moment fabuleux. C’était comme dans ton podcast. Il était hallucinant. C’est l’un des grands moment de ma carrière. Je pense qu’il en a encore, c’est un monstre.

Les Secrets du Kayak : Comment tu t’entraînes avec l’âge ? Tu te sens moins stable qu’avant ?

Benoît Bayeux : Ça m’est arrivé de tomber en compétition ces derniers temps. Mais je n’ai jamais arrêté. Je reste relativement à l’aise. Je m’entraîne 4-5 fois par semaine. J’ai arrêté la musculation. Je fais abdos et gainage. Je me blessais trop souvent. Peu être parce que je n’ai pas eu tes conseils. Nous la musculation, c’était de la musculation empirique, on ne la faisait pas très bien. Je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin de cela pour me maintenir à mon petit niveau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais d’autres sports à côté du kayak ?

Benoît Bayeux : Oui je cours beaucoup. Actuellement, avec ma blessure je cours 4 à 5 fois par semaine. J’adore le ski. J’en fais dans le massif central, le Jura et les Pyrénées.

Les Secrets du Kayak : Toi qui a entraîné beaucoup de personnes, est-ce que l’envie, le spirit est quelque chose que tu arrives à déceler chez les jeunes que tu entraînes ? Qui n’ont pas le gabarit pour le kayak, mais qui ont cette envie ?

Benoît Bayeux : Oui, mais pas sur la première séance. Des Pauline ou des Vanina, c’est plus difficile à détecter dans les clubs. Ce sont des jeunes qui sont plus assidus, qui viennent régulièrement. Qui posent des questions, qui sont intéressées et investies. Je les trouve fabuleuses.

Les Secrets du Kayak : Comment est le plan d’eau chez toi ?

Benoît Bayeux : Pour moi, c’est le plus beau bassin du monde. Ça ne vaut pas Aiguebelette mais il est pas mal. Le matin, c’est un miroir. Parfois avec le vent, ça lève un peu. Mais il y a toujours des endroits abrités. On est une réserve ornithologique. Il y a 110 hectares pour naviguer. Tu ne peux pas suivre du bord mais il y a plein de balisages, deux grandes plages. Tu peux embarquer, débarquer. Pour moi, c’est un bel endroit. Je ne m’en lasse pas. Ça donne sur la Maine et la Loire. Tu peux remonter sur la Mayenne et sur la Sarthe.

Les Secrets du Kayak : J’ai fait le tour de mes questions, est-ce que tu voulais rajouter un point ?

Benoît Bayeux : Il y a quelque chose qui a marqué ma carrière. C’est un accident mortel en 1996, un saisonnier de la base. Il y a eu deux morts. Ça a marqué ma carrière, j’ai été mis en responsabilité alors que ce n’est pas moi qui encadrait. J’ai pris pour le club. Il y a eu un procès qui a duré très longtemps, avec des expertises. J’ai pris une peine de prison avec sursis. Mais ça a renforcé ma carrière. Aujourd’hui un salarié dans un club, tu l’écoutes. On peut dire non aux élus, notamment en terme de sécurité. Je me suis battu pour cela. Encore aujourd’hui, j’en parle parce que ça marque.

Les Secrets du Kayak : Merci pour tout et pour ton temps. Tu m’avais conseillé d’interviewer Philippe Renault. Est-ce qu’il y a une question que tu lui poserais ?

Benoît Bayeux : J’aimerais que tu abordes le côté familial de cette grande famille de canoë. Est-ce qu’il y a des gênes ? Lui c’était une référence techniquement !

Vous pouvez retrouver Benoit Bayeux sur sa page Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Boris Saunier

Retrouvez tout sur Boris Saunier dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau en kayak de descente, puis son transfert sur la course en ligne.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Boris Saunier en octobre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Boris Saunier : Plutôt bien, merci.

Les Secrets du Kayak : C’est avec un grand plaisir que je te reçois sur le podcast, ton nom étant revenu plusieurs fois dans les interview précédentes. Tu es un pionnier du passage de la descente à la course en ligne. Est-ce que tu as ressenti cela de la même façon ?

Boris Saunier : Je suis surpris que mon nom soit revenu souvent, je n’ai pas écouté tous les épisodes, mais ça fait plaisir. Le côté pionnier... je pense que d’autres l’ont été. Avec Olivier Boukpeti on a décidé de se lancer là-dedans. J’ai été aidé par mon entraîneur Jean-Pascal Crochet. Je ne me considère pas comme un pionnier.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu commencé le kayak ?

Boris Saunier : En CM2, avec l’activité sportive du mois de juin. Juste après, je suis parti en vacances dans les Gorges du Tarn avec mes parents. J’ai accroché à ce sport et donc je me suis inscrit au club à côté de chez moi.

Les Secrets du Kayak : Tu étais déjà sportif de base ou pas du tout ?

Boris Saunier : J’étais assez sportif, je faisais de la barque, de la joute, un peu de foot mais j’ai rapidement eu des problèmes aux genoux lié à mon surpoids. Puis ça a été le kayak. Je pense qu’il y a eu un rôle des membres de l’équipe de France du club de Vienne qui m’ont fait briller les yeux.

C’était l’un des meilleurs club de descente. 70 % de l’entraînement se faisait sur le plat. Et ensuite on faisait de la technique en eau-vive. On avait un terrain technique à 5km, ensuite on partait dans les Alpes.

Les Secrets du Kayak : En quoi consiste comme sport la barque ?

Boris Saunier : Il y avait un parcours imposé sur le Rhône. Soit tu remontais le Rhône, soit tu le descendais, soit tout seul, soit à deux. C’était de la barque de promenade, mais ils appelaient cela une barque de sauvetage. C’est un sport ancien de la région.

Et pour la joute, tu as une lance et un plastron, il fallait viser avec la lance et mettre l’autre à l’eau. Ça me plaisait bien.

Les Secrets du Kayak : Hormis les champions, est-ce qu’il y avait un petit groupe d’entraînement avec des enfants de ton âge à Vienne ?

Boris Saunier : Oui. Il y avait un petit groupe de 3-4 enfants. Mais on n’était que deux à s’entraîner tous les jours dès 14 ans avec des entraînements multi-sports.

On avait des objectifs de compétitions comme les championnats de France cadet, la coupe des jeunes en minime, la coupe des jeunes en Rhône-Alpes. C’était orienté descente/slalom. Les deux me plaisaient même si j’étais plus descendeur.

Les Secrets du Kayak : Qui s’occupait de faire vos programmes à l’époque ?

Boris Saunier : Jérôme Bonnardel, un ancien membre de l’équipe de France en canoë, puis Jean-Pascal Crochet jusqu’à la fin de ma carrière. Pour moi, c’est quelqu’un d’important dans ma vie de sportif.

Les Secrets du Kayak : Comment se sont passées tes premières compétitions ? Tu te plaçais bien en minime ?

Boris Saunier : Oui plutôt bien. Première course, je gagne. La descente a toujours était presque innée pour moi, ça me plaisait beaucoup.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as eu une scolarité aménagée ?

Boris Saunier : Non, c’est juste que 17h30-18h30 tous les jours après l’école je faisais quelque chose. Dès fois, je pouvais m’entraîner deux fois le week-end. J’avais la chance de bien m’en sortir à l’école. Pour moi, tu n’as pas forcément besoin d’une scolarité aménagée quand tu t’entraînes une fois par jour.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’avec ce rythme d’entraînement, tu as senti que tu progressais globalement ?

Boris Saunier : On a commencé par de la petite musculation en cadet 2, pour la pluridisciplinarité oui c’est important de tout développer quand on est jeune. J’y voyais de l’intérêt parce que les champions du club s’entraînaient comme ça. C’était des modèles. La course à pieds ne me plaisait pas mais le reste oui. Je suis davantage puissant que véloce, je me débrouillais bien en vélo aussi. Je ne me posais pas la question, j’aimais faire tout cela avec le groupe.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu as fait le choix de la descente ?

Boris Saunier : En junior, quand ce n’est plus devenu obligatoire que de savoir faire du slalom. Suite à cela, il y a eu les championnats du monde junior où je voulais performer. L’entraînement restait pluridisciplinaire l’hiver, et dès le mois de mars on faisait davantage de kayak. Même lorsque j’étais en haut niveau, je n’ai jamais vraiment fait que du kayak.

Je ne suis pas un grand sportif dès le départ mais surtout un compétiteur de fou. C’est cet aspect qui m’a toujours motivé.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu t’es qualifié pour les championnats du monde junior dès ta première année ?

Boris Saunier : En première année de junior, c’était les championnats d’Europe. En descente quand tu es champion d’Europe, tu n’es pas loin d’être champion du monde. Il y a de temps en temps d’autres pays hors Europe qui performent, mais souvent les champions du monde sont les champions d’Europe.

En junior, j’ai tout gagné. J’étais au dessus des autres. J’allais ensuite joué avec les senior directement.

Les Secrets du Kayak : Qu’est que c’est pour toi avoir un bon potentiel ?

Boris Saunier : C’est avoir la caisse, être fort en musculation, supporter une forte charge d’entraînement. Il y a aussi le côté mental. Dans tout ce que je fais, j’ai toujours envie de gagner. Je ne sais pas si j’avais le meilleur potentiel mais déjà en junior, j’étais déjà au niveau des senior.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que l’objectif c’est de devenir champion du monde senior ?

Boris Saunier : Clairement oui. Dès les championnats du monde junior, je voulais les gagner et je me voyais déjà en pôle France. J’avais déjà été invité au pôle France. Pour Jean-Pascal, au moment où l’opportunité s’est présenté je n’étais pas assez mature, j’y suis allé plus tard. A cette époque là, je m’entraînais seul, le soir, et le week-end avec les gens du club.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y avait des rassemblements en équipe de France pour que tu t’entraînes avec les autres de l’équipe ?

Boris Saunier : Oui. J’ai toujours fait plein de stages avec la région Rhône-Alpes, avec l’équipe de France. Mais finalement avec le recul, pour m’entraîner seul j’étais motivé en fait. Je prenais du plaisir parce que je progressais.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu te testais sur des distances ou des parcours pour évaluer tes progrès ?

Boris Saunier : Oui, je m’entraînais sur la Lône (bras du Rhône), faire un aller-retour. Faire des chronos, des jalonnements. En général, je progressais assez souvent.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu faisais comme études en parallèle ?

Boris Saunier : Après les championnats du monde junior j’ai raté mon Bac, donc je l’ai repassé. C’était dur de rester motivé. Je faisais davantage la fête avec les copains. Je me rappelle que les trois derniers mois j’ai réussi à me remobiliser, ce qui m’a permis de rester au pôle France.

Les Secrets du Kayak : Il t’a fallu six ans pour atteindre ton objectif, comment ça s’est passé ?

Boris Saunier : Direct après le Bac je voulais aller en STAPS pour être prof, je voulais faire comme les grands. Après le Bac j’ai intégré le pôle France de Lyon avec les aménagements d’entraînements. J’ai mis six ans mais il y avait les coupes du monde où j’ai fait des podiums directement. Je progressais encore. Je touchais du bout des doigts la marche du champion du monde.

Les Secrets du Kayak : La version sprint en descente est arrivée à quelle époque ?

Boris Saunier : A partir de 1996-1998. Les épreuves de sprint ont été aménagées afin de développer la descente. Sur cette forme de course, j’ai été meilleur que sur la classique.

Les Secrets du Kayak : Comment se sont passés les entraînements au pôle France ?

Boris Saunier : Je ne me souviens pas avoir été au-delà de deux séances par jour d’entraînement. On faisait en revanche deux grosses séances. Une grosse séance, c’est minimum deux heures. Tu pouvais avoir des thèmes techniques pendant la séance. C’était travailler l’endurance de base et le geste. C’était toujours JP qui faisait les programmes. Et j’avais Bruno Boyer qui m’entraînait sur Lyon. Tous les sportifs suivaient plus ou moins la même trame. Les nuances se faisaient sur l’état de fatigue de l’athlète, c’est tout.

Les Secrets du Kayak : Par exemple pour Sébastien Jouve, chaque séance est une compétition. De ce que tu me dis, les séances sont longues pour travailler la technique... Est-ce que pour toi l’entraînement ce n’est pas la compétition ?

Boris Saunier : J’étais très compétition. Je rejoins ce qu’il dit, chaque entraînement est une compétition en respectant le thème de l’entraînement. Les séances ne sont pas faciles, sur deux heures tu travailles la capacité aérobie.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que la fréquence des pulsations était le repère d’intensité des séances ?

Boris Saunier : Oui ça pouvait l’être. Ensuite c’était surtout en course en ligne que j’utilisais cette variable. A l’époque les cardiofréquencemètre-mètre n’avaient pas le prix d’aujourd’hui. Je n’aimais pas trop me fixer là-dessus. En fin de carrière, j’ai trop fait de fixette sur des cadences à atteindre, des vitesses... j’aurais du davantage m’écouter, je pense que je me suis planté.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que de 1996-2000, tu as gagné des coupes du monde, ou fait certains résultats ? J’ai trouvé que peu de choses à ce sujet.

Boris Saunier : Je n’ai pas fait que progresser. De 1998 à 1999, j’ai bien progressé. En 2000, j’ai pris mon premier revers : dixième aux championnats du monde. C’était ma première grosse déception. Je n’avais pas assez mangé de bateau pour y arriver. On a pris conscience qu’il fallait faire de longues séances pour y arriver. C’est là qu’on a commencé les deux fois deux heures. Ça a bien marché en 2001 mais je suis resté au pied du podium. Donc déception aussi et prise de conscience, je faisais trop la fête, je fumais… il me fallait arrêter toutes ces bêtises. L’année suivante, les résultats étaient là.

Les Secrets du Kayak : J’ai souvent l’impression que l’hygiène de vie dans sa globalité est minimisée. De ce que je comprends, c’est ce qui t’a permis d’accéder à tes meilleures performances ?

Boris Saunier : Quand j’étais jeune j’étais doué, j’étais fêtard aussi. Je suis un bon vivant. Ça passait parce que je faisais de la descente. Mais pour atteindre le toit du monde, il fallait être sérieux. En 2001-2002, on a eu un préparateur physique issue du culturisme, qui était à fond sur l’alimentation. Il m’a fait progresser en musculation et en kayak. J’ai pris conscience de cette importance un an avant d’être champion du monde. C’est ce que tu manges qui t’apporte du carburant pour faire fonctionner tes muscles.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que cette double consécration en 2002 était quelque chose que tu envisageais ?

Boris Saunier : C’était un double objectif. C’était mes premiers championnats du monde en sprint. Mais pour autant il me fallait gagner la classique pour mériter la descente.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu ressens une sorte de vide lorsque tu deviens double champion du monde ?

Boris Saunier : Oui j’ai atteint mon objectif mais le DTN de l’époque, Antoine Goetschy, m’avait dit de me mettre de suite à la course en ligne, ce qui m’a permis de rebondir, de trouver un nouveau challenge. Nouvelle discipline et discipline olympique. Je me suis lancé dans cette aventure.

Les Secrets du Kayak : De quoi tu vivais à l’époque ?

Boris Saunier : J’étais en STAPS mais je n’étais pas sérieux. J’ai validé ma licence. J’étais encore étudiant, je vivotais, j’étais boursier. Ensuite, j’avais réussi à avoir des contrats avec des constructeurs de kayak, je revendais les kayaks pour me faire un peu d’argent. J’avais quelques aides de la région et de la ville. Tout cela faisait un petit Smic.

Je n’étais pas malheureux mais je ne roulais pas sur l’or. J’ai aussi eu la chance d’être aidé financièrement au passage de la course en ligne par le DTN. Il me fallait déménager, acheter un kayak. Ensuite quand tu es kayakiste, tu vivotes avec le peu d’argent que tu as. J’étais content de vivre de ma passion.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu avais déjà essayé la course en ligne avant cette invitation ?

Boris Saunier : Un peu en junior grâce à Jean-Pascal. Il m’avait inscrit aux sélections junior sur 1000m et 500m. Il n’y avait pas trop de concurrence française. Il m’expliquait que je ne savais pas ce qu’était la pression, du fait de cette absence de concurrence en descente. J’avais un peu préparé un mois à l’avance le truc, j’étais passé en finale dans les deux distances.

Les Secrets du Kayak : Une fois que tu fais de la course en ligne en 2003 c’était à Vaires-sur-Marne ?

Boris Saunier : Oui j’avais loué un petit studio pour monter la semaine, et je redescendais le week-end avec ma compagne.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu y a pris du plaisir en course en ligne en 2003 ? Tu t’es vu progresser ?

Boris Saunier : Je prenais du plaisir, je progressais mais j’étais frustré. J’avais l’impression d’avancer en crabe. Est-ce que ça venait de ma technique de la descente ? Je gîtais tout le temps. Je découvrais la discipline, mais ça avait marché je me suis quand même sélectionné en championnat pour l’équipe de France. J’ai découvert l’équipage, je préférais être en avant.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu te retrouves à Toulouse et qu’est-ce qui t’y amène ?

Boris Saunier : C’était en 2005. Après ma préparation au concours de prof de sport, le DTN de l’époque, Philippe Graille, voulait me détacher mais c’était à Toulouse. Ça nous allait bien avec ma compagne. Paris ce n’était quand même pas mon truc. Ma compagne était en réalité une vraie partenaire. Je l’ai rencontré à 17 ans, et elle m’a accompagné jusqu’au haut niveau et la fin de ma carrière. Elle était un vrai soutien. Elle était super contente d’aller à Toulouse. Donc c’était une bonne chose.

Mais au fond, ça ne m’a pas aidé parce que je me suis retrouvé seul. J’étais trop novice en course en ligne pour me retrouver à m’entraîner seul, il me fallait de la concurrence. Je n’avais pas le niveau.

Les Secrets du Kayak : A un moment Toulouse, c’était la Mecque de la course en ligne ?

Boris Saunier : Oui, une fois que j’étais parti en 2007 j’ai eu de bons résultats, mais je n’avais pas le niveau.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui t’a manqué ?

