Interview : Nicolas Lambert

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Nicolas Lambert en juin 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Nicolas Lambert : Tout va bien, je suis au Grau du Roi et il fait beau comme toujours.

Le site est placé sur les canaux à un kilomètre de la mer, donc on a la chance de faire les deux pratiques.

Il y a deux boucles de 15 et 20 km sur les canaux et sans portage.

Il fait souvent beau, rarement du vent. Et l'hiver il fait 10°C.

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Les Secrets du Kayak : C'est mon premier podcast au sujet du surfski, et je voulais revenir sur toi, ton parcours et ta découverte.

Nicolas Lambert : J'ai commencé à 8-9 ans avec l'école pour essayer l'aviron et le kayak.

Ça m'a plu, j'ai continué en stage libre et ensuite le club s'est formé après les jeux méditerranéens de 1993.

Ils ont ensuite ouvert la pratique à la course en ligne, et aujourd'hui à l'Ocean Racing.

En France, à l'époque l'Ocean Racing n'existait pas. Il y avait son dérivé les Merathon. Des courses sous forme de triangles, et tu faisais un certain nombre de tours.

Ça vient de l'Australie, où ça existe depuis vingt ans.

Mes premières courses c'était en 1998 en cadet, ma première coupe de France.

Avant ça, on avait hérité de bateau de courses en ligne, avec le savoir faire. J'ai commencé sur des bateaux plastiques scolaires. Et ensuite on passait sur des bateaux plus fins, léger.

J'ai persisté, et donc j'ai commencé par la course en ligne avec les régates de l'espoir, et j'ai bien vu que j’avais des qualité pour la longue distance.

Tout simplement parce que je faisais facilement des entraînements de 15 km. C'était un effort que j'aimais bien, que c'est une activité non traumatisante. C'était un sport de plein air. Ce n'est pas que je n'aime pas la musculation, pour performer il faut en faire.

Mes bornes, c'est pour m'aérer l'esprit et évacuer les tracas du quotidien.

Je me suis essayé un peu à la vitesse, en junior je me suis rabattu sur les sélections équipe de France. On gagne avec Aurélien Vernier mon coéquipier en K2 marathon. Et l'équipe en place nous débauche pour les championnats du monde junior. On s'est entraîné pour y aller. C'était les tout premier en 2001, on fait onzième.

Au Grau du Roi je n'avais pas de référence, pour me tirer vers le haut et me guider. J'étais isolé, mon seul repère c'était les championnats de France, pour repousser mes limites.

Puis j'ai fait mes premières compétitions internationales et j'étais plutôt bien placé sur la longue distance. Et finir onzième c'était une conclusion de notre travail, sans référence le marathon c'était tout nouveau.

Et ensuite on a eu Cyril Carré et Étienne Hubert qui ont montré que la voie en junior était belle, pour avoir de bons athlètes et de belles performances ensuite.

J'avais un problème en marathon, j'avais des crampes, malgré tous mes efforts d'alimentation et d'hydratation. Passé les 20 km je survivais les 5 derniers kilomètres pour finir.

Je ne me voyais pas rajouter dix bornes de plus pour passer senior, avec des crampes. Je l'ai tenté, j'ai du faire deuxième en k1 très loin du premier. Ça ne me plaisais pas de le faire dans la souffrance. Et en même temps l'Océan Racing naissait et m'a permis de m'y préparer.

Ce problème de crampes je l'ai résolu en ne faisant pas un semi à bloc. Je pars moins vite. Le marathon c'est une course de contact. Donc si je vais doucement je ne suis pas dans le peloton et je ne profite pas de l'inertie du groupe. Donc je me tire une balle dans le pied tout seul.

C'est comme en vélo, il faut profiter de l'aspiration. Donc je pars bien dans le départ, pour bien se placer et s'économiser. Et si ça va trop vite, je fais tout pour ne pas exploser. Mais avant j'étais comme Romain Marcaud, je préférais passer ma course à rattraper les autres.

Les Secrets du Kayak : Comment se passe ta découverte du surfski, tu savais quel matériel acheter ? Ou tu t'es jeté en mer et tu attendais de voir comment ça se passe ?

