Interview : Vanina Paoletti

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Vanina Paoletti en mai 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Vanina Paoletti : Ça va super bien, merci.

Les Secrets du Kayak : Quel est pour toi ton premier souvenir de kayak ?

Vanina Paoletti : Je ne saurais pas dire exactement, et ce qui est drôle c'est que j'ai en face de moi une photo de moi toute petite dans un bateau.

Je sais qu'avant même de savoir marcher, j'ai mis les fesses dans un kayak avec mes parents et mes sœurs.

Peut être en compétition à Corbeil-Essonnes il me semble, en slalom. Sinon je n'ai pas de souvenir très précis.

Mes deux parents sont kayakistes : mon père céiste ma maman kayakiste, il se sont rencontrés sur l'eau à Saint-Maur-des-Fossés. Et il nous ont appris à faire du kayak à mes sœurs et moi.

J'ai dix ans d'écart avec Camille ma plus grande soeur, et six ans d'écart avec Julie.

J'ai appris à marcher au bord des bassins, je les ai toujours vu pratiquer le kayak. Ça été une envie naturelle, de reproduire ce schéma.

J'ai fait d'autres sport et je suis toujours revenue au kayak. C'est une passion familiale.

J'ai fait pas mal d'équitation, mon père après avoir été entraîneur de kayak est rentré dans la fonction public d'abord en tant que gérant du centre hippique municipal de Saint-Maur-des-Fossés.

J'ai fait de l'escalade, mais mes parents étant grands fans de sport de plein air j'ai aussi fait du VTT, via ferrata, des randonnées.

On passait nos été en montagne à suivre mes sœurs sur leurs compétitions, et à pratiquer tous les sports qui gravitaient autour du kayak.

J'ai commencé par de la descente puisque mes parents sont descendeurs.

Mes deux sœurs ont été en équipe de France de descente, et Julie a même remporter le titre de championne du monde en C1 dame en 2012, à la Plagne.

J'ai commencé à Joinville l'eau-vive. On avait une pratique pluridisciplinaire et on allait en stage avec les copains et la région Ile-de-France qui avait mené tout un projet de développement avec la descente.

Alban Planchais a emmené tout un groupe d'adolescents 14-18 ans pour sillonner les rivières. J'ai grandi de mes 6 ans jusqu'au lycée, en navigant partout en France et en Europe.

On avait le challenge jeune en Ile-de-France, et pour rentrer en minime tu devais pratiquer toutes les disciplines. Donc le slalom était un point d'honneur pour mes parents, surtout mon papa qui été BE en kayak, et pour apprendre à naviguer il fallait passer en bateau slalom.

J'ai rapidement arrêté en cadet, je n'avais pas la fibre, ce sont des artistes. Moi j'étais trop une bourrine pour performer en slalom. J'ai fait de la descente et je me suis vite rendue compte que je voulais pratiquer le haut niveau.

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Les Secrets du Kayak : Tu as stoppé la descente pour pratiquer la course en ligne ? Ou est-ce que tu faisais déjà les deux avec les challenges jeunes ?

Vanina Paoletti : Jeune, en minime j'ai fait les régates nationales espoir, je n'étais pas forcément douée, je le faisais pour être avec les copains.

J'ai fait de la course en ligne parce que j'ai intégré le pôle espoir de Caen. Ils prenaient deux ou trois descendeurs à chaque fois, mais c'est un club de course en ligne.

On était en famille dans les Pyrénées, et mes parents m'ont poussé à prendre contact avec un entraîneur Matthieu Lesénéchal, pour lui demander s'il n'avait pas un bateau et une pagaie.

Moi j'avais peur d'envoyer un simple message à un coach national comme ça pour lui demander. Il m'a répondu que oui, et j'ai commencé comme ça en septembre 2013 au pole espoir de Caen.

Je suis arrivée sur ma première compétition avec un 'américain', c'est un bateau instable, mais c'est surtout que toutes les autres filles avaient des quattro flambant neufs. C'était le dernier de chez Nelo, et moi j'avais un bateau qui avait dix-quinze ans.

C'était pas possible dans ma tête, et en fait je me suis sélectionnée dès la première année en équipe de France avec ce bateau et ma pagaie super lourde. C'était super !

