Interview : Maxime Beaumont

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Maxime Beaumont en aout 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Maxime Beaumont : Salut, écoute ça va super !

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Les Secrets du Kayak : C’est un vrai plaisir de t’avoir sur le podcast, je te suis depuis mes débuts en kayak. J’ai suivi ton évolution sur les cinq dernières années. Je voulais revenir sur tes débuts en kayak, est-ce que tu te souviens de tes débuts ?

Maxime Beaumont : Tout d’abord le plaisir est partagé.

Pour mes débuts j’ai commencé par hasard à l’âge de neuf ans. Ma grand-mère m’emmenait à la plage de Boulogne-sur-Mer. Comme la plage n’est pas très grande et qu’on tournait en rond, je m’ennuyais.

Il y avait une extension du club qui proposait des sorties en kayak de mer. J’y suis allé avec un copain et j’ai commencé comme ça.

Première sortie je suis tombé à l’eau. Je n’étais pas content mais j’y suis retourné, et mes parents m’ont inscrit en septembre de cette année là. C’est le côté familial et convivial qui m’a plu. On était une bonne bande de potes.

Quand j’ai commencé c’était surtout axé course en ligne et beaucoup de compétitions. Il y avait peu de place pour d’autres activités. Aujourd’hui il y a davantage de choix.

Le bassin de Boulogne-sur-Mer est agité quand il y a du monde en nombre de bateaux. Les berges sont bétonnées. Quand tu es seul à naviguer, c’est un miroir.

Le bassin de compétition on n’y navigue jamais, c’est plutôt réservé à l’aviron. Nous on va plus haut à l’abri du vent.

Ma première compétition c’était fin septembre. A l’époque c’était les boucles de Saint-Quentin. Elles n’existent plus. Il fallait faire le tour d’une île, passer un relais à son coéquipier qui lui aussi faisait le tour de l’île, et à la fin on faisait le classement. C’était toutes catégories en même temps.

La deuxième compétition était en janvier. Donc j’ai rapidement été mis dans un bateau de compétition et j’ai vite intégré les entraînements.

A cet âge là je faisais parti des plus grands mais je n’étais pas le seul.

La première compétition je n’ai jamais eu les résultats, j’étais poussin, il n’y avait pas de remise de récompense. En janvier c’était un championnat de ligue, donc régional, là je l’ai gagné sur 2000m. J’étais sur un CAPS.

Cette première victoire m’a fait plaisir, une fois que tu as la médaille autour du cou tu ne la quittes plus !

J’ai toujours aimé être le meilleur dans ce que je pratiquais. Petit j’ai fait du foot, mais je n’avais pas bien compris le système, je voulais le ballon. Donc j’ai vite été mis sur le banc.

Ensuite j’ai fait de la gym, ça m’a servi de base pour les aptitudes sportives.

Et ensuite c’était le sport à l’école, mais il me fallait être le premier en sport avec la meilleure moyenne. Pour mes parents c’était différent.

Les Secrets du Kayak : Quand tu es poussin tu t’entraînes deux fois par semaine ?

Maxime Beaumont : Oui c’est le mercredi et le samedi. Tu ne montes qu’une seule fois, et s’il y a tempête tu fais une activité de substitution. Soit un sport-co sur la plage, soit on allait courir, c’était plutôt des jeux.

Les Secrets du Kayak : Quelles ont été tes étapes au niveau des bateaux ?

Maxime Beaumont : Après le CAPS, c’était les bateaux club ce qui se rapproche des freelancer. Sauf que c’était tout fabriqué par le club, tu avais envie de passer rapidement cette étape.

Ensuite on avait des bateaux qu’on appelait allemand de l’est, des formes type Joker en bois. Mais ils étaient en résine.

Puis c’était le Orion, l’américain, et puis les formes d’aujourd’hui.