Boris Saunier : Je faisais un blocage sur ma dissymétrie. J’ai perdu du temps psychologiquement à rester bloqué sur ça plutôt que de me concentrer sur mon entraînement. A part cela, je ne sais pas. Pour moi, il faut commencer jeune si tu veux performer. Ne pas commencer à 25 ans. Il m’a manqué du transfert d’équilibre, ce n’est pas la même glisse qu’avec la descente. Pour moi, ce sont deux disciplines différentes.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu mets fin à ta carrière ?

Boris Saunier : Les résultats en bernes depuis que je suis prof de sport détaché à temps plein. Je ne me voyais pas réussir en travaillant à côté. J’ai décidé de mettre fin à ma carrière à 27 ans. Je tire ma révérence aux athlètes comme Maxime Beaumont ou Cyrille Carré, je sais l’énergie que prend le haut niveau.

A la fin j’étais usé, je n’avais plus l’énergie, je me blessais souvent. Ce n’est pas que j’avais moins l’envie, le fait de ne pas avoir été sélectionné en 2006 puis 2007 ça m’a démobilisé. J’avais du mal à gérer la récup avec le boulot. Avec le recul, je pense ne pas m’être assez écouté.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui, tu travailles en tant que prof de sport ?

Boris Saunier : Plus du tout non. Aujourd’hui, je suis plaquiste et peintre dans la rénovation d’appartement sur Lyon. Rien à voir. Après avoir arrêté ma carrière, j’ai été affecté en tant que CTR en Picardie alors que je voulais être entraîneur. L’arrêt de carrière à généré un arrêt total du sport. Je suis tombé en dépression, je ne me sentais pas à l’aise.

Le professorat de sport et être CTR, je ne me sentais pas à ma place. Rapidement j’ai fait un congé de formation, je me suis cherché. Pendant sept ans j’ai été prof de sport pour la DDJS, je m’occupais des sportifs de haut niveau. Mais je n’y retrouvais pas. Trop de réunions, d’administratif. J’avais besoin de bouger tous les jours et faire quelque choses de concret, me rendre utile. J’étais payé par l’état mais je me sentais inutile. J’ai eu une opportunité de changement, et j’ai tout changé.

Aujourd’hui, ça m’arrive de refaire un petit peu de sport de temps en temps. Je fais un peu de yoga avec ma conjointe. Mon sport, je le fais avec mon placo. Je connais les postures, je sais comment me placer grâce à mes années de sport de haut niveau. Tu portes du placo comme un kayak.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des questions autres que tu voulais aborder ?

Boris Saunier : Oui, tu ne m’as pas demandé c’est si je faisais encore aujourd’hui du kayak ? J’en fais très peu parce que j’ai l’impression qu’il faut avoir la caisse. chose que je n’ai plus.

Les Secrets du Kayak : Tu pourrais prendre un bateau master pour faire des petites séances comme cela ? Je ne t’ai pas posé la question parce que je me suis douté que vu ton boulot, ça allait être compliqué.

Boris Saunier : J’en ai fait un peu en vétéran mais il faut être assidu. Je ne le vois pas en mode tourisme ou loisir. Ça repart toujours en objectif d’entraînement. Aujourd’hui, je laisse Olivier Boukpeti gagner pendant que moi je vais boire des bières avec des potes. Mais j’aime bien faire une bonne rando, ou un tour de vélo. Mais moi, aujourd’hui, la compétition se fait au placo.

Les Secrets du Kayak : Merci pour ton temps et ton partage. Et si un jour tu veux naviguer et que tu n’es pas loin d’Aiguebelette, n’hésite pas.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Jeremy Candy

Retrouvez tout sur Jeremy Candy dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau en kayak de course en ligne d’abord, puis son virage vers le marathon.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Jeremy Candy en octobre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Jérémy Candy : Salut Rudy, ça va super. Prêt pour cet interview. Je rentre du travail, je fais un demi-service annualisé en tant que prof d’EPS.

Les Secrets du Kayak : J’attendais ton troisième titre de champion du monde pour le mettre en titre du podcast ! Tu rentres des championnats du monde de marathon. Que s’est-il passé ?

Jérémy Candy : On ne sait pas, on voulait gagner à nouveau. On est arrivé avec l’envie de bien faire, mais on s’est vite rendu compte que ce jour là notre niveau n’était pas là ! On cherche des pistes pour l’expliquer.

Passer de champion en août, à la dixième place aux championnats du monde… ça ne peut pas être juste une contre-performance. L’objectif est de rebondir le plus haut possible.

Les Secrets du Kayak : Vous aviez changé des choses dans la préparation des entraînements ?

Jérémy Candy : Aux Europe, on était parti sur le même genre d’entraînement. C’était plutôt satisfaisant. On était bon. Pareil pour la Sella. Cet été on a voulu travailler les points forts avec des séances plus courtes, moins d’aérobie, moins en puissance… on a quelques pistes de réflexion mais on n’en a pas encore discuté.

Les Secrets du Kayak : Quels sont vos points forts ?

Jérémy Candy : Typiquement, c’était notre pointe de vitesse. On avait une capacité à répondre aux attaques plus importante que les autres. Cette année je voulais qu’on travaille notre vitesse régulière. Pour moi on y était arrivé, mais ça ne s’est pas du tout retranscrit aux mondiaux.

Grâce à Quentin, notre capacité de navigation dans les vagues est intéressante, on arrive à ne pas s’épuiser. Peut être étions-nous déjà fatigués dès le début de la course.

Les Secrets du Kayak : Quand tu veux travailler le train, sur un marathon qui fait 29km, quelles sont les séances types d’entraînement ?

Jérémy Candy : La séance de base c’est une heure avec la plus haute moyenne de vitesse possible. Souvent, on le fait en K1 en relais. Je m’entraîne avec Quentin tous les jours. C’est le type de séance qui, bien faite, me fait du bien.

Si on passe sur des EB2, on fait des 3x4000, c’est plus de l’EB1 ++ . Quand on y arrive, c’est que les conditions sont top et qu’on ne se laisse pas le choix.

Les Secrets du Kayak : Tu t’entraînes souvent avec Quentin. Où ? À Vaires-sur-Marne ?

Jérémy Candy : Oui, on fait partie du pôle France de Vaires. Moi, je vis à Jointville-le-pont, j’ai un bateau, on s’entraîne tous les deux sur la Marne. La Marne c’est top, il y a quelques crues. On reste souvent disponible pour s’entraîner à Vaires.

Les Secrets du Kayak : Tu as fait une course où vous aviez gagné ? La Sella ?

Jérémy Candy : C’est la descente internationale de la Sella à Ribadesella. Il n’y a pas eu de portage cette année. Et depuis 25 ans, c’est la première fois que des étrangers gagnent cette course. On a marqué un peu l’histoire du kayak.

Les Secrets du Kayak : Sur les derniers championnats du monde, comment c’était pour toi le niveau de manière générale ?

Jérémy Candy : Moi je m’attendais à ce que le niveau soit encore plus élevé. Les K2 étaient puissants et endurants. Il est vrai que les pagaies étaient plus petites, la cadence était plus élevée. Ils ont des petites pagaies qu’ils utilisent bien. Je pense qu’ils ont un bon feeling avec leur pagaie.

Les Secrets du Kayak : Les sud-africains ont des manches de pagaies colorés, sais-tu à quoi cela correspond ?

Jérémy Candy : Ce n’est pas une question de légèreté comme pour les Jantex. Ils pimpent (décorent) leurs pagaies tout simplement.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu découvert le kayak ?

Jérémy Candy : Par hasard en 1998 avec mes parents, il me fallait choisir un sport pour m’inscrire dans un club. Je voulais soit kayak soit judo. Je suis allé au club de kayak en premier. J’ai passé le premier hiver, et j’y suis resté ça fait 25 ans, toujours dans le même club.

Basiquement, tu commences par l’école de pagaie. On avait la chance d’être dans la Manche, on avait un peu de plat, de la mer, de la rivière. On commençait avec des jumper en septembre. On faisait des jeux avec des ballons, on avait aussi des CAPS. On touchait un peu à la course en ligne, on partait faire des petits stages du coté des Îles. On touchait à tout.

Les Secrets du Kayak : Au début, tu avais des capacités aérobies au dessus des autres enfants ?

Jérémy Candy : Pas du tout. J’ai du faire ma première course où j’étais deuxième sur deux. J’étais content d’avoir ma médaille. Mais je n’étais pas le meilleur, pendant de longues années. Moi j’étais là pour m’amuser. Rien de plus. On était un bon groupe d’enfants, entre 10-15 gamins. J’étais l’un des plus jeunes.

Les Secrets du Kayak : Tu as choisis la course en ligne à quel âge ?

Jérémy Candy : A huit ans, j’avais une appétence pour la course en ligne, j’étais motivé par les plus vieux qui ramenaient des médailles au championnat de France. On avait Nathalie Marie, une athlète olympique, on ne la voyait pas souvent mais c’était la référence. Du coup, c’était la discipline qui me faisait le plus rêver.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as fait les championnats de France minimes ?

Jérémy Candy : Oui, mais en minime 1, je m’étais blessé en ski de fond, une sortie avec le club dans le Jura. Donc je ne suis pas allé aux France, seulement l’année d’après. Mes performances étaient très modestes. Tout comme pour le fond. Ce n’était pas médiocre, mais ce n’était pas bon.

Les Secrets du Kayak : Toi qui est prof d’EPS, et moi qui ai lu le livre de Sébastien Ratel la préparation physique du jeune sportif, livre que je recommande pour les parents de jeunes sportifs, je trouve que cette multi-pluridisciplinarité est super dans le kayak. Est-ce que ça a été le cas pour toi ?

Jérémy Candy : Oui. Moi je n’étais pas bon pour le sport avec une balle, et encore aujourd’hui je ne suis pas bon. Tout ce qui était course à pieds, natation, vélo, VTT, ce sont des sports qui m’attiraient. Pour ces sports, tu ne pouvais t’en vouloir qu’à toi même si tu n’étais pas bon. Ce sont tous des sports qu’on faisait avec le club. On faisait même du tir à l’arc ou de l’escalade. Ça te dégourdit.

J’ai encore croisé une jeune de 12 ans récemment qui fait même des pompes, et qui les fait bien. Elle en fait 40 pour passer le test-pass. C’est un test pour rentrer dans les listes espoir, et dans des pôles où dès la troisième tu peux enter, comme à Vaires-sur-Marne. Ce sont des tests physiques pluridisciplinaires avec un entretien.

Les Secrets du Kayak : Tu es allé en pôle espoir ?

Jérémy Candy : Non, mes parents ne faisaient pas de sport. Ils n’avaient pas la culture du haut niveau. J’avais de bonnes notes à l’école, ils voyaient cela comme une mise en danger de ma scolarité. Je suis resté dans mon lycée. Je suis allé au pôle de Caen en tant qu’athlète extérieur en 2008 en senior 1.

Les Secrets du Kayak : Tu as quand même pu performer pour atteindre les équipes de France sans difficulté ?

Jérémy Candy : En cadet on était un groupe, on s’entraînait régulièrement ensemble un peu tous les jours. Mais on n’était pas sur une démarche de haut niveau. On délirait ensemble. Au fur et à mesure, on progressait. Je devenais juste moins mauvais. Je n’étais pas loin des piges en deuxième année, mais je ne connaissais pas leurs existences.

Ce n’est que plus tard que je m’y suis intéressé. C’est l’année du Bac où je me suis vraiment entraîné pour entrer en équipe junior de vitesse et marathon. En vitesse, j’étais meilleur sur le 1000m et 500m. J’aimais bien la stratégie de la course du 1000m. Je ne suis pas un sprinter. J’étais assez frêle.

Les Secrets du Kayak : A la suite de ton Bac, tu deviens partenaire d’entraînement. Tu as des objectifs plus concrets pour la course en ligne ?

Jérémy Candy : J’ai écouté le podcast avec Franck Le Moel, qui a un parcours atypique. On se ressemble un peu. On était des galériens ensemble.

Je pars à Caen pour faire une prépa Bio. Ce qui n’est clairement pas compatible avec le sport de haut niveau. J’ai demandé à être excusé de certains cours, ils considéraient que si tu ne venais pas en cours, tu étais démissionnaire. Donc je suis parti en médecine avec un poil dans la main. Moi j’y allais au talent. J’ai découvert la vie étudiante, j’ai délaissé l’entraînement.

Les années suivantes Sébastien Jouve arrive au pôle, ça crée de l’émulation. J’étais partenaire d’entraînement, je partais sur l’eau avec lui. Je m’y suis remis. Je me suis accroché et j’ai progressé. Il avait l’art de doubler l’objectif des séances. Avoir quelqu’un comme cela, c’est un vrai moteur. Ça me correspondait bien finalement. Tu as la satisfaction d’avoir fait quelque chose hors du commun.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as bien progressé avec Sébastien en course en ligne ?

Jérémy Candy : Je progresse beaucoup à l’entraînement, mais ça coinçait sur les compétitions. En 2009-2010 avec les tests musculation et mon gabarit, je ne passais pas les piges. 2011 je commençais à y aller. 2012 je passe les tests sélection équipe de France mais je casse mon bateau... j’étais un galérien à l’époque. Mes années moins de 23 ans je les passais à étudier et travailler pour manger. Je ne voulais pas que mes parents me financent toutes mes études, mes stages et mes compétitions. Je ne pouvais pas prétendre à de bons résultats.

Les Secrets du Kayak : Qu’as tu fais comme études finalement ?

Jérémy Candy : J’étais en STAPS, c’était cool de faire du sport tout le temps. Je trouvais cela hyper facile. Ensuite j’ai découvert le monde de l’enseignement. Je suis parti en CAPES

Les Secrets du Kayak : C’est à cette période que tu t’es mis au marathon ?

Jérémy Candy : J’étais têtu. On m’a fait réfléchir sur la différence entre le 1000m en course en ligne et le marathon. Je voulais rester en vitesse, j’étais moins de 23 ans. Je savais qu’il y avait des gars inatteignables. En dernière année de moins de 23 ans, j’ai tout donné. Je me suis sélectionné en U23 en K4. C’était génial. J’avais de bons résultats. Cette année là je n’avais pas fait de marathon en parallèle, du coup j’étais resté dans l’objectif de vitesse.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’après tu continues le sprint ?

Jérémy Candy : Oui je visais les JO. On ne va pas se mentir, le marathon ce sont les gars de l’équipe B. Je passais mes oraux de CAPES. J’étais à 1/3 temps dans un lycée, je préparais mon mémoire de M2, je m’entraînais bien. J’avais fait plein de stages avec des regroupements d’équipages, et je fais cinquième aux championnats de France de fond.

Et ensuite je foire mes piges. Une fois de plus. Et j’ai du dire non au marathon, les dates de concours du Capes étant les mêmes. Donc c’était une année difficile. J’ai levé le pieds. Je suis arrivé non entraîné aux championnats de France de vitesse. Je gardais un pied dans l’entraînement en restant mobilisé.

Les Secrets du Kayak : Pour moi le marathon ce n’est pas l’équipe B, pour moi l’entraînement est complètement différent. Tu arrivais à concilier les deux pendant un long moment ?

Jérémy Candy : Je dis cela parce que tout le monde s’en moquait du marathon. Ça se comprend. Ce n’est pas olympique, il n’y a pas de moyens. Tu fais des compétitions mais c’est tout. Nous on est arrivé avec notre bagage de sprinter, notre entraînement n’était pas du tout adapté. On pensait que ça allait le faire. En France c’était comme ça, tu y allais pour y aller, pour ne pas avoir une année blanche à l’international. Jusque 2014, je n’y apportais pas d’importance. J’y prenais du plaisir, mais je préférais un bon 1000m.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi arrivé à Paris, tu te mets davantage au marathon ?

Jérémy Candy : Je suis toujours sur une dynamique vitesse, mais aux piges je ne me sélectionne toujours pas en équipe de France de sprint. J’avais plus de prédisposition pour le marathon, j’ai tenté de voir ce que ça donnait. On va aux Europe avec Stéphane Boulanger, on fait quatrième. Aux mondiaux, on fait cinquième. Dès 2016, on s’est créé un groupe pour se spécialiser et voir ce que ça donne. On a cherché quel entraînement nous convenait le mieux pour convenir au marathon.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu as changé au niveau matériel et d’entraînement ?

Jérémy Candy : Je continuais à tenter ma chance pour les piges donc j’ai gardé ma pagaie. C’est bien plus tard que je me suis aperçu qu’elle ne convenait pas. J’ai perdu deux ans. J’en ai pris une plus petite, mais je pense qu’elle est encore trop grande.

Au niveau entraînement on est sorti de notre routine, on faisait des EB1 en relais sur séance longue. On faisait des séances d’EB2 en relais. C’est ludique, je redevenais un enfant. On s’amusait au final. Nicolas Parguel était branché à fond marathon, il nous trouvait à chaque fois des nouvelles séances à faire. Certaines étaient des échecs.

Les Secrets du Kayak : Quelle était la pire séance ?

Jérémy Candy : Je ne saurais pas te dire. Je pense à des séances de 1500m avec des changements de rythme. Soit c’était injouable, soit c’était nul. Aujourd’hui on affine beaucoup plus les choses.

Les Secrets du Kayak : Le marathon c’est très aérobie, vous faites pas mal d’entraînements croisés ?

Jérémy Candy : Oui, il y a des hivers où on a fait beaucoup de vélo de route. J’aime bien. Je n’ai pas fait de ski cette année. J’ai fait mon aérobie en kayak… on a toujours un pied dans de l’aérobie différente du kayak. J’aime bien faire aussi du VTT. Ce sont des séances plus longues mais qui font le travail.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ce sont des activités sur lesquelles tu cherches aussi à progresser ?

Jérémy Candy : Ça dépend qui tu as dans le groupe, si tu as Adrien Bart qui joue les pancartes, ce n’est pas la même séance que si tu as Philippe Colin qui vient pour une séance régulière. Après je dis ça, mais je suis comme Adrien.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’au fil du temps tu t’es amélioré en musculation ?

Jérémy Candy : En terme de force, je n’ai jamais été puissant. J’ai toujours été mauvais. La puissance s’améliore en FE où je me défends plutôt bien. Mes entraînements musculation ont aussi changé avec ma décision de faire du marathon. Je ne fais plus de force max. Les volumes aérobies sont trop élevé pour cela.