2014-2015, je me suis sélectionnée en junior pour les deux disciplines course en ligne et descente, les deux circuits internationaux.

J'ai arrêté la descente en rentrant au pôle France de course en ligne de Cesson. Ça n'a pas été un choix de ma part, ça m'a été imposé et je n'y suis pas trop revenue.

C'est un projet de 2022 que de remettre mes fesses dans un bateau de descente. Juste pour aller me faire plaisir en eau-vive et retrouver ces sensations perdues.

Les Secrets du Kayak : Comment se fait-il que tu te sois retrouvée au pôle espoir de Caen, alors que si je comprends bien, tu étais en région parisienne ?

Vanina Paoletti : A cette date, il n'y avait pas de pôle espoir en région parisienne. J'avais demandé le pôle de Cesson parce que ma sœur était sociétaire du pôle France de Cesson-Sévigné en descente.

Et je n'ai pas été acceptée pour des petits soucis d'épaule, ils considéraient que mon niveau n'était pas assez bon.

Je connaissais des gens qui étaient rentrés au pôle espoir de Caen. J'ai eu de la chance d'avoir rencontré le coach Matthieu Lesénéchal qui a vraiment été une personne importante dans mon développement sportif et aussi humain.

Pour l'épaule, je faisais des tendinopathies à répétition, à cause de ma taille, les tendons ne grandissant pas à la même vitesse que les os, ça été compliqué. Et à l'époque je ne connaissais pas le schéma de la douleur, je ne savais pas que mon cerveau ne me donnait pas les bonnes informations.

C'est Alban Planchais qui m'a proposé la dernière place sur un stage de ski de fond. Le but était de retrouver du plaisir avec l'émulation pour retrouver du plaisir sur l'eau.

Tout est une histoire de rencontre. Sans eux je pense que je n'aurais pas eu ce parcours, j'aurais fait d'autres sports, d'autres études.

Du coup je me suis beaucoup intéressée à la douleur et notamment dans le cadre de mes études de podologie, surtout parce que j'ai eu un accident de voiture pendant ma troisième année de senior.

J'avais ces douleurs cervicales récurrentes, et j'ai fait la rencontre au pôle d'un kiné spécialiste en rééducation de multi-traumatisés, et avec lui j'ai appris que la douleur est aussi liée à des émotions.

Chez moi, c'était lié au stress. J'ai eu des douleurs cervicales qui apparaissaient bizarrement deux semaines avant les étapes de sélection.

J'ai aussi fait un gros travail en hypnothérapie avec une thérapeute à Rennes, qui m'a appris à gérer ces schémas de douleurs et à en faire une force.

Je me suis par la suite aussi intéressée à la préparation mentale, mais l'hypnothérapie a été ma première étape pour passer outre. Ça a été l'élément déclencheur de mon intérêt aux facultés du cerveau à gérer la douleur.

Donc j'ai enclenché tout un processus de préparation mentale avec Gérard Vaillant, qui me suit encore. J'en fait à l'année, parfois deux trois fois par semaine. Avant à Rennes c'était des séances physiques, maintenant c'est plutôt à distance.

Les Secrets du Kayak : Tu disais que ton père était entraîneur de kayak, est-ce que ça signifie qu'à tes débuts tu en faisais plus que la plupart des autres enfants du même âge ?

Vanina Paoletti : Non du tout, je suivais le même rythme que les autres enfants. Ma maman est médecin de prévention, elle s'occupe de jeunes enfants et elle est très sensibilisée à la notion de prendre du plaisir pour ne pas brusquer l'enfant.

Donc en fait elle a repris le kayak quand je m'y suis mise et on faisait ça le samedi et le mercredi. Ils ne m'ont jamais brusqué, parfois je râlais un peu quand il fallait y aller en hiver.

Ça s'est fait au fur et à mesure et c'est moi qui décidait si j'avais envie d'en faire plus ou moins.

A Joinville on faisait surtout slalom et descente. C'est en senior 2 que j'ai changé de club pour aller au CKCIR St Grégoire, pour pouvoir m’entraîner d'avantage en course en ligne du fait d'avoir intégré le pôle France de Cesson, et puis il y a une ambiance de folie à St Grégoire, c'est un club familial fabuleux et j'y ai des coéquipières en or.