Nicolas Lambert : Au début les bateaux ressemblaient aux bateaux de descente avec un gouvernail derrière. Ça rendait le bateau pas du tout directeur.

Avant les années 2000 ils étaient pontés, et ensuite les surfski sont arrivés ils étaient auto-videur, donc plus sécurisant.

Ma premiers souvenirs de surfki, si je prends mes premières séances je n'aimais pas le sable qui frottais sur la fibre. Puis on est arrivé sur les bateaux suivant, et encore heureux ils sont vite arrivés avec un gros potentiel, mais cela tronquait les courses format français car on avait qu'un bord en surf.

On a organisé les championnats de France en 2000, mon club a été facilitateur pour organiser des courses. Donc on s'est engagé sur ces formats, et j'ai fait deuxième en junior. Et je me prends sept minute par Benoit Leroux. Lui avait un des premiers surfski.

L'année d'après j'ai fait l'impasse, j'ai attendu d'être équipé, pour faire deuxième à deux secondes du premier, Gaetan Séné. Donc c'était pas mal. Je me suis lancé comme ça.

J'ai eu beaucoup d'entraîneurs mais j'en perdais beaucoup aussi. Je faisais mes entraînements en course en ligne l'hiver, l'été en surfski. Et quand il y a l'opportunité d'une belle navigation, avec de belles conditions de navigation en downwind... on part d'un point A pour arriver à un point B avec les éléments dans le dos favorables.

Les Secrets du Kayak : J'ai l'impression que la technique n'est pas la même en course en ligne et en surfski, tu parles de transvaser un peu les deux. Pourrais-tu m'expliquer les différences techniques ?

Nicolas Lambert : La gestuelle est la même pour moi, j'utilise la même pagaie, j'enlève juste de la taille. Quatre à cinq centimètres, mais je suis grand assis. Je suis en 2,14m en course en ligne et 2,08 m sur de l'océan racing, car on est plus bas sur l'eau.

La bascule du bassin par la rétroversion et l'antéversion est difficile. Souvent c'est le problème lors du changement de bateau. En surfski on cherche à alléger la pointe avant, donc on met le bassin en arrière. Mais j'adapte chacun de mes surfski avec une mousse pour tendre vers la position de la course en ligne.

Après on a des pédales, donc lors d'une poussée de jambe on pousse que sur les talons, alors qu'en course en ligne tu pousses à plat.

Mais je conseille de faire du kayak de mer pour améliorer la technique en fonction des éléments. Tout le monde sait pagayer sur un bassin parfait, sur un bassin mouvementé c'est une autre histoire.

La rotation est là mais moins importante en surfski. Il est impossible d'avoir un siège tournant par exemple. On a peu de glisse au niveau des fesses, la rotation et le pédalage sont davantage limités qu'en course en ligne.

Tu ne peux pas tendre à fond les jambes, donc tu ne peux pas enchaîner la rotation du haut du corps. Les mollets vont toucher les rebords bombés, qui te protège de la submersion des vagues.

Ça permet de tenir le bateau autrement que par les fesses. Tu vas utiliser les hanches, les ischios, les mollets, tu tiens donc mieux ton bateau.

Moi je n'aime pas avoir besoin d'un chausse-pied pour embarquer dans mon bateau. Le pédalage amène des frottements sur les cales-hanche. Si on est trop serré, avec le sel, les irritations deviennent très vite des plaies.

Tu as des sangles comme en course en ligne pour tenir tes pieds, mais il ne faut pas trop la serrer, pour que tu réussisses ton départ depuis la plage. Il faut un juste milieu.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu retrouves les mêmes sensation entre la course en ligne et le surfski ?

Nicolas Lambert : Les surfski ne sont pas normés comme les bateaux de course en ligne. Tu as le droit à toutes les formes sauf convexe et concave. En gros tu as plus de volume, de surface, de longueur, on se rapproche des avirons.

Les bateaux sont performants en inertie. En réactivité, ils le sont moins. Mais sur des vitesses de train c'est très économes sur des longues distance, je choisis le surfski.

Après si sur la course tout le monde est en course en ligne je pars en course en ligne, mais sinon j'utilise mon surfski.