C’est Philippe qui nous a conseillé sur 300 rep d’un coup. Puis 2x200, c’était des FE un peu bête, mais ça a un réel intérêt. On a formalisé cela sur des répétitions plus courtes, avec un métronome, ça reproduisait la cadence à tenir. Ça t’apprend à gérer la douleur, et ça fait progresser.

Les Secrets du Kayak : Je vois que d’un point de vue technique les bras sont plus bas et vous moulinez à fond avec Quentin. Tu as beaucoup travaillé sur ce point ?

Jérémy Candy : Il y des hivers où on travaille la technique de sprinter, ce petit bagage technique reste important. On s’est aperçu qu’on essaie de se prendre moins la tête sur de la cadence. On est davantage sur du ressenti. C’est ce qui nous guide. On veut juste tourner nos bras. Nos EB1 et nos EB2 ont davantage de cadence que souhaité.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que vous suivez votre fréquence cardiaque ? Est-ce qu’il y a des zones en EB1 à ne pas dépasser ?

Jérémy Candy : Mon cœur monte assez haut. En EB1 être autour de 150 j’aime bien. J’utilise souvent mon cardio pour travailler. C’est important pour moi, ça reste un indicateur à savoir si j’ai bien travaillé pendant ma séance.

Les Secrets du Kayak : Si tu fait une EB1 et que ton cœur monte plus que prévu, tu ralentis ?

Jérémy Candy : Non, c’est ce qui me convient à l’instant T. C’est que mon corps l’a décidé de cette façon. Dès que je suis en groupe, mon cœur prend 10 pulses alors que je ne fait rien de plus.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu suis la variabilité de ta fréquence cardiaque pour voir si tu es en forme ou pas ?

Jérémy Candy : Oui et non. On en faisait encore l’année dernière. J’aimais bien, c’était une indication supplémentaire, et je m’apercevais que mon corps était en désaccord avec ma tête. C’était plutôt bien. Quand c’était vert et que je me sentais vraiment fatigué, j’en avais marre, je voulais qu’il tourne orange ou rouge. Certains trouvent cela gadget, moi j’aime bien.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as déjà utilisé le Motionize ou le paddle-force ?

Jérémy Candy : Non je n’ai jamais essayé ça mais pour la cadence j’arrive à savoir à combien je suis. On compte régulièrement nos coups de pagaie. Ce qui nous donne nos cadences. Je sais de cette façon quand je suis dedans. J’aimerais essayer.

Les Secrets du Kayak : Lors de tes grosses semaines d’aérobie, ça représente combien de kilomètres ?

Jérémy Candy : Quand on est au Grau-du-Roi on est autour de 200km. Sinon entre 150-180 km. Quand on est sur Paris, 150km ce n’est pas trop mal. On a eu la chance de pouvoir faire une semaine d’entraînement avec les Hongrois. On s’est fait découper. C’est la course à chaque séance, mais après c’est toi qui te gère, en fonction de si tu veux prendre un relais ou pas. C’est différent, mais intéressant. Nous on est trop rangé, trop français.

Le marathon c’est stratégique, il faut toujours être attentif. En France tu fais tes bornes mais ce n’est pas certain que ton corps ait compris que c’est un entraînement. Là, il fallait être prêt à tout moment. Si tu n’es pas dedans, il faudra rattraper. C’est comme les sud africains, ils sont costauds.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a d’autres choses auxquelles tu fais attention autour de l’entraînement ?

Jérémy Candy : Je ne fais pas spécialement attention à mon alimentation, je pense que si demain j’arrête le sport je perds du poids. Je pourrais n’avoir que la peau sur les os. Si je mange équilibré, mon corps devrait s’y retrouver. J’évite l’alcool et la malbouffe un mois et demi avant les échéances. Je ne prends pas la tête. Parfois je demande conseil à Edwin, mais sans plus.

Les Secrets du Kayak : Comment s’est fait ton K2 avec Quentin ?

Jérémy Candy : Géographiquement. En 2018, on s’entraînait tous les deux à Vaires. Donc on s’est mis ensemble. Ça a été un échec total au départ. On devait se préparer pour les mondiaux, mais j’ai eu un accident avec une voiture. Donc Quentin part seul aux mondiaux. 2019 on a retenté le coup, j’étais en rééducation, et le K2 s’est bien passé.

Les Secrets du Kayak : Récemment il y a la short-race qui est apparue. C’est super à regarder. Comment tu as perçu cette épreuve, tu apprécies y participer ?

Jérémy Candy : En 2019 on l’a faite, c’était la première fois que l’épreuve rentrait au programme des Europe et des mondiaux. Je fais deuxième aux Europe et aux mondiaux. Au fur et à mesure c’est devenu plus exigeant, c’est un effort ultra violent. Souvent je pars fort et derrière ça ne répond plus. Je suis de moins en moins fait pour. L’inconnu de la course reste toujours le portage.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que les Worlds-Games rattrapent le fait de ne pas avoir fait les JO en course en ligne ? Comment c’était ?

Jérémy Candy : Cette année, c’était vraiment des mini JO. Même au niveau de l’organisation, de l’encadrement et des animations. Je n’ai pas fait les résultats espérés, mais je suis content de l’avoir fait. C’était une opportunité pour me mettre au K1. Avant, je ne m’en estimais pas capable. C’était un objectif que je voulais cocher, j’ai du me mettre une pression inutile. Je suis passé un peu à côté. C’est toujours l’année post-olympique.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’aujourd’hui, à 32 ans, tu progresses encore ?

Jérémy Candy : Je ne sais pas si je progresse mais mon parcours a été atypique. J’ai commencé le sport de haut niveau à 25 ans, donc depuis 2015 j’ai progressé régulièrement. Je n’ai pas fait de test de VO2 récemment. Je maîtrise de mieux en mieux la séance type de vitesse supérieure à 14 km/h. En tous les cas je n’ai pas l’impression de régresser.

Les Secrets du Kayak : Quels sont tes prochains objectifs ?

Jérémy Candy : Rebondir. Ce n’est pas une année à jeter. On a fait de beaux résultats. Il y a un coup de mou, il faut se poser les bonnes questions. Mais mon prochain objectif ça sera la régate du Rio Negro. Je l’ai faite en K1 sans Quentin qui avait eu le covid. Ensuite ça sera de récupérer notre titre. Je ne veux pas arrêter ma carrière sur une dixième place aux championnats du monde !

Le marathon est une belle discipline. On nous a donné des objectifs pour pouvoir exister, on les a rempli. Après c’est une discipline assez confidentielle, ce n’est pas facile pour les jeunes de se spécialiser là-dedans. Il faut les aider. La discipline se développe à l’International. J’espère que ça va continuer et qu’il y aura une relève.

Vous pouvez retrouver Jérémy Candy sur sa page Facebook.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Fred Rebeyrol

Retrouvez tout sur Fred Rebeyrol dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau en kayak d’eau vive et course en ligne ; et nous raconte sa reconversion d’entraineur.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Fred Rebeyrol en septembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Fred Rebeyrol : Bien, j’ai écouté quelques-uns de tes podcasts et c’est avec plaisir qu’on va échanger ensemble.

Les Secrets du Kayak : Tu étais à Londres la semaine dernière ?

Fred Rebeyrol : Oui, je travaille dans le kayak extrême, je suis intégré à l’équipe slalom, on était à Londres pour repérer le bassin des futurs championnats du Monde 2023, sur le bassin des JO de 2012. On est allé prendre nos marques. Notre but étant de former un groupe de compétiteurs tournés vers la performance.

Les Secrets du Kayak : C’est quoi le kayak extrême ?

Fred Rebeyrol : Maintenant ça s’appelle le kayak cross. C’est 4x4 dans un parcours d’eau-vive, il y a deux portes à remonter, et des obstacles, et des esquimautages à réaliser. Les deux premiers en bas se sélectionnent pour le tour suivant. Il existe quand même des sélections par une corde de chronométrage afin de déterminer un ordre de passage. C’est une discipline qui vient rénover le canoë-kayak dans son aspect olympique.

Moi, je développe le kayak-cross en France. Je vais chercher les titres et les médailles sur la scène internationale. Tout pagayeur peut venir se confronter, mais pour le moment ce sont des slalomeurs qui se manifestent.

Mon rôle est d’entraîner, développer, organiser la pratique en haut niveau sur le terrain national. J’apporte mon regard sur la discipline. Aujourd’hui tout le monde progresse ensemble, puisque la discipline est toute nouvelle. On avance tous ensemble, on cherche à s’enrichir du regard de tous. Il n’y a pas une culture de la performance, on est vraiment dans l’échange pour aller plus vite.

Les Secrets du Kayak : Comment on s’entraîne en kayak-cross ?

Fred Rebeyrol : L’entraînement est un petit changement de culture par rapport au kayak qui lui est plutôt individualiste. Le premier est de comprendre que c’est une activité de contact. Mentalement, il faut accepter que l’on ne va pas pouvoir naviguer comme on le souhaite. Il faut prendre conscience de cette confrontation directe.

Ensuite ça va être de naviguer sur le bateau spécifique, un bateau en plastique à 18kg ce n’est pas la même chose qu’un kayak en carbone. Il va falloir s’habituer à l’inertie du bateau, il va falloir naviguer sans divulguer la dextérité d’un slalomeur. On va chercher à valoriser la confrontation, être malin et opportuniste.

La troisième chose c’est qu’il faut des partenaires d’entraînement pour développer des techniques, s’habituer à être gêné, à doubler. Il faudra cohabiter sur des situations de jeu et de confrontation, il faudra savoir prendre des décisions.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des règles interdites ?

Fred Rebeyrol : Cette nouvelle activité est arbitrée. Ce n’est pas du jugement comme en slalom. Il y aura des comportements qui seront sanctionnés pour jeu dangereux. L’arbitre peut avoir des petites interprétations. Le plus souvent, ils se servent de la vidéo. Il y a des règles effectivement. Il ne faut pas avoir l’intention de faire du mal à l’autre. On ne peut pas sortir les mains de la pagaie pour sortir de la bouée. Il faudra toujours avoir un contact avec la pagaie.

L’intérêt c’est d’avoir à l’arrivée tout le jugement de fait, sans réclamation possible de la part de l’athlète. C’est assez ludique, les courses s’enchaînent. Je pense que ça va plaire aux plus jeunes. On sent de l’engouement qui se développe pour cette nouvelle pratique.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu découvert le kayak ?

Fred Rebeyrol : Moi je suis issu du sport collectif, le rugby essentiellement. Très tôt j’ai fait du bateau à 7-8 ans pendant les vacances surtout en Dordogne. En même temps que le rugby, je faisais de l’UNSS kayak en 4ème-3ème.

Pour une blessure au dos, j’ai arrêté le rugby. J’ai donc commencé tard le kayak à 16 ans. Mais j’ai de suite adhéré à l’activité. J’aimais déjà la compétition en rugby. Le club était orienté dans la compétition, c’était un club de descente, j’ai vite eu l’envie de progresser. L’ambiance et l’envie de performance étaient présentes.

Ensuite je suis rentré en STAPS à Poitiers, j’ai aimé de suite l’organisation de ma vie autour du sport pour vraiment m’entraîner matin, midi et soir. J’étais animé pour continuer à m’investir dans l’entraînement et dans la compétition.

Les Secrets du Kayak : A ton époque, lors des courses de descentes il y avait beaucoup de monde ?

Fred Rebeyrol : J’étais junior en 1993, j’ai fait de la compétition jusqu’en 2001. La descente en France a vraiment une culture du bateau rivière. Il y a eu un recul de l’activité sur la compétition, mais comme partout. Ça arrivait qu’il y ait 300 kayaks hommes aux championnats de France. Je crois que les pagayeurs de tout temps ont toujours eu le même engagement dans le haut niveau. Il y avait beaucoup de pratiquants qui faisaient de la compétition.

Les Secrets du Kayak : Dès le début en faisant du kayak, tu avais vu que tu étais plus fort que les autres ?

Fred Rebeyrol : Non, mais je me suis pas mal entraîné dès le début. La culture faisait que tu y allais quand tu le voulais, c’était une base de plein air avec de l’escalade, de la spéléologie, du VTT. On avait tous les clés. C’était une autre époque. J’y allais régulièrement toutes les semaines, pendant les vacances, lors des stages.

On était un groupe avec les mêmes envies de liberté de faire des stages longs. Je consacrais beaucoup de temps à la préparation par des activités annexes course à pieds, vélo, musculation. On était un groupe animé de la même passion.

Les Secrets du Kayak : Vous étiez un gros groupe d’entraînement ?

Fred Rebeyrol : On était souvent une dizaine, on ne faisait que de la course classique entre 12-20min pour s’entraîner sur des activités aérobies, c’est plus facile d’être au contact des autres pour progresser. L’émulation m’a aidé à progresser. On avait beaucoup d’autonomie. Les moniteurs nous aidaient pour faire des séries mais c’était centré sur le physio et de l’eau-vive. Il fallait avoir de la caisse et bien descendre les rivières. Quand tu as la caisse, tu peux descendre beaucoup de rivières, et ça faisait progresser techniquement.

Les Secrets du Kayak : Lorsque tu rentres en pôle, tu avais un objectif à ce moment là ?

Fred Rebeyrol : L’objectif était clair ! Rentrer dans les équipes de France jeune ou senior. Toujours progresser voir jusqu’où je pouvais aller. J’avais des lacunes par rapport à d’autres, mais j’avais une démarche gagnante. Tu en sors toujours gagnant partant de là, soit par une médaille, soit par le chemin parcouru. J’ai sans doute fait des erreurs mais j’ai progressé. J’ai rencontré des sportifs meilleurs que moi lors des stages, d’autres entraîneurs qui m’ont aidé, j’ai toujours été curieux d’apprendre et de tester.

Les Secrets du Kayak : A quoi ressemblait ton rythme d’entraînement ?

Fred Rebeyrol : Ça n’a pas changé sur les volumes d’entraînement, deux séances par jour comme précédemment. En Staps, tu as la possibilité de t’arranger, en haut niveau également ! Tu peux t’organiser pour bien t’entraîner. Au pôle à Poitiers, c’était bateau le matin, l’après-midi, ou bateau matin et musculation footing l’après-midi. Ma rencontre avec Jean-Pascal Crochet faisait qu’on était sur du biquotidien. Le week-end, c’était les sorties en rivière.

Les Secrets du Kayak : Avec ce rythme, tu as progressé au-delà de tes espérances ?

Fred Rebeyrol : Avec ce rythme j’ai progressé, mais on progresse aussi avec des erreurs, en essayant des choses, en faisant des choix. Ma meilleure performance c’est d’avoir été sélectionné sur des coupes du Monde. J’étais régulièrement entre la 4-7 ème place en championnat de France. Donc ce n’était pas souvent que je me sélectionnais à l’international. Je m’entraînais avec les meilleurs français mais j’avais toujours des secondes de retard par rapport à eux. J’étais conscient de mon niveau. Je connaissais mon niveau, je savais comment j’y étais arrivé. Je n’ai pas de regret sur mon niveau atteint.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui t’a manqué pour accéder ou te rapprocher des premières places ?

Fred Rebeyrol : C’est difficile de l’expliquer. Je pense que je n’étais pas le plus habile en aisance en eau-vive. Peut être sur mes capacités aérobie à enchaîner des courses à très haute intensité. J’ai fait des choix en musculation, est-ce que c’est ce qui me manquait ? J’ai eu des courses ou psychologiquement c’était plus dur, d’autres où j’étais mieux.

J’ai commencé un peu tard le bateau ! Est-ce un manque d’expérience ou de confiance ? Est-ce que je suis allé au maximum de ce que je pouvais faire ? Peut être n’était-ce pas assez rentable. J’aurais pu plus progresser techniquement ? J’ai du mal à expliquer exactement le pourquoi du comment, je pense que c’est parce que j’ai commencé tard.

Je pense qu’en France il y avait une très grande concurrence pour atteindre la 4è place permettant d’aller aux championnats du Monde. Ma force est d’être têtue mais c’est aussi peut être ma faiblesse. Pour l’eau-vive, il me fallait davantage d’aisance.

Les Secrets du Kayak : Est-ce lorsqu’on est 4-7ème français, on a des aides de l’État pour pouvoir vivre du kayak ?

Fred Rebeyrol : Les aides de l’état, c’était sur la structure de l’accueil, le pôle de Poitiers prenait en charge les déplacements et les stages. La prise en charge de l’entraîneur et tous les cadres techniques. Les aménagements scolaires avec rattrapages de cours sont payés par l’État. Moi assez vite, je travaillais l’été ce qui aidait un peu. Et les deux dernières années, j’étais conseiller de séjour au CREPS. Je m’occupais des jeunes sportifs en pôle France tennis qui étaient internes.

Je travaillais mais ce n’est pas une explication à mon niveau sportif. J’avais le temps de m’entraîner. Je pense que j’étais arrivé au meilleur de mon niveau tout simplement. J’ai fait de belles courses, je me suis exprimé avec une grosse partie de mon potentiel, et j’ai beaucoup appris pour la suite de ma carrière en temps qu’entraîneur. C’est certainement dans l’approche de course, où le corps n’en fait qu’à sa tête que j’aurais du davantage m’investir pour me libérer et mieux sentir l’enjeu du résultat.

Les Secrets du Kayak : A l’époque, tu n’avais pas de préparateur mental ?

Fred Rebeyrol : A la fin de ma carrière seulement. A l’époque, je n’avais personne pour aborder la compétition. J’en ressentais le besoin mais je ne l’ai pas creusé. Jean-Pascal était très ouvert pour faire venir des personnes externes pour l’approche mentale dans le but de la performance. Ce n’était pas institué comme aujourd’hui.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi arrêter ta carrière en 2001 ?

Fred Rebeyrol : J’ai passé mon concours de professorat de sport. On m’a proposé un poste de CTR en Champagne Ardennes, ça a été clair, je voulais faire ce métier. A travers les stages et les compétitions, j’ai rencontré des cadres techniques qui m’ont donné envie de faire ce métier.

Et sportivement, j’étais arrivé au bout de ma performance. Mon club au final a davantage formé des entraîneurs que des athlètes. Peut être était-ce ma culture qui m’a attiré vers ce métier, cette envie d’aider les autres plutôt que d’être focus sur moi même. Je n’ai sans doute pas eu assez d’ambition pour continuer d’être kayakiste.