Donc avant, je ne faisais pas de course en ligne, non.

Pour répondre à ta question sur la stabilité en course en ligne, en minime j'avais un Orion c’était un bateau qui avait une forme que j'adorais.

En pôle espoir, je ne me suis pas trop posée de question, on m'a donné un américain prêté par Mathieu et la région, c'était une chance folle. Je n'ai pas trop de souvenirs, mais les premières séances n'ont pas du être faciles. Mais ça c'est bien passé vu les résultats de mes tests nationaux. Ça me m'a pas vraiment marqué.

Je pense que le slalom et l'eau-vive ont été une base formidable pour la course en ligne, surtout l'eau-vive. Tu es confronté à la nature, aux éléments, et si tu veux aller contre les éléments tu n'arriveras à rien.

Donc j'ai pu faire beaucoup de stage à jouer avec l'eau et à me faire plaisir. Ensuite je suis arrivée en course en ligne, j'ai perdu ce plaisir pendant un temps mais j'ai retrouvé cet élément de glisse indissociable de notre pratique.

Quand il y a des vagues, oui j'anticipe le mouvement de l'eau. Mais en course en ligne on évolue sur de l'eau plate, donc on a pas besoin d'anticiper.

Mais planter la pagaie sur la crête de la vague et se tracter dessus, j'adore. Quand tu fais de la descente que tu es sur la bonne trace au bon moment et que tu sens la puissance de l'eau pousser sur le bateau, ce sont des sensations fabuleuses.

Et ces sensations là tu ne les ressens pas en course en ligne. Mais tu ressens d'autres choses qui sont cool aussi en terme de facteur de glisse.

Les Secrets du Kayak : En descente as-tu eu rapidement des résultats intéressants ?

Vanina Paoletti : Oui en descente dès ma première année en équipe de France j'ai fait quatrième, c'est le jeu de la compétition. C'était en sprint, j'étais à un dixième de seconde de la troisième.

Et ça m'a pas mal poussé à retourner à l'entraînement. Je ne voulais plus que ça m'arrive que de passer si proche d'un podium. Et j'ai eu une troisième place aux championnats du monde aux Etats-Unis en junior 2.

Le choix de la course en ligne s'est fait parce qu'il y avait trop de descendeurs au pôle France de Cesson, et il restait des places en course en ligne. Et c'était le pôle qui à cette date accueillait les kayaks dame moins de 23 ans. On m'a dit il y a de la place, j'ai foncé !

Et la dynamique globale m'a poussé vers la course en ligne, même si sur le moment je ne l'ai pas bien vécu. Mais je n'ai aucun regret.

C'est à moi de savoir exprimer mes envies sur le moment, je n'ai pas su le faire mais ce n'est pas grave, ça ne changera pas ma vie de revenir là dessus.

Les Secrets du Kayak : Pourrais-tu m'expliquer les différences de technique entre la descente et la course en ligne ?

Vanina Paoletti : La principale différence pour moi c'est le calage : en descente on est beaucoup plus contenu dans le bateau pour pouvoir jouer sur les gîtes qui te permettent de pouvoir tourner ton bateau.

Donc tu es contenu au niveau du bassin et au niveau des genoux qui sont plaqués avec des mousses et une barre à pieds. Comme tu es maintenu les mouvements de jambes sont beaucoup moins fluides, et moins important dans la biomécanique.

Donc tu as moins de rotation des épaules pour ton coup de pagaie, et souvent tu peux constater moins d'amplitude au niveau des mains plus basse et plus proche du corps pour des descendeurs qui passent sur le kayak de course en ligne.

La biomécanique de notre sport fait que tout est lié. Des pieds aux jambes au bassin aux abdos au dos aux bras, et que derrière ça joue sur ta pagaie pour se tracter dessus.

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Les Secrets du Kayak : As-tu rapidement eu des résultat équipe de France à l'international ?

Vanina Paoletti : Non en course en ligne ça a été compliqué : déjà d’appréhender les équipages, c'était nouveau pour moi.