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Les Secrets du Kayak : Depuis quelques temps j'ai l'impression que la longueur des surfski diminue. Tu as pu en tester récemment ?

Nicolas Lambert : Il y a deux logiques. Si tu pars sur des mers océaniques où tu vas surfer la houle, je vais plutôt rechercher un bateau parmi les plus long, soit environ 6,50m.

Si on a des formats de course type méditerranée ou en eau intérieure, où on a plutôt des mers de vent, qui ne sont pas fossiles, qui sont instantanées, c'est à dire que c'est la force du vent qui va lever les vagues comme à Annecy, donc des vagues rapprochées, c'est là où les bateaux courts matcheront mieux.

J'ai longtemps eu un bateau entre-deux, très polyvalent, qui m'a permis d'exploiter tous types de mer, sauf qu'il ne permettait pas d'exceller sur des mers océaniques. Sans doute un peu trop lourd, je n'avais pas assez d'inertie pour avancer. Surtout sur des courses internationales. Donc je suis revenu chez Fenn pour m'équiper. Je m'adapte au format de la mer.

Les Secrets du Kayak : Il semble y avoir de plus en plus de marques de surfski. A l’international ça se voit, ou bien les pratiquants sont tous dans un Fenn ou un Nelo ?

Nicolas Lambert : Au début de la discipline, c'était Fenn et Epic. Après il y a eu les marques de course en ligne. L'avantage aussi de voir apparaître des bateaux plus petits, c'est que ça passe dans les conteneurs.

Si on regarde la carte du monde il y a d'avantage de mer, donc il y a plus de produits de surfski. Tu peux en faire en rivière en eau calme, ils sont sécuritaires. Tu peux cloisonner ta vidange par exemple pour l'hiver. Et en mer tu peux l'ouvrir, comme par exemple avec Nelo.

C'est difficile de s'y retrouver tous les constructeurs s'y sont mis. Mais pour moi pour faire du haut niveau, il faut avoir plusieurs bateaux, un court, un long, un intermédiaire. Un peu comme sur des formats de slalom ou de descente.

Je pense que pour commencer tout surfski se prend. Ensuite tout dépend de ce que tu vas vouloir faire.

Quand j'essaie un bateau et que j'ai de bonnes sensations, parfois elles sont tronquées, la vitesse n'est pas là. Quand j'ai un doute, je me fais prêter le bateau et je fais des parcours slalom que j'ai en référence pour comparer avec mon bateau actuel.

Les Secrets du Kayak : Comme tu le disais, le surfski étant plus bas, j'ai l'impression que c'est beaucoup plus stable, que le bateau de course en ligne. En tant qu'entraîneur je suppose que tu vas me le confirmer ?

Nicolas Lambert : Oui aujourd'hui, mais je n'étais pas convaincu à l'époque sur mes premiers surfski Fenn. Pour moi ils étaient aussi instables à l'époque. Au début je raisonnais comme un débutant, pour que le bateau aille vite il fallait qu'il soit fin, effilé pour pénétrer l'eau.

Mais il faut des capacités pour la stabilité, pour performer sans subir le plan d'eau, pour faire avancer son bateau. Le volume joue beaucoup aussi, pour moi c'est intéressant de l'avoir derrière soi pour que la vague prenne appui.

C'est un équilibre de toutes les composantes, en plus de la longueur et de la largeur. Et c'est pour cela qu'il en existe des modèles si différents.

Il ne faut pas y passer du temps, il faut se lancer, tester, se connaître, et trouver le bateau adapter à son choix de pratique. Il faut chercher la stabilité avant toute chose.

Chaque année je vais en Guadeloupe faire un camps d'entraînement et il y a une course de 50km. Tu avais cité Oscar Chalupsky un peu plus tôt, il s'est aligné avec un bateau Nelo 510 en plastique et sur 50km je ne lui ai mis que 10 minutes. Ce n'est pas forcément le bateau qui fait avancer. Il faut aussi savoir lire les vagues. Ça en a été la preuve.

Et c'est ce que je fais avec mes jeunes, j'utilise ce type de bateau pour les accompagner.