En tant que CTR, j’organisais au sein du comité régional Champagne-Ardennes, le sport pour les jeunes et les moins jeunes. Aller dans les clubs, organiser des stages pour les week-end et les vacances, organiser des compétitions. Parallèlement, j’entraînais quelques athlètes.

Les Secrets du Kayak : Tu es donc passé de Toulouse à la Champagne-Ardennes ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

Fred Rebeyrol : Professionnellement j’ai régulièrement évolué. J’ai fait CTR en champagne-Ardennes, puis dans le Limousin. J’ai fait ce parcours tout en continuant d’être sollicité par des athlètes de la descente. Des athlètes de l’équipe de descente avec lesquels j’avais pas mal d’affinités.

Je me suis aussi occupé de C1. J’étais attiré par le métier d’entraîneur tout en étant CTR. Il y a eu une réforme de la filière à la FFCK, notamment sur le pôle de Toulouse. Dès 2005-2006 je pars à Toulouse, et les quatre pôles France devenaient multi-activités. Le but était de mettre en place un remue-ménage intellectuel et physique dans la pratique du kayak. J’y ai retrouvé d’autres collègues qui m’ont beaucoup appris.

Cette ambiance 2006-2012 a été formidable, j’ai appris au contact des entraîneurs mais aussi et surtout au contact des athlètes. L’ambiance bateau directeur était très forte à Toulouse, on organisait beaucoup de séances en commun que ce soit PPG ou bateau. Tous ont fait résonner en moi une approche de la compétition et de l’entraînement et du sport. Pendant plusieurs années dans ce pôle, on a eu plusieurs athlètes sélectionnés aux championnats du monde dans toutes les disciplines, avec tous les ans des médailles, il y avait une émulation. Je pense que les DTN de l’époque avait imaginé cette mutualisation de compétences. On s’est tous tiré vers le haut, avec un réel esprit de partage, d’entraide et la haute performance. Aller chercher la haute performance, c’était le job de tout le monde.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que c’est toujours comme cela à Toulouse aujourd’hui ?

Fred Rebeyrol : Toutes les structures ont évolué. A Toulouse également mais on est bientôt en 2023, tout bouge. Les champions qui veulent aller chercher la gagne savent aller s’alimenter de l’extérieur. Je crois qu’à la FFCK c’est une force. Mais c’était pareil pour les autres pôles. A Toulouse, le pôle est devenu essentiellement spécifique en descente. Il y a toujours de la ressource humaine de qualité là-bas pour aider les sportifs qui veulent percer. Mais il y a moins d’entraîneurs, la structure est moins développée que par le passé.

Pendant trente ans, il y a eu une culture avec des médailles accès eau-vive, avec l’arrivée de la course en ligne en 2005-2006 il y a eu de l’eau-plate. Et maintenant c’est davantage de la descente. Mais s’entraîner en couse en ligne est toujours possible.

Les Secrets du Kayak : L’entraînement en descente utilise un autre jargon que celui de la course en ligne. Tu parlais qu’à ton époque les courses duraient entre 12 et 20 min. Est-ce que tu peux expliquer un peu les choses ?

Fred Rebeyrol : Toi qui est spécialiste de physiologie peut être ne sera-tu pas d’accord avec moi. A l’époque les courses font entre 12-20 min, et ce qui était demandé dans les clubs c’était la capacité aérobie. Avec des effort de 20-40 min où on se mettait un peu dans le rouge quand même. Mais on restait centré sur la fréquence cardiaque. C’était un indicateur de réussite si on restait dans la cible de la séance.

Lors des séances, l’énergie était apportée avec peu de déchets lactiques. En course en ligne, il y a la notion d’efficacité gestuelle. On peut organiser les séances de bateau dans cet objectif. Certes tu as de l’EB1 mais aussi de l’EB2 où la conséquence biologique est la puissance aérobie. Mais pour obtenir cette efficacité gestuelle la cadence sera basse avec un rendement technique.

En descente c’est arrivé aussi, notamment sur les sprints. Quand tu es plus précis dans l’accompagnement de ton bateau par la pagaie ça aide à passer sur les vagues. L’entraînement s’est organisé sur la notion de basse ou de haute intensité. Le but aujourd’hui est d’envoyer une grosse accélération du bateau sur chaque appui.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que cette pratique d’entraînement convient à tous les profils d’athlètes ?

Fred Rebeyrol : Si on veut préparer un effort court, il faut développer des aptitudes à créer de la vitesse. Il faut passer par la technique, il faut de la force et de la vitesse de bateau. Il faut l’acquérir avec des exercices qui vont mobiliser sur le plan musculaire, il faut emmener du braquet. Et pour cela il faut du gainage, il ne faut pas de fuite articulaire. S’il y en a le bateau va décélérer.

Donc pour préparer du sprint, il faut passer du temps à accélérer le bateau. Si tu restes sur une vitesse de déplacement constante, est-ce que tu peux vraiment être prêt pour pousser le bateau au sprint ? Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès mais la filière anaérobie couplée au rendement technique reste importante à mes yeux. L’entraînement et l’entraîneur doivent s’appuyer sur les qualités naturelles des sportifs.

Les Secrets du Kayak : Comment tu te retrouves à la course en ligne ? Tu as l’air de t’éclater comme un fou en descente ?

Fred Rebeyrol : En descente, j’ai collaboré avec plein de sportifs qui ont réussi, parfois d’autres moins. Sur le pôle de Toulouse certains athlètes m’avaient fait venir sur leur entraînement, j’ai été initié assez tôt avec eux, et petit à petit j’ai basculé sur la course en ligne. J’étais dans la même promo pour le professorat que François During, on se connaît bien. Et il y avait Jean-Pascal Crochet, donc cette ambiance m’intéressait.

J’ai eu des athlètes en junior qui voulaient faire courses en ligne et descente. Mon regard sur l’activité a été initié pour les Jeux de Rio en partageant des séances avec Maxime Beaumont, Manon Hostens. Ça a toujours été les sportifs qui sont venus à ma rencontre pour me demander de les aider. Ensuite François m’a invité lors d’un stage en tant qu’entraîneur, on s’est occupé des canoës. De fil en aiguille, j’ai poursuivi en côtoyant les athlètes phares du moment.

Les Secrets du Kayak : Au final, tu t’es retrouvé entraîneur chez les femmes ?

Fred Rebeyrol : François s’occupait des kayaks homme, Anthony Soyer des Canoës, et moi les kayaks dames, et Jean-Pascal était head-coach pour préparer Tokyo. Donc je me retrouve entraîneur en course en ligne pour les 200m et 500m. J’ai alterné les stages tout de même entre kayak homme et femme.

Les Secrets du Kayak : Toi tu viens plus de l’aérobie, et au final tu deviens entraîneur de sprint, c’est un parcours un peu complet finalement ?

Fred Rebeyrol : Oui. Mais je fais la part des choses entre ce que j’ai fait en tant que sportif et ce qui me semble être bon pour entraîner au sprint. Je pense que c’est la bonne démarche qui permet d’accompagner le sportif dans les étapes à mettre en place pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.

Moi ma culture sportive personnelle aime l’aérobie, ma pratique personnelle est mise de côté, ça n’a rien à voir. On construit les choses avec l’athlète. Construire sur des éléments personnels de mon passé peut entraîner des erreurs et ce n’est pas adapté à l’athlète.

Les Secrets du Kayak : A Tokyo ça ne s’est pas forcément bien passé pour les français, est-ce que pour toi ça reste une bonne expérience ?

Fred Rebeyrol : Bien sur qu’on est attiré par la médaille, mais mon intérêt reste le sportif. On a réussi à faire des choses qui nous ont enrichis. On n’a pas de médailles, ce n’est pas satisfaisant, mais je ne reviens pas abasourdi, ni avec des regrets. On aurait certainement pu mettre en place des choses pour faire mieux. Aujourd’hui, on travaille la vitesse de pointe et on est deuxième après les Néo Zélandaises. Il faut trouver ce qui manque pour finir. Moi j’en reviens avec de l’énergie pour poursuivre mon métier d’entraîneur.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’après Tokyo, c’était prévu que tu passes sur une autre discipline ?

Fred Rebeyrol : J’ai fait l’olympiade pour la course en ligne. J’ai posé ma candidature pour de nouveau intégrer le groupe de course en ligne sur l'entraînement, je n’ai pas été retenu par les instances dirigeantes, j’ai compris pourquoi. On m’a fait une proposition intéressante sur une discipline qui se monte et je suis prêt à remporter ce défi.

Les Secrets du Kayak : Moi je trouve cela super, ça reste dans la continuité de ta carrière, tu es touche-à-tout. On voit que tu vis chacune des activités, ça fait plaisir à entendre.

Fred Rebeyrol : Pour que j’en retire des bénéfices sur mon engagement d’entraîneur, il me faut m’investir. J’ai toujours œuvré dans ma démarche avec sincérité et engagement, au service de l’être humain. L’être humain est surprenant, il peut faire des choses incroyables, comme décevantes. Mais l’être humain est porteur d’espoir. Faire progresser les sportifs est source d’espoir pour moi. Ça demande du travail, de l’engagement. Ça me donne le courage de me lever tous les matins pour les accompagner.

J’ai voulu me prêter à l’exercice de ton podcast puisque à chaque fois qu’on me pose des questions, ça me pousse à progresser. Je sens bien que pour être entraîneur il faut de l’énergie. Pour moi, pour aller chercher la réussite il faut être radical, pour faire avancer le corps il faut lui donner des stimuli assez forts, mentaux, techniques ou physiques pour aller gratter les centièmes de secondes.

Il faut tout le temps se réinventer pour avancer.

Vous pouvez retrouver Fred Rebeyrol sur son compte instagram.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Didier Vavasseur

Retrouvez tout sur Didier Vavasseur dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau en kayak de course en ligne, de ses débuts à ses expériences olympiques.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Didier Vavasseur en septembre 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Didier Vavasseur : Très bien, je te remercie de prendre de mes nouvelles après ma blessure vertébrale suite à une chute sur un voilier. C’est une blessure qui a généré des complications, on a du relier cinq vertèbres entre-elles pour me permettre de cicatriser. J’en vois enfin le bout du tunnel.

Les Secrets du Kayak : Tu gardes tout de même de la mobilité dans le bas du dos ?

Didier Vavasseur : Je te répondrai quand je reprendrais le bateau. L’accident a eu lieu au mois de décembre, j’étais avec d’autres kayakistes que tu connais. Je n’ai pas respecté le repos préconisé donc la remise sur pieds a été plus longue, je l’ai payé cash, j’ai du me faire opérer.

Ma convalescence devait durer entre 2-3 mois mais moi j’ai mis plus de temps. Surtout si je veux naviguer, ça prend plus de temps. En attendant je fais un peu de stand-up paddle, un peu de vélo et de la natation.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu découvert le kayak ?

Didier Vavasseur : En famille, avec mes cousins à Évreux, j’avais 12 ans. Ça m’a plu et voilà. Auparavant j’avais fait du judo. C’était il y a 50 ans, il y avait moins d’activités sportives proposées aux enfants qu’aujourd’hui. Je suis issu d’un milieu modeste donc ce n’était pas systématique que de faire du sport enfant.

Les Secrets du Kayak : Comment se passent les entraînements à 12 ans ?

Didier Vavasseur : C’était une à deux fois par semaine, le jeudi et le samedi et parfois les week-end lorsqu’il y avait des compétitions. J’ai rapidement fait des compétitions dès poussin. J’ai gravi les échelons.

Les Secrets du Kayak : Tu as commencé par quel type de pratique : de la course en ligne, du slalom… ?

Didier Vavasseur : C’était de l’eau-vive, donc slalom et descente. Évreux a très peu de cours d’eau, et ils sont minuscules. Il faut se baisser pour passer le pont, il y a des algues, des rats. J’ai navigué à faire des aller-retours jusque 16-17 ans. Avec du recul, je me demande comment j’ai fait, mais on n’avait pas le choix.

Les Secrets du Kayak : Étais-tu meilleur que les autres enfants en compétition ?

Didier Vavasseur : Ça se passait bien dès le départ. C’était une façon de sortir du cadre familial rigide. Les week-end étaient dédiés à travailler avec mon père qui était artisan. Le kayak était ma bouée de sauvetage surtout à l’âge de l’adolescence.

Les Secrets du Kayak : Pendant ton adolescence, tu t’es entraîné davantage au kayak ?

Didier Vavasseur : J’ai eu un déclic en Seconde. J’avais un copain, interne au lycée qui faisait de la course en ligne, il s’entraînait énormément, ça m’a plu, je faisais trois séances par semaine. Les résultats arrivaient, les choses se sont enchaînées.

Les Secrets du Kayak : Tu te souviens de la première fois que tu es monté dans un bateau de course en ligne ?

Didier Vavasseur : Oui c’était sur la Seine, à Vernon. A l’époque, ça devait être un Lancer. C’était moins stable qu’un bateau de descente, mais sur du plat ça ne me posait pas de problème.

Les Secrets du Kayak : Si j’ai bonne mémoire, à ton époque il y avait soit le championnat de France de course en slalom-descente, soit de course en ligne ?

Didier Vavasseur : Oui c’est ça. J’ai commencé par les championnats de France de descente et de slalom, en cadet. Ce qui m’a permis d’intégrer l’équipe de France espoir. Rapidement, j’ai bifurqué sur la course en ligne. L’ambiance et l’activité me semblait plus intéressante. Il a fallu que j’attende de faire mes études de médecine pour réellement commencer à naviguer sur des bassins plus adaptés à la course en ligne. J’étais un peu costaud adolescent pour faire de l’eau-vive.

Les Secrets du Kayak : Comment se passaient les entraînements au club ?

Didier Vavasseur : Je me suis toujours entraîné tout seul. C’est mon père qui m’emmenait aux compétitions lorsque j’étais cadet. Il avait fabriqué une remorque à bateau pour m’y emmener. Je regardais à droite et à gauche ce qui se faisait. J’aurais aimé qu’il y ait quelqu’un à côté de moi pour m’entraîner, la progression aurait été différente. Pendant de nombreuses années, on était très individualiste, on avait des entraîneurs que lors des stages pour les championnats de France. Ils ne prenaient que le chrono, ils ne corrigeaient pas la technique. Les choses se sont faites d’elles-mêmes.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu penses que ça t’a limité pour performer ?

Didier Vavasseur : Oui, mais c’était comme cela. J’aurais certainement été plus rapide plus vite.

Les Secrets du Kayak : Tes études t’ont fait déménager ?

Didier Vavasseur : Évreux est à 100km de Paris. Donc pour ma première année de médecine, je naviguais une fois tous les 15 jours. A Paris, il y avait l’INSEP, j’allais de temps en temps m’y incruster, c’était le Graal. Mon objectif, c’était d’entrer à l’INSEP. Dès que j’ai eu mon concours, je me suis entraîné dans Paris. Dès la quatrième année, j’ai intégré l’INSEP avec chambre individuelle. Ce qui était réservé aux champions normalement. Ça a été le bonheur absolu.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu étais loin des autres gars à cette époque.

Didier Vavasseur : Oui et non. Alain Lebas qui était deuxième aux Jeux de Moscou était largement au dessus, mais sur certains entraînements j’arrivais à m’en sortir grâce à mes qualités de sprint. Je n’étais pas ridicule.

Les Secrets du Kayak : Après la première année de médecine, tu as réussi à t’entraîner combien de fois par semaine ?

Didier Vavasseur : Je ne me souviens pas, mais ça devait être trois-quatre fois par semaine, avec un peu de footing, je ne faisais pas de musculation à l’époque. L’été, ça montait beaucoup plus. Rapidement, j’ai pu intégrer le stage de l’équipe de France pour les JO de Moscou, à Temple-sur-Lot, avec Bernard Bregeon, et là je me suis entraîné tous les jours avec eux. C’était génial. A la suite de ça je me suis entraîné de plus en plus. Et avec l’INSEP, j’ai pris le rythme des entraînements biquotidien.

Les Secrets du Kayak : As-tu pu bénéficier d’une scolarité aménagée ?

Didier Vavasseur : Oui, activement, c’est moi qui me les suis aménagées. J’ai redoublé deux fois volontairement pour préparer les JO, avec l’aide du doyen de la faculté.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’à un moment tu t’es mis à la musculation ?

Didier Vavasseur : Oui à l’INSEP, ça m’a apporté un peu, mais on faisait n’importe quoi. On faisait du lourd sur du développé couché et des choses qui ne servaient pas à grand chose. On ne réfléchissait pas à ce qu’on faisait, on suivait le mouvement. Ensuite, j’en ai fait davantage parce que ça me plaisait. Mais je ne suis pas persuadé que c’était efficace en kayak.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y avait aussi les sports annexes comme la course à pieds ?

Didier Vavasseur : Oui, on courait beaucoup, c’était un gain pour la performance. Le footing est efficace pour la performance. J’ai vu la différence lorsque je me suis mis à courir.

Les Secrets du Kayak : Lors du stage à Temple, est-ce que tu te dis qu’un jour tu feras les JO ?

Didier Vavasseur : J’avais envie de les faire, mais est-ce que je pouvais les faire ? Je me suis dit que je ferais tout pour cela. Et je me suis beaucoup plus investi progressivement pour y parvenir. J’étais plus kayakiste que médecin.

Les Secrets du Kayak : Comment tu faisais à ton époque pour trouver des informations pour mieux t’entraîner ?

Didier Vavasseur : Le copinage. Ce cercle réduit qu’étais l’INSEP. Lors des compétitions à l’étranger, on observait les autres pagayer. C’était très empirique.

Les Secrets du Kayak : Tu te situais comment lors des stages ?

Didier Vavasseur : Je devais être neuvième. C’était les 6 -7 premiers qui allaient aux JO.

Les Secrets du Kayak : En 1980, tu étais toujours sur un Lancer ?

Didier Vavasseur : En 1980, on en avait encore oui. Les bateaux progressaient peu à l’époque. Et pour les pagaies, elles étaient en bois, c’était des Struer. Mais aucune pagaie ne se ressemblait. C’était trop gros et trop long pour nous. Mais à l’époque, plus elles étaient longues, plus tu étais fort.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as commencé à avoir un entraîneur ? Ou un groupe ?

