Interview : Yann Gudefin

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Yann Gudefin fin février 2021.

Les Secrets du Kayak : Comment vas tu aujourd'hui ?

Yann Gudefin : Ça va de mieux en mieux, merci !

Les Secrets du Kayak : Que fais-tu dans la vie ?

Yann Gudefin : Je suis entraîneur pour la fédération française de kayak au pole France de Vaires-sur-Marne.

Je suis responsable des catégories jeune U15 et U18 au niveau national sous la responsabilité du head-coach, depuis 2017.

Pour être un bon entraîneur, je pense qu'il faut avoir été un athlète curieux, mais pas obligatoirement un immense champion.

J'ai en tête quelques noms de très bons entraîneurs qui ont fait des carrières honorables sans avoir été pour autant multi-médaillés ou titré.

Les Secrets du Kayak : Quel a été ton parcours ?

Yann Gudefin : Je viens de l'eau vive.

J'ai commencé le kayak sur la rivière, puis en m'inscrivant au club de Vaulx-en-Velin, je me suis orienté sur la discipline principale du club qui était le slalom.

J'ai eu des résultats nationaux honorables mais pas exceptionnels.

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J'ai basculé par la suite sur la course en ligne.

J'étais en formation à Lyon dans un master d’entraînement sportif, j'étais curieux de voir les débouchés de ce diplôme.

Sur le pole espoir de Tours il y avait un poste vacant, et voilà.

Historiquement, c'était une structure qui accueillait de la course en ligne. Ils avaient en projet de développer le slalom, donc ça me correspondait bien.

Ainsi, j'ai fait mes débuts en course en ligne.

J'ai rencontré les personnes qui étaient en charge du dispositif Olympique HOPES lors de mon arrivée.

Ces compétitions internationales pour les U15-U17 sont le support de formation des entraîneurs.

J'ai ainsi amorcé une entrée sur la dimension fédérale.

Puis de fil en aiguille les équipes juniors, puis postuler pour être entraîneur national.

Les Secrets du Kayak : Ton mémoire de licence indique que tu avais l'ambition d'aller aux Jeux. Pourquoi n'as-tu pas réussi cet objectif ? Et si au contraire tu l'avais atteint, serais-tu devenu entraîneur ?

Yann Gudefin : Je me suis souvent posé cette question, sans avoir la réponse.

J'étais dans un groupe d’entraînement très intéressant avec beaucoup d'émulation entre 18 et 23 ans.

On n'avait pas forcément d'entraîneur, ça manquait un peu de cadre.

Avec le recul, je ne suis pas très précoce dans mes projets, il me faut du temps.

Or cette nature ne matche pas forcément avec le système de détection qui lui au contraire met en lumière les jeunes prêts.

Ça se joue à peu sur les sélections, c'est ce petit manque de maturité qui fait la différence.

Je n'étais pas assez fort tout simplement pour me permettre de basculer sur la bonne sélection au bon moment.

Avais-je les qualités naturelles pour une discipline slalom courte et lactique ?

Maintenant, je me connais mieux et j'estime que je suis meilleur sur des efforts longs.

Pour preuve, lorsque j'étais jeune sur la partie hivernale, il y avait pas mal de séances sur lesquelles j'étais très bon.

J'ai rapidement pris la fibre de l'encadrement, de l’entraînement.

Au clubn il y avait un système d'encadrement qui fonctionnait bien avec les plus âgés.

Lorsque j'avais 12-14ans, c'était toujours ces athlètes plus âgés qui nous transmettaient, nous emmenaient sur les compétitions, nous faisaient démarrer le kayak...

Lorsque j'ai débuté mes études de STAPS au départ, c'était pour être professeur d'EPS, puis rapidement j'ai compris que faire faire du sport à des personnes qui n'en avaient pas forcément envie ne me passionnerait pas.

Donc je pense que quelqu'aurait été l'issue de ma carrière sportive, j'aurais tôt ou tard embrayé vers une carrière d'entraîneur.