J’étais capable de monter dans des Orion dès benjamin et minime, mais en fait le club stoppait la progression pour m’apprendre à pagayer sur un socle stable, avant d’avoir un bateau plus instable.

Cette stratégie d’apprentissage que d’être sur un bateau stable pour performer et apprendre à pagayer est importante. Même si les jeunes veulent un beau bateau. Ce que tu apprends quand tu es minime est important quand tu arrives en haut-niveau.

Il faut prendre le temps de bien construire sa technique.

Les Secrets du Kayak : Jean-Pascal Crochet t’avait cité à la fin d’un podcast au sujet de la technique, tu lui aurais dit qu’il n’y avait pas de bonnes techniques, qu’il y a des fondamentaux, mais que tu cherchais toujours la meilleure technique pour toi ?

Maxime Beaumont : Oui. Il y a des bases comme la perpendiculaire de ta pagaie, mais il y a aussi des styles.

Regarde Guillaume Burger, Francis Mouget et moi même, on est tous les trois à une demie-seconde en K1 400m, donc on va quasiment à la même vitesse, mais techniquement on est différent. Par contre on a tous eu les mêmes bases.

Mon style est difficile à définir. Le style dépend de la souplesse de chacun, de nos capacités physiques.

Le touché d’eau est plus développé et fin chez Cyril Carré que chez quelqu’un qui est plus musculaire, qui compense par la puissance au lieu de la finesse et la dextérité.

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Les Secrets du Kayak : Tu avais des personnes qui te motivaient au club ?

Maxime Beaumont : Moi j’ai commencé en septembre 1991, et en août 1992 il y avait un certain Didier Hoyer, médaillé de bronze aux Jeux de Barcelone. Donc ça a été moteur.

Ensuite il a basculé en tant qu’entraîneur, donc quand il me conseille et qu’il me pousse vers le haut, je bois ses paroles !

Du coup je rêve de devenir champion olympique, mais je ne réalise pas encore tout le travail à fournir. La médaille d'or olympique c'est l'événement du canoë-kayak qui prouve que tu es le meilleur.

Mais en benjamin-minime je n’ai pas forcément gagné les compétitions. A ces âges là parfois tu as de grandes différences de gabarit et de puissance. Benjamin 2 c’était plus facile.

Par exemple je n’avais aucune chance face à Christophe Jacaton, il avait un an de plus que moi. Par la suite j’ai rattrapé mon retard.

Les régates minimes j’ai fait huitième. J’étais bon au niveau régional seulement en K1. En K4 oui, on avait fait quatrième. Je n’ai jamais fait de France junior non plus.

Sur mes quatre années cadet-junior je fais série remorque. En cadet je fais demi-finale, et hop remorque. Junior 1 série remorque à nouveau. Junior 2 je fais troisième, mais les sélections équipe de France étant plus tôt dans la saison, j’avais fait sixième ex aequo on a été départagé à la musculation, et du coup j’ai fait neuvième. Comme ils en prenaient huit, j’avais les boules.

Mes parents n’ont jamais voulu que je sois en sport étude. Ils étaient plutôt sur l’école privé. Donc je n’ai jamais intégré le système avant junior 2.

En junior 1 je faisais mercredi samedi et un ou deux soirs par semaine. Mais en junior 2 j’ai forcé auprès de mes parents pour aller au club tous les soirs, mais il fallait que mes résultats à l’école suivent.

Et comme tous les ans je progressais dans les chronos, je faisais mes stats, je gagnais des secondes tous les ans, c’est ce qui m’a aidé à continuer.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que dans ta famille la persévérance était de rigueur ?

Maxime Beaumont : Mes parents n’ont jamais été dans le sport, mais quand on commence quelque chose, on va au bout pour le finir, donc quelque part oui.

C’est difficile de comparer le domaine du sport avec un autre, mais par exemple ma sœur a fait du kayak en équipe de France un peu, mais elle a fait l’équipe de France junior. Elle a quatre ans de plus que moi donc elle a progressé rapidement dès minime.

