Interview : Valentin Henot

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Valentin Henot en février 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Valentin Henot : Ça va super, merci.

Les Secrets du Kayak : Tu es en Australie, n’est-ce pas ?

Valentin Henot : Oui, on a neuf heures de décalage horaire. Ma journée est finie, il me reste à faire un peu de sport.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu fais en Australie ?

Valentin Henot : A la base, j’étais venu pour faire du kayak et de la compétition. J'étais en camp d’entraînement pour quatre à cinq mois fin 2019. Et au final, je suis resté plus longtemps. Je travaille depuis deux ans en tant que coach de course en ligne.

Les Secrets du Kayak : En Australie les courses auxquelles tu participes sont des courses de surfski, de sauvetage ?

Valentin Henot : Non, de surf-ski de l'Ocean-Racing. C’est super développé. Il y a des clubs de partout. Il y a entre 300-600 participants par course. Ça ramène beaucoup de monde. C’est rare de se balader en ville et de ne pas voir des surfskis sur les toits de partout. C’est un sport très pratiqué.

Il n’y a pas vraiment de structure club. Il y en a, mais pour des gens qui viennent du sauvetage côtiers et qui à un moment se mettent au surf-ski. Sinon il y a une pratique fitness développée et ça passe par du coaching privé.

En terme de prix, il n’y a rien de réglementé. Tu peux payer entre 60 et 120€ en cours individuel pour une heure et demie. Et si tu veux faire des séances de groupe, ça va être entre 10 et 30€ pour le même temps. Les gens viennent entre 1 à 4 fois par semaine.

Les Secrets du Kayak : Les cours de surfski sont plus primés que les courses de sauvetage ? J’aurais pensé le contraire.

Valentin Henot : Ça a changé dans les derniers mois. Le sauvetage ne ramenait plus grand-chose. Il y a eu un nouveau sponsor qui est apparu et qui a mis de l’argent sur la table pour le sauvetage. Mais avant ça, c’était le surfski qui rapportait.

Les Secrets du Kayak : J’ai cru voir que les championnats du monde de surfski, cette année seraient en Australie ?

Valentin Henot : Oui, sur la côte Ouest. C’est là que se fait la course la plus réputée d’Australie. Il y a des vents à 70km/h. Ça souffle, c’est du gros vent. Les vagues sont super faciles et fun à surfer, ça va vite. Il n’y a pas de houle, que des vagues de vent. C’est rapide, mais dès que le vent se casse la figure les vagues aussi. C’est comparable aux conditions en Méditerranée.

Les Secrets du Kayak : Comment tu en es venu à faire du surfski ?

Valentin Henot : J’ai commencé le kayak à 11 ans en club. On faisait un peu de toutes les pratiques en kayak. Mais ce qui me plaisait c’était la descente, j’en ai fait jusqu’à mes 18 ans. Je faisais des championnats de France de fond, de marathon, de slalom. J’ai été en pôle espoir à Rennes en descente pour la dernière année de junior. J’ai du commencer le surfski vers 16-17 ans, mais j’en faisais rarement, que quand j’avais le temps. Championnat de France junior 2, j’en avais marre de traverser la France toutes les semaines pour faire des courses sur du plat. Donc je me suis consacré au surfski.

Les Secrets du Kayak : Tu estimes que la descente, c’est du plat ?

Valentin Henot : A l’époque où j’en faisais, peu de courses se faisaient sur des bassins intéressants. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté. Je n’ai jamais franchement percé en descente, j’étais aux portes de l’équipe de France, mais je n’ai rien fait pour l’intégrer et percer en descente. C’était super frustrant. Mais avec le recul aujourd’hui, je sais exactement pourquoi ça n’a pas marché. Je ne me suis jamais vraiment assez entraîné. Je ne m’entraînais qu’une ou deux fois par semaine avant d’intégrer le pôle. Et au sein du pôle, les entraînements ne m’ont pas convenu. J’étais à un moment de ma vie où je voulais me la coller à l’entraînement. Donc ça n’a pas marché pour moi. Ça a été une année où j’ai beaucoup appris, mais où je n’ai pas eu les résultats espérés.

Les Secrets du Kayak : Comment tu découvres le surfski ? Comment tu t’y mets vraiment ?

Valentin Henot : Je suis Breton, du Finistère. Mon club avait acheté un surfski. J’ai été invité à un stage de surfski avec Stéphane Roulotte, un grand nom de l’époque. A la fin du stage, j’ai été pris de passion pour ce sport, et de m’y consacrer.