Moi j'ai commencé sur le tard le K4. Il me manquait un truc. Je suis entrée en pôle France derrière, je me suis accrochée à la dynamique. Même si maintenant mes résultats ne sont pas trop mauvais en France, à l'international tout reste à faire, tout reste à prouver.

J'ai eu une médaille l'année dernière en coupe du Monde, mais c'était en période Covid. J'ai du mal à me considérer autrement que comme une jeune pagayeuse, car je n'ai pas vraiment de palmarès en international, mais je vais aller les chercher !

Il me faut juste un peu de temps. Je n'ai pas encore réussi à performer mais c'est mon objectif.

En junior j'en ai fait, mais c'était à mille lieux de ça. On avait fait sixième en K4 en championnat d'Europe. On avait gagné une finale B en K4 la même année en 2015. Mais ce n'est pas grandiose.

Et je n'ai pas eu la chance de concourir en individuel. Une seule fois en moins de 23 ans sur du 1000 m. Je ne me démarquais pas donc je n'ai pas eu ces opportunités, ou ce n'était pas sur la dynamique fédérale que de m'aligner sur ces courses en individuel.

Donc j'ai fait mes armes en France, et là je commence à pouvoir m’aligner sur des courses internationales en monoplace. On verra ce que ça donnera.

Les Secrets du Kayak : Qu'est ce que tu as fait comme étude ? Est-ce que tu penses qu'elles ont freiné tes progrès ?

Vanina Paoletti : J'ai fait une première année de STAPS parce que je voulais intégrer l'école de formation de kiné podo-ergo à Rennes.

Au départ je voulais faire kiné, j'ai été prise à l’accès niveau podologie. J'ai découvert ce métier passionnant en entrant dans cette école. On peut vite être dégoûtée par les « on dit » sur la podologie.

Ça se fait en trois ans de formation. J'ai été accompagnée par une équipe pédagogique fabuleuse, ils ont été incroyable avec moi, dans l'aménagement des horaires dans la prise en charge des cours.

J'ai fait mes études en quatre ans et j'ai terminé en juillet 2020. J'ai essayé de tout faire parfaitement, et du coup je me suis complètement perdue dans ce que je voulais vraiment faire.

A force de vouloir être au top partout, on nivelle le niveau. Quitter l'école ça m'a fait beaucoup de bien, j'ai déchargé psychologiquement de toute cette partie où je voulait exceller.

Maintenant je peux me concentrer sur le kayak. J'avais surtout envie de montrer que je savais faire autre chose que du kayak, mes parents et mes sœurs sont des gens brillants. Donc oui, l'école c'était important.

Je ne m'entraînais pas forcément le nombre d'heures qu'il aurait fallu. Je pense que c'est multi-factoriel, ce ne sont pas que les études qui ont fait que j'ai réussi à progresser en kayak.

Je pense que le confinement à été du pain béni pour moi. Au moment où il a été annoncé je n'étais pas loin de la rupture. Je ne prenais plus aucun plaisir en kayak, c'était horrible.

Je galérais à l'école à force de courir partout et de rater plein de cours. J'étais complètement exténuée, je m'endormais au lieu d'aller en cours.

Je pensais l'hiver avant la covid déjà, d'arrêter le kayak. Je n'avais pas encore compris que mon leitmotiv c'est le plaisir. Juste après l'annonce du confinement, on a appris le report des JO et c'est mon copain qui m'a dit « si tu n'as pas de course de saison pour les JO, fais une pause kayak, concentre toi à fond sur les études, finis les et va sur un autre truc. Change la manière dont tu t'entraînes et ça te fera du bien. »

C'est exactement ce que j'ai fait, et avec cette équipe pédagogique fabuleuse à l'école, parce que je n'avais pas fini mes examens de deuxième années, je n'avais pas fini ceux de troisième année, je n'avais pas commencé mon mémoire, et je me suis mise en mode bourreau de travail, pendant deux mois j'ai charbonné à l'école, j'ai fait le strict minimum en sport, juste ce qu'il me faisait plaisir Et j'ai réussi à valider mon diplôme de podologie en juillet.

Ça a été une libération d'avoir fait une pause en sport.

Les Secrets du Kayak : Ton copain fait aussi du kayak, comme tes parents vous vous êtes rencontrés sur l'eau ?