En moins de six mois elle était cadette, et elle a de suite intégré le système avec les championnats de France…

Mais elle a stoppé pour ses études. C’était l’inverse de moi.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe pour toi après junior 2 donc après le BAC ?

Maxime Beaumont : Je fais une première année sur Boulogne-sur-Mer à la Fac, je m’entraîne tout seul, c’est galère. Ma sœur avait fait des études sur Lille, et je voulais faire pareil puisqu’il y avait un pôle espoir à Lille.

A Boulogne c’est un club très canoë. Donc les retours techniques kayak plus fins n’étaient pas là. Je suis arrivé à Lille en Licence 2 et j’ai intégré le pôle de Lille avec Emmanuel Voynet l’entraîneur de l’époque et ça a matché. J’ai été en équipe de France dès cette année là.

On était une dizaine avec trois ou quatre kayaks homme. J’avais un entraîneur avec moi, Emmanuel était quasiment mon voisin sans le savoir, donc on était complice.

Donc je me suis qualifié en équipe de France en moins de 23 et j’avais fait des sélections correctes. Tu partais directement le soir après les piges pour l’aventure. Moi j’étais arrivé à l’arrache et quand il a fallu partir c’était comique.

Mes modèles à cette époque c’était des gens à l’international.

Donc quand je suis pris je fais ma première compétition internationale en Belgique sur du K4. C’était plus ou moins comme je l’imaginais. Comparé à Boulogne-sur-Mer c’était structuré. Au niveau de la performance ce n’était pas dingue non plus.

Être en équipe de France c’était une marche de l’objectif rempli.

En rentrant de cette compétition tu te prends une petite claque dans la tête, tu mesure les secondes qu’il te manque pour être au top. Ensuite il faut préparer son plan de bataille pour savoir comment performer.

Soit tu es prêt à aller chercher cette différence de niveau, soit tu passes à autre chose. Moi il me manquait une approche qualitative de l’entraînement. Jeune j’étais très quantitatif, je ne réfléchissais pas à la technique.

J’ai eu une deuxième phase en mettant du qualitatif, puis une troisième phase où j’ai mis de la quantité de qualité. Et c’est ce qui est le plus important.

Mais la qualité devrait s’apprendre dès le plus jeune âge, du moins y être plus vigilant. Tout comme en musculation, ne pas faire de concours au kilo mais apprendre le geste parfait pour ensuite charger. Ça éviterait les blessures, les déconstructions pour reconstruire quelque chose de bien. Moi j’ai du déconstruire ma façon de pagayer.

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Les Secrets du Kayak : Te souviens-tu de ta première blessure et pourquoi c’est arrivé ?

Maxime Beaumont : Ma première blessure grave c’était une grosse entorse en stage, blessure bêtement arrivée en courant dans les escaliers.

Je ne me suis jamais blessé gravement en kayak. Toujours sur les activités annexes. L’année dernière c’était les ligaments de l’épaule en vélo. L’année d’avant c’était une cheville en marchant et en glissant. Un jour en sport-co je me suis fracturé le coude.

Sinon c’était plus jeune en junior avec des tendinites aux épaules avec les tests « 2min à 50 kg ». Moi ça me tuait les épaules, c’était trop lourd pour moi à l’époque.

Je continue de compléter ma préparation physique avec des activités annexes. J’essaie d’identifier des périodes plus propices si ce sont des activités à risque. Le ski de fond avec la préparation pour le 200m je l’ai arrêté mais je n’ai pas fait beaucoup de ski non plus par rapport aux autres.

Ces derniers temps j’ai essayé de ne pas couper complètement le kayak l’hiver, garder une EB1 et une EB2 sur un mois de pratique. Depuis quelques années en décembre et janvier on met l’accent sur la musculation, mais j’essaie sur deux séances de garder ce rythme avec un petit travail en vitesse et en puissance aérobie pour garder le contact sur l’eau. Je voulais perdre moins de temps à retrouver les sensations au retour de la saison.