Les Secrets du Kayak : De ce que j'ai pu lire, la lecture du plan d'eau c'est plutôt ce que tu peux rencontrer en slalom ou en descente. C'est ce par quoi tu es passé ou bien tu as tout appris en pratiquant le surfski et en marathon ?

Nicolas Lambert : Le slalom je n'en ai fait que pour passer mon BE. Un peu tout petit. J'ai fait un peu de descente, c'est ce qui me rapprocher le plus de la ligne. Il n'y avait qu'un club de course en ligne dans le sud, donc pas dans ma région.

Donc si je devais me confronter sur des courses sans trop voyager, je faisais de la descente sur du plat soit sur les rivières. Mais à l'époque je n'avais pas les notions nécessaires à la lecture du plan d'eau.

Moi ce qui m'a plu dans le kayak, c'était le marathon de l'Ardèche, et tous mes souvenirs des courses que j'ai vu avec les bateaux lorsque j'étais enfant. Je voulais faire de la rivière. Et ensuite en mer j'ai appris à décoder le plan d'eau pour aller plus vite.

Moi ce que cherchais c'était la vitesse instantanée haute. Impossible de le faire pour un ligneux. Aujourd'hui je cherche des vitesses moyennes hautes, la finalité c'est la continuité de la vitesse moyenne. Il faut soigner ses transitions, gérer la houle pour créer la survitesse et la garder. Il faut aller doubler une vague.

Maintenant aux JO, il faut soigner ses transitions mais il faudra aussi être capable de doubler la vague que son adversaire n'aura pas doublé. Il faut avoir le feeling, mais aussi la technique. C'est comme en vélo en fait.

Les Secrets du Kayak : J'ai l'impression que le nombre de courses explose au niveau professionnel. Il y a une hausse du niveau des athlètes de mieux en mieux préparés ?

Nicolas Lambert : Oui, les athlètes qui performent en international souvent ils viennent du marathon. Donc le niveau d'exigence est revu à la hausse. Après à ma connaissance se sont des courses primées, il y a des price-money souvent dans les îles. Donc ça amène du monde, des curieux qui reviennent.

La discipline plaît. Au Grau-du-Roi, on a fait le choix de l'Ocean Racing et du marathon parce que c'est là qu'il y a de la concurrence. On est éloigné des bassins de sprint, donc on a fait ces choix là.

Mais l'olympisme fait rêver mes pépites. On est des passionnés comme toi, on est content de faire connaître notre sport. D'office nos jeunes sont sélectionnés au championnat de France, on aime être nombreux et partager, pour fédérer cette communauté de surfski.

Et le surfski peut se retrouver dans toutes les courses longues, je pense notamment à la course de la Dordogne sur 130 km. En plus tu portes ton bateaux comme tu veux. Mais tu t'adaptes à tes adversaires, s'ils s'arrêtent ou pas.

Il y a des ravitos tous les 20 km. Les portages obligatoires seront sur les 350 km pour les check-point médicaux, et des travaux possibles sur le parcours.

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Les Secrets du Kayak : En Ocean racing tu as été plusieurs fois champion de France, vice champion d'Europe. J'imagine qu'à tes débuts il n'y avait pas de coupe de France. J'ai vu qu'aujourd'hui il y avait un circuit de coupe du monde. Il y a tous les mois des courses primées. Quel est ton palmarès, et comment tu choisis tes courses ?

Nicolas Lambert : Au tout début on n'était pas nombreux, il y avait de la qualité mais pas de quantité. Que des personnes de valeurs. On a tous monté notre niveau ensemble.

Tous les ans, je faisais mon bilan pour reprendre ce qui avait marché. Ce sont des paris sur des tendances. Je me suis géré seul. Chaque année je mettais un pallier de plus, le niveau augmentait tous les ans. Il fallait suivre.

Ma première sélection équipe de France c'était une course de 30min, un contre la montre, pour aller à la première coupe du monde en 2004 en Afrique du Sud. Alors que les championnats du monde c'était 30 km. Donc rien à voir.

J'ai beaucoup appris, subi sur des éléments déchaînés. Donc je savais que j'y retournerai en ayant le bon niveau. Je me suis pris une heure par ce célèbre Oscar Chalupsky j'avais à peine 19 ans.

