Interview : Pascal Boucherit

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Pascal Boucherit en octobre 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Pascal Boucherit : Bonjour Rudy, ça va très bien comme un dimanche tranquille, pendant lequel j’ai pu randonner.

Les Secrets du Kayak : C’est un plaisir de t’avoir dans le podcast. Je voulais revenir sur toi et ton parcours. Comment as-tu découvert le canoë-kayak ?

Pascal Boucherit : A Angers, je vivais dans un quartier tranquille entouré de cours d’eau qui débouchent dans la Loire. Des cours d’eau paisibles, aménagés et la Loire fleuve culte et libre. Les berges sont intéressantes, et pouvoir se déplacer sur ces cours d’eau c’était sympa.

J’ai commencé à 13-14 ans. La Maine venait juste d’être construite, c’était un lieu génial pour moi. On était en pleine nature. Je n’étais pas très assidu, j’y suis revenu vers mes 15 ans et j’ai vite accroché.

C’était une base jeunesse et sport, il y avait de la construction polyester. C’était dans une ancienne ferme. On était isolé et très tranquille. On faisait beaucoup de plat, et la ligue était orientée slalom et eau-vive.

Moi j’étais attiré par la descente slalomée. Il y avait des petits passages, des rapides.

On s’est sélectionné en dernière année de cadet pour les championnats de France en slalom et descente avec un copain. On n’a pas été probant aux championnats de France mais c’était une très belle expérience.

Et d’être toujours trempé ce n’était pas drôle, donc je me suis détaché de ça je me suis concentré sur mon BAC. J’ai perdu un peu le contact, ensuite je suis parti à Poitiers pour faire un IUT génie thermique.

J’ai profité de la salle de musculation et j’y ai croisé Bernard Morin, un kayakiste de descente de renom. On ne s’est pas quitté de l’année, il m’a initié à toutes les approches de l’entraînement de kayak. Il préparait les championnats du monde, et moi je m’entraînais avec lui sans rien préparer.

Juste avant ça j’avais été à Angoulême une école omnisports où j’ai passé un brevet et c’était là que j’avais pris goût à l’entraînement.

Je descendais bien en descente, sur le plat j’étais moyen. J’ai commencé à faire de la course en ligne. En fin 1981, à Vichy il y avait les inter-ligues, donc la fête du kayak, c’était le moment des compétitions et de faire la fête.

J’y ai rencontré Philippe qui m’a proposé de l’accompagner au BJ avec eux. Il m’a présenté au Directeur des équipes de France de l’époque de course en ligne. Ils ont regardé comment je naviguais, et il m’ont accepté en BJ deux mois après.

Le bataillon de Joinville était un sas magnifique qui n’existe plus mais qui devrait toujours exister. C’est un sacré manque parce que tu t’entraînais trois à quatre fois par jour, les résultats se faisaient ressentir.

J’ai fait quelques compétitions internationales et donc quand je suis sorti en 1982 j’étais référencé comme potentiel membre de l’équipe nationale. On m’a proposé un contrat d’insertion professionnelle, c’était les débuts.

J’ai travaillé avec la SNCF, je leur devait un mi-temps annuel mais j’étais payé à plein temps. J’y travaillais l’hiver ce qui me rendait disponible le reste du temps. A 15h je quittais le travail ce qui me permettait de faire deux entraînements dans la journée. Mon poste était sur Paris, donc je pouvais m’entraîner à Joinville mais aussi à l’INSEP.

Le collectif d’entraînement était différent de ce qu’on peut voir sur des pôles. Il n’y avait pas d’entraîneurs. Ils nous encadraient pour les stages hivernaux à part ça le reste du temps on se débrouillait seul, entre nous, cela nous rendait davantage acteur. Il fallait se former, s’informer, être curieux.

En 1983, je fais un K4 en championnat du Monde, une déception. J’ai été pré-sélectionné à l’issue des championnats du monde en 1983 dans le collectif préolympique. Et là Alain Lebas s’est occupé du collectif pour nous faire faire de la PPG.

Le matériel était en bois et laissait peu de place à l’innovation. Tu n’as jamais froid aux pieds dans un bateau bois.

Donc on fait médaille de bronze aux JO de Los Angeles. En 1985, on change l’équipage du K4. Je pars en K2 avec Philippe qui faisait des aller-retours aux USA. Le but c’était de faire une belle performance à Duisbourg. On y a gagné, c’était la régate internationale à faire (en Allemagne).