J'ai passé une licence et un master en entraînement, un brevet d'état premier et deuxième degré, c'était décidé, je voulais être entraîneur !

Les Secrets du Kayak : Cela a été difficile de trouver un poste ensuite ?

Yann Gudefin : J'ai trouvé facilement.

Lorsque j'ai postulé au pole espoir de Tours, nous n'étions que 6 ou 7 candidats.

Je me suis démarqué peut être par mon profil slalom alors qu'ils voulaient précisément développer cette discipline au sein du club, ça a peut être joué en ma faveur.

Cela a été plus facile que ce que je pensais finalement pour trouver un poste, car à l'approche de ma fin d'étude, j'angoissais un peu de la suite en effet.

L'entrée dans le monde du travail, je voulais qu'elle se fasse par un poste d'entraîneur et non par un poste alimentaire pris en solution de secours faute de mieux.

Il y a tout de même quelques offres d'entraîneur régulièrement sur le site de la fédération, certains clubs cherchent des profils spécifiques.

Nos postes d’entraîneur coûtent de l'argent et donc reposent sur un modèle économique de club déjà viable.

Les Secrets du Kayak : Tout ceux qui atteignent le haut niveau ont eu un parcours scolaire aménagé. Toi n'ayant pas été estampillé haut-niveau assez jeune, tu n'as pas bénéficié de cet aménagement ?

Yann Gudefin : J'étais quand même en pole espoir pour la dernière année junior.

Ensuite en STAPS, je me suis fait moi même mon aménagement sur les conseils de mes entraîneurs du moment.

J'avais une dispense d'assiduité à la faculté de Lyon, ça me permettait de passer le temps souhaité dans mon bateau.

Les Secrets du Kayak : A quel âge as-tu commencé ?

Yann Gudefin : Difficile à dire.

Issu d'une famille axée sur le sport de plein air, j'ai rapidement pratiqué le kayak, la randonnée, la spéléologie, l'escalade etc... avant mes 10 ans.

Mon premier souvenir de kayak, c'est la Vague du Rabioux avec mon père dans un très grand kayak qui fait des chandelles, les figures de freestyle d'il y a 40 ans. Ca m'impressionnait !

J'ai commencé le club à 11 ans. Il y a eu une longue période où j'étais dans une pratique libre, familiale.

J'ai appris à esquimauter en dehors du club !

En m'inscrivant, je voulais avant tout pratiquer.

C'était un club compétition donc j'y suis venu forcément.

L'esprit groupe, collectif avec l'aspect compétition, les deux réunis m'ont tout de suite séduit et j'ai accroché définitivement.

Je n'en ai pas le souvenir précis de mes premières ambitions de haut-niveau.

Je me souviens des grands du club qui étaient en équipe de France, qui voyageaient pour participer aux compétitions, ça, ça me vendait du rêve.

J'étais en cadet-junior. Sans particulièrement avoir envie de faire comme eux, mais ça me paraissait être la suite logique.

C'est devenu plus concret lorsque j'ai eu mes premiers résultats correctes en régional et national.

Le haut-niveau a pris forme avec le temps et la montée de mon niveau.

Les Secrets du Kayak : A tes débuts d'entraîneur tu voulais encadrer quelle discipline ?

Yann Gudefin : Si on m'avait dit que je deviendrais entraîneur course en ligne, je ne l'aurais jamais cru !

J'ai souvenir de l'examen pratique du brevet d'état second degré où il faut réaliser une performance en course en ligne... Je ne comprenais vraiment pas le sens de la démarche... Je crois qu'il fallait faire moins de 2'04'' aux 500m il me semble sans certitudes.

Malgré tout, on avait une culture multi-disciplinaire.

On pratiquait la descente, on avait un K2, on faisait le marathon de l'Ardèche, on utilisait le K2 à l’entraînement...

Il y avait une notion de polyvalence.