Vanina Paoletti : Non on se croisait aux entraînements et un soir on est partis en boîte de nuit, et voilà.

Il est génial, il fait plein de trucs différents et il a su rebondir : se remonter un projet solo et repartir à fond après être passé en pôle. Il m'aide beaucoup.

Il me rappelle énormément ce qu'est de s’entraîner en se faisant plaisir, j'ai redécouvert la nature par le kayak avec lui, j'ai redécouvert la discipline. Être dans un environnement fabuleux, dans des endroits magnifiques.

De là j'ai décidé de pratiquer comme à l'époque de mes huit ans, et au final tout ça m'a amené aux portes de la qualification de 2021.

Je m'entraînais deux fois par jour mais je ne faisais pas le volume demandé... et j'avais tellement honte que je trichais sur mes comptes rendus d'entraînement. Ça a été une erreur que de ne pas assumer le fait que je ne m'entraînais pas suffisamment.

J'ai été coachée par Claudine, que tu as interviewé. Claudine me disais de bien séparer école et kayak ! Et ça je n'arrivais pas à le faire. Quand j'étais dans l'un je pensais à l'autre et vice versa.

Aussi le fait de ne pas assumer de d'avoir une note de 10 à l'école m'a pénalisé, il me fallait avoir plus que 10. Je n'arrivais pas à accepter ce type de note.

Moi je n'ai pu su mener deux projets en même temps.

Les Secrets du Kayak : Comme disait Babâk dans un précédent épisode, le kayak ce sont des émotions et si tu n'arrivais pas à gérer les émotions extérieures tu ne peux pas retrouver le plaisir de ta pratique dans le kayak. Si tu as la tête chargée tu ne peux pas couper et faire ta glisse.

Vanina Paoletti : J'avais aussi beaucoup de mal à me projeter dans le kayak de haut niveau, je me prenais des branlées face aux grands noms tel que Sarah Guyot, Sarah Troël, Manon Hostens, Léa Jamelot.

L'écart était monumental et quand je passe la ligne des open de France en août dernier, je n'y ai pas cru. J'ai mis du temps à réaliser et prendre conscience de mes résultats.

Aujourd'hui je me consacre au kayak. Avec le report des Jeux pendant le confinement et après avoir fait le point avec mes parents, il a été décidé que je me consacre aux Jeux en priorité plutôt qu'au travail.

Je commence à avoir des aides du département et du comité, et de sponsors. Mais ce sont mes parents qui m'ont financé le kayak. Ils m'ont accorder cette année test.

Mes journées sont monacales, je fais mes semaines de développement à Vaires-sur-Marne, mes semaines de récupérations à Angers, et je profite de la vie.

A Vaires, c'est réglé comme du papier à musique. Je me lève, je me pèse et fais 20 minutes de yoga, je prends mon petit déjeuner, et je pars à l'entraînement, trois séances par jour.

Je m’entraîne environ 20h par semaine en kayak mais aussi en musculation, athlétisme avec Stéphane Caristan.

Et j'adore ça, je vis mon rêve, j'adore m'entraîner, j'adore échanger avec les coach, je discute préparation mentale…

Et je suis coaché par Guillaume Berge, il a un an de plus que moi, tout jeune coach et il m'a demandé dès le début ce que j'aimais et ce que je n'aimais pas. Le but : avoir la notion de plaisir pour être heureuse à l'entraînement. Juste kiffer. Parfois on en oublie la chance qu'on a.

Par exemple ce que je n'aime pas : les 20 bornes. Dès qu'il y a plus de 15 km sur le GPS ça me saoule ! Ça me met directement de mauvaise humeur, et du coup je le fais en vélo.

Mes séances préférées ce sont celles de vitesse et de VMA. Aller jouer avec la limite de la jauge cardiaque au point de ne plus savoir comment je m'appelle. J'adore.

Je fais donc du vélo pour les séances d'aérobie, un peu de course à pied je devrais en faire plus, mais je n'ai pas encore trouvé le petit truc qui m'anime, et pourtant j'aime bien. Ça va venir.