Avec Philippe, c’est le soucis du détail, l’obsession de la synchronisation qui nous réunissait. On était capable de rester une heure et demie accrochés au ponton pour parfaire un problème de synchronisation de poussée de jambes. On réfléchissait beaucoup, Philippe était très fort en anatomie.

On gagne en 1985 à Malines, ce qui a créé un choc en équipe de France. Rappelons que les JO de Los Angeles avaient été boycotté par les pays de l’Allemagne de l’Est, donc cette fois tout le monde était là pour en découdre. C’était une très belle performance, un malaise s’est instauré dans l’équipe.

Moi j’ai commencé à faire des aller-retours pour m’entraîner avec lui. Mais j’ai gardé de bon rapport avec les autres de l’équipe. Je passais ma vie à m’entraîner, naviguer.

Tu ne peux prévoir que le premier coup de pagaie, mais pas toujours non plus. Tu te dois de résoudre des imprévus sur ton parcours. Tu t’exprimes dans la situation présente, et parfois tu gagnes ne serait-ce que d’un seule seconde.

L’anatomie et la physiologie ça s’apprend, le plus dur c’est être là dans l’instant présent.

Je suis devenu ami avec François Bigrel qui a écrit La performance humaine, livre qui est ensuite devenu ma bible parce qu’il avait décrit ce que je ressentais. Ce qui nous unissait, c’était la musique de haut niveau. La pratiquer et chanter avec une maîtrise sur des chants de quatre à six voix ce sont des moments d’une intensité incroyable. Et une compétition de kayak, c’est comme une improvisation en musique : tu choisis une phrase parce que tu adores le compositeur, et toi tu vas travailler dur pour exprimer ce que tu es avec cette phrase là.

Pour moi le sport de haut niveau c’est pareil, tu joues ta vie. Tu y vas crescendo, il faut que tu sois lucide pour parfaitement contrôler tes coups de pagaie pour t’exprimer de la meilleure façon possible.

Il y a un rapport au temps qui va de l’olympiade à quelques centièmes ou millièmes de seconde. Il ne faut pas gêner ou subir l’autre, d’où l’intérêt de travailler sa synchronisation.

Aujourd’hui je suis concentré sur de la méditation, du yoga qui m’émeuvent avec une sensibilité incroyable que j’ai développé et ressenti dans ma carrière de kayak. C’est cet art de vivre dans l’instant présent et cette capacité d’être dans le présent et de vivre ces émotions qui sont très satisfaisant.

Les émotions sont un moteur extrêmement puissant. Avec Philippe, notre pédagogie c’était de descendre de bateau satisfait et d’avoir tenté des choses. Ensuite il faut savoir ce qu’on met en œuvre. Donc pas de jugement, prendre des risques, et ensuite savoir comment améliorer les choses.

Quand tu es champion du monde, au dernier coup de pagaie c’est terminé tu as le titre à vie. Et c’est là que commence une nouvelle aventure. On ne recommence pas, car les conditions ne sont pas les mêmes, tu te prépares pour une nouvelle compétition.

Et fort de cette puissance accumulée tu te mets moins la pression, tu fais le tri chez les gens, mais toi tu dois rester sur ton nouveau projet. Et ainsi recommencent les cycles et donc revient la notion de temps.

Les Secrets du Kayak : Tu as rapidement fait les championnats de France, est-ce que c’était courant à ton époque ?

Pascal Boucherit : Je ne partais pas de rien physiquement, je courais beaucoup. J’avais des capacités physiologiques importantes mais on était en cadet, on était très nombreux. La sélection était large.

C’était une gestion politique de l’époque. Sur les départs il y avait une trentaine de gamins. Certains avaient déjà un potentiel. D’autres arrêtaient du jour au lendemain et ce n’était pas perdu, comme moi.

Ça te construit un peu. Tu prends confiance en toi, ça guide. Avant de faire du kayak, je faisais beaucoup de course à pieds. Il y avait un parc pas très loin de chez mes parents, le tour faisait 5 km avec un profil varié. Je courais entre trois à cinq fois par semaine. Et dès que j’ai fait du kayak, j’ai accroché à la musculation.

M’entraîner fort à mon époque c’était du temps de l’INSEP, le matin course à pieds et musculation, et l’après midi bateau. Du lundi au samedi et repos le dimanche. On faisait de la force type puissance et force max en musculation, on le faisait quatre fois par semaine.