On s'est mis à faire du canoë pour être bon en kayak, faire du canoë biplace pour amener de la variété en début de saison et aussi amener des points au club pour le classement inter-clubs.

Cette notion de polyvalence dans l'activité était amorcée.

En postulant à Tours, j'avais conscience que j'allais devoir entraîner en course en ligne.

Ça ne me faisait pas peur, je l'ai vu comme un challenge.

La structure du pole espoir à ce moment là n'était pas au top, il y avait tout à faire ou à relancer.

Les Secrets du Kayak : Avec ta polyvalence, ca a été facile de tenir dans un kayak de course en ligne les premières fois ?

Yann Gudefin : Facile, non. Au fil de mon parcours, j'ai construit petit à petit mon équilibre dans un bateau très stable.

En slalom, l'eau vive apporte une certaine instabilité, plus tu vas réaliser des figures complexes, plus tu vas jouer avec ton équilibre et te retrouver dans des postures pour lesquelles quelqu'un de très bon en course en ligne va se dire qu'il n'est pas du tout stable.

Idem en descente, un bateau de descente est très stable par rapport à un bateau de course en ligne mais dans une rivière à volume par exemple la notion d'instabilité va avoir une nouvelle composante.

A mes débuts en course en ligne, je suis assez peu tombé à l'eau.

Je me souviens d'une fois en course à Libourne, il faisait bien froid, je n'avais pas voulu enlever les manchons au départ de la course, j'avais beaucoup transpiré, résultat fausse pelle au départ : baignade !

Les Secrets du Kayak : Le bagage pour devenir entraîneur c'est un BE1 et BE2 ?

Yann Gudefin : A l'époque, oui c'était un brevet d'état.

La culture fédérale, je l'ai eu tout de suite, j'ai passé initiateur fédéral, la base : apprendre à embarquer à quelqu'un, l'éveil de l'activité.

L'été, je travaillais un peu avec ça en encadrant des scolaires ou des colonies pendant 2 ans.

Et ensuite la formation très scolaire avec la faculté puis les brevets d'état.

Le BE2 que j'ai eu d'ailleurs par équivalence grâce à la licence, il ne me restait que des parties spécifiques à valider.

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Les Secrets du Kayak : Tu gères à la fois l’entraînement sur l'eau et la préparation physique ?

Yann Gudefin : Oui, dans le milieu du kayak beaucoup d'entraîneurs ont la double casquette : l’entraînement spécifique et la préparation physique, même si nos connaissances en préparation physique restent assez vagues comparé à un préparateur physique dont c'est la spécialité et le métier.

Cependant, on a une vision claire de ce qu'on l'attend de la préparation physique pour servir le kayak.

Lorsque je suis arrivé à Tours, j'ai longtemps fait les deux activités, même lorsque j'étais entraîneur national.

Mais aujourd'hui, on a franchi le cap de faire appel à un préparateur physique dont c'est le métier, et qui va apporter un œil nouveau sur ce qu'on proposait déjà grâce à de nouvelles méthodes et approches de se préparer pour l'activité.

L'entraîneur a son rôle à jouer pour faire l'intermédiaire entre tout ça, pour apporter du sens à la préparation physique en salle, apporter la notion de transfert sur l'activité, notamment chez les jeunes leur expliquer pourquoi on fait et quel bénéfice ça va leur apporter sur l'eau.

On est sur un public de pratiquants de sport de pleine nature, donc la musculation ne les intéressent pas vraiment, c'est parfois compliqué de les motiver à pratiquer la préparation en salle.

Aujourd'hui, on sait que la musculation est bénéfique à la performance, il faut donc expliquer le pourquoi et donner du sens pour motiver les athlètes à y passer.

Les Secrets du Kayak : Combien de temps as-tu mis pour avoir les premiers résultats avec tes athlètes lors de ton arrivée à Tours ?

Yann Gudefin : Le temps que la structure monte en puissance, après deux ans, les résultats commençaient à être bons.

La troisième année, nos athlètes commençaient à intégrer les équipes de France slalom, course en ligne et descente.