Mais j'ai du mal à rester sur des 130-140 de fréquence en course à pied, alors qu'en vélo ça passe tout seul, et tu vois du paysage.

La musculation c'était compliqué au début, je passais mon temps à regarder dehors. Mais maintenant j'aime bien parce que je connais l'importance que ça a dans la pratique du haut niveau. Je vois mes bras qui gonflent et ça me fait plaisir !

Déjà avec le kayak tu as une certaine carrure, maintenant je sais que c'est la clé pour avancer.

Et je suis un petit gabarit, quand tu regardes l'embarcation je fais un creux, comparée aux autres filles je suis petite. Il faut que je gagne des centimètres de partout, donc je suis bien droite mais je n'ai pas un grand buste. Donc c'est un gros travail de posture au quotidien pour me sentir grande dans le bateau, pour avancer vite.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais des choses en dehors du bateau qui t'aide ?

Vanina Paoletti : Du Yoga, de la préparation mentale, quand je change mon port de tête je change toute ma position jusque dans mon bassin et mon mouvement de jambes.

Et mon mouvement de jambes définie tout mon coup de pagaie en course en ligne.

Et me redresser comme ça, ça me permet de réellement m'exprimer en course.

Je ne suis pas monstrueuse en musculation, je pense être dans la moyenne nationale des senior. Par rapport à Sarah Guyot je ne soulève rien, elle est vraiment impressionnante comme Léa ; j'ai une marge de progression.

J'ai des bons cuissots sans les travailler, et là avec l'arrive d'Audric Foucault le préparateur physique je les travaille de plus en plus en haltérophilie. Et je ressens l'explosivité en athlétisme, et ça se transpose dans le bateau.

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Les Secrets du Kayak : J'ai cru voir que tu navigues sur un Nelo ?

Vanina Paoletti : Mon premier bateau à moi, c'était un Nelo un V3. C'est Sébastien Jouve qui me l'avait trouvé au pôle espoir de Caen, il s'entraînait sur la structure.

Et je ne me suis pas posé de question, je suis restée chez Nelo, en Sete. On verra pour les prochaines saison, tester d'autres choses. J'ai eu un Cinco mais j'ai gardé le Sete. Après je trouve que c'est du marketing, il n'y a pas de différence monstrueuse au sein d'une même marque.

Et en pagaie je suis en Jantex Gamma Rio, en M minus et je navigue en 2,14 en monoplace. En équipage je mets plus, et je pense augmenter bientôt la taille de pale.

Mon année de junior 2 j'avais les pagaies de mes sœurs, des Bimba. Je suis arrivée aux mondiaux aux Etats-Unis, il y avait Manon Hostens en moins de 23 ans. C'était super dur, les pales ne réagissaient pas de la même façon dans l'eau, Manon m'avait vu galérer et m'a proposé une de ses pagaies. Je n'osais pas la mettre dans l'eau, c'était la pagaie de Manon Hostens ! Limite elle me demandait de casser la pagaie, elle voulait que je plante la pale ! J'ai eu ma petite médaille comme ça.

Les Secrets du Kayak : J'ai l'impression en t'écoutant que tu idolâtrais les filles qui étaient en équipe de France de haut niveau. C'est un rêve qui se concrétise aujourd'hui ?

Vanina Paoletti : Oui. Il y a encore un an jamais je n'aurais pensé m'exprimer comme ça sur l'eau.

J'espère que ma carrière sportive va être longue, mais par rapport aux gens que tu as interviewé je suis zéro, je n'ai rien. J'ai tout à aller chercher !

Toutes ces filles que j'ai pu citer, je les regardais sur mon écran au moment des courses, je les ai vu aller chercher le quota en 2019 pour le K4. Donc oui s'entraîner avec des grandes championnes et des filles comme elles, c'est vraiment cool.

Les Secrets du Kayak : Tu as rejoins le club d'Angers ? Pourquoi ?

Vanina Paoletti : Parce que mon copain est d'Angers, j'ai quitté la Bretagne en juillet dernier. Et en fait financièrement ça été compliqué, mes parents sont bientôt à la retraite et je veux qu'ils puissent profiter.