En bateau, chaque saison il fallait faire 4000km à 5000km de bateau. On faisait des sorties de 18km. L’hiver on faisait des sorties groupées jusqu’à huit personnes, donc il y avait de la prise de vague.

Il y a aussi des entraînements où tu peux être seul. Avec Philippe, on pagayait côte à côte et on s’imposait des cadences. Il fallait être dans la même cadence. Ça nous arrivait de naviguer tranquille aussi.

On pouvait faire des 3x40min avec 10min de repos. La culture de l’entraînement, ce sont des buts de maîtrise et de comparaison sociales. Je faisais le 10 000m pour me faire plaisir. Arrivait le mois de mars, il y avait un test de 9km, tu avais eu avant le test de Cooper. Après les tests de mars, on commençait les entraînements de fractionné.

Les Secrets du Kayak : Tu t’es entraîné avec les pays nordiques ?

Pascal Boucherit : On a une base exceptionnelle à Temple-sur-Lot. Très fréquentée par les polonais, les norvégiens, des gens que je peux revoir encore sur des marathons.

J’avais un petit groupe, on tournait pour faire 15 jours chez les uns et les autres ou parfois plus. Je me suis aussi beaucoup entraîné avec les américains, on pouvait être jusqu’à quinze nations en même temps.

Il n’y avait pas vraiment de différences d’entraînement, le plus dur était de se faire accepter dans les différents groupes. Les stages c’était vers novembre décembre, puis janvier. Le ski en février. Au moins de mars les équipes arrivaient à Temple-sur-Lot. On se faisait nos propres cérémonies d’ouverture à Temple-sur-Lot.

Aujourd’hui je ne navigue plus, j’ai fait plus de 45000 km de bateau, je n’ai plus beaucoup de disques vertébraux entre chaque lombaire. Il faut apprendre à vivre avec ça. Je vais avoir une semaine de douleurs pour 30min de navigation.

Aujourd’hui, je fais un peu de randonnée en montagne, un peu de vélo de route, je m’occupe de mon jardin, je fais du bricolage…

La médaille de 1984 aux JO, on y pensait bien. On sentait qu’on allait de mieux en mieux. Souvent en France, on est obnubilé par la comparaison sociale, parfois juste pour une demie seconde d’avance. Moi je préfère avoir une demi-seconde de retard mais avoir mes propres objectifs.

Ça me permet de me sentir progresser, même si j’ai aussi parfois des envies de mettre une branlée à tout le monde. Cette recherche de synchronisation va plus loin que le mouvement, c’est aussi être ensemble dans le même projet. C’est ce qui fait avancer plus vite le bateau.

On ne montait pas tous les jours en équipage. Un micro-cycle, c’est deux jours et demie. Là on faisait deux séances de bateau par semaine en équipage.

Entre 1985 et 1988, Philippe avait des heures de cours à rattraper, il n’avait pas d’aménagement de cours aux USA. Il a loupé des trimestres avec le kayak.

En 1986, je l’ai rejoint un mois avant les championnats du monde à Montréal. On s’entraînait avant et après ses cours. On a fait sixième, ça nous permettait de rester en élite.

En 1987, on fait une très belle saison. On avait fait des courses de folie. Ensuite c’était les JO de Séoul, j’ai été blessé à la clavicule, donc je ne me suis pas entraîné, je ne pouvais plus lever le bras, ça m’a mis une pression énorme.

Ça m’a gêné toute la préparation des Jeux. Ça a été une déception ces Jeux. Un sacré choc ! Et c’est complètement con comme histoire. La presse qui s’empare du sujet, les maladresses du président de l’époque et des malveillants.

J’ai progressé dans la connaissance de la nature humaine. Mais quand tu es bien dans la merde jusqu’au cou, il n’y a pas grand monde pour t’aider. Il y a ta femme, ta famille mais très peu de gens du bateau. Ça te fait grandir. Ça te démontre les intérêts, le pouvoir, les jeux politiques.

Philippe était loin de tout cela donc il a mieux vécu la chose. Moi, ce n’était pas pareil.

Sur le plan personnel, il a fallu que je n’y pense plus. Ça repassait toutes les 5 min dans ma tête. Il m’a fallu me faire entourer pour évacuer ça.