Des résultats à l'international, des médailles en descente, des bons résultats en slalom, des finales en championnat du monde.

En course en ligne, ca a été un peu plus compliqué c'était dans le très bon niveau français, mais ça ne suffisait pas à décrocher des médailles.

Les Secrets du Kayak : Tu quittes le club de Tours après 5 ans ?

Yann Gudefin : Ce qui m'y avait fait venir, c'était le challenge du club à vouloir développer quelque chose, il me semblait que le but était atteint après 5 ans.

J'avais la volonté d'aller voir ce que pouvait m'offrir une place d'entraîneur national : organisation, enrichissement des connaissances, travail avec des collègues... car même en étant entraîneur dans un pole espoir, tu restes assez seul dans ton club.

Découvrir des athlètes encore un niveau au dessus, avec des seniors, des athlètes avec des objectifs de préparation olympique, des championnats du monde seniors.

Les athlètes sont plus matures, plus vieux, les vitesses augmentent... tout ça m’intéressait, c'était une suite logique à mon parcours.

J'ai fait une candidature spontanée au DTN en place, Philippe Graille, qui m'a expliqué que ça ne fonctionnait pas comme ça/

Pour devenir entraîneur national, il fallait d'abord passer le concours pour devenir professeur de sport et ensuite rentrer dans un processus de positionnement en fonction des places.

J'ai donc basculé sur une préparation au concours de professeur de sport, sachant qu'il n'y avait pas de places d'ouvertes.

Entre temps, l'équipe a changé au niveau de la fédération : changement de DTN, changement de head-coachs, et le fonctionnement également.

Il y a eu des postes qui se sont ouverts pour être entraîneur national sur des postes privés, des ressources externes, il n'y avait alors plus besoin d'avoir le concours.

J'ai postulé et j'ai été pris alors que j'étais encore dans la formation professorat en parallèle.

J'avais passé les écrits, sachant que j'avais déjà le poste, je n'étais plus très motivé pour l'oral, je l'ai raté mais ce n’était pas grave car je faisais maintenant le métier que je voulais.

Les Secrets du Kayak : Entraîneur national des jeunes, un hasard ou une volonté ?

Yann Gudefin : Il n'y avait pas de ciblage sur le profil du poste, c'était simplement un profil d'entraîneur à Vaires-sur-Marne.

Lorsque la nouvelle équipe s'est organisée, on m'a proposé de me mettre en ciblage sur les jeunes.

C'est un public que je connaissais grâce au pole espoir, et qui m'intéressait beaucoup car les jeunes sont en devenir.

On travaille certes pour tout de suite mais surtout pour plus tard.

Au pole espoir, c'était déjà le cas mais là c'était à une échelle plus nationale et plus globale.

Je ne sélectionne pas les jeunes qui vont intégrer mon groupe de travail.

A la fédération, le grand chef c'est le DTN.

Il délègue un peu la responsabilité spécifique à des head-coachs qui sont experts de leur discipline et qui vont manager l'équipe de France de leur discipline avec l'horizon court terme de l'or olympique, de la prochaine olympiade mais aussi une vision plus long terme sur les deux ou trois olympiades suivantes, quand on parle des jeunes, on peut facilement se projeter sur 10 ans.

On essaie d'avoir une vision court terme sur les jeunes qui vont avoir des résultats sur l'année en court, mais aussi une vision plus longue en terme de détection.

Quand on travaille avec les jeunes, il y a cette notion de progression, d'évolution des objectifs, de leur projet personnel.

On essaie d'être souple mais précis, faire un peu de ciblage.

On essaie de proposer des actions, d'interagir avec leur entraînement personnel, de les accompagner dans leur projet pour qu'ils puissent optimiser leur potentiel et le développer.

Les Secrets du Kayak : Quelles différences entre entraîner un jeune ou un senior ?

Yann Gudefin : Ils ont déjà de très bons niveaux, mais ils leur manquent l'expérience évidemment.