C’était à la fin du Lycée, je me suis fait virer du pôle parce que je n’avais pas intégré l’équipe de France. Je suis allé à Brest pour faire du surfski. J’ai fait mon premier semestre de Fac à Brest, et j’avais un bon copain avec qui je m’entraînais tous les jours en surfski.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as progressé en surfski ?

Valentin Henot : J’ai commencé à aller de plus en plus vite sur l’eau, à être de plus en plus à l’aise dans les vagues. Je progressais parce que j’allais plus vite tout simplement. A la fin de mon premier semestre, j’ai compris que pour être compétitif à l’international il fallait je fasse cinq ans de plus, donc je suis parti vivre trois ans en Afrique du Sud.

Tout s’est fait en trois semaines. J’ai trouvé un appart, un groupe d’entraînement. J’avais déjà rencontré un Sud-Africain en Bretagne, je l’ai contacté savoir si je pouvais m’entraîner avec eux. Je savais que les conditions seraient super. J’ai vécu sur mes économies et mes parents qui m’ont aidé. Par la suite j’ai monté un petit business pour faire des crêpes, succès assurés pour un breton.

Je me suis entraîné avec des grands noms Sud-Africains. C’était un groupe de 60 personnes. Le premier mois, je me prenais des branlées sur branlées. Il m’a fallu trois mois pour arriver au niveau. J’ai eu une progression exponentielle.

Les Secrets du Kayak : Comment vous vous entraîniez là-bas ?

Valentin Henot : Les Sud-Africains s’entraînent en course en ligne le matin à 5h30. Aucun retard toléré. On faisait entre 12-17 km. L’après-midi, en mer on faisait plus de la technique. Ils s’entraînent tout le temps au dessus du seuil. Toujours à fond le matin. L’objectif c’était de gagner la séance. On s’entraînait vraiment tous les jours, plusieurs fois par jour pendant cinq jours.

Les Secrets du Kayak : Faire ce rythme là pendant trois ans, tu as du fortement progresser ?

Valentin Henot : C’était particulier, je ne pouvais pas faire des séjours de plus de cinq mois avec le visa. Je passais entre trois et cinq mois en Afrique du Sud, et je revenais pour quelques mois en France. Je marche vraiment à la confrontation. J’avais un environnement et un entourage super en Afrique du Sud, et chaque fois que je revenais en France j’arrêtais de ramer et mon niveau régressait. Je n’étais motivé que là-bas. Je n’ai jamais performé que là-bas.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais des compétitions en Afrique du Sud ?

Valentin Henot : Il y avait des compétitions tous les vendredi et tous les samedi de chaque semaine et une parfois le mardi avec chacune leur spécificité. Ils font la course tout le temps.

Les Secrets du Kayak : Les gars de ton groupe travaillaient à côté ?

Valentin Henot : Il y avait pas mal d’étudiants qui s’entraînaient le matin et le soir, pas mal d’athlètes pro aussi. Ensuite des travailleurs normaux qui s’entraînaient le matin, qui travaillaient et qui revenaient s’entraîner le soir après le travail.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que ton aventure en Afrique du Sud s’arrête ?

Valentin Henot : Un jour en France, j’ai retrouvé mon grand frère Alexandre, on a acheté un voilier et on a décidé de faire le tour de l’Atlantique en bateau, sur un coup de tête on a voyagé ensemble pendant deux ans. On a juste fait un break pour me permettre de faire les championnats du monde à Tahiti. Je n’étais pas au niveau, j’ai fini sixième.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi le tour en voilier s’arrête ? Qu’est-ce que tu fais ensuite ?

Valentin Henot : On avait décidé un parcours, on s’est tenu au programme. C’était une aventure de ouf. Mon frère avait des engagements. Moi j’ai refait du kayak on a refait notre petite vie en France. En revenant du voilier, j’avais cinq mois pour préparer les championnats du monde à Hongkong. J’ai suivi mon plan d’entraînement sérieusement, je me suis entraîné avec mon frangin Hector, j’allais de temps en temps à Rennes au pôle. Je finis troisième, objectif atteint.

Ensuite je suis allé à Bali pour surfer, et je me suis cassé le dos. J’ai eu une fissure sur une vertèbre et un tassement vertébral. Donc pas de sport pendant huit mois. J’ai trouvé une copine pendant ce temps. J’ai beaucoup coaché pendant cette période, et j’ai voyagé pour ça. Je me suis mis à faire de la permaculture, je trouvais des trucs pour m’occuper.