Maintenant, vingt ans après je suis à 4 min des meilleurs internationaux. Chez les français on est une grosse dizaine pour être dans le top trois aujourd'hui.

C'est comme le vélo, avec une étape de montagne il faut être fort. Il faut être le plus polyvalent possible.

Pour les différents circuits, on a la chance d'avoir un système de World Series, une sorte de coupe du monde, mais sans l'être. Elle n'est pas labellisée, mais cette course a le même cahier des charges.

Ensuite on a les coupes du monde officielles, depuis quatre-cinq ans, labellisées ICF avec un classement et qui permettent de se sélectionner pour les championnats du monde de l'année en question.

Les quarante meilleurs mondiaux sont d'office sélectionnés pour les championnats du monde hors quota nation. Il y a cinq quotas nations. Donc ça fait du monde. Pour la première il y avait 400 participants par exemple au Portugal, et c'est une course qui s'organisait tous les deux ans.

Depuis 2020, c'est tous les ans. Ça change la donne. Ça fait de belles destinations, ça fait voyager. Ça varie entre 20-30 km. Il y a des course XL de 40km avec des barrières horaires calculées sur les premiers.

La plupart des courses se font départ d'un point A arrivée à un point B. ça demande une certaine logistique. Mais avant c'était des aller-retours.

Aujourd'hui ça demande de l'organisation. C'est plus sympa quand tu as quelqu'un qui t'accompagne.

Pour choisir mes courses je réfléchis aussi à voir si ça vaut le coup au regard de cette logistique, si c'est pour faire de la route inutile ça ne me convient pas. Notre sport est proche de la nature, il faut que ça fasse sens.

Après pour la course, il vaut mieux se prendre le vent de face en premier qu'à la fin.

Les Secrets du Kayak : J'ai vu que pendant le confinement tu as fait la traversée jusqu'en Corse ?

Nicolas Lambert : Oui je me suis fixé un défi à défaut d'avoir des compétitions avec la Covid. Je m'étais fixé mes objectifs, et je ne voulais pas ne pas naviguer. Donc j'ai ressortis un vieux projet.

Me prouver que j'en étais capable. J'ai pris beaucoup de plaisir à préparer ce projet, pour une journée de traversée.

Mettre en place une stratégie de course et une tactique, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. S'adapter sans cesse... cette traversée me tenait à cœur. Tous les feux étaient au vert. Et en plus de ça, j'ai eu de la chance pour la météo.

Le mental était là.

Au début je ne voulais pas partager ce type de traversée afin de ne pas inspirer d'autres personnes. On parle d'une traversée relativement accidentogène. Tu pars en pleine mer, tu navigues de nuit.

Mais c'était un rêve, et je suis heureux de l'avoir partagé. Je voulais être sur une traversée sécurisée, je n'aurais pas pu le faire seul. Il me fallait une équipe pour la gestion des ravitos, de l’organisation.

Moi je n'avais plus qu'à pagayer. L'entourage fait beaucoup.

Les Secrets du Kayak : Quand je t'écoutes parler, j'ai l'impression que tu es un professionnel du sport ? Est-ce que tu te considères comme athlète de haut niveau ? Est-ce que tu pratiques d'autres sports en dehors du bateau ? Est-ce que tu pratiques la méditation, une hygiène de vie en particulier ?

Nicolas Lambert : Je vais faire des raccourcis qui me sont propres. La préparation mentale, je ne vais pas en faire comme quelqu'un qui va visualiser ses portes pour un slalom. Je ne vais pas visualiser ma course mentalement de A à Z.

Je vais essayer de minimiser les moments de flous qui vont me mettre en difficulté. Je prépare mon parcours. J'imagine mon surf de telle façon. C'est de la visualisation pour connaître les forces et les éléments en présence afin d'établir une stratégie.

Pour la PPG, j'adore les sport de plein air et faire des kilomètres. Donc mes choix sont au détriment de la musculation. Mais si je devais professionnaliser ma discipline, c'est vers cela que je tendrais.

Je ne suis pas officiellement athlète de haut niveau puisque la discipline n'est pas reconnue au niveau ministérielle. On espère le devenir. On prend le temps de structurer notre discipline.