Même en étant encore dans une phase de découverte et d'apprentissage, certains décrochent déjà des médailles dès junior 2 par exemple.

C'est parfois leur première fois dans des équipages, même ceux qui performent sont encore dans un processus d'apprentissage.

Les volumes horaires sont différents, les contenus aussi. On essaie de leur inculquer l'importance de la coordination, de la vitesse, de l'explosivité.

Leur « faire la caisse » en aérobie évidemment, mais aussi insister sur la variété des situations.

On fait aussi un travail d'éveil sur le statut de sportif de haut-niveau.

On les questionne pour savoir ce qu'ils recherchent, comment ils se voient, commencent à se connaître ou pas, qu'est ce qui les fait rêver, qu'est ce qui les motivent.

C'est hyper important de définir et explorer le moteur de leur motivation par exemple.

On est aussi sur la découverte parfois de certains matériels, des réglages.

Exemple chez les jeunes lorsqu'ils prennent un bateau d'équipage : ils règlent la longueur mais jamais la hauteur des sièges, ou ne vont pas se poser la question de l'inclinaison du cale-pied. Tu leur demandes « quelle taille de pagaie tu as ? » parfois ils répondent « je ne sais pas ! »

Discuter en club, parfois on discute également avec les parents.

On est vraiment sur le devenir, on essaie de construire des bases.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi être devenu entraîneur de course en ligne et pas entraîneur de slalom ?

Yann Gudefin : Ça c'est l'opportunité tout simplement.

Le directeur de l'équipe de France de slalom m'avait également proposé d'intervenir en slalom mais trop tard, à ce moment là j'avais déjà pris des engagements avec la course en ligne.

J'ai l'impression que je me sentais bien dans une discipline nouvelle.

Je n'étais pas très vieux, j'avais 24 ans.

Pour moi tout était nouveau, alors que sur le slalom je connaissais tout le milieu par cœur.

Je suis content aujourd'hui d'avoir toujours mes amis de l'époque slalom, mais j'aime cette distinction copain/collègue qui n'aurait pas été possible dans le milieu du slalom.

Là, en course en ligne je ne connaissais personne, ce n’était pas plus mal finalement.

Les Secrets du Kayak : Les jeunes s’entraînent-ils deux fois par jour ?

Yann Gudefin : On dit les jeunes mais finalement il y a les U15 les U18 et même avant encore.

Le volume horaire est automatiquement progressif si on veut s'inscrire dans un développement à long terme.

Un U18 va commencer à s'entraîner pas loin de comme un senior si il a vraiment pour ambition de performer et qu'il s’investit.

Entre 15 et 18h sur une semaine de développement par exemple.

Les seniors sont un poil au dessus de ce volume mais justement cette différence, c'est la marche à franchir pour continuer à progresser par la suite.

A contrario, un U14 ou un U15 va être dépendant de l'accès au club, de l'accompagnement des parents, de sa motivation. Son volume de pratique sera donc moindre automatiquement.

Je n’entraîne pas vraiment différemment une fille d'un garçon.

Personnellement, j'essaie d'avoir la même oreille évidemment.

J'essaie de proposer les mêmes situations d’entraînement mais il y des spécificités par exemple sur la capacité de force.

Un exemple très concret : j'adapte la résistance d'un frein, la durée d'une séance et encore ça dépend surtout de la distance de course et vers quoi l'athlète s'est orienté.

La différence garçon/fille est une bonne question qui mériterait presque un observateur extérieur pour se rendre compte de ce que je fais en effet.

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Les Secrets du Kayak : L’entraînement semble souvent organisé sur des cycles de trois semaines + une semaine de récupération. Je me trompe ?

Yann Gudefin : Nous on fonctionne sur deux modèles :

  • le 3/1 plutôt sur les périodes hivernales avec un développement à dominante aérobie ou de force

  • le 2/1 pour les périodes préparation course ou préparation spécifique. Les contraintes de charge augmentent, le volume est un peu plus bas mais assez élevé.