Didier Vavasseur : Il y avait un groupe d’entraînement, mais j’étais le plus souvent seul. Celui qui m’a guidé c’est Patrick Lefoulon, nos parcours se ressemblaient. Il était plus fort que moi, il m’a beaucoup aidé. Après 1983, j’ai commencé à manger du canoë. Je n’étais pas celui qui m’entraînait le plus.

Les Secrets du Kayak : Quand tu es sélectionné aux JO de 1984, c’est la même consécration que lorsque tu rentres à l’INSEP ?

Didier Vavasseur : C’était un peu plus gros, tu le vois avec les résultats que tu vas y aller. J’ai fait les championnats du monde avec Bernard en 1981, en 1982 je me blesse à moto. On me repêche, mais je ne suis pas allé aux championnats du monde en 1983, on m’a viré du stage. C’était vexant, mais j’avais déconné. C’était un mal pour un bien, j’ai eu la haine, et je me suis entraîné. Ça a été un déclic.

La fédération avait fait un K4 de gens biens entraînés, et un K4 de canards boiteux dont je faisais partis. On a bien marché, et c’est nous qui sommes allés aux JO. On a explosé le bateau dominant aux piges. Par la suite le bateau a été remanié, et là, il a vraiment performé. Peut être que si je n’avais pas été viré, je n’aurais pas été dans le bon bateau, et je ne serais pas allé aux JO. Parfois, la vie est bien faite. Je n’ai jamais été aussi fort qu’à ce moment là.

Les Secrets du Kayak : Comment tu suivais ton entraînement à l’époque ?

Didier Vavasseur : Les chronos étaient variables en fonction des conditions de navigation. Mais par rapport à Bernard Bregeon, parfois j’étais très bon, parfois moins. Et c’est ce qui fait la différence avec les très bons, eux sont toujours constants dans leurs résultats.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y avait un objectif de médailles pour les JO de Los Angeles ?

Didier Vavasseur : En fait, le K4 n’était pas mauvais. Mais il y a eu le boycott des JO. Donc changement d’objectif. Pour se donner les chances de gagner, ils ont placé Philippe Boccara dans le bateau, il a apporté un plus au bateau. On a eu une marge de progression impressionnante. On avait gagner des secondes énormes juste en changeant notre geste et la technique. C’était un plaisir de naviguer, c’était la technique qui était au dessus de tout. Le bateau glissait sans se forcer. Avant ça, tu finissais la course tu étais mort, et on était mauvais. Philippe nous a beaucoup apporté.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que ce n’était pas frustrant de ne plus forcer pour aller vite ?

Didier Vavasseur : Non c’était agréable. C’était une jouissance. Jamais, je n’ai retrouvé ça.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que la troisième place au JO, malgré le boycott, était un bon résultat pour vous ?

Didier Vavasseur : Oui et non, déjà d’avoir une médaille c’était fabuleux. Ce n’était même pas envisageable pour le gamin que j’étais. On avait le potentiel de gagner, Philippe était l’élément important du bateau, il courait le K1 juste avant. Il n’a pas performé plus que ça, ça a mis un coup au moral. On était soulagé de faire troisième malgré ça. Je pense qu’on avait le potentiel de faire mieux.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui a changé dans la technique au final ?

Didier Vavasseur : On naviguait très haut sur l’eau, cadence haute, on a fait l’école de pagaie pour pagayer ensemble et non plus individuellement. On repartait de zéro. D’emblée, on a augmenté le chrono rapidement.

Les Secrets du Kayak : Après les JO de 1984, vous êtes reconduits en K4 ?

Didier Vavasseur : Non, certains se sont arrêtés. Moi je voulais faire l’internat de médecine, donc je ne me suis pas entraîné pendant six mois. Mais j’avais trop de retard dans mes études, donc je me suis ré-entraîné pour les championnats du monde. Le nouveau K4 faisait 5ème et 8ème. Ce n’était pas le même bateau. Ce n’était pas pareil.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu te motives pour les JO de Séoul en 1988 ?

Didier Vavasseur : C’est un mode de vie sympa que de s’entraîner. C’est une sorte de drogue. Je ne me voyais pas faire que de la médecine. De plus j’ai rencontré ma femme en 1983, sportive aussi, qui faisait du volley, c’est un mode de vie qui nous allait bien. On était aidé financièrement. Il n’y avait pas de raison de s’arrêter. C’était logique de vouloir continuer. Même si j’ai des mauvais souvenirs de la préparation de ces JO...

Mauvais équipage, mauvais choix, mauvais bateau. J’étais content d’arrêter le kayak après ces JO. Ce n’était pas les mêmes affinités, problème de génération dans l’équipage, je n’ai pas un bon souvenir de ces Jeux. La seule raison pour laquelle je suis allé aux JO, c’est que sinon je retournais à la caserne du bataillon de Joinville. En plus, mon premier enfant venait de naître, la transition était toute trouvée.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des choses que tu aurais faites différemment pour t’entraîner durant cette période compétitive ?

Didier Vavasseur : Bien sur ! Comme beaucoup. Sur l’entraînement, j’aurais modifié énormément de choses. On s’entraînait mal. Le rythme, le nombre de séances, la musculation… en gros je ferais ce que font les jeunes aujourd’hui ! C’était empirique. On était toujours à fond. On faisait n’importe quoi. Et sur la façon d’aborder la compétition, je ferais plus attention au côté humain de la chose. Je n’ai pas toujours été clean dans ma façon de faire.

Les Secrets du Kayak : Tu finis tes études de médecine ?

Didier Vavasseur : J’ai eu mes résultats en 1987, j’ai pris une année sabbatique pour faire l’armée. Je suis parti en radiologie, et je suis parti faire l’internat à Paris. Pendant un an, je n’ai fait que travailler.

Les Secrets du Kayak : Par la suite, tu continues la pratique du kayak ?

Didier Vavasseur : Après Séoul ? Oui, je voulais faire le marathon de l’Ardèche avec Daniel Legras. Je voulais gagner le marathon, ne pas être ridicule. Donc j’ai fait ça pendant 10 ans. Je continuais à courir. J’ai me suis ensuite installé en tant que radiologue, j’ai fait de l’alpinisme et de l’escalade.

En 2002, je suis venu sur Biarritz et j’ai renoué avec le kayak, et le sauvetage côtier grâce à Bernard Bregeon. Donc j’ai fait des courses d’Ocean Racing, ce qui m’a beaucoup plus. C’est le plaisir retrouvé avec les bonnes valeurs, et la solidarité sur l’eau. Je courais avec les jeunes alors que j’avais 57 ans. Jusqu’à mon accident, je faisais encore des compétitions de surf-ski en master ou en open. Pour moi c’est une façon de prendre du plaisir, de rester en forme, et ne pas grossir. Si tu arrêtes le sport, tu es mort.

Les Secrets du Kayak : Comment tu t’entraînais avant ton accident en surf-ski ?

Didier Vavasseur : J’ai banni le mot entraînement de mon vocabulaire. Je navigue ! J’ai passé l’âge de m’entraîner. Je ne regarde jamais le chrono sur le bateau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que toi, tu as connu les pagaies creuses ?

Didier Vavasseur : Ça a été une révolution ! Le gars qui l’a inventé est un génie. Ça a été une marge de progression énorme pour moi. C’était un bonheur de terminer une course en continuant de tenir sa pagaie. Tu te posais moins de questions sur la façon de pagayer. La progression a été colossale.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui, tu navigues dans quel surf-ski ?

Didier Vavasseur : J’ai un Élite S et un australien. Quand c’est agité, c’est compliqué. Tu ne vas pas forcément moins vite en prenant des bateaux plus stables… dès fois il vaut mieux privilégier la stabilité à la vitesse. Et en pagaie je suis sur 2m08 de longueur, je prends du petit. Ce n’est pas le même sport que le kayak de course en ligne, ça n’a rien à voir. La lecture de l’océan est importante. Je continue de progresser tous les ans, lire l’océan n’est pas simple.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tes enfants font du kayak également ?

Didier Vavasseur : J’ai trois enfants, un qui est radiologue, un autre kiné, et la dernière commence son internat d’ophtalmologie à Paris. Tous les trois ont fait du sauvetage, on ne les a jamais poussé à la compétition. Ça ne les branche pas plus que ça. Pour être bon dans une discipline, il faut avoir faim de ça. Pour avoir faim, il faut être en manque de quelque chose. Ce qui n’est pas forcément leur cas.

Les Secrets du Kayak : J’ai vu un documentaire sur le sport de haut niveau en Australie. Il démontrait que le niveau de vie était tellement confortable, qu’ils ne sortaient pas d’athlètes de haut niveau. Ils ont moins ce manque !

Didier Vavasseur : Ils préfèrent peut être surfer ? Mais en Australie le sauvetage côtier ils ont une discipline de vie impressionnante, et le modèle économique est différent, les masters sont rentiers. Tous les jours à 5h30-6h ils sont sur l’eau pour s’entraîner comme des malades. C’est même trop. Il y a des dérives aux compétitions, c’est parfois trop sérieux. La performance, c’est pour quand tu es plus jeune. Mais peut être est-ce parce que j’ai connu cette consécration plus jeune à mon niveau.

Les Secrets du Kayak : En 1983 tu expliquais que tu t’es fait viré parce que tu étais trop fêtard, est-ce que c’est quelque chose qui t’a poursuivi jusqu’à maintenant ?

Didier Vavasseur : Non, j’étais davantage « petit con » que fêtard. J’aime bien me coucher tôt et me lever tôt. J’étais un peu jeune fou.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passait autour de l’entraînement ? Beaucoup aujourd’hui sont suivis par des kinés, des ostéopathes, etc.

Didier Vavasseur : J’avais un ostéopathe qui s’occupait bien de nous. Pour l’alimentation, on a fait de tout et n’importe quoi. Parfois j’avais fondu, je me sentais bien. Je n’ai pas de vérité sur ça. Tant que la digestion se passait bien pour la performance…

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu dirais à ton toi de vingt ans ?

Didier Vavasseur : Fais la même chose en mieux, ou différemment. Savoure davantage certaines choses. Globalement, je ne regrette rien. Il y a des choses qui auraient pu être vécues différemment.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a des gens qui t’ont marqué dans ta carrière et qui sont peu connus ?

Didier Vavasseur : J’ai toujours bien aimé certaines figures de l’eau-vive, qui ont des valeurs plus proches de la nature. En course en ligne, non.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Sébastien Jouve

Retrouvez tout sur Sébastien Jouve dans cet épisode des Secrets du Kayak. Il retrace pour nous sa carrière de sportif de haut niveau en kayak de course en ligne, et nous parle de sa reconversion et ses ambitions en voile.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Sébastien Jouve en aout 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Sébastien Jouve : Salut Rudy, très bien, en vacances en Ardèche. Ambiance kayak et détente. J’en fait encore un peu vois-tu et j’apprends aux enfants à pagayer, c’est sympa dans ce cadre.

Les Secrets du Kayak : J’avais cru comprendre que maintenant tu étais dans la voile et les compétitions de voile ?

Sébastien Jouve : Oui je prépare une traversée de l’Atlantique en solitaire. Le chemin de croix est un peu long, on est nombreux à vouloir la faire, c’est comme pour une sélection en équipe de France. Il faut se sélectionner et montrer que tu en veux vraiment.

Les Secrets du Kayak : Tu suis également les championnats du monde, et tu voulais qu’on s’improvise commentateur.

Sébastien Jouve : Carrément, je suis entres-autres les filles sur les mondiaux, je suis content d’en connaître encore, j’espère qu’ils vont performer, s’amuser, trouver des solutions pour aller vite. Je regarde beaucoup les courses de K4.

Pour l’instant il n’y a qu’une série, pour moi là c’est de la mise en jambes. Il faut attendre l’effervescence de la demie-finale pour voir ce que ça va donner. C’est important de regarder, les encourager et voir ce que ça va donner pour l’avenir. Toi qu’en penses-tu du retour du 500m ?

Les Secrets du Kayak : J’en avais parlé avec Maxime mais il était davantage dans un projet d’équipage K4. Les séries du 500m les gars avait l’air d’être tranquille mais il n’y avait pas les cadors. J’étais content que Francis gagne, malgré sa technique discutée.

Sébastien Jouve : La technique reste propre à chacun, il y a des gros contrastes entre les athlètes.

Les Secrets du Kayak : Avant de parler de tout cela, comment toi tu as découvert le kayak ?

Sébastien Jouve : Avec mon père, il faisait de la course en ligne. Il était plusieurs fois champion de France, il avait fait des mondiaux. Il n’a pas fait de Jeux, mais il m’a emmené en vacances dans les Alpes pour faire du kayak. Il me faisait faire des exercices pour apprendre. On s’entraînait l’été avec mes sœurs. J’ai commencé à cinq ans. Plus tôt tu commences, plus tôt tu as des prédispositions.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as fait d’autres activités sportives également ?

Sébastien Jouve : Oui je nageais pendant la période scolaire, je faisais de la gym en UNSS, et le kayak pendant les vacances. Je faisais du sport presque tous les jours. Aujourd’hui encore, j’ai du mal à ne pas faire une séance de sport par jour.

Aujourd’hui c’est la voile, c’est du sport surtout quand tu as de grosses vagues. Tu fais les choses avec beaucoup de fatigue, tu compares cela à de l’EB1 sauf que tu dois beaucoup réfléchir en même temps.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu t’es inscris en club ?

Sébastien Jouve : Dès poussin, et vers 8 ans on avait nos premiers bateaux au club. C’était institutionnel dans notre famille, donc très jeune. J’avais l’esprit de compétition sur chaque entraînement. Vers minime et cadet un bon groupe s’est constitué, chaque samedi on se tirait la bourre entre nous.

Les Secrets du Kayak : Tu étais déjà plus grand que les autres enfants ?

Sébastien Jouve : Je fais 1,86m donc je suis dans la moyenne, mais j’ai une très grande envergure pour un petit buste ce qui me différencie des autres. Ce qui m’a permis d’avoir une amplitude très importante. J’ai le profil des Danois.

Les Secrets du Kayak : Je crois que tu fais 86kg ?

Sébastien Jouve : Au début de ma carrière je courais du 1000m je faisais donc 82-83 kg. Ensuite je me suis épaissi pour le 500m. Je suis monté vers 86-87 kg qui est mon poids de forme. Je reste léger par rapport aux molosses du 500m.

Les Secrets du Kayak : Comment se passent tes premières compétitions en tant que jeune ?

Sébastien Jouve : Je n’étais pas très bon. Je m’en sortais sur du long en kayak de mer et de descente. Le kayak de course en ligne, ce n’était pas mon truc. Si bien que les championnats de France je les ai fait en canoë de course en ligne. J’avais juste remplacé un gars dans le K4. J’étais frustré de ne pas avancer. Très tôt je savais qu’il me fallait m’entraîner pour y arriver.

Les Secrets du Kayak : Tu as fait toutes les disciplines du kayak ?

Sébastien Jouve : Je les ai toutes essayé. A Rouen à la base, il n'y avait aucun bateau de course en ligne. Ce n’était que des descendeurs et des slalomeurs. C’est Loïc Martin qui a développé cette activité de course en ligne à Rouen.

Les Secrets du Kayak : Tu penses que ça t’a aidé que de toucher à toutes ces disciplines ?

Sébastien Jouve : Oui notamment sur le kayak de mer qui demande pas mal d’anticipation et d’adaptation dans les vagues. Ça m’a donné une polyvalence notamment sur les courses agitées.

Les Secrets du Kayak : Quand il y a de grosses vagues, comment on s’adapte ?

Sébastien Jouve : Il y a Arnaud Hybois qui dit qu’il faut être en souplesse pour arrondir la moindre vague pour le moins possible bloquer le bateau. Et Maxime Beaumont qui lui fait bloc pour passer au travers et faire en sorte que la vague s’adapte à lui. Moi je suis de l’avis d’Arnaud, arrondir le relief, je laisse bouger le bateau, j’adapte pour transmettre par phases et ne pas y mettre toute l’énergie pour faire avancer le bateau autour de la pagaie.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi ne pas avoir persévéré dans le canoë ?

Sébastien Jouve : Au club de Rouen pour trouver un canoë de course en ligne à deux mois des championnats de France, il a fallu que Luc aille chopper un vieux canoë. Rien que l’équipement ne m’a pas donné envie. On commençait à avoir de beaux kayaks, j’étais attiré par ce qui brillait.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu deviens bon en kayak ?

Sébastien Jouve : En cadet, le club a recruté un entraîneur qui m’a fait faire pas mal d’autres activités. On courait une heure avant de naviguer. Il fallait mériter son cours de kayak. Donc le volume d’entraînement a augmenté. Je commençais en cadet 2 à être dans les 5-6 premiers, mais j’étais meilleur sur le fond et non pas sur le 500m. Un autre entraîneur est arrivé ensuite, il avait des bases de sprint. On a eu des bases techniques, je commence à m’exprimer. Au final je m’entraînais 5- 6 fois par semaine sans compter le dimanche matin.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’à ce moment là, tu t’imagines faire carrière dans le kayak ?

Sébastien Jouve : Pas encore, mais le kayak devenait une obsession. J’essayais même de pagayer devant le miroir avec un manche à balai !

A cette époque j’intègre le sport étude de Caen, où tous les copains vont. L’entraîneur était encore plus fada de volume d’entraînement. Natation obligatoire le midi et le soir kayak. Les études étaient compliquées, on ne pensait qu’à faire la sieste pendant les cours. C’était compliqué. J’ai continué à m’entraîner de plus en plus.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que pour toi c’est ce gros volume d’entraînement qui t’a fait passer un cap ? Ça a été un fil conducteur tout au long de ta carrière ?

Sébastien Jouve : Pour moi, c’était la clé de ma carrière sportive. Aujourd’hui quand j’entends des jeunes râler parce qu’ils s’entraînent, j’ai envie de leur dire de faire un autre sport parce que pour performer il n’y a pas le choix. La performance passe par du volume d’entraînement. Il n’y a que comme cela qu’on devient une machine.

Les Secrets du Kayak : Par la suite, tu intègres rapidement les équipes de France senior ?