Je me suis présenté à l’AG du collège des sportifs de haut niveau, j’étais tout en haut de l’amphithéâtre qui était plein. Au moment de me présenter lorsque je suis descendu de l'amphithéâtre pour arriver à la tribune, il y avait un froid. J’avais préparé un texte avec les gens de l’institut de gestion. Au final je l’ai offert au DTN de l’époque, comme si je lui refilais toute la mouise que je vivais depuis que j'étais rentré de Séoul.

C’était du harcèlement incessant par téléphone, dans la rue. Tu n’es plus trop fréquentable. Ce sont des JO qui tournaient mal. Notre affaire est arrivée juste avant l’affaire Ben Johnson. Les médias étaient trop heureux d’avoir quelque chose d’extraordinaire qui se passe sur ces Jeux. Il y a eu des caricatures issues de propos qui ont été tenus.

C’est ainsi, ça m’a construit, il faut affronter. Pour être libre, je suis responsable avant tout. J’ai l’engagement et la responsabilité.

J’ai quitté Paris, j’ai acheté une maison en province, je retapais ma maison. Et j’ai continué à faire du bateau au premier janvier suivant. Ça n’a pas été simple, on nous en voulait. Des gens au sein de la fédération m’ont beaucoup aidé pour revenir, mais en 1989 on n’était pas performant.

En 1990, on ne fait pas le bateau ensemble, on a bien fait.

En 1991, on revenait très fort, et le déclic ça été les jeux méditerranéens où on s’est pris une grosse branlée. Philippe devenait papa. En 1991 aux championnats du monde de Paris, on fait deuxième, on nous disqualifie, et on gagne le 10000m.

En 1992, Philippe construit son cabinet, on est un peu moyen, on se fait sortir de l’accès à la finale. Mon métier m'intéressait énormément, souvent je préférais travailler plutôt que de m’entraîner. Et en 1992, j’ai rangé définitivement la pagaie. Je ne l’ai quasiment jamais ressorti.

Après ma carrière, Hervé Madoré voulait me faire intégrer la Fédération. Quatre ans après, il me le repropose avec l’arrivée de Kersten Neumann, j’étais très en phase avec ce qu’il proposait. Pierre Lubac m’a aussi bien décidé. J’ai donc été entraîneur national et au départ de Kersten, j’ai été nommé comme nouveau directeur des équipes de France. J’ai quitté la fonction trois ans après, j’ai privilégié ma vie de famille.

Cette aventure au sein de la fédération été plaisante. Je me suis rendu compte du pouvoir des clubs. J’ai de très bons souvenirs, et j’ai apprécié de collaborer avec de nombreux sportifs. On leur propose un cadre, mais souvent la réponse est hors du cadre. Il faut sortir des sentiers battus, prendre des risques. C’est ça la vraie méthode.

Mais les gens qui ne croyaient pas en nous gagnaient du terrain. On les sortait trop de leur zone de confort. Ma limite, c’était ma vie de famille. C’est pourquoi j’ai quitté le milieu. C’est Antoine Goetschy qui a repris, et c’est quelqu’un pour qui j’ai un profond respect et qui sait sortir des sentiers battus.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu penses que ces personnes envoyant des mauvaises ondes font que vous les anciens 1980-1988, êtes une génération très forte ? Ensuite c’est comme s’il y avait eu un trou.

Pascal Boucherit : On ne sait pas capitaliser. On ne sait pas construire cette puissance accumulée. Tu es toujours sur des buts de comparaison sociale et de maîtrise, donc tu restes secret et il y a des tensions qui se créent.

Ensuite la Fédération de kayak présente de multiples activités, non pas en concurrence les unes des autres, mais malgré tout auparavant qu’il y ait une équipe 100 % course en ligne c’était impossible, alors qu’une équipe 100 % eaux-vives existait.

Tout cela joue sur le fait qu’on ne prête pas attention à l’autre sauf quand le danger arrive et que certains prennent le pouvoir. Mais ce sont des jeux humains et je m’en moquais, je suis resté libre dans ma tête, j’ai juste perdu mon sourire après les JO de Séoul.

Je l’ai retrouvé en mettant fin à ma carrière de haut niveau. J’avais l’envie de vouloir transmettre, j’ai apporté des choses à certains sans doute pas à tous, et quand ça ne passe plus il faut savoir se retirer. Il y a eu de très belles choses de faites, rappelons le. On n’a pas brimé leur expression.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que sur ton parcours il y a des choses que tu ferais différemment avec le recul ?