Les Secrets du Kayak : Comment tu progresses en junior 2 après les compétitions internationales ? Comment ça s’enchaîne ?

Maxime Beaumont : Soit c’était des progressions niveau chrono, soit des progressions dans la hiérarchie.

En 2003 je me re-sélectionne en équipe moins de 23 ans, sur une coupe du monde on bat le K4 senior et du coup ça a foutu la merde.

A cette époque il y avait le Test Event d’Athènes, c’était l’échéance terminale des moins de 23 ans. Du coup ils nous ont envoyé là bas, les seniors aussi, et on était en piges les deux K4. Et comme on les a rebattu on s’est retrouvé aux championnats senior, un mois plus tard aux championnats du monde senior à l’arrache. On n'était pas censé y être programmé. Donc là il y a eu une réelle progression.

L’année d’après je n’ai pas fait de senior, je suis descendu en moins de 23 ans mais on est médaillé en K4.

Mes premières compétitions internationales en K1 sur 1000m ou 500m, c’était en 2010. Je suis le dernier pris sur le 1000m en équipe de France en 2010.

Christophe Rouffet le directeur des équipes de France de l’époque, me propose le K1 1000m à l’international avec l’esprit de dire d’aller chercher de l’expérience pour devenir meilleur en mono pour progresser et me spécialiser. Et ça a été une réussite, même si pour moi au départ je l’ai pris comme une punition.

Avec François During on avait bien bossé, j’avais aussi fait de la préparation mentale, et j’ai bien progressé jusqu’à devenir finaliste en championnat du monde. A la fin je suis huitième mondial et je deviens élite sur les listes ministérielles, et ça m’ouvre des portes pour les stages. C’est là que le très haut niveau a commencé.

De 2003 à 2005 donc j’étais au pôle espoir de Lille.

2006 je suis allé au pôle de Vaires-sur-Marne, ça été une catastrophe parce que j’étais étudiant à l’INSEP, il y avait très peu d’étudiants. J’avais des horaires à respecter et quand j’avais fini les cours il fallait que j’aille à l’entraînement à Vaires soit à 25 km de l’INSEP et je n’avais pas de voiture, et tous les autres étaient déjà partis.

J’étais tout seul, je ne pouvais pas vraiment m’entraîner et il n’y avait pas de système de navette comme aujourd’hui. Du coup je suis revenu sur Lille mais je n’ai pu faire qu’un an, donc je suis retourné en club.

Et de 2007 à 2010 j’étais en club, mes parents ne pouvaient plus suivre financièrement donc j’ai commencé à travailler en 2007. Tout d’abord aux char-à-voile en tant que moniteur grâce à mon BE kayak.

Au bout de deux ans le club m’a proposé un poste. Au début c’était du 35h. Donc j’essaie de m’entraîner le midi et après 18h. J’étais le dernier pris en équipe de France à cette époque là.

Et ensuite Didier Hoyer devient président du club, et j’ai négocié un mi-temps de septembre jusqu’aux piges. Si je passe on reste sur du mi-temps, sinon je rattrape mes heures sur l’été.

Je n’étais plus le dernier et j’ai pu m’exprimer à l’international, et obtenir des sponsors. On a réussit à monter une CIP locale avec toute les collectivités et quelques partenaires.

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Les Secrets du Kayak : Tu as commencé par te spécialiser sur le 1000m et le 500m ?

Maxime Beaumont : Oui. Il n’existait pas de 200 m olympique avant 2010. On avait une dominante 1000m en K1 K2 K4, alors que le 500m c’était K1 K2. Avec le bateau phare en K4.

Je l’ai tenté et j’ai été K1 1000m en 2010, 2011 je fais deuxième français en K1 1000m donc ça m’ouvre la porte du K4 français qui été champion du monde cette année là.