En tous les cas j'optimise le temps que j'ai, que je gère en fonction de ma vie de famille et du boulot.

Même l'hiver au final je fais l'impasse de la musculation. Cependant j'amène mes athlètes vers la musculation, le footing, la PPG. Avec la Covid, je me suis remis à courir, de façon à maintenir le cardio.

En tant qu'entraîneur de club, je m'organisais aussi à faire faire à mes athlètes leur footing puis des temps en visio. J'ai la chance d'être proche de l'eau par mon métier. Moi l'été j'ai plein de groupes scolaires, des centre de loisirs... les journées sont longues et c'est compliqué de se mettre à l'eau après le journée.

Je vis de mon métier d'éducateur sportif, mais je ne vis pas de mes propres entraînements.

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Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu suis une alimentation stricte ? Puisque le poids des bateaux diminue. Es-tu dans l'état d'esprit d'être au kilo près sur ton poids ? Est-ce que ça peut jouer sur des longues distances ?

Nicolas Lambert : J'ai cette tendance que de tendre vers l'alimentation très saine. Je fais attention au quoi, pourquoi et comment.

Parfois je crée mes propres boissons énergétiques afin de ne pas me battre avec mon estomac. Certaines marques me ravagent.

Alimentairement parlant je m'alimentais pendant la course avec du sucre, puis quand je sature sur du salé. Sauf que lors de ma traversée j'ai de suite saturé en salé avec les embruns marins non négligeables, très perturbateur, que je n'avais pas anticipé.

Et si j'avais un conseil à donner aux gens qui se lancent dans un ultra, c'est de varier son alimentation et de la tester à l'entraînement. Et c'est le neutre qui passera à la fin, il faut penser à regarder le Ph de ses boissons pour préserver son estomac.

Je ne suis pas au top du top. Edwin Lucas lui performe en marathon avec Romain Marcaud, diététicien de renommée, il est venu en stage équipe pour mes jeunes pour les sensibiliser.

Je fais attention à mon poids mais pas dans l'excès comme il y a quelques années. À cette période, j'étais en dessous de 80kg et je n'étais pas au top de ma forme. Je subissais les éléments.

Un bateau très léger ça aide, mais comme il y a de l'inertie et une portance supérieure, mon objectif de poids c'est plutôt 82kg.

L'hiver je dois faire 86kg car comme tout le monde, j'aime manger. Pour pouvoir se priver, il faut du plaisir. L'été ça se prête bien pour manger moins lourd.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que les autres athlètes en océan racing ont ton gabarit ? Tu me sembles hyper lourd pour quelqu'un qui fait de la longue distance, non ?

Nicolas Lambert : J'ai l'impression que le champion du monde est épais, Cory Hill aussi, ils sont épais, mais je ne pense pas que ce soit leur objectif. Si tu prends McGregor niveau poids-corps-puissance il est au top.

Niveau français, je pense que je ne suis pas dans les plus léger ni dans les plus lourds. L'avantage d'avoir plusieurs types de bateaux c'est que tu choisis ton bateau pour la course en fonction de ton gabarit.

Et comme tu as les éléments souvent dans le dos, l'inertie fait beaucoup.

Je pense qu'il y a d'autres facteurs à prendre en compte avant de faire de l'océan racing. Quand tu vas chercher des millièmes de secondes oui ça devient une obsession.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que pour toi ça s'est imposé naturellement de devenir entraîneur de kayak ?

Nicolas Lambert : Moi je voulais faire un métier dans le sport. Avec le temps, professeur d'EPS ne me plaisait pas. J'aime mon travail, je n'y vais pas à reculons.

Il ne faut pas compter ses heures, j'essaie d'y faire attention quand même.

Mon fil conducteur dans ma façon de faire c'est d'être facilitateur de performance.

Pourquoi je continue le haut niveau à trente huit ans ? Tant qu'on ne me met pas dehors, c'est que j'ai quelque chose à prouver. Je veux être sur le terrain, je montre la voie à mes jeunes, j'essaie de les inspirer.

