Interview : Margot Maillet

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Margot Maillet en juillet 2022.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Margot Maillet : Ça va Rudy.

Les Secrets du Kayak : Tu rentres d’un footing un peu long, est-ce que c’est une habitude pour toi de courir ?

Margot Maillet : J’essaie de reprendre le footing à jeun le matin, c’est plus facile. En général, je cours davantage l’hiver. Cette année a été un peu exceptionnelle. L’entraîneur fédéral souhaitait qu’on fasse davantage de natation, de vélo, au détriment de la course à pieds. De plus, je me suis fait une entorse à la cheville en décembre. J’ai dû réduire la course à pieds quelques mois.

Les Secrets du Kayak : Les autres années, tu avais une saison course à pieds l’hiver bien structurée ?

Margot Maillet : Oui deux à trois footing et une VMA course à pieds par semaine. Ensuite il y a le ski de fond sous forme de stages. Le bateau est bien réduit l’hiver. On axe plus sur la PPG.

Les Secrets du Kayak : Vous faîtes des tests en course à pieds pour juger de l’efficacité de tout ce travail sur piste ?

Margot Maillet : Ça arrive d’en faire, sauf que je fais de l’asthme à l’effort. Ces dernières années, j’ai eu du mal à finir un 5000m avec l’intensité de l’effort mais j’essaie d’en faire.

Les Secrets du Kayak : Comment tu as découvert le kayak ?

Margot Maillet : Vers 10 ans, j’ai fait six mois de kayak en primaire dans un petit club à côté d’Auxerre. Je me suis retournée avec le moniteur dans un barrage, ça m’a un peu traumatisé de faire de l’eau-vive dès la première séance. Je n’ai pas trop accroché avec la fraîcheur de l’hiver en bateau plastique. J’y suis retournée par hasard grâce à des amis au lycée de la section sportive.

Auparavant, je faisais de l’escalade. C’est une amie, la sœur d’un jeune kayakiste, qui m’a motivée. Ils m’ont recruté pour faire un K4.

Les Secrets du Kayak : Tu avais fait d’autres sports ?

Margot Maillet : Oui, quatre ans de judo, un peu de danse pour la mode, de l’acrosport au lycée, et beaucoup de violon. J’étais très loisirs, donc je n’allais pas plus loin que les compétitions départementales et inter-départementales.

En escalade, je n’ai pas trop fait de compétitions, ça se faisait en voie, ce n’était pas mon fort. Je grimpais du 6b en tête. En bloc, j’allais chercher du 6C. J’ai arrêté l’escalade quand le mur de bloc à été détruit car pas aux normes.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe tes débuts en K4, tu tiens dès le début dans le bateau ?

Margot Maillet : J’étais déjà en 4ème position donc censée tenir le K4. J’ai dû faire deux ou trois mois de bateau avant de faire les championnats de France en K4. J’ai fait avant dernière, donc j’étais contente. J’étais avec des filles qui tenaient. C’était un bateau large et stable. Dès ce moment, je me suis entraînée pour ne pas être le boulet du groupe.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu as été motivée pour continuer le kayak ?

Margot Maillet : C’est l’équipage, c’est eux qui m’ont motivé. C’était le fait de faire quelque chose qui pouvait se faire individuellement mais aussi en équipe. J’avais 18 ans.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe les débuts, quand tu commences à 18 ans ?

Margot Maillet : Je rentre à la Fac quand je commence, donc jusque en L2 je m’entraînais le week-end et sur les stages vacances. Dès la L3, je me suis entraînée quotidiennement avec mon coloc, qui était canoë homme, je prenais sa vague.

Les Secrets du Kayak : Au début, tu avais des objectifs de compétitions ?

Margot Maillet : Pendant longtemps, le but était de progresser le plus possible. Voir jusqu’où je pouvais aller en commençant tard. L’avantage du club d’Auxerre, c’est qu’il y a des séances fréquentes avec des jeunes de tous niveaux. Donc tout le monde progresse vite. Il y a toujours quelqu’un pour s’entraîner.

Mes objectifs personnels, je les fixais de façon à ne plus faire dernière, puis progresser dans le classement régional, de l’inter-région. Essayer de battre les filles de mon club. Intégrer les finales A sur les inter-régions. Se sélectionner aux championnats de France. M’évaluer sur les piges, j’avais fait dernière à 11s derrière l’avant dernière.