Pour l'anecdote, moi j'avais essayé d'avoir un entraînement libre, au feeling sans cette dynamique très organisée.

A la fin de l'année j'avais remarqué que sans le vouloir ça revenait presque à faire du 3/1 car après trois semaines si je n'avais pas bien récupéré tout simplement je tombais malade par exemple.

Le 3/1 ça permet de gagner en volume total d’entraînement.

Le 2/1 permet d'optimiser, de favoriser la récupération et donc plus de bénéfice.

Il faut aussi composer avec le calendrier.

D'abord, avec l'objectif final mais aussi avec les dates des stages, les prépa collectives quand on est sur des bateaux d'équipage.

Il faut avoir une certaine cohésion entre les projets individuels et collectifs au moment opportun.

Il faut jongler avec tout ça.

Les Secrets du Kayak : Tu leur fais aussi découvrir la musculation à tes jeunes ?

Yann Gudefin : Ça dépend.

Certains arrivant ont déjà découvert tout ça par leur club, certains club sont assez bien organisé dans ce domaine avec un entraîneur sensibilisé à la musculation.

Donc certains arrivent sur les stages nationaux en connaissant déjà les exercices, les bons gestes, parfois même ils connaissent déjà leurs charges de travail.

Et d'autres parfois n'ont jamais fait de musculation de leur vie, même si c'est de plus en plus rare ça arrive.

Enfin, d'autres ont eu le minimum avec une initiation au poids de corps.

Au fil des années, je constate de plus en plus d'arrivants sensibilisés à la préparation physique moderne, avec des élastiques par exemple ; alors qu'avant ça restait très basique.

Les Secrets du Kayak : Tu leur conseilles aussi de pratiquer un sport d'endurance comme le font les seniors ?

Yann Gudefin : Pareil, ça va dépendre de la sensibilité de l'entraîneur de club et parfois même des parents.

Un gamin issue d'une famille sportive, tu vois la différence, il est plus athlétique ou il court un peu plus…

D'autres ont fait beaucoup de bateau rapidement, et donc ont moins de bagage aérobie.

Moi j'ai ma conviction : je suis pour une ouverture, avoir des situations motrices variées, se développer de manière générale sur le plan athlétique, être un bon sportif puis ensuite un bon pagayeur, et un jour peut être devenir un bon sprinteur.

A l'inverse, certains se sont spécialisés assez tôt, ont fait très tôt beaucoup de bateau et on les voit en senior avec un très bon niveau. Donc ça fonctionne aussi.

Difficile de trancher !

Les Secrets du Kayak : Des stages existent pour les jeunes ?

Yann Gudefin : Oui oui, à une fréquence assez proche des adultes, tous les deux mois.

C'est le temps de stage qui vont être un peu raccourci. Les volumes d’entraînement à supporter sont moins importants évidemment.

Les lieux de stage sont différents.

Le stage, c'est vraiment un moment privilégié pour moi : on fait du super qualitatif, on crée l'émulation, on commence à créer les identités des équipes pour plus tard.

Je pense que les sportifs repartent des stages avec des données certes, mais aussi des souvenirs marquants.

C'est des périodes qui marquent la vie d'un athlète, pas seulement pour le bon moment passé avec les copains mais aussi parce que sur l'eau il se passe des choses qui nourrissent le projet, qui donnent l'envie.

C'est hyper riche et une grosse source de motivation au retour du stage.

Actuellement, on en propose d'avantage qu'il y a trois ou quatre ans.

Les jeunes sont dans un cadre scolaire qui n'est pas aussi flexible que l'emploi du temps d'un adulte ou jeune adulte, donc ce n’est pas évident mais on y arrive.

Les Secrets du Kayak : Au final alors, faut-il privilégier l’entraînement global plutôt que sur le bateau au début, être un bon sportif avant toute chose pour être un bon kayakiste ?