Les Secrets du Kayak : Tu pars quand en Australie ?

Valentin Henot : J’ai passé deux ans en France où j’ai voyagé pour faire des courses et m’entraîner. J’ai surtout ramé avec Nelo, je bénéficiais de leur soutien pour faire des compétitions. Ça m’a permis de pousser un peu plus les différents horizons. Je me suis mis au stand-up paddle, avec quelques courses professionnelles. C’est fin 2018, début 2019 que je suis parti en Australie.

Les Secrets du Kayak : En dehors des stages tu t’entraînais tout seul ? Tu as réussi en France à construire un noyau dur de partenaires d’entraînement ?

Valentin Henot : Non pas du tout. Je n’ai jamais trouvé de groupe d’entraînement, donc ramer en France ça a toujours été frustrant pour moi. Je me suis entraîné tout seul et je déteste ça. Il n’existe pas de spot pour du surfski en France donc il n’y a pas de groupe d’entraînement avec une densité de rameur. C’est compliqué en France, tout le monde est éparpillé. Cet isolement ne permet pas de performer. Ceux qui y parviennent ont beaucoup de mérite.

Les Secrets du Kayak : Quand tu décides de partir en Australie, c’était plus pour rejoindre un groupe d’entraînement ?

Valentin Henot : C’était plus par envie de voyage et de changement. Je voulais de la plage, de l’eau chaude et un bon groupe d’entraînement. Pour moi c’était l’endroit idéal. Je pars pour cinq mois en camps d’entraînement. J’étais lassé de la France. Je voulais me donner les moyens de m’entraîner sur le moyen-long terme.

Je voulais rejoindre des grands noms, mais ça a été la désillusion parce qu’en arrivant là-bas ; je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait pas du tout comme en Afrique du Sud. Tout le monde faisait sa vie de son côté. Je n’arrivais pas à m’entraîner avec les locaux. J’ai eu de la chance, un gars m’a pris sous son aile pour rejoindre son groupe d’entraînement. Un gars qui faisait des Ironman qui s’est converti au surfski. Le pire qu’il ait fait dans sa carrière c’est la troisième place à l’international.

Les Secrets du Kayak : Ça a été payant de rejoindre son groupe ?

Valentin Henot : Non, les groupes payant en Australie c’est dans le fitness. Avec Jérémie, c’était un groupe de potes. On s’entraînait tous les matins, un coup kayak, un coup course à pied, kayak... Les aprèms je m’entraînais tout seul, c’était moins intensif que l’Afrique du Sud. J’ai eu du mal à m’adapter au changement de rythme.

Par contre les séances, c’était aussi à la mort au bout de 20 minutes. Tu vas aussi vite que tu peux pendant aussi longtemps que tu peux. Les gars étaient forts, c’était des gars qui savaient vraiment ramer en mer.

Les Secrets du Kayak : Tu travailles à cette période ou tu fais des petits boulots ?

Valentin Henot : Je faisais que des petits boulots, un peu de charpente, de carrelage... je n’étais pas stressé d’un point de vue financier. J’ai vécu dans mon Van pas mal de temps. Il me fallait juste de l’essence et de quoi manger. Si je travaillais, c’est parce que j’en avais le temps et non pas par pression financière.

Les Secrets du Kayak : Tu n’avais pas de visa permanent ? Tu faisais des aller-retour vacances ?

Valentin Henot : Non, j’avais un visa vacance-travail de un an. Je pouvais donc travailler et rester autant de temps que je voulais pendant un an. Dix jours avant que mon visa expire, la fédération de course en ligne australienne m’a proposé un job. Ils se sont occupé de mon visa, j’ai eu un visa de travail. Ils cherchaient un assistant.

Je me suis retrouvé coach du jour au lendemain. Je m’occupais des athlètes en transition de surf-club pour la course en ligne. J’allais dans les collèges et lycées pour faire chasseur de tête. Je faisais une sélection à la fin pour détecter les athlètes que ce soit pour du sauvetage, de la piscine... il fallait qu’en six mois ils intègrent le groupe monté par la fédération.

On leur faisait passer des tractions, des tractions inclinées, des bips tests, des abdos-planche, et on les mettait sur un kayak voir à quoi ils ressemblaient. On regarde la longueur des bras, du buste, des jambes… En ce moment, on regarde par scanner le type de fibres pour voir si les athlètes sont performants pour le kayak. On va loin dans la détection, mais on travaille avec deux universités qui nous aident pour ça.