En 2011 en K4 ça ne marche pas si bien, avec un peu d’incompréhension des équipiers qui n’étaient pas reconduis. On se plante, je me fais débarquer en milieu de saison, je suis remplacé par le cinquième, et moi soit je repartais en 1000m ou bien en 200m.

En sélection nationale j’y vais en me disant c’est moi le boss et en fait en 500m j’explose complet, je suis septième, je voulais tout claquer. Le coach avait su me rassurer. Et au final j’ai réussi à gérer ensuite.

Avec ses conseils je suis parti en K1 sur le 200m. En plus les quotas arrivaient avec les championnats du monde. On a amené de plus en plus de sprint avec des séances spécialisées en gardant la trame du 1000m avec François During.

J’ai toujours bien aimé la vitesse, j’ai toujours été curieux d’essayer des nouvelles techniques de laboratoire, d’expérience d’entraînement. J’étais très acteur à cette époque, je me documentais, j’étais force de proposition.

Mes championnats du monde en 2011 en 200m je fais quatrième et j’ouvre le quota. Et en demi-finale je fais troisième, je me retrouve en finale. Les JO c’était en 2012, on s’est spécialisé sur le 200m avec François et je fais quatrième. Ça passait à pas grand chose pour la médaille.

Je me suis remis en question, je cherche encore ce qui a raté. Mais on ne peut pas la refaire donc bon...

Quatrième olympique tu restes anonyme, tu n’as pas de sponsors. Par contre quatre ans plus tard, ce sont les JO de Rio, je vais chercher les partenaires et j’entre dans le monde économique qui me permets d’avoir des partenaires.

Grâce au montage de la CIP comme le niveau augmente les subventions augmentent et ça enlève des heures de travail à faire. Je ne gagne pas ma vie du kayak mais ils participent à mon salaire.

J’ai tout donné pour les Jeux de Rio. C’est un brainstorming permanent, toujours en recherche d’améliorations techniques ou physiques. Je lisais les études sur le kayak ou la musculation dans le cadre du kayak.

J’essaie d’être au top partout à un point obsessionnel. J’ai trop voulu tout contrôler et être trop perfectionniste. Mais du coup pour Tokyo j’ai voulu l’être moins, mais je l’ai été un peu trop encore.

Peut être que les blessures peuvent venir de l’alimentation, du sommeil, du fait d’être moins obsessionnel, moins exigeant et ça peut faire la différence.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais des podiums pour les courses internationales avant les JO de Rio ?

Maxime Beaumont : Cette olympiade est formidable, sur chaque finale je suis médaillé.

2013 on est médaillé aux Europe, au championnat du monde, je me prépare sur le K2 200m avec Sébastien Jouve. Je laisse le mono de côté, on fait quatrième, on fait le 500m aussi et on fait troisième.

2014 c’était Moscou on fait troisième sur le 200m K2. Puis on fait le relais quatre fois 200m en K1 et on est médaillé. Et je me rend compte qu’en K1 je le passe en tête et que je suis dans le coup.

On a fait deux coupes du monde sur lesquelles je gagne le K1 200. Du coup je fais les championnats du monde K1 200m.

On fait quatrième en K2 et je fais deuxième en K1 au championnat du monde, donc on ouvre les quotas.

L’année des Jeux a été plus compliquée avec Sébastien Jouve, on voulait faire des médailles, on s’est un peu perdu en route. On termine septième aux JO.

On avait fait des trucs de dingues comme aller en piscine tester le nombre de coups de pagaie qu’on mettait dans les starts, on travaillait avec Ralf Hyppolyte sur les préférences motrices, on avait fait une vidéo sur les réflexes archaïques. On allait chercher tous les petits détails pour faire la différence.

J’avais fait du yoga après les JO de Rio, c’était le côté gainage souplesse qui m’intéressait. J’aime aussi le discours du Pilate qui pour moi est important pour le transfert de la force dans le bateau. Pour les jeunes et pour les enfants en EPS, pour moi c’est génial pour apprendre à utiliser ses muscles.