Je me sens bien à Angers. Le club est venu vers moi avec une proposition d'accompagnement jusqu'aux Jeux de Paris. Je me suis rendue compte que ça pouvait m'apporter des opportunités sur le plan humain et financier, en plus il y a Pauline Freslon qui a aussi intégré l' ESACK cette année.

Les coachs et les présidents de clubs sont des gens que j'apprécie. L'ESACK c'est une entente sportive, il y a cette bienveillance pour le projet des athlètes.

Et j'ai une personne là bas qui me trouve des sponsors, en plus de ce qui était prévu. J'ai beaucoup de chance d'avoir Jean-Marie, un restaurateur qui a un réseau impressionnant.

C'est un passionné de sport qui se révolte de l'inégalité des aides possibles pour certains sports par rapport au kayak. Moi je comprends, au niveau communication et exposition on est zéro dans le kayak. Donc il en cherche pour moi et ça marche. Et j'espère pouvoir vivre de ma passion.

Les Secrets du Kayak : Envisages-tu de t'exposer médiatiquement pour aller chercher les sponsors et en vivre ?

Vanina Paoletti : S'exposer médiatiquement, c'est un objectif pour déjà bien le rendre à mes sponsors et à la ville d'Angers.

On a énormément à y gagner en kayak, ne serait-ce que pour faire découvrir notre pratique.

Je m'expose sur les réseaux, je suis suivie par Ouest-France qui fait des petites vidéos et des articles régulièrement sur la préparation de ma saison. C'est compliqué, on n'est pas formé à tout ça, on est formé à glisser sur l'eau nous.

Être mise en avant c'est compliqué dans le sens où, pour moi, je ne me trouve pas légitime. Je n'ai pas fait mes preuves à l'international. J'ai juste fait de bonne performances aux sélections des JO.

Ce n'est pas dans les mœurs du milieu de s'exposer. Je n'ai pas assez de lâché prise, je me soucie toujours trop de ce que peuvent penser les gens.

Et puis mes résultats aux sélections c'est une réelle surprise, je savais que je me sentais bien, déjà en août ça c'était bien passé. Je suis assidue et je mets tout en place depuis pour que ça marche.

Depuis les Opens le stress monte, il fallait confirmer tout ça aux championnats du monde. Mais je sais que le moment venu, je suis en mode guerrière et c'est grâce à mon entourage : Guillaume Berge, Gérard vaillant mon préparateur mental, et Julie ma grande sœur.

Je gagne le 200m et le 400m. Pas le 500m, les relances de Manon sont incontrôlables. Impossible de suivre son rythme pour le moment !

Les Secrets du Kayak : Quelle suite après les opens de France ?

Vanina Paoletti : On s'est rassemblée trois jours avec Sarah, Léa et Manon pour faire du K4. Il fallait qu'on s’entraîne. J'ai fait un peu de K2 avec Léa, et là on part lundi en coupe du Monde à Szeged , pour le tournoi de qualification K1 200m pour les JO.

Et après la suite est floue, on n'est pas alignée sur la seconde coupe du Monde parce que c'est en Russie et que les conditions sanitaires sont particulières, pareil pour le championnats d'Europe.

Début juin l'équipe de France olympique sera annoncée. J'espère être dedans !

Pour le moment je ne connais pas les objectifs à cibler pour Szeged et je ne veux pas savoir. Je ne regarde jamais le circuit international avant d'avoir passé les sélections françaises. C'est Fred Rebeyrol qui va suivre le reste de la saison internationale.

Je me suis retrouvé dans les propos de Bâbak lorsqu'il évoque la notion d'objectif de réalisation et non pas de performance. Donc je ferai la plus belle réalisation possible et advienne que pourra. Et ça sera en K4.

On a fait l’enchaînement des open de France, avec la finale qui comptait plus que le reste, et il faut valider les bateaux sur la coupe du monde pour ensuite faire partie de la sélection officielle.

Par contre, on a déjà qualifié le K4 par les quotas.

Cette année, les athlètes se sélectionnent sous forme d'accréditation. Les filles ont validé le quotas pour le K4 en 2019, donc elles ont récupéré quatre places, elles l'ont eu en K2, mais elles ont rendu le quota puisque le K4 été déjà sélectionné.