Les Secrets du Kayak : En ce moment, tu peux aussi faire analyser ton ADN pour connaître tes prédispositions, les maladies que tu pourrais développer… ça a l’air poussé. Mais après tu es répertorié. Ça peut aussi être une piste. Aujourd’hui tu es toujours détecteur de champions ?

Valentin Henot : Non, aujourd’hui je suis head-coach, je m’occupe de tous les athlètes catégorisés, dans un état qui fait quatre fois la taille de la France. Je suis aussi entraîneur de l’équipe nationale féminine junior. Je les suis sur l’international. Mes athlètes font tous types d’activité. Moi je ne gère que la partie course en ligne. Ce sont des athlètes complets, performants dans beaucoup de disciplines. Pas qu’en kayak.

Les Secrets du Kayak : Tu leur fais le planning entraînement, il y a des rassemblements nationaux réguliers ? Tu les vois à quelle fréquence ?

Valentin Henot : Moi je fais la planification globale. Je les ai 75% du temps. Le kayak est leur sport principal. Elles font entre 13-16 séances par semaine. J’essaye de les avoir 10 fois par semaine. Je suis sur un pôle et je le gère. Je les ai toute l’année. Je peux les préparer tout au fil de la saison.

Les Secrets du Kayak : Quelle est ta philosophie d’entraînement ? Est-elle Sud-Africaine ?

Valentin Henot : Non pas du tout, elle marche très bien pour les sports à dominante aérobie. Mais pour du kayak de course en ligne, pour du 500m, ça ne permet pas de performer internationalement. Je suis sur un système d’entraînement polarisé. Beaucoup de séances basse intensité pour travailler la technique, et quelques-unes ou on va monter. Soit on travaille en pourcentage de VO2max, soit on travaille en zone, ou en terme physiologique, ça dépend des coachs. Moi j’aime les zones physiologiques.

Les Secrets du Kayak : C’est quoi la bonne technique, comment je fais pour avoir la technique du champion olympique ?

Valentin Henot : La technique se travaille à une vitesse super faible, moi j’aime beaucoup les éducatifs. Il faut des muscles puissants, avec une ceinture abdominale super tonique. Donc il y a des séances en dehors du bateau pour travailler le gainage, et trois séances de musculation, on part sur des séries de 10 reps, pour aller sur des séries de 3 reps. Ça ne dépasse pas une heure de séance en musculation.

Les Secrets du Kayak : Vous faites de l’iso-inertiel ? Plus tu tires, plus il y a de la résistance sur la phase négative. Et au démarrage du mouvement ça devient super dur. Est-ce qu’ils font des choses comme cela pour travailler leur montée en force ? Ça se fait beaucoup en Espagne.

Valentin Henot : Non pas à aujourd’hui. Ça peut être intéressant.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu continues à t’entraîner à fond ?

Valentin Henot : Question piège, c’est compliqué depuis que je suis passé sur mon nouveau poste. Maintenant quand j’arrive à me libérer du temps, je m’entraîne tout seul. Pour préparer les mondiaux j’étais tout seul, deux fois par semaine j’arrivais à avoir un groupe. Il m’a fallu du mental pour continuer. Je ne recommanderais à personne d’être coach si on veut rester dans la course.

Les Secrets du Kayak : Nelo a commencé à te sponsoriser pour les bateaux ? Comment ils en sont venus à te sponsoriser ?

Valentin Henot : Ça a commencé en 2017, en me proposant de m’intégrer dans la team après ma troisième place aux championnats du monde à Hongkong. Avant, j’étais sur un bateau français Ocréa. C’est un bateau clairement différent avec ses avantages et ses inconvénients. Ça reste un bateau course. Il est vraiment performant, j’en suis content. J’ai la version de 2018. Perdre deux kilos sur un bateau, tu sens vraiment la différence en mer. Sur le plat c’est plus confortable mais tu ne vois pas vraiment de différence.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que si des gens sont intéressés de venir s’entraîner en Australie, c’est possible en te contactant ? Ou bien le pôle est réglementé et il n’y a pas d’accès ?

Valentin Henot : C’est moi le boss, donc je décide de qui peut s’entraîner avec moi ou pas. J’ai des athlètes qui m’ont contacté et que j’ai accueillis, de tous pays. Ils n’ont pas accès à tout ce qui est structure. Mais les séances sur l’eau pas de soucis. Plus on a de gens différents, plus on progresse. Le kayak est un sport social, le groupe ça aide.

Vous pouvez retrouver Valentin Henot sur son compte Instagram.

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