Les Secrets du Kayak : J’ai l’impression que tu as mis pas mal de temps à progresser ?

Margot Maillet : Comme j’étais à la fac j’ai du passer mon concours de prof, ça demande du travail. J’ai commencé à m’entraîner tous les jours en L3. Le concours c’était l’année suivante, puis j’ai rediminuer en M1 après le concours pour retomber à une ou deux séances le week-end et quelques fois pendant les vacances.

Puis l’année de ma titularisation, je me suis dit que ça serait plus cool, j’avais un mi-temps prof et un mi-temps à la fac avec un salaire. Mais en fait les premiers cours devant les classes demandent tellement de concentration et d’investissement que ça m’a vite épuisé. Donc, j’ai repris qu’à ma première année de prof.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu faisais quand même d’autres activités sportives en parallèle ?

Margot Maillet : En hiver, je faisais un peu plus de course à pieds. Je n’ai jamais arrêté l’un ou l’autre.

Les Secrets du Kayak : A partir de quand as-tu pu envisager intégrer l’équipe de France ?

Margot Maillet : Je ne l’ai pas envisagé, je voulais me rapprocher des meilleures. J’étais 7-8 ème en moins de 23 ans, et 7-8 ème française. Il me fallait me rapprocher des meilleures. J’ai forcé les entraînements, j’ai stagné sur deux ans. J’avais sans doute besoin de renouveau. Je n’avais pas de confrontation pour m’entraîner.

Est arrivé ensuite le confinement. J’en ai profité pour m’entraîner en musculation, avec une machine à pagayer. J’ai essayé de me faire mes plans, de le faire à l’envie. Tout ce qui était aérobie je le faisais en PPG en course à pieds. Je n’avais rien d’autre à faire, et j’ai fait ma première sélection en 2020.

J’ai fait beaucoup de médailles en équipage bien avant, mais au niveau individuel c’est compliqué, les résultats sont tout récents. Il m’aura fallu passer en temps partiel pour le travail, partir en stages avec les meilleures françaises, changer mon environnement. J’ai profité de la richesse de mes partenaires d’entraînement et d’autres entraîneurs avec d’autres visions, d’autres mots, souvent pour faire travailler les mêmes choses. Tout cela m’a permis de passer un cap.

Les Secrets du Kayak : Tu te souviens des retours différents que tu as eu de Fred ?

Margot Maillet : J’ai aimé qu’il me fasse prendre le recul nécessaire afin de reprendre le pagayage dans son ensemble. Comment faire avancer le bateau dans toute sa globalité.

Les Secrets du Kayak : C’est dès la professionnalisation de l’entraînement avec le confinement que tu as véritablement explosé ?

Margot Maillet : Je n’irais pas jusqu’à dire ça mais oui, j’ai dû gagner quatre secondes. C’est le moment charnière où j’ai progressé à nouveau pour gagner un nouveau niveau.

Les Secrets du Kayak : Tu faisais tes propres plans ?

Margot Maillet : J’ai fait mes plans que sur la période du confinement, l’entraînement au club restait délicat tout de même ensuite. Du coup je me suis entraînée avec Cyrille, il a voulu essayer une tente hypoxie, donc on en a une à la maison. J’ai demandé à Philippe Colin les plans pour en faire. Cette année là, j’ai mis en place beaucoup de moyens pour performer.

Les Secrets du Kayak : En 2020, tu es sélectionnée en équipe de France, ça te paraissait possible à tes débuts ?

Margot Maillet : Non, c’était une surprise. On est prise, je suis censée faire le K2 avec Claire Bren. Ils ont pris neuf filles pour faire deux K4. J’étais la neuvième. Comme Sarah Guyot était blessée, je me suis retrouvée à la remplacer dans le K4 numéro 1. J’ai été projetée dans le grand bain avec toute la pression qui va avec. Ça allait beaucoup plus vite que ce que je connaissais en terme de vitesse, au lieu d’être en quatrième position, j’étais en deux. La coordination sur une cadence aussi élevée n’a pas été simple à gérer, c’est un travail de tous les instants. Et, on fait médaille d’argent pour ma première compétition internationale.

Les Secrets du Kayak : Comment se passe la suite ?