Yann Gudefin : Je pense qu'il faut avoir un développement moteur riche pour derrière maximiser ses chances.

Ce n'est pas un gage de réussite mais un gros plus, oui.

Si tu n'as pas eu ce développement jeune voir très jeune, tu peux le rattraper en étant plus vieux ou faire avec d'autres atouts.

Certains adultes mettent du temps à être médaillé alors que d'autres le seront dès 18 ans.

Il faut faire du mieux qu'on peut avec ce qu'on a.

On est sur de l'humain donc rien n'est jamais optimal à 200%, on essaie mais on ne peut pas tout maîtriser.

Il ne faut pas se trouver d'excuses.

Les Secrets du Kayak : Tu fais des séances d'éducatif pour les jeunes ?

Yann Gudefin : Oui beaucoup !

Plus on va alimenter les séances par de la variété, par des situations qui vont créer des problèmes moteur, émotionnel... des réflexions, du cérébral, des questions de rythme de tempo des variétés d'allure, de sensation d'appui, de vitesse de bateau... Plus on va favoriser leur répertoire moteur qui sera riche et varié, ça donne accès à d'autant de clés qui permettent d'aller plus loin.

Ces séances sont importantes et à mettre partout.

Exemple lorsqu'on est sur une séance de développement, il y a un objectif physiologique, un objectif physique et un objectif psychologique qui chapeautera tout ça.

L'aspect psychologique est tout le temps présent.

On ne peut pas partir pagayer pour un temps donné même en essayant de bien faire.

Penser à bien pagayer par exemple je ne crois pas qu'y penser suffise, c'est bien mais pas suffisant.

En revanche, créer une situation, donner des consignes particulières avec des notions de transfert derrière, des temps à faire, pagayer que d'un côté, se déplacer de telle manière, telle cadence, varier les vitesses... suivi d'un moment sans consigne où il faut pagayer libre en pensant au bénéfice de l'exercice précédent, ça j'y crois beaucoup.

Plus on pourra en mettre dans les séances, plus on favorisera le développement.

Chez les jeunes, je ne pense qu'il faille être pressé de coller aux standards seniors, même sur les compétitions.

Les formats sont différents... ce parcours est essentiel.

L'important n'est pas d'avoir des médailles tout de suite, mais par la suite, les olympiades, les plus grandes médailles, les titres mondiaux...

Les Secrets du Kayak : Tu encadres également des seniors ?

Yann Gudefin : Je m'occupe de Sarah depuis le début de saison.

Ce n'est pas facile d'entraîner sa compagne ! D'autres avant nous l'ont fait.

Ça fait parfois des étincelles mais en ce moment ça fonctionne bien.

On a tous les deux évolué dans notre manière de voir les choses, je lui ai proposé d'essayer, je voulais tenter de l'aider.

Ça reste un positionnement propre à Vaires-sur-Marne. Son head-coach coordonne le projet dame et accompagne Sarah sur la prépa olympique.

Entraîner d'autres seniors pourquoi pas, mais je me laisse le temps de voir l'évolution.

Un athlète que j'aurais suivi dans sa carrière jeune qui me demanderait de poursuivre avec lui en senior, je me poserai la question oui.

Mais pour le moment à la fédération ça ne fonctionne pas comme ça, les entraîneurs adultes sont en place, on a chacun notre rôle à tenir.

L'énergie de la jeunesse me nourrit bien pour le moment.

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Les Secrets du Kayak : J'ai 15 ans, je suis hyper motivé, je veux devenir champion olympique ! Est ce que je peux postuler pour rejoindre le pole France ? Ma motivation est elle suffisante pour frapper à la porte ?

Yann Gudefin : Tu auras un entretien oui, une discussion avec un entraîneur. On va t'écouter oui.

Te proposer une place dans la structure, aucune idée, ça dépend de beaucoup de chose dont je ne suis pas décideur.