Il faut vivre les choses pour les transmettre. Je ne vais pas exceller sur la technique pour de la course en ligne, sur les postures... je vais conseiller mais ça sera basique. En revanche pour le marathon et l'océan racing, je suis crédible.

Je continue de me faire plaisir, et continuer de partager tout ce que j'ai pu apprendre.

Aujourd'hui, j'entraîne tous les niveaux.

L'école de pagaie, on se partage à deux les jeunes. Moi je veux en faire des sportifs, puis des kayakistes. Et enfin soit on les forme pour retransmettre, soit pour faire du haut niveau ou presque du haut niveau.

Après je pars souvent sur de la relation entraîneur-entraîné. Il faut une confiance. J'ai besoin de connaître la personne, connaître son état d'esprit, ce qu'elle a dans le ventre.

J'accompagne mes athlètes depuis le début jusqu'à senior, où je leur fait comprendre qu'il faut aussi être acteur de leur préparation. S'ils font du haut niveau c'est facile, ça tend vers les entraînements équipe de France.

A ce niveau là, moi je suis juste là pour être un garde fou. L'individualisation pour moi se fait plus sur de la préparation physique.

Les Secrets du Kayak : J'ai vu que tu organisais des stages avant le confinement pour tes athlètes mais pas que. Est-ce que tu les organises régulièrement, et est-ce que tu organises des stages d'océan racing ?

Nicolas Lambert : Les stages se passent au calme sur des bateaux directeurs. La majorité des séances se font sur le plat, mon objectif c'est de pouvoir gérer tout le monde.

Le matin j'encadre le groupe qui va faire du 12 km/h sûr a minima, l'après midi je fais du tout venant sur du fractionné, j'accepte tout le monde à partir du moment où la personne à une licence.

Chaque intervenant va apporter sa pièce à l'édifice.

Sur la pratique en mer si on en est capable, il n'y a pas de soucis j'accepte, si on en est pas capable je n'ai pas peur de laisser du monde sur le bord, la sécurité c'est la priorité.

Toute personne doit être capable de remonter en autonomie. Je m'assure de la prise de risque, et tout dépend aussi des éléments le jour J.

Le stage est gratuit mais je fais toujours payer la navette, elle est à deux euros. Parce que souvent ce sont toujours les mêmes personnes qui prennent leur véhicule pour tirer une remorque etc...

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Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'il y a d'autres sujets que tu voulais aborder ?

Nicolas Lambert : Tu es le bienvenu pour faire de la mer. J'ai vu aussi que Babak était curieux de faire du surfski. Moi j'emmène des ligneux faire du k2. C'est un peu compliqué pour eux de savoir utiliser leurs hanches et être capable de jouer avec les gîtes, ça sera un axe de travail.

J'ai bien aimé son témoignage pour sa stratégie de course. Moi j'ai bien aimé, moi j'aime quand ils expliquent leurs stratégies ce qui se passe dans leur tête, ce sont des notions que tu nous amènes et c'est inspirant en tant qu'entraîneur.

A combien va Maxime sur des vitesses instantanées, à combien se gagne une course de fond ? Pour moi c'est parlant. On peut voir la marche à faire pour progresser. Tout ce qui est cadence de course, à combien va un k4…

Et il y a un sujet que je voulais aborder, c'est « apprendre à gagner ». Moi j'ai souvent été deuxième, mentalement je n'étais pas capable de gérer ça.

Tu fais tout pour gagner, mais ça ne matche pas. Il faut être capable d'optimiser son potentiel. Il faut trouver des objectifs réalistes pour grappiller au fur et à mesure les étapes pour devenir premier.

Et aussi tu disais qu'on manque de communication sur les réseaux. J'essaie d'en donner à ma manière. Mais sache que les championnats d’Europe d'ocean racing seront filmés et tous les championnats de France toutes disciplines confondues aussi dès l'année prochaine.

Le vecteur seront les drones. Et c'est ce qui permettra de faire avancer la discipline.

Jusqu'à aujourd'hui on avait que les bateaux à moteur pour filmer mais ça démolie les plans d'eau. Donc les drones et la technologies vont permettre de nous faire avancer.

Vous pouvez retrouver Nicolas Lambert sur sa page Facebook.

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