Margot Maillet : Je demande un temps partiel à mes frais pour le travail. J’ai écrit à la rectrice pour connaître les aménagements possibles pour moi partir en stage, et comment ça se prenait en charge. On m’a tout accordé sauf d'être rémunérée pendant les stages. Dès lors que j’étais sur les listes ça a été plus simple, mais je reste toujours temps partiel à mes frais puisque ce n’est qu’à partir de senior que l’on accède aux listes haut niveau.

En 2021, c’est Fred qui me faisait mes plans avec un gros cycle musculation, et c’est Audric qui m’a fait progresser. Cette année là, je ne me suis jamais aussi bien sentie en forme, j’allais mieux en course à pieds, en musculation et en bateau. Et pourtant à quatre semaines des piges je me fais une fracture de fatigue à la côte. J’ai dû abandonner l’équipage aux opens au moment de la finale. On a adapté les entraînements et je me suis refais mal juste avant les piges au moment de reprendre l'entraînement des départs arrêtés. C’était dur à encaisser, c’était l’année des JO.

J’ai quand même voulu faire les piges pour viser les championnats du monde. Je fais troisième sur le 500m. Donc j’enchaîne puisque je me sélectionne pour les TQO (Tournoi de qualification olympique). Et contre toute attente, j’ai fait les meilleurs chronos de ma vie malgré cette blessure. Je fais deux fois cinquième en demi-finale.

Les Secrets du Kayak : On dit souvent que quand on commence tard le kayak, on a du mal à démarrer. Tu indiques avoir du mal à démarrer mais tu exploses également en course ?

Margot Maillet : Moi, j’ai du mal à sortir du sabot. Je n’ai pas un gros temps de réaction. Je pense que c’est parce que j’ai démarré tard. En revanche, la phase d’accélération j’ai une bonne pêche et je suis capable de revenir au contact des autres, mais ça peut engager de l’énergie qui peut me pénaliser. Le temps de réaction se travaille entre 6-9 ans. Donc compliqué d’évoluer sur ça, en revanche je peux évoluer sur le placement et l’aisance.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce qui fait que tu ne tiens pas les derniers mètres sur le 500m ?

Margot Maillet : Je pense qu’on a beaucoup travaillé le 200m et le 400m pour les équipages, on a travaillé sur du court donc ça peut l’expliquer. Moi, j’ai tendance à revenir sur la fin du 500m.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu mets en place autour de ton entraînement ?

Margot Maillet : Je vais souvent deux fois par semaine au kiné mais en ce moment une fois. Comme Cyrille mange sans gluten, je mange aussi souvent sans gluten. Je varie mon alimentation. Je me calque un peu sur les filles du K4. Cette année après la déception des piges, je me suis davantage faite plaisir, et j’ai mis en place moins de contraintes par rapport à d’habitude. J’ai un peu tout testé. J’aime beaucoup manger donc c’est un peu difficile.

J’ai commencé cette année la préparation mentale, ça m’a bien apporté pour les piges, pour gérer des moments de panique et se centrer sur la course qui arrivait.

Les Secrets du Kayak : Comment se sont passés les championnats du monde pour toi l’année dernière en K2 ?

Margot Maillet : C’était ma première expérience en championnat du monde. Ce qui était dommage, c’est qu’on ne nous a pas informé de suite qu’on était sélectionnées aux championnats du monde. On ne l’a su que cinq semaines avant. Je m’étais préparée tout l’été à la possibilité d’y aller. Je me suis fais mon programme, je me suis beaucoup entraînée mais pas avec des séances d’intensité.

Ça va qu’on se connaît bien avec Claire, on a continué à progresser sur chaque course. Mais c’était frustrant, peut être que si on avait pu s’entraîner plus tôt à deux on aurait pu atteindre la finale. Là on a fait deuxième de la finale B. C’est une belle expérience, j’ai rarement été capable de me donner autant du début à la fin.

Les Secrets du Kayak : Tout l’hiver 2022, tu t’es entraînée pour les piges ?

Margot Maillet : Oui, puisque j’ai eu de ce fait accès aux listes ministérielles de haut niveau senior et au collectif France, ce qui me permettait d’aller aux stages équipe de France. C’était tout nouveau pour moi, il y avait de l’émulation. On était peu nombreuses cette fois là jusqu’à la reprise bateau.