Si c'est un pole espoir, c'est un peu différent car le niveau d'exigence est un peu plus bas donc à 15 ans tu as encore du temps, tu es cadet 2 donc oui tu as toutes les chances d'intégrer un pole espoir si tu as fait des compétitions et que tu as passé des tests.

La motivation dont tu feras preuve pour t'investir, c'est ce qui va te permettre d'accéder à tes rêves.

Les Secrets du Kayak : As tu un rôle de conseil auprès des jeunes sur les sujets de l'alimentation et l'hygiène de vie ?

Yann Gudefin : Avec les jeunes, on a un aussi un rôle d’éducateur oui.

Donc ces sujets font partie de la dimension de la performance. On essaie d'en discuter.

On lutte contre l'adversaire de la malbouffe qui déploie des moyens énormes pour gangréner les esprits.

J'ai l'impression que les jeunes font des efforts lorsqu'on est avec un public qui a des grandes ambitions, même si ce n'est pas à 100% parfait, il y a quand même un fond ne serait ce que pour le premier niveau de conscience à leur niveau : alimentation = poids.

Après on peut approfondir : les bénéfices de l'alimentation sur ton entraînement, sur ta récupération…

Pas mal de jeunes sont dans des CREPS ou des sport-études donc on souvent accès dans leur structure à un nutritionniste.

On essaie de leur donner l'envie d'aller plus loin, de creuser le sujet.

A l'écoute de tes précédents podcasts, je fais un peu le constat qu'aucun athlète n'a déclaré être à la pointe de son alimentation, du moins pour ceux interrogés pour le moment.

On reste malgré tout dans la dimension des gains marginaux, il ne faudrait pas que ça prenne le dessus sur le noyau dur qu'est la quantité et la qualité des entraînements.

En entendant, les seniors des précédents épisodes, on a de la marge clairement.

Ça me motive à encore mieux sensibiliser les jeunes pour plus tard.

Les seniors font néanmoins attention à ce qu'ils mangent, mais ça pourrait encore être optimisé.

La nutrition est souvent associée à un sacrifice mais lorsqu'on est investi dans son projet, sa passion, ce n'est pas du tout un sacrifice, on sait pour quoi on le fait.

L'important reste tout de même que l'alimentation soit suffisante pour une bonne récupération et qu'on n'ait pas de problème de poids.

Les Secrets du Kayak : Jeunes et seniors se côtoient au pole ?

Yann Gudefin : Oui, lorsque les deux sont présents sur la structure, comme chez nous.

L'échange est régulier, c'est dans la démarche de la fédération.

Quand on le peut, en année post-olympique par exemple, il y a un peu plus de croisements avec des stages par exemple comme le stage ski de fond.

C'est un moment privilégié où les jeunes peuvent interagir avec les athlètes plus expérimentés, on crée des situations d'échange. C'est un booster pour les jeunes.

Les Secrets du Kayak : Sieste, préparation mentale c'est aussi à présent chez les jeunes ?

Yann Gudefin : J'aime discuter sur et en dehors de l'eau mais je ne suis pas préparateur mental.

On a des gens qui ont cette formation dans la fédération.

J'encourage ceux qui le souhaitent à y aller, c'est une bonne chose.

Tout le monde n'est pas réceptif à ça mais il faut essayer, il faut être curieux.

Moi je fais du coaching mais pas de la préparation mental, c'est le même distinguo entre un entraîneur et un préparateur physique.

J'essaie de rester à ma place. Mais discuter oui, ça oui !

Sieste oui bien-sur, surtout lors des stages car à l'école ils ne peuvent pas malheureusement.

Les Secrets du Kayak : Quels sont tes objectifs futurs ?

Yann Gudefin : Continuer à m'épanouir dans ce que je fais, rencontrer des gens, avoir de bonnes relations sociales ...

Plus mes athlètes réussissent en compétition et plus ça me fait plaisir, évidemment.

Le sourire d'un jeune sur la ligne d'arrivée, ça fait plaisir !

Vous pouvez retrouver Yann Gudefin sur son compte Instagram.


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