Donc on a quatre accréditation féminines pour les jeux, et comme moi je n'étais pas dans le bateau sélectionné, j'ai le droit d'aller rechercher un autre quota. C'est complexe !

Donc je vais tout faire pour qu'une cinquième française soit alignée.

Et une fois les personnes sélectionnées, les fédérations ont le droit d'aligner deux bateaux par catégorie.

Après tu as aussi des épreuves qui se chevauchent, donc Sarah ne peut pas faire le K1 200 et 500m.

Ça sera le staff qui décidera avec les athlètes, comment concilier au mieux les projets.

Les Secrets du Kayak : Afin de mettre toutes les chances de ton côté, est-ce que du point de vue de l'alimentation tu es au top ?

Vanina Paoletti : Je mange super bien, équilibré, bio en accord avec mes convictions personnelles et écologiques. Je pense que mon métabolisme de base fait que pour être sèche il faudrait vraiment que je soit consciencieuse, au gramme près.

Je mange bien pour être performante, à un moment je ferais ce qu'il faut pour être sèche et affûtée pour les courses, mais ma composante de performance c'est le plaisir.

Si j’étais plus sèche bien sur que je serais plus performante, mais il y a tellement d'exemples et de contre-exemples qu'au final ce n'est pas certain.

Le métabolisme est aussi génétique et tu ne peux rien y faire. Ma mère est comme moi, mes sœurs aussi. Et pourtant j'en fais du sport !

Ça m'est arrivé de sécher et de faire des contre performances. Mon corps ne fonctionnait pas à ce niveau là. J'étais suivie par une nutritionniste qui n'étais pas trop orientée sport, qui m'avait donné les clés pour sécher, mais pas pour performer. C'était affreux !

Tout est une histoire d'équilibre.

Et pareil au sujet du volume d'entraînement. C'est Claudine qui m'a éduqué sur le qualitatif. Et je pense que l'alimentation c'est pareil, ce n'est pas en étant le plus assidu à l'alimentation ou à l'entraînement qu'on sera forcément les meilleurs, tout est histoire de jauge personnelle.

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Les Secrets du Kayak : Aujourd'hui on a du mal à s'écouter, on est assez cartésien alors qu'en fait on a déjà pas mal de réponse en nous. Et au final plutôt que de courir c'est peut être mieux de marcher tranquillement, de prendre l'air tout simplement.

Vanina Paoletti : Je ne sais pas si tu as entendu parler d'un livre nommé Intuition, recommandé par mon préparateur mental. C'est un livre de développement personnel, c'est un roman qui parle d'intuition.

Il est pas mal fait, ça parle de se reconnecter à ce que notre corps nous dit, sans aller chercher à interpréter les infos de notre cerveau. Et c'est sur quoi mène la science aujourd'hui.

Si on évalue les choses sans les remettre dans un contexte, ça n'a pas de sens. C'est comme le sujet des étirements, il y a plein de publications qui sont sorties ces dernières années en disant que les étirements diminuaient l'explosivité et la force.

Alors que pour moi les étirements c'est la vie. Et si je ne m'étire pas, j'ai tellement de douleurs ostéo-articulaires que si je ne le fait pas je ne peux pas pratiquer le kayak à mon meilleur niveau.

Alors peut être que ça diminue la force de mes muscles, mais si je ne peux pas bouger, ça ne me sert à rien !

Les Secrets du Kayak : As-tu appris des choses en podologie qui t'aident pour la pratique du kayak ?

Vanina Paoletti : Oui beaucoup puisque toute la première année c'est un socle de base de connaissance avec de la biologie fondamentale, de la microbiologie.

J'ai appris beaucoup sur l'anatomie, et comprendre son corps c'est aussi important dans la pratique sportive globale.

J'ai fait mon mémoire sur : L'optimisation podologique des barres à pieds en kayak de course en ligne.

Et malheureusement je l'ai fait en année Covid... l'objectif était de mettre en place un protocole et avec le Covid je n'ai pas pu. Mais c'est quelque chose que je garde en tête parce que je suis persuadée qu'il y a des impacts bénéfiques, et il y a déjà des athlètes qui le font en mettant des orthèses plantaires sous leur semelles.

Pour moi, il faut explorer cette piste.

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