Sébastien Jouve : En junior, j’intègre les équipes de France de marathon, j’avais fait une coupe du monde. En senior, j’intègre l’équipe de France de moins de 23 ans, je finis huitième en finale du 1000m au championnat de France à Vichy. Donc on m’a vite repéré et j’ai participé à pas mal de stages équipe pour me faire progresser. Je faisais les stages de ski de fond moins de 23 ans et senior pour enchaîner le volume. Ensuite, j’ai fait les équipes de France senior et moins de 23 ans.

Je n’hésitais pas à quitter mes vacances pour accepter une entrée en stage faite à l’arrache. Mon but c’était de me rendre disponible pour enchaîner les stages. C’était la clé de la réussite même si je ne faisais pas les échéances terminales. Ça me permettait de remplacer des gars dans le K4 et c’est source de motivation. Je servais de viande fraîche à Bâbak pour ses séances de vitesse. Je n’arrivais pas à le tenir, mais ça me donnait envie. Il n’y avait aucune promesse derrière tout cela, ce n’était que du travail.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu étais partisan des coupures annuelles ?

Sébastien Jouve : Non, j’étais partisan de m’entraîner plus. Prendre tout ce que je pouvais l’été quand il faisait beau. Faire des 15km, faire des lactiques... Au mois de septembre j’allais vite, et ce n’était pas grâce au repos mais au travail.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu arrivais malgré tout à avoir des pics de forme au cours de l’année ?

Sébastien Jouve : Le pic de forme se fait par rapport à ce que tu fais à l’entraînement. Si je faisais beaucoup d’aérobie, j’avais des pics de forme. Aujourd’hui si c’était à refaire, j’en ferai encore plus.

Les Secrets du Kayak : Un fois le Bac en poche, où t’entraînes-tu ?

Sébastien Jouve : On m’a proposé d’aller à Angers. Le but était de faire un peu de viande pour le projet du 500m. J’ai raté mon Bac à Caen, je l’ai eu à Angers. J’étais en totale autonomie sans les parents. La méthode du pôle était basée sur la musculation et sur des séances de kayak de puissance et de lactique puissante. Il m’a fallu arrêter l’aérobie. J’ai vite pris 4-5 kg en un an. J’ai eu une phase où pendant deux mois je n’ai pas fait de bateau pour me permettre de prendre de la masse. C’était musculation tous les jours. Je ne pouvais plus tendre mes bras pendant plusieurs jours.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu étais fort en musculation avec tes longs bras ?

Sébastien Jouve : On avait des tests musculation à faire, pour le développé couché on mesurait l’amplitude et là je m’en sortais plutôt bien. Kersten multipliait l’amplitude par le nombre de reps. Je compensais mon manque de répétitions par le nombre de centimètres tirés en plus. Pour la force max, je me débrouillais bien, toucher la barre en tirage planche c’était compliqué. En force endurance, il y avait de bons matchs mais c’est Mathieu Goubel qui écrasait tout le monde.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as senti de suite les bienfaits de la prise de masse à la reprise du bateau ?

Sébastien Jouve : Oui, je fais champion d’Europe moins de 23 ans en 500m. La même année, j’étais dans les records du 500m. Le rapport poids puissance était optimum. Mais je n’ai pas renouvelé cette pratique de deux mois de musculation à fond. Le bateau te rattrape vite. Il ne fallait pas prendre trop de muscle non plus, ne pas être trop lourd non plus.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand tu es passé en équipage ?

Sébastien Jouve : J’ai basculé avec les championnats du monde de 2006-2007 à Halifax, c’était ma dernière course en K1 500m et c’était la dernière fois où le K1 500m était olympique. J’avais gagné les deux coupes du monde. Ensuite le K1 est passé sur du 200m ou du 1000m. On avait fait vice champion du monde en K4 1000m. On n’était pas plus préparé que cela. Donc je suis parti en équipage parce qu’il n’y avait plus de K1 500m.

En 200m ce n’était pas pareil. J’avais pris pas mal de masse et je doutais d’être capable de prendre plus de masse pour courir le 200m. J’avais plus de chance avec l’équipage. En 2008 il n’y a pas eu de quotas pour les JO, on nous a envoyé en rattrapage pour le K4. On a eu le quota, c’était cool.

Les Secrets du Kayak : L’équipage est plutôt une réussite pour toi ?

Sébastien Jouve : Oui avec Vincent Lecrubier on gagne des compétitions importantes. Après les JO de Pékin, arrivent les distances du 2000m et du 1000m. Et là arrive Arnaud Hybois, un descendeur un peu dingue. Il bascule le pôle de Toulouse pour faire de la ligne. On fait notre K2 avec lui. On a du s’adapter l’un à l’autre et on a été ultra performant.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi quitter Angers pour aller à Toulouse ?

Sébastien Jouve : JP m’appelle pour aller de suite là bas. Je suis d’abord parti à l’INSEP à Paris, on se retrouve avec Cyrille Carré, Maxime Beaumont. Jean-Pascal Crochet est arrivé par la suite. On du laisser tomber nos a-priori sur la descente puisque JP venait de là. Une partie de ce groupe à été invité à partir à Toulouse. C’était ambiance camp d’entraînement, boulot professionnel, pour construire quelque chose de nouveau. Ça a été les glorieuses de notre carrière, on s’entraînait beaucoup. C’était à celui qui allait le plus vite sur l’eau.

Les Secrets du Kayak : Pour toi, chaque séance était une compétition ?

Sébastien Jouve : Ce matin encore, c’est ce que j’ai fait, et je savais que tu me poserais la question. Je ne change pas. Mais ça m’a porté préjudice parfois. Je me déchirais à chaque séance, pas pour écraser les autres mais pour me défouler. Certains me le reprochaient. Je n’ai jamais dérogé à ça. C’était ma façon de faire.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as quand même eu des séances faciles ?

Sébastien Jouve : Ils ont essayé d’en mettre pour rester à 145 pulsations, mais ça m’ennuyait. Si je finissais facile, c’est que je n’avais pas assez travaillé. En revanche pour les activités annexes c’était différent, je voulais garder mon énergie pour le kayak. Avec le recul j’ai été mauvais en musculation, j’ai été trop paresseux. En footing je courais mal, j’étais à l’économie.

Les Secrets du Kayak : On m’a expliqué aussi que tu avais mis des chaussures de vélo dans un kayak ? Quelle est l’importance pour toi des jambes en kayak ?

Sébastien Jouve : Mais tu en sais des choses ! Suite à une rencontre avec une podologue, j’avais une mousse en teflon pour glisser sur le siège et avoir une rotation du bas des hanches pour que la ligne d’épaules suive. Dans la même optique, j’ai mis une talonnette de retour pour faire un contre calage et gagner en amplitude.

Aux mondiaux en K4, je voulais rester au contact du cale pieds donc j’ai mis des chaussures de vélo dans le bateau. Je fais champion du monde avec les chaussures. Ça m’a permis d’avoir de la transmission dans le bateau avec une amplitude max. Mais par la suite ça a été interdit pour une question de sécurité. Un coup je suis tombé à l’eau et je suis resté fixé au bateau.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a d’autres choses que tu as essayé pour performer ?

Sébastien Jouve : Oui, mon bateau par exemple, j’ai travaillé avec une université polonaise et Richard de Plastex pour travailler sur la forme. On avait des critères bien spécifiques. J’ai fait des manches à pagaie avec M.F. TECH, à variation de diamètre. Je m’étais inspiré du saut à la perche pour que la déformation du manche restitue l’énergie pour la performance. C’était concluant, mais juste avant les piges, je prête ma pagaie et on me la casse. Il m’a fallu revenir à quelque chose de classique.

J’ai aussi essayé les descentes de sièges, le gouvernail plus à l’arrière pour limiter la traîne d’eau. Mais en fonction du vent, ça ne fonctionnait pas. Mes records en 500m c’était avec ça.

Les Secrets du Kayak : Ton bateau était un Plastex, tu es allé voir Nelo pour le cale-talon. Pourquoi Plastex et pas Nelo au final ?

Sébastien Jouve : C’est le lobbying Nelo. Plastex m’ont fait de supers bateaux. Et Nelo parce que je faisais des médailles m’ont démarché pour aller chez eux. En modifiant des bateaux existants pour mon profil Nelo a adapté la construction pour moi. Mais demain si c’était à refaire, j’aurais continué à travailler avec Plastex pour les faire évoluer.

Les Secrets du Kayak : Tu pagayais sur quel type de pagaie ?

Sébastien Jouve : Je naviguais en Braca 2 classique pour le 500m. L’extra light je l’ai utilisé plus tard, mais sans plus. En K4 1000m, j’étais en Braca 2 max classique. J’étais en K4 avec une longueur de 2,22 ça me donnait de l’aisance. En K1, j’étais en 2,19. Ensuite je variais la rigidité du manche en fonction de la distance.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que c’est le fait de ne pas avoir été doué au départ, qui fait que tu as cherché à tout optimiser ?

Sébastien Jouve : Certainement un manque de confiance en soi au début, ensuite une passion pour le matériel. Le club de Rouen m’a vraiment appris à construire soi-même, apprendre à connaître les formes de bateaux. Il y a encore beaucoup à créer en kayak, c’est un univers qui bouge très peu.

Les Secrets du Kayak : Est-ce un appel du pied à un fabriquant de kayak ?

Sébastien Jouve : Non, demain si je devais faire quelque chose je pense que je le ferai par moi-même. Quand je regarde ce que je mets en place en terme d’analyse de données et autre, vu les coûts des projets, je pense que je bosserais vraiment moi-même dessus. Je ne me contenterais pas de naviguer en Nelo parce que tout le monde est en Nelo.

Les Secrets du Kayak : Tu as connu l’époque minimax ? Est-ce que ça t’as fait modifier des choses ?

Sébastien Jouve : Oui, mais avec du recul c’était juste un assistant de l’entraîneur pour fiabiliser les cadences prises sur des distances de course. Comme cela, il pouvait se concentrer sur l’analyse de notre technique. Ça restait subjectif, on s’est créé des vérités avec ses outils au final non fondées. Il aurait fallu pousser l’analyse plus loin avec d’autres comparatifs.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as connu aussi le Motionize ? Tu le mets sur la pagaie pour connaître la longueur du coup de pagaie.

Sébastien Jouve : Non je ne l’ai pas connu, je pense que ça m’aurait plu. Je pense que ça doit être bien à partir d’un certain niveau de performance. Il faut que les entraîneurs aient le feed-back de ce qui est bien ou pas, parce que ça peut vite être des outils limitants si on ne sait pas interpréter correctement les données.

Les Secrets du Kayak : C’est quoi pour toi bien pagayer ?

Sébastien Jouve : C’est compliqué de te répondre, il n’y a pas qu’une manière de pagayer. Certains ont des amplitudes très longues. Pour moi c’est comme le petit hongrois. Avoir une bonne amplitude de hanche, une vélocité c’est important, et le fait de savoir glisser entre les coups, faire en sorte que le bateau absorbe l’énergie pour glisser entre chaque coup de pagaie. Si tu veux progresser, il faut pagayer beaucoup plus qu’une ou deux fois par semaine. Il faut naviguer faire du volume quitte à couper les autres activités. Savoir s’écouter et écouter son kayak quand on est sur l’eau.

Les Secrets du Kayak : Tu as le souvenir du volume d’entraînement que tu faisais chaque année en kayak ?

Sébastien Jouve : Je le suivais à la semaine. Pendant mes glorieuses, je faisais trois ou quatre séances par jour. Mais j’étais un légume 90% du temps. Le week-end, je m’accordais le dimanche repos, puis j’ai décalé au lundi. Plus ça allait dans ma carrière, plus j’étais cramé dans mes séances. Il est déjà arrivé que je fasse une pause de 15 jours parce que j’étais en overdose. J’ai peut être été un peu trop loin par moment.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’avec le recul, tu penses en avoir trop fait ?

Sébastien Jouve : J’ai du mal à l’analyser. C’était mon mode de fonctionnement et c’est ce dont j’avais besoin. Lorsque j’ai baissé les volumes d’entraînement, c’était le début de la fin de ma carrière et la fin de mon épanouissement personnel. J’étais moins focus sur le kayak, trop dispersé. Il m’aurait fallu trouver un entraîneur qui me poussait encore plus loin, plutôt qu’un entraîneur qui m’écoutait. Hervé Duhamel était le seul à le faire. Même si parfois j’étais fatigué et j’allais moins vite. Le but, c’était que le jour de la course ce soit facile.

Les Secrets du Kayak : Tu es resté à Toulouse tout le long de ta carrière ?

Sébastien Jouve : Je suis remonté à Caen pour des raisons personnelles. A Toulouse, il y avait tout le monde. J’ai fait le choix de remonter auprès de ma famille. Je redescendais souvent voir Arnaud, mais mon camp de base était à Caen.

Les Secrets du Kayak : Quel est ton meilleur souvenir de JO ?

Sébastien Jouve : Mes plus beaux Jeux c’était Pékin, cette découverte de l’olympisme. Un voyage d’extraterrestre. Londres n’a pas été le plus beau des JO pour plein de raisons. On avait du mal à comprendre comment faisaient les Biélorusses pour performer du jour au lendemain.

Les Secrets du Kayak : Quel est ton avis sur le sujet du dopage et de la performance de certains athlètes ?

Sébastien Jouve : En effet, certains ont des prédispositions à devenir champion très rapidement, mais dès le début de leur carrière. C’est génétique et c’est comme cela. En revanche, il y en a qui changent de visage, qui deviennent performant en très peu de temps. Ça devient vite suspicieux et parfois ça se confirme encore aujourd’hui. Là où j’ai parfois la rage, c’est quand on a pu remettre plein de choses en question sur notre manière de nous entraîner parce qu’on se fait battre par des Russes qui ne tournent pas à l’eau. On n’a pas toujours toutes les cartes en mains. Maintenant je prends du recul sur les contre performances de certains athlètes, face à des performances d’autres athlètes.

Les Secrets du Kayak : Londres, mauvaise expérience car pas de médailles ?

Sébastien Jouve : Avec Arnaud Hybois on fait double champion du monde les deux années précédentes. La contre performance étant ma faute pour raison personnelle. Je n’ai pas réussi à m’investir suffisamment dans les courses. Je voulais rentrer le plus vite chez moi. Malheureusement pour Arnaud qui connaissait fort bien ma situation. Et jamais, il n’a eu de phrases négatives à mon encontre.

Les Secrets du Kayak : Rio par la suite ?

Sébastien Jouve : C’était la fin de ma carrière, c’est là où j’ai beaucoup observé les alentours, fait toutes sortes de choses à l’improviste. Comme improviser un nouveau K4. Le K4 1000m m’a beaucoup amusé. Mon K2 se faisait avec Max. Mais j’avais le délire du K4.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi arrêter ta carrière après ?

Sébastien Jouve : J’entrais dans une phase où je pouvais vivre autre chose à côté. Notamment en voile qui est une passion depuis longtemps. J’en faisais de plus en plus en parallèle du kayak. Ma deuxième fille arrivait également. J’ai fait un dernier championnat du monde en y amenant toute la famille. Je voulais assumer mon rôle de père qui était tout aussi important que le haut niveau.

Les Secrets du Kayak : Tu travaillais dans quel domaine en parallèle du kayak ?

Sébastien Jouve : A Toulouse, la fédération avait mis en place un système pour parier sur le monoplace. Il y avait des emplois à EDF, j’ai postulé dans le groupe mobilité France pour faire rentrer des sportifs de haut niveau, pour y travailler. Je suis rentré sur un CRC, très vite je suis resté trois ans à Toulouse, puis j’ai voulu travailler dans des bureaux d’études chez EDF. J’ai continué jusqu’à être chargé d’affaires.

Quand j’ai arrêté ma carrière de haut niveau j’ai aussi quitté EDF. Je suis parti travailler dans le nautisme, sur un chantier naval pendant un an dans le cadre de mon projet. Et là, je suis de nouveau chargé d’études pour une collectivité. Je capitalise mon expérience EDF pour une collectivité.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu optimisais tous les aspects de la performance jusque dans ton hygiène de vie ?

Sébastien Jouve : J’avais une extrême rigueur sur le sommeil. En ce qui concerne l’alimentation j’appréciais la nourriture, donc j’ai vite dérapé sur du non productif. J’aurais pu améliorer ce point. Mais ça faisait partie de mon plaisir.

Tout ce qui était kiné j’en faisais énormément, je faisais une séance d’ostéopathie tout les deux ou trois jours. A beaucoup m’entraîner, j’avais beaucoup de blocage du dos mais pas de blessure. Ça m’a permis d’optimiser mon corps toute ma carrière.

La préparation mentale je n’aimais pas du tout, je n’avais pas trouvé la bonne personne. Mais mon kiné avait une bonne écoute et un regard qui faisait office de préparateur mental.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui, tu es à la commission des athlètes ?

Sébastien Jouve : Oui, je suis délégué des athlètes. La fédération fait des réunions qui valident des modes de sélection. Nous, on est consulté pour voir s’il n’y a pas des oublis, des coquilles, des choses à améliorer dans le processus de sélection. Ça permet d’asseoir des choix stratégiques de la fédération. Le but est que tout le monde adhère à un projet de la course en ligne. Tout se met en place doucement.

Tu connais l’actualité de la fédération et le débat d’aujourd’hui. Les athlètes ont besoin de soutien pour leurs démarches de 2024. Ce n’est pas le moment de sauter du navire, il faut se serrer les coudes. Il faut construire l’avenir des athlètes pour 2024 et retranscrire les non-dits dans le but de construire les échanges, sans que ce soit préjudiciable pour les athlètes.

Le dernier truc que je peux te partager en tant que ligneux, c’est que oui il y a l’athlète qui fait sa performance mais c’est surtout l’environnement, les entraîneurs qui font l’athlète. Le premier critère de réussite se joue sur la succession des entraîneurs. Je ne me serais pas construit tout seul.

Les Secrets du Kayak : J’ai l’impression que toi, tu as choisis tes entraîneurs. Ce sont des choix que tu as fait.

Sébastien Jouve : Tout le monde a le choix de ses entraîneurs, à un moment donné il faut voir si c’est réaliste.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Margot Maillet

Retrouvez tout sur Margot Maillet dans cet épisode des Secrets du Kayak. Elle nous raconte ses débuts en kayak, sa passion pour l’équipage, et ses ambitions pour Paris 2024.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Margot Maillet en juillet 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Margot Maillet : Ça va Rudy.