Pour les piges, j’ai été malade juste avant les championnats de France de fond. Je les fais avec l’angoisse de me fatiguer, mais ça se passe très bien, je gagne.

Je guérie et juste derrière j’attrape un rotavirus, j’ai été au fond du lit pendant quatre jours. J’ai perdu beaucoup de poids, mais aussi beaucoup de force. Je me suis réhydratée comme je le pouvais. Les forces sont revenues et la veille du 500m, j’étais capable de faire la course. J’ai réussi à m’exprimer sur mes courses, mais c’était insuffisant. Je n’ai pas été prise. Ça a été dur. Je n’avais plus accès aux stages, ni aux compétitions.

Trois semaines après ça, il y avait les coupes du monde, moment clé pour savoir si on se sélectionnait aux championnats d’Europe. J’avais un peu d’espoir qu’on nous prenne quand même, mais non. Il a fallu digérer ça et se projeter à nouveau sur les championnats de France. Ça m’a permis de me recentrer. Me retrouver seule ne m’a pas desservie.

Les Secrets du Kayak : Pour performer, tu as demandé cette fois une année de détachement ?

Margot Maillet : Oui, avant que j’apprenne que je n’étais pas en équipe. La liste senior me permettait de le demander. J’ai hésité à demander le temps complet pour ne pas perdre mon poste. Mais je l’ai fait quand même afin de préparer les quotas olympiques.

Les Secrets du Kayak : Quels sont tes objectifs aujourd’hui ?

Margot Maillet : Entrer dans un K4, décrocher un quota, et obtenir la meilleure place possible en championnat du monde l’année prochaine.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que de ce fait pour toi faire les JO est l’aboutissement final ?

Margot Maillet : L’aboutissement final est de faire les JO de Paris 2024 et y performer. J’ai connu les sensations en K4 que d’aller sur un podium, c’est l’équipage qui m’anime, ce sont les Jeux à la maison. Ça donne envie de faire de belles choses. Il y a des nations qui se détachent beaucoup donc ça va demander du travail, d’être soudée, et d’avoir tous l’envie du même projet.

Les Secrets du Kayak : Moi je vois que sur l’eau tu as un sacré mental. D’où tiens-tu cette rage en toi ?

Margot Maillet : Je dirais que c’est familial. Ça a toujours été la compétition avec mon frère. Peu importe ce qu’on faisait. Je pense que je tiens cela de lui.

Les Secrets du Kayak : Souvent, j’entends parler du rapport poids-puissance. Tu trouves que tu manques d’un peu de force en musculation ?

Margot Maillet : Je manque de force endurance en réalité notamment au delà des séries de 15-20 reps sur des séries de 40 à 70 reps. J’ai du mal à enchaîner. Alors que je suis profil aérobie. Je pense que c’est une question d’habitude, les filles en ont fait beaucoup en années jeunes, je pense avoir du retard.

Les Secrets du Kayak : Tu souhaites devenir entraîneur plus tard ?

Margot Maillet : Oui ça me plaît, j’y retrouve cette envie de faire progresser les autres, comme en prof d’EPS. Ça me donne envie d’approfondir dans mon sport. Pour le moment je n’ai pas les diplômes pour. J’envisage pour 2024 de le devenir.

Les Secrets du Kayak : Tu vas avoir 30 ans, est-ce que tu te vois continuer après le Jeux ?

Margot Maillet : En 2020, je ne m’y attendais pas à la sélection équipe de France. C’était me voir stagner qui me gênait, et ne plus avoir de gros équipage club qui me démotivait. Me voir progresser à nouveau m’anime.

Les Secrets du Kayak : Qu’est-ce que tu vas mettre dans ton plan d’entraînement ?

Margot Maillet : J’ai envie de plus m'écouter et faire ce que je pense être bien pour moi. J’ai essayé cette année de suivre les planifications proposées. Je vais essayer de trouver un juste milieu en m’entraînant avec les filles sur les séances dures et faire mes plans pour que ce soit complémentaire.

Les Secrets du Kayak : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Margot Maillet : De continuer cette progression, de me découvrir un super mental de course, et pas que d’entraînement. J’apprends à m’adapter sur des bassins durs. Oser lâcher les chevaux le jour J. Trouver le juste milieu pour m’adapter et forcer.

Les prochaines échéances seront les prochains opens.

Vous pouvez retrouver Margot Maillet sur son compte Instagram.

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