Pascal Boucherit : Je pense que je ferais tout différemment. Je ne changerai rien ou tout, je le saurais quand ça m’arrivera dans une autre vie, physiquement je suis fatigué.

La partition sera dictée par la fédération internationale de canoë-kayak ou par les JO ou autre.

J’essayerai de m’adapter à la règle sportive pour que le jour J je puisse m’exprimer au mieux. C’est un état d’esprit, rester curieux, libre. Il faut que ce soit une joie, un sourire, passionné, respectueux, un peu obsessionnel, éviter l’hystérie et les jeux de pouvoir, et faire référence.

Si aujourd’hui tu m’appelles c’est que je fais référence, autorité dans le milieu. J’aime bien une phrase de Sylvain Curinier c’est « incantation ou incarnation ». Parfois tu tends vers l’incarnation.

Mais aujourd’hui, nous sommes dans l’incantation et cela dans tous les domaines, et c’est là que je me rends compte que je deviens un vieux con, ou un vieux sage. Des gens ont ce déclic, comme toi, mais chacun doit avoir l’art de vivre, du bonheur et incarner ce que l’on est.

Donc après la fédération je suis passé à la direction départementale des sports, et mon rôle était de faire de la politique publique. Je ne voulais pas me mêler au sport de haut niveau puisque cela n’a rien à voir avec le sport local.

Je n’avais pas les codes, donc je me suis lancé dans l’éducation populaire et la jeunesse. J’ai participé à la réforme sur les rythmes éducatifs pour permettre des activités périscolaires le soir. J’ai participé au développement des maisons de quartier, et à la prévention de la délinquance avec la mise en place de séjours pour les enfants, un peu de recherche-action.

Le but était d’accompagner les jeunes dans l’autonomie. Jusqu’au moment où j’en ai eu assez, et Philippe Graille m’a recruté à nouveau dans la fédération puisqu’il venait d’intégrer la direction, jusqu’au moment où je ne m’y suis plus retrouvé. C’était lourd et pesant à gérer. Ensuite François est arrivé et on a philosophé à ma demande sur le sens, le chaos, l’imprévisibilité, la performance humaine... Mais sans suivi d’effet.

J’aurai aimé que les gens adhérent un peu plus. Le sportif est le principal acteur de sa performance, l’entraîneur n’a qu’une vision partielle de ce que vit l’athlète. Il faut un rapport équilibré entre les deux. C’était difficilement imaginable.

Tu as des sportifs qui délèguent tout à l’entraîneur, qui ne veulent pas réfléchir, et tu en as d’autres qui refusent tout le système. Pour moi à Séoul, je n’ai pas fait la différence entre indépendance et interdépendance. Et sur fond de tension et de rancune, ça donne cette catastrophe.

Quand tu as de l’interdépendance, tu brides un peu le pouvoir du coach, même si je reconnais l’autorité de certains entraîneurs qui sont exceptionnels, mais tu as aussi des gens qui n’ont pas de consistance et qui sont dans le pouvoir, et qui sont là pour eux même.

Ton histoire ce n’est pas la leur, je demandais juste à faire un bout de chemin ensemble pour lequel nous étions d’accord. Dans la vie tu tentes et si ça ne va pas, tu changes, je n’ai jamais eu de problème à changer de poste. La preuve j’ai tellement changé que ça a été une galère pour constituer mes droits à la retraite.

En fait, l’entraîneur in fine n’est plus que la roue de secours de l’athlète. Il sait rester discret dans l’ombre et il n'intervient qu’à la demande du sportif pour l’aider. C’est la personne fiable sur laquelle on se repose, mais on ne la robotise pas.

Mais il y a aussi une guerre d’ego ! Chacun a une place et non pas a SA place ! C’est comme dans l’éducation populaire des quartiers qui a fortement subi l’effet du covid, les personnes ont des problèmes de projet de carrière et de reconnaissance tellement ils sont sous payés et sous considérés, et pourtant il y a pleins de gens qui essaient d’exister par tous moyens et c’est insupportable. Ce sont souvent des jeux dupes. Mais c’est l’être humain et les français que d’avoir un jeu de pouvoir et d’ego.

Donc voilà quel a été mon art de vivre. J’ai été sur des mandats de président, vice-président, trésorier, adjoint de mairie, aujourd’hui ma mission est faite. Je suis sur un nouveau cycle.

Le plaisir c’est d’écouter la Marseillaise sur le podium, atteindre son but à l’entraînement et se faire plaisir.

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