Les Secrets du Kayak : Tu rentres d’un footing un peu long, est-ce que c’est une habitude pour toi de courir ?

Margot Maillet : J’essaie de reprendre le footing à jeun le matin, c’est plus facile. En général, je cours davantage l’hiver. Cette année a été un peu exceptionnelle. L’entraîneur fédéral souhaitait qu’on fasse davantage de natation, de vélo, au détriment de la course à pieds. De plus, je me suis fait une entorse à la cheville en décembre. J’ai dû réduire la course à pieds quelques mois.

Les Secrets du Kayak : Les autres années, tu avais une saison course à pieds l’hiver bien structurée ?

Margot Maillet : Oui deux à trois footing et une VMA course à pieds par semaine. Ensuite il y a le ski de fond sous forme de stages. Le bateau est bien réduit l’hiver. On axe plus sur la PPG.

Les Secrets du Kayak : Vous faîtes des tests en course à pieds pour juger de l’efficacité de tout ce travail sur piste ?

Margot Maillet : Ça arrive d’en faire, sauf que je fais de l’asthme à l’effort. Ces dernières années, j’ai eu du mal à finir un 5000m avec l’intensité de l’effort mais j’essaie d’en faire.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as découvert le kayak ?

Margot Maillet : Vers 10 ans, j’ai fait six mois de kayak en primaire dans un petit club à côté d’Auxerre. Je me suis retournée avec le moniteur dans un barrage, ça m’a un peu traumatisé de faire de l’eau-vive dès la première séance. Je n’ai pas trop accroché avec la fraîcheur de l’hiver en bateau plastique. J’y suis retournée par hasard grâce à des amis au lycée de la section sportive.

Auparavant, je faisais de l’escalade. C’est une amie, la sœur d’un jeune kayakiste, qui m’a motivée. Ils m’ont recruté pour faire un K4.

Les Secrets du Kayak : Tu avais fait d’autres sports ?

Margot Maillet : Oui, quatre ans de judo, un peu de danse pour la mode, de l’acrosport au lycée, et beaucoup de violon. J’étais très loisirs, donc je n’allais pas plus loin que les compétitions départementales et inter-départementales.

En escalade, je n’ai pas trop fait de compétitions, ça se faisait en voie, ce n’était pas mon fort. Je grimpais du 6b en tête. En bloc, j’allais chercher du 6C. J’ai arrêté l’escalade quand le mur de bloc à été détruit car pas aux normes.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe tes débuts en K4, tu tiens dès le début dans le bateau ?

Margot Maillet : J’étais déjà en 4ème position donc censée tenir le K4. J’ai dû faire deux ou trois mois de bateau avant de faire les championnats de France en K4. J’ai fait avant dernière, donc j’étais contente. J’étais avec des filles qui tenaient. C’était un bateau large et stable. Dès ce moment, je me suis entraînée pour ne pas être le boulet du groupe.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu as été motivée pour continuer le kayak ?

Margot Maillet : C’est l’équipage, c’est eux qui m’ont motivé. C’était le fait de faire quelque chose qui pouvait se faire individuellement mais aussi en équipe. J’avais 18 ans.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe les débuts, quand tu commences à 18 ans ?

Margot Maillet : Je rentre à la Fac quand je commence, donc jusque en L2 je m’entraînais le week-end et sur les stages vacances. Dès la L3, je me suis entraînée quotidiennement avec mon coloc, qui était canoë homme, je prenais sa vague.

Les Secrets du Kayak : Au début, tu avais des objectifs de compétitions ?

Margot Maillet : Pendant longtemps, le but était de progresser le plus possible. Voir jusqu’où je pouvais aller en commençant tard. L’avantage du club d’Auxerre, c’est qu’il y a des séances fréquentes avec des jeunes de tous niveaux. Donc tout le monde progresse vite. Il y a toujours quelqu’un pour s’entraîner.

Mes objectifs personnels, je les fixais de façon à ne plus faire dernière, puis progresser dans le classement régional, de l’inter-région. Essayer de battre les filles de mon club. Intégrer les finales A sur les inter-régions. Se sélectionner aux championnats de France. M’évaluer sur les piges, j’avais fait dernière à 11s derrière l’avant dernière.

Les Secrets du Kayak : J’ai l’impression que tu as mis pas mal de temps à progresser ?

Margot Maillet : Comme j’étais à la fac j’ai du passer mon concours de prof, ça demande du travail. J’ai commencé à m’entraîner tous les jours en L3. Le concours c’était l’année suivante, puis j’ai rediminuer en M1 après le concours pour retomber à une ou deux séances le week-end et quelques fois pendant les vacances.

Puis l’année de ma titularisation, je me suis dit que ça serait plus cool, j’avais un mi-temps prof et un mi-temps à la fac avec un salaire. Mais en fait les premiers cours devant les classes demandent tellement de concentration et d’investissement que ça m’a vite épuisé. Donc, j’ai repris qu’à ma première année de prof.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu faisais quand même d’autres activités sportives en parallèle ?

Margot Maillet : En hiver, je faisais un peu plus de course à pieds. Je n’ai jamais arrêté l’un ou l’autre.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand as-tu pu envisager intégrer l’équipe de France ?

Margot Maillet : Je ne l’ai pas envisagé, je voulais me rapprocher des meilleures. J’étais 7-8 ème en moins de 23 ans, et 7-8 ème française. Il me fallait me rapprocher des meilleures. J’ai forcé les entraînements, j’ai stagné sur deux ans. J’avais sans doute besoin de renouveau. Je n’avais pas de confrontation pour m’entraîner.

Est arrivé ensuite le confinement. J’en ai profité pour m’entraîner en musculation, avec une machine à pagayer. J’ai essayé de me faire mes plans, de le faire à l’envie. Tout ce qui était aérobie je le faisais en PPG en course à pieds. Je n’avais rien d’autre à faire, et j’ai fait ma première sélection en 2020.

J’ai fait beaucoup de médailles en équipage bien avant, mais au niveau individuel c’est compliqué, les résultats sont tout récents. Il m’aura fallu passer en temps partiel pour le travail, partir en stages avec les meilleures françaises, changer mon environnement. J’ai profité de la richesse de mes partenaires d’entraînement et d’autres entraîneurs avec d’autres visions, d’autres mots, souvent pour faire travailler les mêmes choses. Tout cela m’a permis de passer un cap.

Les Secrets du Kayak : Tu te souviens des retours différents que tu as eu de Fred ?

Margot Maillet : J’ai aimé qu’il me fasse prendre le recul nécessaire afin de reprendre le pagayage dans son ensemble. Comment faire avancer le bateau dans toute sa globalité.

Les Secrets du Kayak : C’est dès la professionnalisation de l’entraînement avec le confinement que tu as véritablement explosé ?

Margot Maillet : Je n’irais pas jusqu’à dire ça mais oui, j’ai dû gagner quatre secondes. C’est le moment charnière où j’ai progressé à nouveau pour gagner un nouveau niveau.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais tes propres plans ?

Margot Maillet : J’ai fait mes plans que sur la période du confinement, l’entraînement au club restait délicat tout de même ensuite. Du coup je me suis entraînée avec Cyrille, il a voulu essayer une tente hypoxie, donc on en a une à la maison. J’ai demandé à Philippe Colin les plans pour en faire. Cette année là, j’ai mis en place beaucoup de moyens pour performer.

Les Secrets du Kayak : En 2020, tu es sélectionnée en équipe de France, ça te paraissait possible à tes débuts ?

Margot Maillet : Non, c’était une surprise. On est prise, je suis censée faire le K2 avec Claire Bren. Ils ont pris neuf filles pour faire deux K4. J’étais la neuvième. Comme Sarah Guyot était blessée, je me suis retrouvée à la remplacer dans le K4 numéro 1. J’ai été projetée dans le grand bain avec toute la pression qui va avec. Ça allait beaucoup plus vite que ce que je connaissais en terme de vitesse, au lieu d’être en quatrième position, j’étais en deux. La coordination sur une cadence aussi élevée n’a pas été simple à gérer, c’est un travail de tous les instants. Et, on fait médaille d’argent pour ma première compétition internationale.

Les Secrets du Kayak : Comment se passe la suite ?

Margot Maillet : Je demande un temps partiel à mes frais pour le travail. J’ai écrit à la rectrice pour connaître les aménagements possibles pour moi partir en stage, et comment ça se prenait en charge. On m’a tout accordé sauf d'être rémunérée pendant les stages. Dès lors que j’étais sur les listes ça a été plus simple, mais je reste toujours temps partiel à mes frais puisque ce n’est qu’à partir de senior que l’on accède aux listes haut niveau.

En 2021, c’est Fred qui me faisait mes plans avec un gros cycle musculation, et c’est Audric qui m’a fait progresser. Cette année là, je ne me suis jamais aussi bien sentie en forme, j’allais mieux en course à pieds, en musculation et en bateau. Et pourtant à quatre semaines des piges je me fais une fracture de fatigue à la côte. J’ai dû abandonner l’équipage aux opens au moment de la finale. On a adapté les entraînements et je me suis refais mal juste avant les piges au moment de reprendre l'entraînement des départs arrêtés. C’était dur à encaisser, c’était l’année des JO.

J’ai quand même voulu faire les piges pour viser les championnats du monde. Je fais troisième sur le 500m. Donc j’enchaîne puisque je me sélectionne pour les TQO (Tournoi de qualification olympique). Et contre toute attente, j’ai fait les meilleurs chronos de ma vie malgré cette blessure. Je fais deux fois cinquième en demi-finale.

Les Secrets du Kayak : On dit souvent que quand on commence tard le kayak, on a du mal à démarrer. Tu indiques avoir du mal à démarrer mais tu exploses également en course ?

Margot Maillet : Moi, j’ai du mal à sortir du sabot. Je n’ai pas un gros temps de réaction. Je pense que c’est parce que j’ai démarré tard. En revanche, la phase d’accélération j’ai une bonne pêche et je suis capable de revenir au contact des autres, mais ça peut engager de l’énergie qui peut me pénaliser. Le temps de réaction se travaille entre 6-9 ans. Donc compliqué d’évoluer sur ça, en revanche je peux évoluer sur le placement et l’aisance.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu ne tiens pas les derniers mètres sur le 500m ?

Margot Maillet : Je pense qu’on a beaucoup travaillé le 200m et le 400m pour les équipages, on a travaillé sur du court donc ça peut l’expliquer. Moi, j’ai tendance à revenir sur la fin du 500m.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu mets en place autour de ton entraînement ?

Margot Maillet : Je vais souvent deux fois par semaine au kiné mais en ce moment une fois. Comme Cyrille mange sans gluten, je mange aussi souvent sans gluten. Je varie mon alimentation. Je me calque un peu sur les filles du K4. Cette année après la déception des piges, je me suis davantage faite plaisir, et j’ai mis en place moins de contraintes par rapport à d’habitude. J’ai un peu tout testé. J’aime beaucoup manger donc c’est un peu difficile.

J’ai commencé cette année la préparation mentale, ça m’a bien apporté pour les piges, pour gérer des moments de panique et se centrer sur la course qui arrivait.

Les Secrets du Kayak : Comment se sont passés les championnats du monde pour toi l’année dernière en K2 ?

Margot Maillet : C’était ma première expérience en championnat du monde. Ce qui était dommage, c’est qu’on ne nous a pas informé de suite qu’on était sélectionnées aux championnats du monde. On ne l’a su que cinq semaines avant. Je m’étais préparée tout l’été à la possibilité d’y aller. Je me suis fais mon programme, je me suis beaucoup entraînée mais pas avec des séances d’intensité.

Ça va qu’on se connaît bien avec Claire, on a continué à progresser sur chaque course. Mais c’était frustrant, peut être que si on avait pu s’entraîner plus tôt à deux on aurait pu atteindre la finale. Là on a fait deuxième de la finale B. C’est une belle expérience, j’ai rarement été capable de me donner autant du début à la fin.

Les Secrets du Kayak : Tout l’hiver 2022, tu t’es entraînée pour les piges ?

Margot Maillet : Oui, puisque j’ai eu de ce fait accès aux listes ministérielles de haut niveau senior et au collectif France, ce qui me permettait d’aller aux stages équipe de France. C’était tout nouveau pour moi, il y avait de l’émulation. On était peu nombreuses cette fois là jusqu’à la reprise bateau.

Pour les piges, j’ai été malade juste avant les championnats de France de fond. Je les fais avec l’angoisse de me fatiguer, mais ça se passe très bien, je gagne.

Je guérie et juste derrière j’attrape un rotavirus, j’ai été au fond du lit pendant quatre jours. J’ai perdu beaucoup de poids, mais aussi beaucoup de force. Je me suis réhydratée comme je le pouvais. Les forces sont revenues et la veille du 500m, j’étais capable de faire la course. J’ai réussi à m’exprimer sur mes courses, mais c’était insuffisant. Je n’ai pas été prise. Ça a été dur. Je n’avais plus accès aux stages, ni aux compétitions.

Trois semaines après ça, il y avait les coupes du monde, moment clé pour savoir si on se sélectionnait aux championnats d’Europe. J’avais un peu d’espoir qu’on nous prenne quand même, mais non. Il a fallu digérer ça et se projeter à nouveau sur les championnats de France. Ça m’a permis de me recentrer. Me retrouver seule ne m’a pas desservie.

Les Secrets du Kayak : Pour performer, tu as demandé cette fois une année de détachement ?

Margot Maillet : Oui, avant que j’apprenne que je n’étais pas en équipe. La liste senior me permettait de le demander. J’ai hésité à demander le temps complet pour ne pas perdre mon poste. Mais je l’ai fait quand même afin de préparer les quotas olympiques.

Les Secrets du Kayak : Quels sont tes objectifs aujourd’hui ?

Margot Maillet : Entrer dans un K4, décrocher un quota, et obtenir la meilleure place possible en championnat du monde l’année prochaine.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que de ce fait pour toi faire les JO est l’aboutissement final ?

Margot Maillet : L’aboutissement final est de faire les JO de Paris 2024 et y performer. J’ai connu les sensations en K4 que d’aller sur un podium, c’est l’équipage qui m’anime, ce sont les Jeux à la maison. Ça donne envie de faire de belles choses. Il y a des nations qui se détachent beaucoup donc ça va demander du travail, d’être soudée, et d’avoir tous l’envie du même projet.

Les Secrets du Kayak : Moi je vois que sur l’eau tu as un sacré mental. D’où tiens-tu cette rage en toi ?

Margot Maillet : Je dirais que c’est familial. Ça a toujours été la compétition avec mon frère. Peu importe ce qu’on faisait. Je pense que je tiens cela de lui.

Les Secrets du Kayak : Souvent, j’entends parler du rapport poids-puissance. Tu trouves que tu manques d’un peu de force en musculation ?

Margot Maillet : Je manque de force endurance en réalité notamment au delà des séries de 15-20 reps sur des séries de 40 à 70 reps. J’ai du mal à enchaîner. Alors que je suis profil aérobie. Je pense que c’est une question d’habitude, les filles en ont fait beaucoup en années jeunes, je pense avoir du retard.

Les Secrets du Kayak : Tu souhaites devenir entraîneur plus tard ?

Margot Maillet : Oui ça me plaît, j’y retrouve cette envie de faire progresser les autres, comme en prof d’EPS. Ça me donne envie d’approfondir dans mon sport. Pour le moment je n’ai pas les diplômes pour. J’envisage pour 2024 de le devenir.

Les Secrets du Kayak : Tu vas avoir 30 ans, est-ce que tu te vois continuer après le Jeux ?

Margot Maillet : En 2020, je ne m’y attendais pas à la sélection équipe de France. C’était me voir stagner qui me gênait, et ne plus avoir de gros équipage club qui me démotivait. Me voir progresser à nouveau m’anime.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu vas mettre dans ton plan d’entraînement ?

Margot Maillet : J’ai envie de plus m'écouter et faire ce que je pense être bien pour moi. J’ai essayé cette année de suivre les planifications proposées. Je vais essayer de trouver un juste milieu en m’entraînant avec les filles sur les séances dures et faire mes plans pour que ce soit complémentaire.

Les Secrets du Kayak : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Margot Maillet : De continuer cette progression, de me découvrir un super mental de course, et pas que d’entraînement. J’apprends à m’adapter sur des bassins durs. Oser lâcher les chevaux le jour J. Trouver le juste milieu pour m’adapter et forcer.

Les prochaines échéances seront les prochains opens.

Vous pouvez retrouver Margot Maillet sur son compte Instagram.

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Rudy Coia Rudy Coia

Interview : Anne Michaut

Retrouvez tout sur Anne Michaut dans cet épisode des Secrets du Kayak. Elle nous raconte sa carrière de kayakiste de haut niveau, et sa reconversion en tant que DTN dans une autre fédération sportive.

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Anne Michaut en juillet 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Anne Michaut : Bonjour Rudy, ça va bien un peu comme tous les jours d’ailleurs, merci.

Les Secrets du Kayak : Ça fait longtemps que je souhaite t’avoir sur le podcast et je suis heureux de te recevoir. Comment as-tu découvert le kayak ?

Anne Michaut : Mes frères en faisait au club de Mantoche, un tout petit club, ça avait l’air sympa. J’ai fait pression auprès des parents qui ont cédé. Ils m’ont d’abord appris à nager pour ensuite lâcher le fauve. J’avais 9 ans. J’en garde un souvenir très précis de ma première séance. J’ai fait un tour de C2 Leclerc, on a traversé la Somme, c’était tellement sympa de voir la rive de l’autre côté. Dans la foulée, on m’a fait monter en K1 CAPS et le challenge était de ne pas tomber à l’eau, je ne suis pas tombée, et j’ai mordu à l’hameçon de suite.

Les Secrets du Kayak  : Comment se passaient les premiers entraînements pour toi ?

Anne Michaut : Je ne parlerais pas d’entraînement, c’était des sorties kayak. Ce n’était pas fait pour progresser dans un but de compétition. Le but était de sortir sur l’eau, prendre plaisir avec tout le groupe. C’était le mercredi et le samedi, sur les créneaux scolaires libres.

Les Secrets du Kayak : Tes frères faisaient du kayak ?