Je me suis fait des petits outils pour rester concentré sur moi, lié à la préparation mentale. De la visualisation j’en ai fait lorsque je me suis blessé. Je le couplait à la proprioception pour garder les stimuli.

Le but c’était avec le brainstorming de tout faire pour perdre le moins de temps possible, aussi essayer de développer d’autres choses que je n’ai pas l’habitude de faire en temps normal. Me renseigner sur mon matériel, creuser les choses. Tu prends le temps de faire toute ces petites choses procrastinées.

Les Secrets du Kayak : Comment tes bateaux ont évolué au fil des années ?

Maxime Beaumont : Depuis que je suis chez Nelo, je suis resté chez eux. J’ai évolué avec eux.

Et en terme de pagaie j’ai commencé sur une Bracia IV et ensuite c’est juste la longueur et la taille de pale qui ont augmenté.

Aujourd’hui je suis sur une Bracia I min une 805. Et je suis sur le Nelo Sete.

Je ne sais pas si c’est grâce au bateau, mais j’ai progressé. En 2019 sur le 200 j’ai fait un mini-max, mon best-time de tous les temps : 33'85''.

Ma Vmax de tous les temps doit être autour de 6,55 m/s. Donc ça doit faire un peu plus de 23 km/h.

Les données récoltées par le mini-max sont ultra précises, diverses et permettent vraiment de relever tous les paramètres possibles et inimaginables pour mesurer ta progression.

Le motionize est similaire je l’ai aussi testé. Je le trouvais intéressant. Je me suis aperçu que mon coup de pagaie n’est pas symétrique. Mais la puissance dégagée est symétrique.

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Pour revenir aux Jeux de Rio quand je fait deuxième c’est la déception, j’étais venu pour la médaille olympique. J’ai mis un petit temps à trouver le sourire. Après quand tout arrive tu savoures, mais sur le coup c’était la déception. J’ai du me remotiver quasiment presque de suite lorsque je suis monté sur le podium en voyant mon fils en face de moi.

Après ces JO j’ai eu des sponsors, mais j’en fait trois-quatre gros et ensuite ce sont des petits. Mais je suis allé les chercher. Stratégiquement, je me suis fait inviter sur un match de foot et de basket et c’est là que je me suis aperçu du vivier de sponsors qu’il y a dans le sport pro.

Et on accroche facilement et il n’y a pas le filtre de la secrétaire. Tu sympathises directement avec eux. Du coup je me suis pris un abonnement et je me suis fait recommander pour intégrer la partie VIP afin de rencontrer des gens et me faire aider par un réseau.

Ça a été très facile dans les deux ans de la médaille. Mon parcours les touchait. Mais après la notoriété s’efface un peu avec le temps. Maintenant j’ai des gens qui sont là pour vendre ton image en se prenant un pourcentage sur ce qu’ils te décrochent.

Entre Rio et Tokyo, ça été un peu plus compliqué du fait de blessures, de difficultés personnelles et professionnelles. J’ai commencé à douter de mes capacités à être bon sur le 200. J’ai fait plein de tests pour savoir quelle discipline serait la plus propice à décrocher une médaille.

Lorsque les JO ont été reporté d’un an, au moment de l’annonce ça été un soulagement. Je ne me voyais pas préparer les JO avec le confinement strict tel qu’on l’avait connu.

Ensuite je me suis dit que ça nous laissait plus de temps pour nous entraîner. Ensuite je me suis blessé, et je n’ai pas retrouvé de bonnes sensations comme avant la blessure.

Les Secrets du Kayak : J’ai entendu dire que tu avais un ergomètre KayakPro ?

Maxime Beaumont : Oui, et je vais être franc avec toi il est encore dans le carton. J’avais eu un Dan’s Sprint avant le confinement, et je n’ai pas trop aimé.