Anne Michaut : Oui mon grand frère Philippe était champion ou médaillé de championnat de France de cadet ou en junior en CAPS, en canoë. Et mon frère Laurent a fait sport étude, il avait un avenir brillant avant d’avoir les épaules en carton.

Les Secrets du Kayak  : Est-ce qu’à neuf ans, on fait des compétitions en kayak ?

Anne Michaut : Certainement que c’était sur ma deuxième année qu’il y a eu une compétition avec les clubs locaux. Petit à petit un programme de compétition s’est mis en place en benjamin minime. On partait un peu partout dans l’Est entre Alsace-Bourgogne-Franche-Comté.

Les Secrets du Kayak : Tu n’as fait que de la course en ligne à tes débuts, ou bien de la multi discipline ?

Anne Michaut : J’étais une bille totale en slalom, ça se voyait dans ma façon à ne pas passer les portes. La descente, ça pouvait aller. J’ai de suite adoré la course en ligne avec sa sensation de vitesse. Je suis passée en bateau de vitesse en cadet. En minime 2, j’étais sur un ranger pour m’entraîner en bateau de vitesse. En minime-benjamin, le jeu était de s’entraîner en bateau de vitesse sans tomber et en allant vite.

Les Secrets du Kayak : Ça ne t’embêtait pas de passer du bateau de vitesse en entraînement pour ensuite repasser en CAPS en compétition ?

Anne Michaut : Tu suis les règles, c’est comme ça, tu t’adaptes. Ce n’était pas la même chose. Mais si je voulais faire les compétitions, pas le choix, c’était en CAPS.

Les Secrets du Kayak : Quand tu faisais tes sorties en kayak, vous étiez un petit groupe ou bien tu les faisais seule ? Tu étais la seule fille ?

Anne Michaut : Il n’y avait pas beaucoup de filles mais il n’y avait pas de différences de genre. On faisait beaucoup de sorties ensemble avec le groupe. On allait jusqu’à Gray, qui est ensuite devenue le nouveau lieu du club de Mantoche. Il n’y avait pas de barrage, tu faisais facilement de la distance. On se faisait des boucles, on pouvait se repérer facilement. On faisait peut être jusqu’à 7km par sortie. C’était il y a 40 ans, ma mémoire n’est pas très précise.

Les Secrets du Kayak : Tu sortais du lot lorsque tu faisais des compétitions comme les régates minimes ?

Anne Michaut : Ma première grande compétition, c’était les régates de l’espoir en 1985. C’était la première fois que je voyais autant de monde. J’ai du faire 5 ou 6. J’ai bien aimé, ça m’a bien motivé. Mais déjà lors des sorties avec les garçons, j’avais cette idée de les suivre dès que ça tapait une bourre, et si je pouvais être devant c’était bien. Et ça m’est resté même pour le sport étude. C’était un jeu.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’en minime 2, tu réussis mieux les régates de l’espoir ?

Anne Michaut : Oui puisque je gagne en vitesse et je fais deuxième en fond. L’entraînement entre les deux années, je ne saurais pas te dire ce qui a changé. Autant en cadette, je m’en souviens parce que je voulais passer un cap. Claudine m’a bien aidé là dessus, comme pour les autres. Les choses se sont construites en cadette.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait qu’en cadette tu voulais aller plus loin ?

Anne Michaut : J’avais mis les pieds dans l’engrenage. Monter sur le podium une fois te donne envie de recommencer. Il fallait travailler pour se confronter à tes aînées.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu restes au même endroit pour t’entraîner quand tu es cadette ?

Anne Michaut : Oui pour les deux années de cadette, et comme je multiplie les séances d’entraînement, je suis toute seule. Parfois j’avais besoin du groupe pour sortir de ma zone de confort, mais je savais me motiver seule.

Ensuite j’ai voulu franchir un cap, donc je suis allée avec Patrick Masson au sport étude de Besançon en 1988-1989. Je m’intègre facilement, le rythme était différent, c’était toute une aventure, un bon groupe d’entraînement, un bon site d’entraînement. Le Doubs te forçait à t’adapter, j’ai découvert la musculation, je découvre le sujet médical et pas mal de choses.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais de la course à pieds pour te préparer auparavant ?

Anne Michaut : Oui, c’est culturel. Mes parents n’étaient ni sportif ni compétiteur dans l’âme, mais ils ont une culture de l’exercice et nous l’ont inculqué. On était tous inscrit au club de cross. Donc oui, je faisais pas mal de course à pieds avant d’intégrer la section sport étude. J’étais un peu lourde pour courir vite et longtemps. Au niveau départemental je faisais des médailles, mais au niveau benjamine et minime il n’y avait pas de concurrence.

C’est formateur de courir dans le froid et la boue. Même si j’avais une âme du sprinteuse, j’y ai trouvé mon compte surtout quand ça se finissait. Tu ne peux pas être sprinteur sans avoir un foncier conséquent.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe ces années cadette en sport étude ?

Anne Michaut : En cadette, je suis prise en équipe de France en 1988, super année. On a ramené toutes les médailles. C’était génial pour le club de Gray. On a enchaîné avec les championnats d’Europe. C’était un super souvenir parce que le budget des junior n’était pas énorme. On avait campé. C’était la débrouille. On a réalisé de belles performances. J’ai goûté à l’International, et j’ai adoré. L’année 1988 a été tellement géniale que j’ai le souvenir à Bratislava d’avoir battu une allemande de l’Est. Puis à Borum d’être montée sur le podium.

Les Secrets du Kayak : A ce moment là, quelles sont tes ambitions pour le kayak ?

Anne Michaut : Je ne saurais pas te dire. Mais forcément j’avais envie d’aller voir ce qu’il se faisait au dessus. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller. Jusqu’où je pouvais optimiser ma technique, ma vitesse.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y avait des tests de vitesse avant l’arrivée de Kersten en équipe de France chez les jeunes ?

Anne Michaut : Du temps de Kersten moi, je n’étais déjà plus chez les jeunes. Une année, je m’entraînais avec Christophe Debove sur le pôle de Dijon, on avait beaucoup travaillé sur la vitesse, sa gestion, la distance, gestion de la vitesse optimale. C’était le tout début des speedomètres avec l’hélice sous le bateau. Sinon on balisait et on prenait les chronos. C’était dans les années début senior.

Mais je ne me souviens pas d’avoir eu des tests régulièrement de vitesse. J’ai le souvenir désagréable de la découverte des piges à Choisy-le-Roi. C’était long, le contre la montre était terrible.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais comme étude ?

Anne Michaut : J’ai passé mon Bac à Gray. Ensuite, j’ai fait Fac de Sciences Naturelles. Je voulais faire prof de sciences naturelles. Jusqu’au moment où je me suis aperçue que je ne voulais pas faire ça toute ma vie.

Les Secrets du Kayak : Tes années junior sont la suite logique de tes années cadette ? Tu performes davantage ?

Anne Michaut : Ça progresse dans d’autres domaines, c’était un peu moins bien. Adolescente tu découvres des choses, l’internat, le changement de structure, l’adaptation. Je me suis éloignée de mon projet. C’était une bonne expérience. Puis ça a été difficile de se gérer seule.

J’ai fait des podiums et des médailles mais ce n’était pas mes plus grandes années. C’est pour cela que pour mes années de Fac, je suis retournée dans une structure, pour continuer à progresser. Je suis allée au CEP de Dijon. Il y a eu Philippe Aubertin, Isabelle Boulogne… des gens de ma catégorie avec qui je pouvais m’entraîner tous les jours. Ça mettait de l’intensité dans le quotidien. Donc ça c’était en senior1.

Les Secrets du Kayak : En Senior 1, tu rentres dans l’équipe de France, dans le collectif ?

Anne Michaut : En 1990-1991, je me retrouve au championnat du monde, donc je suis dans le collectif 1. Mais mes souvenirs sont flous. J’étais avec Françoise Laurent, ma partenaire de K2.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu penses que ta taille t’a limité pour aller vite ?

Anne Michaut : Avec mon 1,60m probablement. Pas pour aller vite sur les départs, mais sur le long. Bio-mécaniquement; oui je le pense. La moyenne était 1,67m. C’est pour cela que je n’ai pas fait de podiums. Ne cherchons pas d’excuses, je n’avais pas le niveau. Mais on ne le saura jamais si en étant plus grande si cela aurait été moi difficile.

Les Secrets du Kayak : Avec ton gabarit, tu étais assez forte en musculation ?

Anne Michaut : Forte, pas trop mal et j’aimais bien cela. J’avais un max au développé couché à 100kg. Mais en me comparant avec les espagnoles, ce n’était rien. Si j’avais été plus endurante, cela m’aurait aidé aussi. Et en tirage, j’étais vers 90-95 kg. C’est pour cela que je partais vite. Mais je n’ai fait de l’aérobie que trop tard avec Kersten. J’avais un soucis avec sa vision du renfort musculaire et sa musculation. En revanche pour les séances bateaux j’ai suivi son plan, et ça m’a été bénéfique.

Auparavant, j’avais le sentiment de faire beaucoup moins de kilomètres, et d’EB1 et EB2. J’ai connu ses tests, je m’y suis plié, si je voulais être sélectionnée il fallait passer les tests. Je n’ai pas eu de trou à cause de tests loupés pour les sélections. C’était suite à des blessures.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu as eu comme blessures ?

Anne Michaut : Des choses physiologiques qui ont nécessité des opérations, mais rien à voir avec le sport. J’ai aussi eu des soucis d’épaule. J’ai eu une période où j’ai eu du mal à assumer 2-3 saisons intenses d’affilées. Le corps lâchait. Je n’aménageais pas mes études tous les ans. Juste celle de l’année des JO.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as continué le K2 sur d’autres années avec Françoise ?

Anne Michaut : On était le deuxième K2. On était associées toutes les quatre en K4. Notre parcours était sur le K4. Par la suite, j’ai voulu m’orienter sur le K1. On aurait du s’associer avec Sabine mais ça ne s’est pas fait. J’ai tenté ma chance en K1, je fais les championnats du monde en K1 au Mexique en 1994, et je fais deux finales en 500m et 200m mais je n’étais pas sur le podium.

Les Secrets du Kayak : Vous avez fait les Jeux en K4 ? C’était comment ?

Anne Michaut : Oui, on a sélectionné le K4 pour les JO de Barcelone. C’était impressionnant par les à-côté. Tout est démesuré. Tu te retrouves nez-à-nez avec des gens qui t’ont fait rêver lorsque tu étais enfant. Sur la compétition en elle-même. Peut-être que l’objectif d’arriver aux JO était atteint. Mais je savais que je ne gagnerais pas. C’était déjà quelque chose de se sélectionner. On connaît la hiérarchie, les JO sont un peu faits d’avance.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a un moment dans ta carrière où tu sens que tu te rapproches un peu plus des meilleurs mondiaux ?

Anne Michaut : Peu être en 1998 aux championnats du monde, lorsque le 200m prenait de l’importance. Je me sentais vraiment mieux que les années précédentes, c’était ma distance de prédilection, je fais quatrième. Toujours pas de médailles mais presque. C’était la dernière compétition de ma carrière mais je ne le savais pas encore à l’époque.

Les Secrets du Kayak : Tu restes t'entraîner combien de temps à Dijon ? Est-ce qu’il y a eu des changements d’entraîneurs ?

Anne Michaut : Tout du long, de septembre 1990 à octobre 1999. Oui, Christophe Debove, Bigot et Françoise, Fred Loyer mais je ne sais plus dans quel ordre. C’est Françoise qui m’a invitée à ranger le bateau.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu ferais différemment pour mieux performer ?

Anne Michaut : Peut être faire un peu plus d’aérobie, mais au global on n'a qu’un essai. Donc il faut faire le mieux qu’on pense. Je n’ai pas de regrets. Je ne changerais pas forcément grand-chose.

Il n’y a que trois places sur le podium, et quand tu sais que la performance est multi-paramètriques, c’est incroyable. Entre ce qui est relatif à l’entraînement, au mental... je n’étais tout simplement pas faite pour faire de la très haute performance. J’ai fait des performances intéressantes. J’ai juste fait un peu de haut niveau. Il m’a manqué sans doute de l’endurance, de la force tout simplement.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as fait les Jeux de 1996 ?

Anne Michaut : Oui, mais pareil, ce n’est pas fou comme résultats et comme expérience. J’ai gagné ma sélection en régate de rattrapage en K1. Je fais les JO, j’y mets tout ce que je peux y mettre, mais j’étais très très loin. J’avais dès janvier ralenti les courses pour me préparer aux JO, et c’était un rythme qui ne me convenait pas. Mais c’est propre à chacun.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu arrêtes ta carrière en 1999.

Anne Michaut : En 1999, c’est la catastrophe. Le corps dit qu’il faut arrêter. Kersten me donne quand même ma chance en m’envoyant aux championnats d’Europe des moins de 23 ans. C’était super sympa. J’avais une épaule en vrac, donc pas de préparation musculation. J’avais un doigt en moins, j’avais mis une orthèse en plastique.

C’était un super moment de partage, c’était l’échange intergénérationnel, je dois faire sixième, insuffisant pour faire de bons championnats du monde. Donc ça s’est arrêté là. En plus, j’étais en doctorat, mon directeur de thèse me forçait à accélérer la cadence. J’ai soutenu ma thèse en 2000.

Les Secrets du Kayak : Quel était le sujet de ta thèse ?

Anne Michaut : J’ai fait un doctorat en Staps sur la contractivité musculaire, je m’intéressais à la récupération. J’étais concentrée sur l’exercice excentrique, et la capacité du corps a recouvrer l’ensemble de ses capacités.

Les Secrets du Kayak : C’est quelque chose que tu as fait, de l’excentrique en musculation pour la pratique du kayak ?

Anne Michaut : Oui, en terme de gain de force c’est efficace. Le meilleur gain est de s’entraîner en spécifique. Il faut varier les sollicitations pour éviter de plafonner. L’excentrique permet une augmentation de la force maximale. Pour moi il y a de l’intérêt dans le kayak de développer de l’explosivité et de l’endurance à un haut niveau de force. C’est ce qu’on a mis en place avec l’équipe de Gilles Cometti à Dijon.

Les Secrets du Kayak : Avec Kersten, c’était beaucoup de la force endurance, et pas cet aspect des méthodes Cometti.

Anne Michaut : Oui et c’est là que moi j’ai eu du mal à adhérer. Mais après qui suis-je pour ne pas être d’accord avec un dispositif et un système qui avait donné du résultat ? Moi je voulais creuser l’aspect Cometti dans la musculation. Je reste convaincu que le développement de la force maximale et de l’explosivité est intéressant, quand à côté tu fais un haut niveau d’entraînement spécifique. Sinon la force endurance en musculation est redondante par ce que tu fais en kayak.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que par la suite tu entraînes un peu ou pas du tout dans le kayak ?

Anne Michaut : Non, je me suis posée la question et puis comme le kayak était ma passion, si je fais cela je ne ferais que ça 24h/24 7j/7, je n’étais pas certaine d’en avoir envie, et encore moins si c’était bien. Je me suis préservée, je suis partie dans un autre domaine.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui t’a amenée au tir à l’arc ? Aujourd’hui tu es DTN adjointe en tir à l’arc. Comment tu en arrives là ?

Anne Michaut : Un concours de circonstance, une opportunité. Après la thèse, j’ai intégré le laboratoire de recherche de l’INSEP, et les filles du pôle de tir à l’arc ont des soucis de blessures récurrentes. L’entraîneur propose une analyse de l’activité. Il va voir le chercheur avec lequel je partage le bureau. J’ai pris en charge la demande, on a fait une analyse, on en a déduit des conclusions qui m’ont permis de mettre en place un programme de renforcement musculaire spécifique.

De fil en aiguille, j’ai passé le concours de prof de sport pour être placée auprès de la fédération de tir à l’arc, où j’y ai exercé le rôle de préparatrice physique puis rapidement de responsable de haut niveau. Ça dure depuis 2004.

Les Secrets du Kayak : Ça ne t’a pas démangé de faire ça aussi dans le kayak ? Un EMG d’activité ?

Anne Michaut : Jusqu’à la recherche, je n’en ai pas eu l’opportunité, mais quand j’étais au laboratoire c’était Didier Hoyer qui était à la tête du pôle de l’INSEP. On a travaillé ensemble sur le programme de renforcement musculaire. J’encadrais certaines séances, c’était sympa.

Les Secrets du Kayak : Aujourd’hui, c’est quoi ta mission au tir à l’arc ?

Anne Michaut : Je m’occupe de toutes les équipes de France, des structures d’entraînement, olympiques, paralympiques et non olympiques.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’après ta carrière tu as continué à faire un peu de kayak ?

Anne Michaut : J’ai arrêté quand j’étais sur Paris, j’ai fait un peu de sortie sur la Marne, depuis non. Je monte une ou deux fois par an sur un vieux bateau, mais je prends mon pied.

Les Secrets du Kayak : J’ai eu Philippe Aubertin précédemment qui me disait être curieux d’essayer les nouvelles formes de bateaux. Tu n’as eu cette idée que d’essayer les nouvelles formes ?

Anne Michaut : Pas du tout, je monte qu’une ou deux fois par an, donc tu imagines le niveau de mes sensations ? Pour moi, il n’y a pas de pertinence.

Les Secrets du Kayak : Tu continues les autres sports à côté ?

Anne Michaut : Oui j’essaie de courir, faire du vélo, c’est important de bouger. La règle, c’est au moins trois aérobies par semaine. Peu importe le sport. Et un peu de renforcement musculaire.

Les Secrets du Kayak : Tu parlais de performance multifactorielle. Aujourd’hui, beaucoup ont un staff auprès d’eux. Toi tu avais cela autour de toi à l’époque ?

Anne Michaut : Je travaillais avec Philippe Bouchet du centre d’expertise de la performance. Sinon, je n’avais rien mis en place de particulier. Pour l’aspect nutrition, j’avais la formation nécessaire. Mais entre la théorie et la pratique, il y a toujours un décalage.

S’il y a quelque chose que je retiens, c’est le plaisir au quotidien, dans l’effort, l’exercice ou sur le chemin qui te mène à ton objectif qui te permettront d’atteindre tes objectifs. Pour moi, c’est le moteur. Et voir jusqu’où ça te mène.

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