C’est surtout le fait qu’il n’y avait pas le petit chariot qui bouge. L’objectif c’est de faire avancer le bateau, et pour moi tu pouvais vite tomber dans des travers.

Et c’était compliqué que de tendre les cales pour avoir un bon retour.

J’avais essayer la machine à pagayer de Franck Le Moel, et j’avais bien aimé. Je l’avais acheté en vue d’un nouveau confinement, mais je préfère naviguer sur l’eau même en cas de tempête.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu vécu les Jeux de Tokyo ?

Maxime Beaumont : Je les ai bien vécu, mais ils étaient particuliers. Il n’y avait pas de public, pas de média présent, des protocoles sanitaires quotidiens, une vigilance importante.

Après moi je n’ai pas de psychose liée au covid. Je me sentais en sécurité, les japonais avaient vraiment mis en place des process rassurants.

Les JO c’est un événement énorme mais ça reste huit bateaux qui s’affrontent dans huit couloirs.

Au réfectoire tu avais une vitre entre chaque personne, à la salle de musculation tout était bien séparé. Les visites se faisaient en bus mais je trouvais que ça a été bien géré, c’était génial mais tout a été fait pour que tous se passe bien.

Les gens étaient extraordinaires pour ceux qui étaient contents que les Jeux aient lieux. Mais tu avais aussi des personnes prêtes à dégainer une photo si tu avais le malheur de dégager ton nez de ton masque. Il y avait de tout. Mais ça ne m’a pas stressé plus que ça.

Les Secrets du Kayak : Quelle suite pour toi à présent ?

Maxime Beaumont : C’est la question du moment !

Le 200m ne sera plus aux Jeux, je vais me laisser le temps de réfléchir, faire le bilan de cette olympiade pour une neuvième place aux JO.

Si je repars c’est pour prendre du plaisir sur l’eau, avoir un entraînement et une vie écologique en matière sanitaire. Et puis avoir une performance à la fin. Le projet m’attire, mais je veux voir s’il est viable.

Aujourd’hui je suis formé entraîneur et pour en avoir discuté avec le staff ça peut les intéresser. Il faut que je réfléchisse. Il faut s’investir et le faire dans un système dans lequel je ne me retrouve pas à tous les niveaux, ça dépend de ce qu’on me propose si c’est en adéquation à mes valeurs et ceux en quoi je crois.

Donc pour le moment je termine la saison avec les championnats du monde fin septembre. Ensuite je vais faire un break jusqu’à la nouvelle année en kayak, mais je vais continuer à m’entraîner.

Et j’ai envie de courir un marathon, le faire une fois dans ma vie. Peut être début novembre à Barcelone. L’idée c’est de le finir, sans prévoir de temps. Je pense que ça devrait tourner sous les quatre heures.

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Les Secrets du Kayak : Quels conseils tu donnerais à ton toi de vingt ans ?

Maxime Beaumont : C’est une bonne question. Je lui dirais que chaque détail compte.

Quand j'étais plus jeune : la préparation mentale ne servait à rien, le kiné non plus, tout ce qui était dans le détail de la performance je n'étais pas dedans.

C’est un tout au contraire, il faut aller chercher tout, tout le temps. Si tu travailles tout, à la fin la progression sera plus importante.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu’il y a un film, un livre, un documentaire qui t’a inspiré ?

Maxime Beaumont : Moi j’aime bien la saga Rocky, c’est quelque chose qui résonne en moi au niveau des valeurs véhiculées dans le film. Savoir se relever. Et le côté du système quand tu as gagné qui fait qu'on te met sur un trône et tu perds l’envie de te battre.

Et moi suite à Rio, c’était un peu ça. Plus personne ne me contredisait, ou bien ne me donnait un conseil sous prétexte que j’étais champion. Tout tourne autour de toi et c’est là où tu perds la niak et la folie que tu avais.

Vous pouvez retrouver Maxime sur son compte Instagram.

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